La garde à vue : placement, déroulement…

La garde à vue

Une réforme de la garde à vue a vue le jour en 2011. La principale innovation du texte consiste en la définition inédite et précise de la garde à vue et de ses motifs. En effet, l’article 62-2 du Code de procédure pénale.

Tout le résumé de la réforme est disponible sur le site :http://www.net-iris.fr/veille-juridique/dossier/25642/la-reforme-de-la-garde-a-vue.php dont le texte suivant est extrait :

« Une mesure de garde à vue ne peut être ordonnée que si elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

  • permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
  • garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;
  • empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
  • empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
  • empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;
  • garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

La réforme maintient la règle actuelle du contrôle de la garde à vue par le procureur de la République, mais précise que ce contrôle s’exerce sous réserve des prérogatives exercées par le juge des libertés et de la détention.

L’encadrement des auditions se déroulant hors de la garde à vue est amélioré. La loi pose le principe de l’interdiction de fonder une condamnation, en matière délictuelle ou criminelle, sur les seules déclarations faites par une personne sans que celle-ci n’ait pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui.

Le caractère non obligatoire de la garde à vue est affirmé à l’article 15 dans trois hypothèses, même si les conditions en sont réunies :

  • en cas d’appréhension d’une personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit flagrant par une personne n’appartenant pas aux forces de police ;
  • après un placement en cellule de dégrisement ;
  • après un contrôle d’alcoolémie ou un dépistage de stupéfiants au volant. »

a) Définition de la garde à vue

La garde à vue est définie par le Code de procédure pénale comme «une mesure de contrainte, décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs» (art. 62-2 al.1 du Code de procédure pénale).

Ce pouvoir est réservé à l’officier de police judiciaire et non pas au simple agent de police judiciaire. C’est le pouvoir pour l’officier de police judiciaire de garder une personne à sa disposition. L’article 63 du Code de Procédure Pénale précise que la garde à vue doit être décidée « pour les nécessités de l’enquête ». Cela signifie que, en tant que cette garde à vue est une atteinte aux libertés individuelles, elle doit être nécessaire à la découverte de la vérité. Dès lors, si cette condition n’est pas remplie, la garde à vue n’est pas nécessaire et elle est illégale.

Le problème est que, la Cour de cassation a pris la responsabilité de dire qu’une juridiction de jugement n’a pas à apprécier la question de savoir si la garde à vue était nécessaire à l’enquête ou ne l’était pas . C’est un pouvoir qu’elle a refusé aux juridictions de jugement sans argument. Rien dans les textes ne l’autorisait à prendre la décision, l’article 56 de la Constitution précisant que le juge est garant des libertés individuelles. La Cour de cassation est donc en partie responsable de l’augmentation faramineuse du nombre de gardes à vue.

L’affaire qui lui a permis de consacrer cette solution est la suivante : deux personnes éméchées ont été interpelées en pleine nuit. Elles ont ainsi insulté les agents, et il y avait donc un outrage, en flagrance, constaté de façon évidente puisque les officier de police judiciaire avaient l’identité des personnes. Elles ont été placées en garde à vue le temps que le procureur de la république soit informé, et qu’il ordonne la remise en liberté. La juridiction de jugement a annulé toute la procédure en disant que la garde à vue n’avait répondu à aucune nécessité : l’outrage était établi, l’identité était connue, la garde à vue était inutile. La Cour de cassation a alors cassé ce jugement.

La garde à vue est une mesure grave. Elle a une nature contraignante : la personne est retenue contre son gré, selon le Code de Procédure Pénale. La mention de l’arrêt est la suivante : cela permet à l’officier de police judiciaire, de se servir d’un placement en garde à vue comme une sanction qu’il inflige lui-même à l’intéressé.

De cette nature contraignante de la garde à vue, la chambre criminelle a tiré des conséquences. Elle considère que, puisque la garde à vue présuppose une contrainte exercée contre une personne, un placement en garde à vue n’est donc pas imposé à l’officier de police judiciaire s’il ne recourt pas à la contrainte. Si une personne accepte de venir dans les locaux policiers, elle n’est pas contrainte, donc la nécessité de la placer en garde à vue ne se fait pas sentir si l’on procède à une audition. Inversement, toute interpellation suivie d’une conduite au commissariat sous la contrainte, impose le placement de cette personne en garde à vue. Le tout est de saisir ce que l’on désigne par contrainte. Autrement dit, la garde à vue ne va pas sans la contrainte.

Une personne interpelée en flagrant délit de commission d’une infraction ayant consenti à suivre l’agent est consentante. La Cour de cassation a dit qu’une personne placée dans une maison d’arrêt que l’on vient chercher pour un interrogatoire est consentante, et qu’il ne faut ainsi pas la placer en garde à vue. Par l’effet de cette jurisprudence, sauf refus de déférer opposé par l’intéressé, le placement en garde à vue ne s’impose jamais à l’officier de police judiciaire. Mais combien de citoyens, dans cette situation, osent refuser ? Et s’ils le font, il ne faut pas que ce refus soit constituant ni un outrage, ni une rébellion. Tout repose donc sur une distinction entre la contrainte et le consentement. La conception de la Cour de cassation est tellement large que l’on peut se demander si la jurisprudence est conforme à celle de la CEDH.

En effet, cette jurisprudence dit que le consentement de l’intéressé ne suffit pas aux autorités policières, à transgresser les règles telles que posées par la législation nationale.

La chambre criminelle estime que, dans certaines hypothèses où il y a contrainte, le placement en garde à vue ne s’impose pas . Elle considère que dans certaines hypothèses de contrainte, faisant l’objet d’un texte particulier, il n’y a pas à respecter les formalités de la garde à vue. Par exemple, une personne est interpelée à la suite d’une infraction au Code de la route. Elle va être conduite sous la contrainte dans un local de police pour subir une vérification de son alcoolémie, cette personne n’a pas à être mise en garde à vue. On trouve encore le code des douanes autorisant les douaniers à procéder à une retenue douanière, ressemblant à la garde à vue, mais où il n’y a pas à respecter les règles de la garde à vue.

S’agissant donc de la garde à vue, les règles de protection des libertés individuelles ne sont pas suffisamment protégés dans ce pays, et ce, à l’initiative de la Cour de cassation.

Reste à voir le déroulement de la garde à vue et le problème de sa régularité.

b) Le placement en garde à vue

On a des règles différentes selon que la personne à placer en garde à vue est majeure ou mineure. Pour le majeur, les règles se trouvent aux articles 63 et suivants du Code de Procédure Pénale. Pour les mineurs, cela se trouve dans l’ordonnance de 1945.

On trouve une seconde exigence qui est que l’on ne peut placer en garde à vue qu’une personne contre laquelle existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’infraction. On ne peut donc placer en garde à vue qu’un suspect. C’est un pouvoir reconnu à l’officier de police judiciaire relié avec l’obligation pour lui de procéder à un placement en garde à vue, lorsque l’intéressé est placé sous un mandat de recherche délivré par le procureur de la République. Cette garde à vue n’est acceptable que si elle a des garanties pour l’intéressé, en ce qu’elle est une atteinte à la liberté d’aller et venir.

D’une certaine manière, on a un droit à être placé en garde à vue, car on a un droit à toutes les garanties qui accompagnent cette garde à vue. La jurisprudence est une manière, pour l’officier de police judiciaire, de priver une personne de sa liberté de déplacement, sans aucune des garanties accompagnant de la garde à vue. Il faut ici faire le lien avec les positions de la chambre criminelle. Lorsque la personne dit qu’elle est consentante, on peut l’entendre sans la placer en garde à vue. Mais ceci signifie qu’elle est privée de toutes les garanties ci-après étudiées. D’une certaine manière, on a un droit à être placé en garde à vue. C’est ça qui est inacceptable.

Quelles sont alors ces garanties ? Elles sont aujourd’hui assez nombreuses. La personne doit recevoir une information sur la durée de la garde à vue : 24h avec une prolongation possible de 24h supplémentaires. Cette autorisation ne peut intervenir que par le procureur de la république. Ces 48h peuvent être prolongées, dans le cadre de la criminalité organisée, à deux reprises (soit 96h). Ces deux prolongations doivent être autorisées par le juge des libertés et de la détention à la demande du procureur. En matière de terrorisme, il est possible d’ajouter encore deux prolongations de 24h , ce qui fait une durée totale de garde à vue de 6 jours (soit 144h).

On a aussi la possibilité de faire prévenir par téléphone certaines personnes. La personne avec laquelle elle vit habituellement, un parent, un frère, une sœur ou l’employeur. Sauf à ce que le procureur s’y oppose pour les nécessités de l’enquête.

Il peut aussi être procédé à un examen médical qui peut être décidé par l’officier de police judiciaire ou le procureur. Cet examen peut aussi être réclamé par un membre de la famille, ce qui implique qu’il ait pris connaissance de la garde à vue. La personne sera examinée par un médecin qui dira si la condition de la personne est compatible avec la garde à vue. En cas de prolongation, de nouveaux examens sont possibles, voire obligatoires.

On trouve aussi la possibilité de s’entretenir avec un avocat. Aujourd’hui, cela se fait en principe dès le début de la garde à vue. On trouve des exceptions, car l’entretien avec l’avocat peut être différé en matière de criminalité organisée : ici l’entretien n’interviendra qu’à l’issue de la 48ème heure de garde à vue. On a la possibilité alors, d’un nouvel entretien à chaque prolongation de la garde à vue.

L’avocat va d’abord être informé de la nature de l’infraction reprochée à son client, de la date supposée. L’entretien est d’un maximum de 30 minutes sans avoir accès au dossier de la procédure. C’est la théorie de l’avocat pot-de-fleur, l’avocat est décoratif, car il n’assiste pas son client.

Il faut ici faire état d’une jurisprudence de la CEDH selon laquelle, lorsqu’une personne est privée de sa liberté, elle peut être assistée de son avocat dès le premier interrogatoire. Le Code de Procédure Pénale français n’autorise pas cela. La CEDH dit alors que toutes les déclarations qu’une personne a pu faire en dehors de la présence de son avocat, ne peuvent justifier la condamnation de cette personne. Les policiers français sont hostiles à la présence de l’avocat. La situation actuelle a été arrachée après des années de combat.

Reste alors à évoquer le déroulement de la garde à vue avant de parler de sa régularité.

  1. c) Le déroulement de la garde à vue

On dit que l’on peut soumettre l’intéressé à des interrogatoires et confrontations. Un procès verbal devra être dressé, précisant la durée et les temps de repos. Si la garde à vue est consécutive à la commission d’un crime, il y aura un enregistrement audiovisuel de ces interrogatoires. En matière de criminalité organisée, il n’y a pas d’enregistrement à moins que le procureur ne décide le contraire. Ce procès-verbal sera signé par la personne gardée à vue sauf refus.

À l’issue de la garde à vue, on estime qu’il n’y a aucune raison de retenir l’intéressé, ou on estime qu’il existe des éléments de nature à justifier les poursuites. Dans ce cas, le procureur va demander à ce que la personne lui soit déférée. Cette personne va lui être présentée, ce qui va permettre à ce procureur de requérir que l’on ouvre une instruction , ou que l’on saisisse une juridiction de jugement (=citation directe) et recourir à une procédure de jugement rapide : la procédure de comparution immédiate – à la condition que l’intéressé encourt une peine d’emprisonnement minimale de six mois, ce qui permettra de le traduire devant la juridiction de jugement. C’est l’ancienne procédure de flagrant délit. Cette procédure n’est possible qu’en matière de délit car en cas de crime flagrant, une procédure d’instruction est obligatoire.

Cette procédure de comparution immédiate a pour vertu de permettre la comparution de l’intéressé le jour-même devant la juridiction. Si cette juridiction ne peut statuer le jour-même, la comparution est donc remise au plus tard dans les trois jours. Dans cette attente, le procureur peut demander au juge des libertés et de la détention de placer l’intéressé en détention provisoire.

Une fois que l’intéressé comparaît, il doit être jugé le jour-même de sa présentation. On estime qu’il y a en effet tous les éléments pour que la juridiction se prononce. L’intéressé peut demander un délai pour préparer sa défense, auquel cas l’audience doit être renvoyée dans un délai de 2 à 6 semaines avec la possibilité, pour la juridiction de jugement, de placer l’intéressé en détention provisoire.

Traditionnellement, la jurisprudence a été hostile à la garde à vue. Les juges avaient inventé une théorie qui apparaît assez extravagante : lorsqu’une garde à vue était irrégulière, il fallait pour qu’elle soit annulée, que l’intéressé prouve que cette irrégularité avait altéré la recherche de la vérité, preuve impossible puisqu’il fallait donc établir comment se serait déroulée la procédure sans garde à vue. On retrouve là un vieux fond jurisprudentiel constant qui est d’une réticence quasi viscérale à l’idée d’annuler les procédures.

Sous les assauts de la CEDH, on a du amorcer un virage. De plus en plus alors, la Cour de cassation a bien du admettre que la violation des garanties reconnues aux personnes mises en garde à vue, devait s’accompagner de la nullité de celle-ci et de la nullité de toute la procédure (p.ex si l’intéressé n’avait pas pu s’entretenir avec un avocat, si les garanties ont été notifiées tardivement).

Si la garde à vue est annulée, il y a des risques que toute la procédure qui a suivi, soit aussi anéantie. Lorsque la garde à vue est nulle, cette nullité est étendue à tous les actes dont la garde à vue a été le support nécessaire.