La procédure contradictoire devant le Conseil Constitutionnel

LA PROCÉDURE CONTRADICTOIRE DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le respect du contradictoire devrait être respecté dans la phase d’instruction. Mais cette phase d’instruction est, devant le Conseil Constitutionnel, une phase secrète car dans les autres contentieux, l’instruction est réservée au juge et aux parties.

La notion de partie est beaucoup plus délicate à envisager dans le contentieux constitutionnel.

Devant le Conseil Constitutionnel, il y a un rapporteur (comme devant le Juge Administratif). Donc, certains éléments du contradictoire doivent être respectés.

Le Conseil Constitutionnel a un délai pour statuer(ce qui arrive parfois devant le Juge Administratif quand procédure d’urgence).

Pourquoi la procédure devant le Conseil Constitutionnel ne serait pas contradictoire ?

Principe du contradictoire= procédure dans laquelle l’argumentation d’une partie est connue de l’autre partie et susceptible d’être discuté. Aussi, aucun acte ne doit être connu que du seul juge. Ça suppose un juge impartial, un procès équitable et un tribunal statuant publiquement.

Même si l’article 6§1 n’est pas applicable ne s’applique pas au contrôle de constitutionnalité, est-ce que les principes du contradictoire s’imposent au contrôle de constitutionnalité.

  • 1- Les raisons pour lesquelles la procédure devant le Conseil Constitutionnel ne peut pas être contradictoire

En doctrine, quand on évoque cette question, le constat est négatif. On en conclu que le Conseil Constitutionnel ne peuvent en aucun cas être une juridiction.

  1. Carcassonne parle de boîte noire. Une saisine, une décision… et entre les 2, on ne sait pas !

On parle de contestable procédure devant le Conseil Constitutionnel.

Des raisons politiques et juridiques qui font que ça ne peut pas être une procédure contradictoire.

A – les raisons politiques

Il ne peut pas y avoir de procédure contradictoire parce qu’il n’y a pas de procédure.

Les raisons : le Conseil Constitutionnel n’a jamais été considéré comme une juridiction.

Les membres du Conseil Constitutionnel, quand ils parlent de l’organe dont ils sont membres se considèrent membre d’une institution. Ils utilisent très rarement le mot de « juridiction ».

Ils sont conscients d’appartenir à une institution nouvelle qui a été faite contre l’histoire constitutionnelle nouvelle.

Le Conseil Constitutionnel a affirmé de manière constante (pour la 1ère fois dans Conseil Constitutionnel,janvier 1975, IVG), qu’il ne disposait pas d’un pouvoir générale d’appréciation et de décision identique à celui du parlement.

Donc, le Conseil Constitutionnel ne se veut pas une 3e chambre du parlement… même s’il est parfois utilisé d’une telle manière.

Parmi les raisons politiques : tout ce qui a trait aux conditions de nomination des membres du Conseil Constitutionnel. C’est une institution politique.

Il y a tout un contexte politique qui empêche de voir le Conseil Constitutionnel comme une juridiction.

Les participants au débat contradictoire se sont dérobés. Ils n’ont pas voulu participer à ce débat. En dehors de l’article 54, le participant potentiel est le parlement. Il a refusé à plusieurs reprises de le faire.

En 1986, Badinter avait proposé aux 2 assemblées que les rapporteurs des 2 assemblées des commissions qui ont été saisies au fond expliquent devant le Conseil Constitutionnel la position du Parlement. Pas forcément une séance publique mais un dialogue.

En 1986, les 2 Président des assemblée (Poher et Chaban-Delmas) ont refusé en expliquant que le rapporteur n’avait aucune compétence pour représenter l’assemblée (= raison technique). Eviter toute forme d’institutionnalisation de la procédure parlementaire devant le Conseil Constitutionnel, éviter la juridictionnalisation de la procédure (= raison de fond). Idée qu’il ne devait pas y avoir de passerelle entre les 2.

Il y a eu un cas particulier à propos de la Loi Organique sur la Loi de Finance. Les rapporteurs des 2 assemblées ont été entendus par le Conseil Constitutionnel avant de rendre la décision. Ça s’explique par le fait que cette Loi Organique était très consensuelle droite/gauche, AN/Sénat (CONSEIL CONSTITUTIONNEL, 25 juillet 2001).

B – les raisons juridiques

Comme il n’y a pas de véritable procès, il ne peut pas y avoir de procédure contradictoire.

Il n’existe ni règle de procédure, ni de parties au litige.

Les règles de procédures sont peu nombreuses et ont un contenu très réduit.

Article 20 de la Loi Organique : La décision doit être « motivée » ça nous conduit à penser que c’est une décision de type juridictionnel.

Mais l’article 20 dit aussi que la décision doit être publiée au JO = plutôt pour une décision d’une instance politique.

Il manque aussi les parties :

notion très délicate pour les saisines obligatoire puisqu’il n’y a même pas de litige.

On laisse aussi de côté le cas des engagements internationaux. Sauf pour Maastricht en 1992. Les parlementaires avaient argumenté une saisine. Il y avait au moins une partie.

Pour le contrôle facultatif (les lois), le contrôle a un caractère objectif. Donc, il est peu conciliable avec la notion même de partie. De manière encore plus flagrante, devant le Conseil Constitutionnel, le texte de la loi est défendu par le secrétariat général du Gouvernement qui rédige des observations. Il opère cette défense du texte quel que soit le texte et quelle que soit l’origine même du texte. Il ne s’occupe pas des questions politiques. De ce fait, le Conseil Constitutionnel est amené à recueillir des arguments des différents ministères concernés par la loi. Le SGG participe au Conseil Constitutionnel à des réunions préparatoires à la décision. Il manque donc une personne dans ces réunions : le Parlement. Il est absent de cet éventuel débat (si on considère que le SGG est défendeur).

Donc, procédure devant le Conseil Constitutionnel = procès sans parties. Les requérants sont des sortes de procureurs de l’application de la CONSTITUTION. Le Gouvernement serait une sorte d’avocat commis d’office.

Malgré ces obstacles, il y a quand même des moyens selon lesquels la procédure peut être un peu contradictoire.

  • 2 : Les moyens par lesquels la procédure peut être contradictoire

Le conseil constitutionnel a essayé de faire ce qu’il pouvait avec les moyens qui sont les siens même si ceux-ci étaient faibles. Pour le conseil constitutionnel le fait que les moyens juridiques soient faibles c’est à dire la faiblesse des textes ont permis au conseil constitutionnel de se sentir très libre et donc de développer des solutions et des techniques très originales, qui doivent beaucoup à la pratique.

A – Les conditions du contradictoire peuvent exister

±L’existence d’un rapporteur

Une des conditions du contradictoire.

Article 19 de l’ordonnance de 1958prévoit que l’appréciation de la conformité à la Constitution est faite sur le rapport d’un membre du conseil constitutionnel.

Et pour les autres décisions du conseil constitutionnel ? → Silence des textes : pour article 37 alinéa 2 les décisions mentionnent la présence d’un rapporteur même si les textes ne le précises pas. Ex : DC 2006.

Pour les décisions de l’article 41 on ne trouve pas mention de la présence d’un rapporteur car la dernière décision de ce type rendu en 1979 = décision de fin non-recevoir. Dans cette dernière décision on ne trouve pas mention d’un rapporteur.

La nomination d’un rapporteur se fait avant la saisine. A certaine période de l’année surcharge de travail donc beaucoup de décisions donc il faut répartir que travail. Si on regarde les mois de janvier et février → 8 décisions rendues (= nombre important pour la France).

Cette désignation anticipée s’avère inutile quand le conseil constitutionnel n’est pas saisi finalement. Président du conseil constitutionnel qui désigne le rapporteur et la logique voudrait qu’il ne se désigne pas lui-même mais la pratique ne l’interdit pas. Ex : décision du 1997 sur le traité d’Amsterdam et Décision COnstitutionnelle 505 de 2004 sur le traité portant Constitution pour l’UEdans ces deux décisions le président du conseil constitutionnel s’est désigné lui-même.

Certains auteurs de la doctrine souhaitent que se lever le secret sur le nom du rapporteur,mais ce secret est très souhaité par les membres du conseil constitutionnel pour éviter que le rapporteur soit soumis à des pressions des différents groupes.

Pour autant si l’on veut faire une comparaison avec le contentieux administratif → le nom du rapporteur est connu alors que les risques pesant sur les rapporteurs est tout aussi grand.

Ce rapporteur au conseil constitutionnel conduit une forme d’instruction notamment dans les éventuelles rencontres qu’il peut y avoir avec le secrétariat général et prépare un projet de discussion avec un rapport qui seront discutés en délibéré. Ce projet de discussion plus rapport donné aux membres du conseil constitutionnel 48 heures avant le délibéré.

±L’absence de texte

Le conseil constitutionnel a pu forger ses propres règles de fonctionnement sur un terrain quasi vierge, pour autant le conseil constitutionnel s’est servi de méthode emprunté à d’autres et notamment au Conseil d’Etat.

Idée selon laquelle l’absence de texte à favoriser la liberté de création a été développée par G. Vedel : « Du moment que rien n’est permis mais que rien n’est défendu tout est permis ». C’est ainsi que le conseil constitutionnel a permis un échange minimal d’information. Le rapporteur peut organiser des réunions de travail dans la phase « d’instruction ».

Les seuls absents de ses dialogues = les requérants.

En tout état de cause ces réunions permettent au conseil constitutionnel de compléter ses informations et permet aussi au gouvernement de voir quels sont les préoccupations du conseil constitutionnel et donc dans ce sens d’élaborer de manière efficace ses observations. Ces observations sont malgré tout transmises au requérant.

Cet échange est présenté comme un élément de transparence et donc de contradictoire. Pour autant il y a quand même un déséquilibre flagrant car le gouvernement a une relation privilégiée avec le conseil constitutionnel que les requérants n’ont pas.

Ce contradictoire est rendu public car publié au Journal Officiel mais ce contradictoire est décalé dans le temps car il est publié après que la décision est été rendue c’est à dire publiée en même temps que la décision au Journal Officiel.

Devant les autres juridictions la phase d’instruction est secrète car réservé qu’aux parties.

Caractère objectif du contentieux constitutionnel → on pourrait souhaiter que la procédure soit mise sur la place publique car c’est un procès fait à une loi, donc ce qui est en cause c’est le suffrage universel.

B – Des progrès souhaitables ?

Beaucoup de suggestions sont faites mais il n’est pas certain que toutes ces solutions soient faisables car il existe des obstacles.

L’un des souhaits est de codifier la procédure, on sait qu’un texte prévoit qu’un règlement de procédure pourrait être adopté → se serait au conseil constitutionnel d’aller dans le sens d’une plus grande juridictionnalisation de la procédure en inscrivant le maximum de règle de procédure dans ce règlement. Il semble ne pas vouloir le faire.

Peut-être c’est parce qu’il a constaté que l’absence de texte lui a permis d’avancer et d’avoir plus de liberté qu’il ne veut pas de règlement de procédure qui l’enfermerait dans un « carcan juridique ».

Autre critique = l’absence d’information et de transparence. Les observations du gouvernement sont rédigées sur la base notamment d’informations qu’il peut obtenir auprès du conseil constitutionnel, les requérants peuvent répondre à ces arguments mais n’ont pas les même relations privilégiés avec le conseil constitutionnel.

Pour autant peut être pas possible d’envisager le contrôle de constitutionnalité comme tous les autres contentieux car :

  • Contrôle abstraitc’est à dire d’une loi dont on ne connaît pas les conditions d’exécution
  • Contrôle enfermé dans un délai très strict

Ex : caractère public des audiences = victoire de la transparence et du contradictoire pour beaucoup. Ordonnance de 1958 n’avait prévu la présence de quiconque pour tous les contentieux y compris électoral. Donc contentieux qui se faisait en dehors des personnes concernées.

Le règlement applicable au contentieux électoral n’avait pas prévu la présence de quiconque à « l’audience ». Les choses ont évolué avec l’affaire de Jack Lang qui a voulu porté son affaire devant la CEDH. L’affaire aurait pu être examinée mais il s’est désisté. En échange le règlement de procédure a été modifié par une décision de 1995 (dernière date de modification de ce règlement).

Article 17 de ce règlement de procédureles séances du conseil constitutionnel ne sont pas publiques cependant les personnes concernées peuvent demander à y être entendues. Les personnes concernées = les autres élus dont l’élection est contesté et les électeurs qui contestent. Dans rédaction antérieure à 1995 = « même les intéressés ne peuvent y être entendu ».

Mais la présence de ces personnes intéressées ne rend pas réellement l’audience publique.D’ailleurs la configuration des lieux ne rend pas possible la présence d’un public. Mais de toute façon celui-ci n’est pas envisagé.

Cette ouverture est-elle transposable dans le contentieux de constitutionalité ? → Quels seraient les avantages d’avoir une audience publique ? La question se pose car la notion de parties est difficile à identifier et même que dans certain contentieux cette notion est irréaliste. Le caractère essentiellement écrit de la procédure rend peut être peut utile la présence du public.

De même la publication au JO des arguments rend aussi encore plus inutile la présence des parties.

Le délibéré reste secret = conforme à la tradition française, cela condamne l’expression d’une opinion dissidente. Ce qui serait un moyen de connaître les contres arguments. Ces opinions dissidentes seraient de nature à affaiblir la position de la juridiction.

Le conseil constitutionnel lui-même estime que tous les moyens mis à la disposition du public pour connaître et comprendre les décisions du conseil constitutionnel suffisent à faire respecter une forme de contradictoire.

Moyen de diffusion = Analyse préparé par le secrétaire général du conseil constitutionnel, existence d’un revue « les cahiers du conseil constitutionnel » = moyen d’information et de compréhension.

Remarque : regarder une décision récente du conseil constitutionnel et aller sur le site du conseil constitutionnel → on trouve avec le texte, la saisine, l’analyse du service juridique et aussi un dossier documentaire. Tout cela participe de la participation, de la transparence et du contradictoire.

Donc quelques efforts qui sont fait mais que des efforts a posteriori.