La recevabilité des demandes devant le Conseil des prud’hommes

LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES

De manière générale, la recevabilité d’une demande est l’acte qui consiste pour le demandeur à porter une action devant une juridiction afin que le juge la stipule fondée ou non fondée.


En matière prud’homale, pour qu’une demande (saisine) soit recevable, elle doit impérativement comporter les coordonnées du demandeur (nom, prénom, adresse postale …), le ou les chefs de demande (chiffrés dès le dépôt de la demande, on parlera de prétentions) ainsi que les coordonnées du défendeur contre qui la demande est réalisée. Elle doit également être datée et signée par le demandeur et faire l’objet d’un paiement en timbre fiscaux à hauteur de 35 euros, sauf pour les demandeurs bénéficiant de l’aide juridictionnelle.

droit du travail

§1 – Les délais de prescription

Pendant longtemps c’était 5 ans de prescription pour les rémunérations et pour le reste on appliquait les délais de droit commun (10 et 30 ans). La loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi a modifié les différents délais de prescription en les réduisant :

Pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, le délai est passé de 5 à 3 ans.

Pour les actions portant sur l’exécution ou la rupture des contrats de travail, le délai est de 2 ans. Délai de 10 ans applicables aux actions en réparation du dommage corporel subi lors de l’exécution du contrat de travail (délai de droit commun de la Responsabilité Civile Délictuelle). Délai de 5 ans applicable en matière de discrimination et de harcèlement.

Délai de 12 mois pour contester un licenciement économique à compter du licenciement, à condition que ce délai soit mentionné dans la lettre de licenciement. Pour la Cour de cassation, ce délai de prescription ne s’applique qu’en cas de contestation sur la régularité ou la validité du licenciement économique. Pour la Cour de cassation, il en découle que ce délai de 12 mois n’est pas applicable aux contestations affectant la légitimité du licenciement donc la CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE du licenciement.

Délai de 12 mois applicable à la contestation de la rupture conventionnelle homologuée.

Le cours complet de Conflit et contentieux en droit du travail est divisé en plusieurs chapitres :

  • 2 – Le reçu pour solde de tout compte

C’est un document signé par le salarié qui quitte son emploi à la suite d’une rupture de son contrat de travail, dans lequel il reconnait que l’employeur lui a payé certaines sommes à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

Le reçu a donc une fonction probatoire

Pendant longtemps, en signant le reçu qui lui était proposé par l’employeur, le salarié était considéré comme ayant reconnu avoir été rempli de ses droits. Le salarié ne pouvait pas poursuivre l’employeur ultérieurement, alors qu’au moment de la signature, il s’était mépris sur la portée de ce document et son utilisation.

Pour lutter contre cette pratique, le législateur avait prévu que le reçu devait être établi selon certaines formes et ne libérait l’employeur que si le salarié n’avait pas dénoncé le reçu dans les deux mois suivant cette signature. Ainsi, au delà de la fonction probatoire du reçu, le législateur lui donnait un effet libératoire (au bénéfice de l’employeur). Cette règlementation a donné lieu à un important contentieux sur le délai de deux mois et sur les formes admises pour lé dénonciation.

Loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a supprimé l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte et en modifiant le formalisme du reçu pour solde de tout compte. La loi du 25 juin 2008 a rétabli le caractère libératoire du reçu dès-lors qu’il n’est pas dénoncé dans les six mois suivant sa signature.

§3 – La transaction

La transaction est un contrat défini par l’article 2044 du code civil, par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. La transaction a l’autorité de la chose jugée en cerner ressort selon l’article 2052. Par conséquent, la transaction peut affecter al recevabilité des demandes du salarié, si le salarié a transigé avec son employeur, il ne peut plus saisir le Conseil des Prud’hommes.

La question se pose de savoir comment peut-on admettre en droit du travail, cette technique contractuelle propre au droit civil et assez ancienne ? D’un côté, le contrat de travail est soumis au droit des obligations, or la transaction est un contrat et il n’y a apriori pas lieu de l’écarter du domaine des relations de travail. D’un autre côté, le législateur a spécialement règlementé le reçu pour solde de tout compte, qui n’est pas une transaction mais dont les effets sont assez proches puisque passé le délai de dénonciation, le reçu rend irrecevables les demandes du salarié devant le conseil de prud’hommes. Or, c’est exactement le but d’une transaction : purger la situation et éviter un procès ultérieur. L’employeur recherche une sécurité juridique.

Seulement, certains auteurs estiment que si le législateur a voulu règlementer spécialement le reçu pour solde de tout compte (délai de dénonciation de six mois), on pourrait en déduire que la transaction, qui a le même effet, ne devrait pas être admise dans les relations individuelles de travail. Avec la transaction, le délai de dénonciation n’existe pas. La Cour de cassation aurait pu déduire de la volonté du législateur la nullité des transactions signées entre un salarié et son employeur. Pourtant, la Cour de cassation a admis cette validité en fixant un certain nombre de conditions

1°) Les conditions de validité de la transaction en droit du travail

  • En principe, la transaction est valable selon la Cour de cassation dans un arrêt du 18 mai 1953 (jurisprudence jamais remise en cause depuis).
  • La Cour de cassation, n’admet la validité de la transaction qu’en fonction de sa date de conclusion, en effet, elle juge que pour mettre fin à un litige, encore fait-il que ce litige soit né. Il s’agit ici, pour la chambre sociale, de mettre à l’écart la disposition de l’article 2044 du code civil selon laquelle la transaction peut aussi avoir pour effet de prévenir une contestation à naître. En droit du travail, contrairement au droit civil, on exclut les contestations à naître. Cette exigence de la Cour de cassation, puisqu’elle ne résulte pas de l’article 2044 du code civil, s’appuie sur l’article L.1231-4 du code du travail qui interdit aux parties de renoncer par avance aux règles légales applicables au licenciement. Bien souvent, on transige après un licenciement. Pour éviter que le salarié accepte une renonciation à ses droits alors qu’il est encore en état de subordination, la jurisprudence exige que le licenciement soit prononcé avant que la transaction soit signée. Pour la Cour, il importe que le salarié ait la connaissance du motif du licenciement avant de renoncer à contester ce motif. Or, la notification du motif de licenciement dans la lettre de licenciement est une règle obligatoire prévue par le code du travail à laquelle le salarié ne peut pas renoncer par avance. À défaut, la transaction n’est pas valable, elle est nulle.

  • Les concessions réciproques des parties ; condition de validité de la transaction selon la chambre sociale, alors que cela n’était pas exigé par le code civil. L’acte est nul s’il n’y a pas de concessions réciproques. D’abord, la Cour de cassation admet qu’il n’est pas nécessaire que les concessions soient de même importance pour chacune des parties, il se peut que les concessions soient de valeur inégale. Ainsi, les juges n’ont pas à opérer de savants calculs pour vérifier l’égalité des concessions. En revanche, il faut de réelles concessions. Les juges peuvent néanmoins annuler une transaction lorsque les concessions faites par l’une des parties sont trop faibles ou ne sont pas appréciables, cela pose un problème de procédure concernant la recevabilité de la demande. En effet, l’examen de la recevabilité de la demande doit être fait par le juge avant l’examen au fond de la demande. Or, ici d’une certains manière, s’agissant de la contestation de la CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE du licenciement, les juges doivent bien examiner quelque peu le fond pour savoir si la demande est recevable. La Cour de cassation admet ce raisonnement, notamment à propos de transactions consécutives à un licenciement dont le motif par exemple n’avait pas été exprimé dans la lettre de notification. Si l’indemnité transactionnelle est inférieure à celle prévue par le code du travail, l’employeur n’a pas fait de réelles concessions. La transaction est nulle et la demande est donc recevable. La Cour exige néanmoins que les juges ne se livrent pas à un véritable examen approfondi du litige car il s’agit tout de même de statuer sur la recevabilité des demandes présentées par le salarié.

  • Si la transaction est déclarée nulle, les demandes sont recevables et pourront donc être examinées par les juges. Le problème est que dans la transaction, l’employeur s’est engagé à verser une somme en contrepartie de la renonciation du salarié à saisir le juge. L’engagement a été exécuté par l’employeur (qui a signé et remis le chèque au salarié), le salarié n’a pas respecté son engagement. Le juge devra donc obliger le salarié à restituer cette somme versée en exécution d’un acte désormais nul. Si la transaction est nulle, le salarié doit rembourser. Donc si l’employeur transige, il faut qu’il donne au salarié plus que ce qui est prévu par le code, sinon la transaction n’a aucun intérêt pour le salarié. La Cour juge en ce sens en refusant les arguments tirés de la fraude de l’employeur (le salarié a participé à cette fraude aussi en acceptant un contrat antidaté), et condamne le salarié à restituer les sommes versées.

  • D’autres conditions de validité sont mises en œuvre par la jurisprudence : il faut que la transaction ait un objet certain, comme tout contrat. Cela interdit la transaction signée par un salarié protégé avant que le licenciement soit prononcé. Ainsi, la transaction ne peut pas porter atteinte à des droits qui ont un caractère d’ordre public lorsqu’ils ne sont pas encore nés. L’absence de vice du consentement est une condition de validité ; il faut préciser que la transaction, selon l’article 2053 du code civil, ne peut pas être attaquée pour erreur de droit ni pour lésion. Cela signifie que la méconnaissance par le salarié d’un revirement de jurisprudence peut justifier l’annulation de la transaction car il ne s’agit pas pour la chambre sociale d’une erreur de droit. La Cour de cassation a ici une conception étroite de l’erreur de droit : exemple, le salarié est licencié pour inaptitude, il signe une transaction lui donnant droit à une indemnité légale de licenciement, alors que la Cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence donnant droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement au salarié inapte. Il ne s’agit pas d’une erreur de droit, la transaction peut donc être annulée car il y a en réalité méprise sur l’objet du litige. Pour la Cour de cassation, l’absence de consentement est une cause d’annulation de la transaction. On peut l’imaginer dans le cas de la violence, ou le salarié aurait été forcé de signer. On peut aussi l’imaginer pour un salarié ne parlant pas le français et qui n’a pas compris le sens et la portée de l’acte qu’il a signé. La Cour de cassation l’a aussi admis pour un salarié qui avait signé la transaction en y apposant la mention « sous réserve de mes droits », dans ce cas, la transaction est nulle. On peut citer la jurisprudence selon laquelle la transaction par laquelle le salarié bénéficie des droits prévus par la convention collective n’est pas valable, car il n’y a aucune concession de la part de l’employeur qui est déjà obligé de respecter la convention collective. Parfois, la Cour de cassation s’attache plutôt aux conditions d’application de la convention collective, la mise en œuvre d’un accord collectif ne dépend pas de la signature par un ou des salariés d’un contrat de transaction, de telles transactions sont jugées « sans effet ».

2°) Les effets de la transaction

Selon l’article 2052 du code civil, la transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elle a donc un caractère définitif et rend irrecevable les demandes en justice. La question qui se pose est de savoir si la jurisprudence impose de fixer dans la transaction tous les chefs de contestation possibles pour rendre irrecevable toute demande ultérieure ou au contraire peut-on considérer que dès-lors qu’une transaction prévoit que le salarié renonce à toute réclamation, dans une clause à portée générale, la transaction rend toutes les demandes irrecevables, même si elles n’ont pas spécialement fait l’objet d’une négociation et d’un accord. Ce qui est certain est que, en principe, l’irrecevabilité des demandes est liée à l’objet de la transaction et c’est la raison pour laquelle la chambre sociale a jugé que seules les questions se reportant au litige (objet de la transaction), ne peuvent pas ultérieurement, faire l’objet d’une demande en justice (Soc., 22 janvier 1992). Mais l’assemblée plénière a jugé en sens contraire le 4 juillet 1997 en considérant que toute demande en justice est irrecevable alors même que la transaction règle un point particulier (en l’espèce une clause de non concurrence), dès-lors que dans la transaction, le salarié a renoncé à toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient concernant l’exécution et la rupture du contrat de travail. Malgré cet arrêt de l’assemblée plénière, la chambre sociale continue à limiter la portée des transactions en jugeant que la renonciation du salarié ne vise que le différend qui a donné lieu à la transaction (Soc., 2 décembre 2009 ; la transaction vise le préjudice résultant de la rupture du contrat, le salarié saisit le Conseil des Prud’hommes ensuite pour réclamer un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, la demande est donc recevable)

La transaction peut, comme tout contrat être résolu par le juge en cas d’inexécution. Par exemple, si l’employeur n’a pas versé l’indemnité conventionnelle

La transaction pose un problème à l’égard des tiers. Elle est opposable aux tiers comme tout contrat, mais en revanche, elle n’a l’autorité de la chose jugée qu’entre les parties. Les tiers concernés sont ici les organismes sociaux et l’administration fiscale. L’URSSAF et le Fisc ne sont pas tenus par les stipulations conventionnelles de la transaction, la volonté de spartes ne peut pas faire échec aux règles d’ordre public qui s’appliquent en matière de sécurité sociale et d’Impôt sur le Revenu. Par conséquent, les tiers peuvent demander au juge de requalifier certaines sommes. Par exemple, lorsque l’indemnité transactionnelle qui n’est normalement pas soumises à cotisations sociales ni à l’Impôt sur le Revenu, elle englobe en réalité des droits à rémunération soumis à cotisation et à impôt. Par exemple, s’agissant du droit à préavis de licenciement ou d’un droit à rémunération d’heures supplémentaires. Si le salarié n’a pas renoncé à ses droits dans la transaction, le juge pourra considérer qu’une partie de l’indemnité transactionnelle correspond à ses droits et est donc soumise à cotisations (juge social) et à Impôt sur le Revenu (juge fiscal)

La transaction peut aussi comporter d’autres engagements, par exemple l’employeur s’engage à délivrer un certificat de travail élogieux, pour faciliter le reclassement. Ou une nouvelle lettre de licenciement (en cas de licenciement pour vol par ex), on peut prévoir un Clause de Non Concurrence par transaction. Ces engagements sont parfaitement licites.

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