L’appel du jugement : procédure et effets de l’appel

La procédure d’appel et ses effets

Cette variété des formes d’appel cache une multiplicité de procédures, le code en effet propose plusieurs types de procédures devant la Cour d’appel, le code distinguant les procédures se déroulant devant la formation collégiale et celles se déroulant devant le premier président. Devant la formation collégiale, on distingue aussi selon la matière et selon le caractère obligatoire ou non de la constitution d’avoué. En plus des procédures ordinaires, on a aussi constitué des procédures rapides à jour fixe ou procédures contraintes.

  • &1. Les effets de l’appel :
  • A) La procédure devant la formation collégiale :

Devant la formation collégiale, la procédure contentieuse ordinaire est celle d’une procédure avec représentation obligatoire sauf disposition contraire. Cependant la liste n’est pas fixée de manière générale, il faut se référer à chaque texte

On peut en effet prévoir des types de procédure particuliers en raison de la nature de la juridiction qui a rendu le jugement tel que le conseil des prud’hommes qui donnera lieu à une procédure en appel sans représentation obligatoire. On pourra aussi tenir compte de la matière et aussi certains cas qui relèvent de choix jurisprudentiels.

Cette procédure est essentiellement orale, plus souple que la procédure ordinaire et donc moins coûteuse, elle implique donc que les parties se représentent elles-mêmes mais rien n’empêche qu’elles se fassent représenter. La plupart du temps, il est rare que les parties se défendent d’elles-mêmes.

Dans la procédure ordinaire, l’avoué à seule qualité pour représenter les parties et conclure en leur nom. C’est lui qui reçoit les avis ou injonctions de la part du président de la chambre de la Cour d’appel qui a été désignée ou de la part du conseiller de la mise en l’état. L’avoué est un interlocuteur incontournable. Pour autant, que deviennent les avocats, ils assistent les parties, plaident pour elles, sont aussi entendus sur leurs demandes par la Cour d’appel ou bien avant par le conseiller de la mise en l’état. Il arrive aussi que les avocats participent aussi à la rédaction des conclusions d’appel. En réalité, la collaboration entre avocats et avoués varient selon les relations qu’ils entretiennent.

Les étapes de la procédure : une fois la demande formée, le premier président va désigner la chambre à laquelle l’affaire doit être distribuée et le secrétariat greffe de la cour donne avis aux avoués. A ce stade, l’étape la plus importante est le dépôt des conclusions qui est réglementé par l’article 909 qui oblige le respect de la contradiction en forçant chaque avoué à notifier ses conclusions et communiquer ses pièces à l’adversaire.

La copie de ces conclusions doit bien entendue être remise au greffe avec justification de leur notification qui peut être multiple en cas de pluralité de demandeur ou de défendeur. L’article 915 exige aussi que le dépôt des conclusions de l’appelant se fasse dans un délai de 4 mois à partir de la déclaration d’appel afin d’accélérer la procédure. La sanction de cette obligation est prévue à l’article 951 alinéa 2 et réside dans la radiation de l’affaire du rôle. Le contenu de ces conclusions est lui aussi réglementé par l’article 954 qui exige tout d’abord que ces écritures formulent expressément els prétention des parties, les moyens de droit et de fait sur lesquelles elles sont fondées. Il ne s’agit donc que des conclusions qualificatives sachant que par le biais d’un bordereau récapitulatif qui leur est annexé, les pièces invoquées sont également fournies. Cet article 954 précise aussi que les parties doivent reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens invoquées précédemment sous peine de les voir considérées comme abandonnées, la cour ne statuant que sur les dernières conclusions déposées. L’article 910 prévoit que l’affaire peut se poursuivre dans deux directions différentes l’affaire peut être instruite par un magistrat de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée qui n’est autre que le conseiller de la mise en état qui se voit appliquer les articles 763 à 787 qui concernent la procédure suivie devant le tribunal de grande instance. En outre, il obéit à des articles spécifiques 906 à 914. le conseiller dispose d’un pouvoir dont ne dispose pas le juge de la mise en l’état qui est celui de déclarer l’appel irrecevable et de trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ainsi que certaines questions relatives à l’exécution provisoire du jugement attaqué. Ce conseiller de la mise en état prend des ordonnances contre lesquels tout recours immédiat est interdit, il faut donc attendre le jugement sur le fond néanmoins, un régime spécial a été mis en place lorsque l’ordonnance du conseiller de la mise en l’état met fin à l’instance, constate l’extinction de l’instance ou lorsqu’elle est relative à des mesures provisoire en matière de divorce ou de séparation de corps. Dans ces trois hypothèses, l’ordonnance peut faire l’objet d’un déféré par simple requête devant la formation collégiale de la cour dans un délai de quinze jours à compter de la date de l’ordonnance. Lorsque l’affaire est mise en l’état, ce conseiller de la mise en l’état va au terme de son instruction rendre une ordonnance e clôture qui va dès lors interdire tout dépôt de conclusions ultérieure et l’affaire va être renvoyée devant l’audience de la chambre à laquelle elle est débattue. Il est aussi possible d’envisager le renvoi à une audience fixée à bref délai lorsque l’affaire est déjà en état d’être jugée ou lorsque l’affaire présente un caractère d’urgence. Quelle que soit la voie suivie, l’audience des débats s’ouvre, lors de cette audience, il est fréquent que le conseiller de la mise en l’état ou un autre conseiller ait été chargé par le premier président de présenter un rapport avant les plaidoiries. Plaidoiries d’ailleurs qui peuvent très bien se tenir devant le conseiller de la mise en l’état ou le conseiller chargé d’établir le rapport avec l’accord des parties. Dans ce cas, un compte-rendu sera fait aux autres conseillers au cours du délibéré ; sinon l’arrêt est délibéré et prononcé selon les dispositions du droit commun.

  • B) Les procédures suivies devant le premier président :

Le premier président de la Cour d’appel n’est pas seulement un chef de juridiction, il constitue lui-même une juridiction dans trois situations.

C’est une juridiction d’appel des décisions de première instance dans certaines situations particulières par exemple en matière de rémunération des auxiliaires de justice et des techniciens. Ensuite, ce premier président conformément à l’article 956 peut prendre des mesures en la forme des référés ou en référé, enfin, il peut aussi statuer par ordonnance sur requête sous la condition générale qu’il soit nécessaire que la mesure ne soit pas prise contradictoirement.

  • &2 Les effets de l’appel :

On en distingue deux principaux, l’effet suspensif et l’effet dévolutif. Mais il faut également en envisager un troisième un peu plus spécifique qui est l’effet d’évocation.

  • A) L’effet suspensif

L’article 539 édicte que le délai d’appel et l’exercice de l’appel suspende l’exécution du jugement à moins que la décision ne bénéficie de l’exécution provisoire de droit ou qu’elle n’ait été accordée par le juge. Ainsi, tout acte d’exécution qui serait accompli sur le fondement d’un jugement déféré à la Cour d’appel est nul. Mais l’effet suspensif, ne prive pas cette première décision de toute efficacité, il est admis qu’une décision frappée d’appel puisse justifier des mesures conservatoires. En outre, l’effet suspensif peut être remis en cause pour sanctionner la carence ce l’avoué de l’appelant qui dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire ne dépose pas ses conclusions dans les 4 mois de la déclaration d’appel. On a vu que l’article 915 disposait que l’affaire est alors radiée du rôle des affaires en cours or cette radiation prive aussi l’appel de toute effet suspensif hors les cas où la loi interdit l’exécution provisoire. Même si l’affaire est rétablie sur justification du dépôt des conclusions, l’appel restera privé de tout effet suspensif.

  • B) L’effet dévolutif :

L’article 561 dispose que par l’acte d’appel, le litige est transporté des premiers aux seconds juges dans toutes ces questions de fait et de droit pour qu’il soit à nouveau statué. Ce principe de l’effet dévolutif commande toute une série de conséquences quant aux pouvoirs et aux prérogatives du juge d’appel. la première conséquence est que l’appel entraîne la saisine de la Cour d’appel qui a un caractère impératif. En effet, la Cour d’appel a l’obligation de statuer elle-même sur le litige qui lui a été dévolu et parallèlement, il en découle une deuxième conséquence, c’est que la saisine de la Cour d’appel entraîne nécessairement le dessaisissement des premiers juges et des pouvoirs qui leur appartenait jusque là. C’est ainsi que si des mesures d’exécution provisoire ont été prise.

Les juges d’appel devant lesquels le litige est remis en question sont investis des pleins pouvoirs pour statuer comme les premiers juges en fait et en droit. Ils bénéficient d’une plénitude de juridiction qui peut très bien les conduire à ordonner par exemple de nouvelles mesures d’instruction. Tout est repris en quelque sorte à 0.

La saisine de la Cour d’appel remet en question la chose jugée. Pour qu’il soit comme l’indique l’article 561 statué à nouveau en droit et en fait ce qui implique qu’en principe, la dévolution est totale et complète. Mais cette dévolution totale et complète se trouve en réalité limitée par deux autres règles, tout d’abord, la première limite apportée à l’effet dévolutif tient à ce qu’il n’est dévolu qu’autant qu’il est jugé. Seule la chose jugée par les premiers juges est remise en question et non les points non encore tranchés conformément au principe du double degré de juridiction. L’appel doit permettre à la cour de vérifier que les juges du premier degré ont correctement apprécié les faits et le droit ce qui implique nécessairement que le contrôle s’exerce sur des éléments déjà jugés. C’est ainsi qu’on interdit de former en appel des prétentions nouvelles. C’est-à-dire qui n’auraient pas été soumises au premier juge. Plus précisément, l’article 564 prohibe comme étant nouvelle toute prétention qui modifie l’objet de la demande de même que celle qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande initiale, ou bien encore, celles qui changent les parties ou leur qualité. En réalité, le strict respect de ce principe de prohibition des prétentions nouvelles s’accommode mal avec la volonté d’accélérer le cours de la justice qui nécessite de grouper en un seul procès tous les éléments relatifs à un litige donné. Ces dernières années, on constate une nette évolution de la voie d’appel qui devient une véritable voie d’achèvement du procès qui ne permet pas seulement la transmission à un second juge des éléments identiques mais qui permet aussi de poursuivre en appel le débat engagé en première instance. C’est ce qui explique que l’article 563 atténue le principe de prohibition des prétentions nouvelles en permettant aux parties de produire en appel des pièces nouvelles ou en leur permettant de produire des preuves nouvelles pour justifier les prétentions qu’elles avaient soumises en premier instance. En outre, cet article autorise la présentation de la formulation de moyens nouveaux or la frontière entre prétentions et moyens nouveaux est parfois bien difficile à tracer. Plus radicalement encore, cette prohibition légale des prétentions nouvelles connaît de véritables exceptions dans trois textes. Tout d’abord, l’article 564, qui admet des prétentions nouvelles dès lors qu’elles sont destinées à opposer la compensation, à faire écarter les prétentions adverses, à faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou encore à faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation ultérieure d’un fait.

L’article 566 admet les prétentions ayant pour but d’expliciter les prétentions soumises aux premiers juges ou d’ajouter à celles-ci. Enfin, l’article 567 admet quant à lui en appel les demandes reconventionnelles.

Deuxième limite apportée au principe de la dévolution totale et complète, cette deuxième limite tient qu’à ce qu’il n’est dévolu qu’autant qu’il est appelé, l’article 562 dispose que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. Mais il ne s’agit ici que de l’alinéa 1° de l’article 562 qui prévoit dans son 2° alinéa trois exceptions à cette règle que l’effet dévolutif de l’appel est limité par l’acte d’appel.

Première exception assez logique, l’article rappelle que lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs et que les conclusions critiquent en général les dispositions du jugement, nécessairement, la dévolution s’opère pour le tout ;

Deuxième exception, la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, on évoque ici l’appel nullité.

La dévolution s’opère pour le tout lorsque l’objet du litige est indivisible.

  • C) La faculté d’évocation :

Cette évocation est prévue à l’article 568 qui l’évoque comme une faculté qui appartient au juge d’appel saisi de l’appel de certains jugements de première instance de s’emparer de l’affaire et de statuer sur le tout, c’est-à-dire l’appel et le fond, dans une seule et même décision. Cette évocation est doublement intéressante car elle s’oppose à l’effet dévolutif puisqu’elle permet de statuer sur des points non jugés en première instance alors que l’effet dévolutif ne transmet à la cour que les chefs du jugement. Cette évocation s’oppose à l’effet dévolutif et constitue aussi une entorse au double degré de juridiction puisque certains points seront jugés en appel alors qu’ils n’ont pas été tranchés en première instance. Le texte de base en la matière est ‘article 568 qui évoque l’évocation de droit commun. Cette évocation que l’on pourrait qualifier de droit commun n’est possible qu’à l’encontre de certains jugements de première instance. En effet l’article 568 prévoit deux cas, le jugement déféré doit avoir ordonné une mesure d’instruction ou le jugement déféré doit avoir statué sur une exception de procédure mettant fin à l’instance. Cet article 568 pose aussi une condition en disposant que la cour ne peut évoquer l’affaire que si elle estime qu’il est de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive. Ce faisant, on apprend aussi une chose dans cet article, c’est que l’évocation n’est pas une obligation pour la Cour d’appel mais une simple faculté.

A coté de cette évocation de droit commun, il faut se remémorer un autre cas d’évocation, l’article 89 qui est particulier à la procédure sur incident de compétence. Dans cet article 89, il faut se rappeler du contexte, on a nécessairement un premier juge qui a statué seulement sur la compétence et sur la question qui commandait le fond qui quant à lui n’a pas été abordé. C’est alors par la voie du contredit qu’il faut critiquer ce jugement. Normalement, le rôle de la Cour d’appel est de désigner la juridiction compétente mais si la cour se trouve être la juridiction d’appel relativement au tribunal dont elle estime qu’il aurait du connaître de l’affaire. Elle a la faculté sur le fondement de l’article 89 d’évoquer le fond.

Il faut bien distinguer ce cas du cas où le tribunal a le droit en vertu de l’article 78 de statuer à la fois sur la compétence et sur le fond suite à un recours qui est nécessairement un appel. lorsque la décision aura été rendue en premier et dernier ressort, cet appel ne portera que sur la compétence, en revanche, il pourra porter sur l’ensemble de la décision quand celle-ci sera en premier ressort ; dans cette dernière hypothèse, si la Cour d’appel infirme le jugement sur la compétence et si elle est une juridiction d’appel. Par rapport au tribunal qu’elle estime compétent, elle peut statuer sur le fond mais ici, il ne s’agit pas d’une évocation. Il s’agit d’une extension légale de l’effet dévolutif, la cour à cette occasion ne fait qu’exercer sa plénitude de juridiction que consacre l’article 79.