La protection des mineurs (sort des actes, représentation…)

La protection des personnes vulnérables : les mineures

La personnalité juridique se définit comme l’aptitude à être titulaire et à exercer des droits et des obligations. Aptitude à être titulaire de droit : capacité de jouissance. Aptitude à exercer les droits : capacité d’exercice.

En principe, chaque personne bénéficie de ces deux capacités. Il arrive cependant qu’une personne soit privée de l’une de ces deux capacités :

  1. A) En principe, chaque personne bénéficie de ces deux capacités. Il arrive cependant qu’une personne soit privée de l’une de ces deux capacités :

La privation de la capacité de jouissance concerne généralement des hypothèses de méfiance à l’égard de certaines personnes. Ainsi, le médecin d’une personne en fin de vie ne peut rien recevoir de cette personne à titre gratuit : on craint que le médecin profite de sa situation pour obtenir des avantages de la part de la personne mourante. Lorsque certaines personnes se sont rendues coupables de certaines infractions graves ou liées au commerce, on leur interdit parfois d’exercer une activité commerciale. Il s’agit d’une incapacité de jouissance. Dernier exemple : lorsqu’une personne est privée à titre de sanction de ses droits civils, civiques ou familiaux. Cette incapacité de jouissance n’est toujours que partielle. En dehors de ce domaine, la personne peut être titulaire de droits. Si l’incapacité de jouissance était totale, cela signifierait que la personne ne peut être titulaire d’aucun droit : négation même de la personnalité juridique. Par ailleurs, les incapacités de jouissance ne frappent jamais la personne en raison de sa vulnérabilité. L’incapacité de jouissance a donc principalement pour but de protéger autrui contre la personne.

L’incapacité d’exercice peut être générale et elle frappe la personne en raison de sa vulnérabilité. Il ne s’agit plus de protéger autrui contre la personne mais de protéger la personne contre autrui. Par conséquent, la protection des personnes vulnérables ne concerne que la capacité d’exercice.

L’incapacité d’exercice empêche seulement d’exercer ses droits mais en aucun cas elle empêche d’en être titulaire. La personne vulnérable est titulaire de droits comme tout le monde mais l’exercice de ses droits lui est plus ou moins interdit lorsqu’elle est seule. Ces personnes sont les mineurs et les majeurs mentalement déficients. La protection de ces personnes n’est pas la même suivant que la personne est mineure ou majeure.

La protection des personnes vulnérables vient de faire l’objet d’une grande réforme : loi du 5 mars 2007 entrée en vigueur le 1er janvier 2009 (réforme de la loi du 3 janvier 1968)

  1. B) La protection des mineurs

En 1974, l’âge de la majorité a été ramené de 21 à 18 ans. Dès lors, une personne est considérée comme mineure depuis sa naissance jusqu’à ses 18 ans. Durant cette période, elle est frappée d’une incapacité générale d’exercice, à moins qu’elle ne soit émancipée. L’émancipation (art. 413-1 et s. du c civ) peut être définie comme l’acte par lequel le mineur devient capable comme un majeur, ou presque (ex d’actes : le mariage, la décision du juge des tutelles rendue à la demande des parents lorsque le mineur a plus de 16 ans). En dehors de l’émancipation, le mineur est donc frappé d’une incapacité générale d’exercice. Il ne peut donc pas exercer les droits dont il est titulaire, d’où deux questions : que se passe-t-il lorsque le mineur outrepasse ces pouvoirs ? Et qui est en charge et dans quelle mesure de représenter le mineur dans l’exercice de ses droits ?

  1. Le sort des actes accomplis par le mineur seul

En principe, puisque le mineur est frappé d’une incapacité d’exercice, les actes qu’il accomplit seul doivent être annulés. Le principe n’est pas rigide, et il existe certains actes que le mineur peut valablement accomplir seul.

  1. Le principe de nullité

La nullité est une sanction d’un acte, sanction prononcée par un juge au motif que l’acte ne respecte pas les conditions légales pour être valable. Or, parmi les conditions légales d’un acte, il faut que la personne soit capable. La nullité présente un effet radical : elle anéantit l’acte, tant pour l’avenir que pour le passé. Elle a un effet rétroactif, de sorte que si l’acte a été exécuté avant d’être annulé par le juge, il faudra remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion de l’acte. On procède alors à des restitutions.

En principe, l’acte conclu par le mineur seul est nul et ouvre droit à restitution. Toutefois, la loi institue un régime de protection en faveur du mineur. Selon l’art. 1312 du c civ, le mineur ne doit restituer que ce qui a tourné à son profit. Si ce qu’a reçu le mineur en exécution du contrat ne se retrouve pas dans son patrimoine au moment de la nullité, le mineur ne sera pas tenu à restitution.

La nullité des actes conclus par le mineur seul est dite relative.

Cette nullité est celle qui repose sur la protection d’un intérêt particulier. Elle s’oppose à la nullité absolue, qui repose sur la protection de l’intérêt général. La conséquence du caractère relatif est que cette nullité ne peut être réclamée que par la personne protégée elle-même. Donc seul le mineur peut invoquer la nullité. Mais le mineur ne peut pas agir en justice. Donc deux possibilités : soit on attend que le mineur devienne émancipé ou majeur (il aura la capacité d’exercice et pourra demander la nullité), soit le représentant légal du mineur se charge d’invoquer la nullité. L’action en nullité se prescrit par 5 ans mais ce délai ne court pas contre le mineur. Il y a donc une suspension de la prescription durant la minorité.

La sanction de la nullité est totalement encourue pour les actes les plus graves qu’on appelle actes de disposition: ce sont des actes qui modifient définitivement le patrimoine de la personne = actes qui ont pour objet ou effet de faire sortir un bien du patrimoine de la personne (ex : aliénations, constitution de sûreté réelle sur certains biens). Sont assimilés aux actes de disposition les actes qui ont pour objet ou pour effet de paralyser pour une longue période l’usage d’un bien.

A côté des actes de disposition ils existent des actes qui sont regardés comme moins graves : ce sont les actes d’administration: opération de gestion normale du patrimoine = actes ordinaires d’exploitation et de mise en valeur de la personne (ex : prêt d’un bien, souscription d’une assurance). A la différence des actes de disposition, les actes d’administration n’encourent pas systématiquement la nullité lorsqu’ils ont été accomplis par le mineur seul. Le législateur considère qu’il ne serait pas de bonne politique de remettre en cause tous les actes. Seuls encourent la nullité les actes d’administration qui lèsent les intérêts du mineur (art. 1305 du code civil) : il s’agit d’un acte dans lequel existe un déséquilibre entre les prestations. Ex : location d’un bien à un loyer exorbitant. En principe donc, tous les actes de disposition et les actes d’administration lésionnaires encourent la nullité. Mais ce principe souffre certaines exceptions.

  1. Les exceptions à la nullité

Certains actes alors même qu’ils sont conclus par le mineur seul seront regardés comme valables. Trois catégories : actes personnels, actes conservatoires, actes de la vie courante.

*Les actes personnels

Ce sont des actes qui portent sur la personne même du mineur. On comprend donc qu’ils sont en principe valables. Ex : le mineur âgé de plus de 13 ans doit consentir à son changement de nom ; à son adoption (simple ou plénière).

*Les actes conservatoires

Ce sont des actes qui touchent le patrimoine. Ils sont donc du même ordre que les actes de disposition et d’administration. Dans l’échelle de gravité des actes qui touchent le patrimoine, l’acte conservatoire est celui qui est le plus bas. Ces actes ont pour fonction de conserver le patrimoine de la personne. Par exemple, constitue un acte conservatoire l’inscription d’une sureté réelle qui vient garantir une créance du mineur. Les actes conservatoires peuvent être accomplis par le mineur seul. Pas de risque de dilapidation.

*Les actes de la vie courante

On appelle acte de la vie courante un acte qui est accompli au quotidien ; mais pour être un acte de la vie courante il faut que cet acte porte sur un faible montant. Le mineur peut les accomplir seul, qu’il s’agisse d’un acte conservatoire, d’un ace d’administration ou d’un acte de disposition.

Par exemple, un mineur peu acheter seul un ticket de cinéma ou de transport. La Cour de Cassation a même admis dans certaines circonstances que l’ouverture d’un compte bancaire constitue un acte de la vie courante (12 novembre 1998 : arrêt de la 1ere chambre civile). A l’inverse, l’acquisition d’une voiture ne constitue pas un acte de la vie courante : cass, 1ere civ, 9 mai 1972. Acheter une voiture est un acte de disposition : la nullité s’applique.

  1. La représentation du mineur dans l’exercice de ses droits

Le mineur ne peut pas accomplir seul les actes de disposition et certains actes d’administration. Pour autant, cela ne signifie pas que de tels actes ne peuvent pas être conclu en son nom. Autrement dit, l’incapacité d’exercice du mineur n’empêche pas sa représentation.

Une personne, appelée représentant, va donc exercer les droits du mineur au nom et pour le compte du mineur. Concrètement, cela signifie que tous les actes qui seront accomplis par le représentant, au nom et pour le compte du représenté, vont directement produire effet dans le patrimoine du représenté.

Reste à savoir qui est le représentant du mineur. Selon que cette personne est un parent ou un tiers, le régime de protection prend le nom d’administration légale ou de tutelle.

  1. L’administration légale

Elle appartient aux parents de l’enfant. Selon l’article 389 du code civil, cette administration légale est dite pure et simple lorsque les parents exercent en commun l’autorité parentale. Elle est dite sous contrôle judiciaire lorsqu’un seul parent dispose de l’autorité parentale.

*L’administration légale pure et simple

Elle suppose l’exercice en commun de l’autorité parentale. Il importe peu que les deux parents soient séparés (de fait ou de corps : jugement qui n’a pas pour conséquence de dissoudre le mariage mais simplement d’autoriser les parents à vivre séparément) ou divorcés. L’administration légale pure et simple dépend de l’autorité parentale et pas du lien qui unit les parents.

Selon l’art. 389-4 du code civil, l’administration légale pure et simple permet à chacun des parents d’accomplir seul les actes d’administration et les actes conservatoires. En vertu de l’art. 389-5 du code civil, pour les actes les plus graves (actes de disposition) il faut l’accord des deux parents. Si jamais l’un des parents refusait de donner son accord, l’autre parent pourrait saisir le juge des tutelles pour passer outre ce refus. Le juge regardera ce qu’il en est de l’intérêt de l’enfant. Cela étant, au sein même des actes de disposition, certains sont plus graves encore que d’autres. L’art. 389-5 alinéa 3 du Code Civil en donne des exemples : il s’agit par exemple de l’aliénation d’immeubles, ou de fonds de commerce, ou d’un emprunt, ou de la renonciation à un droit. Ces actes ne sont pas soumis au régime juridique des actes de disposition. Autrement dit, l’accord des deux parents n’est plus suffisant. En plus de cet accord les parents doivent recueillir l’accord du juge des tutelles.

* L’administration légale sous contrôle judiciaire

Il arrive souvent que l’autorité parentale soit exercée par un seul parent. L’art. 389-2 du Code Civil en donne les hypothèses : la filiation de l’enfant n’est établie qu’à l’égard d’un seul parent. En cas de double filiation, lorsque l’un des parents est décédé, ou lorsque ce parent est privé de l’autorité parentale par une décision de justice. Dans ce cas, l’administration légale des biens du mineur est placée sous contrôle judiciaire.

Le titulaire de l’autorité parentale peut accomplir seul les actes d’administration. A fortiori il peut accomplir seul les actes conservatoires. En revanche, en vertu de l’art. 389-6 du Code Civil les actes de dispositions de peuvent pas être passés par ce parent seul. Le titulaire devrait donc impérativement recueillir l’accord du juge des tutelles. Le juge des tutelles tient en quelque sorte le rôle de contradicteur que tient l’autre titulaire de l’autorité parentale dans l’administration pure et simple.

  1. La tutelle des mineurs

Parfois aucun parent n’exerce l’autorité parentale : cas d’abandon de l’enfant, ou décès des deux parents, ou deux parents déchus de l’autorité parentale. Dans ce cas, l’art. 390 du Code Civil a recours à la tutelle des mineurs. Dans la tutelle des mineurs, une personne dénommé tuteur va exercer les droits du mineurs en tant que représentant. En principe, le tuteur est choisi parmi les membres de la famille du mineur car l’art. 394 du Code Civil énonce que « La tutelle est un devoir des familles et de la collectivité publique ».

Le tuteur peut être nommé par le dernier parent survivant, soit par testament, soit par déclaration spéciale devant notaire = tuteur testamentaire.

A défaut d’une telle anticipation, le tuteur est désigné par le Conseil de famille dont le juge des tutelles est le président : c’est l’organe composé d’au moins 4 membres, généralement des parents ou des alliés du mineur. Lorsque le tuteur est désigné par le conseil de famille on parle de tutelle dative.

Lorsque la tutelle est dite vacante (pas de parent ou de proche pour l’assurer) il appartient au juge des tutelles de déférer la tutelle à la collectivité publique compétente en matière d’aide sociale à l’enfance.

Concernant les pouvoirs du tuteur, on peut dire approximativement que ces pouvoirs sont ceux d’un administrateur légal sous contrôle judiciaire. Le tuteur peut accomplir seul les actes conservatoires et d’administrations et doit recueillir l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles pour les actes de dispositions.