La règle de droit : caractères et distinction avec les autres règles

LA RÈGLE DE DROIT

La règle de droit aussi appelée droit objectif peut se définir comme « la norme juridiquement obligatoire, quelle que soit :

  • – sa source (loi, coutume, usage, constitution)
  • – son degré de généralité (règle générale, règle spéciale)
  • – sa portée (règle absolue, rigide, souple…

La Règle juridique émane donc d’une autorité supérieure par rapport à celui qui l’applique, elle est donc générale et impersonnelle avec une sanction immédiate, tout comme la règle de droit. (Règle morale et religieuse ne se sanctionnent pas).

Le droit objectif c’est un ensemble de règles qui organise la vie en commun, la charte sociale du groupe. Ce n’est pas un amas de règles, il s’agit pour les juristes d’une totalité cohérente. On parle d’ordre juridique, ou d’ordonnancement juridique. Il s’agit d’une construction cohérente. Pour comprendre le Droit il faut comprendre la règle de Droit.

I – Caractères de la règle de droit

Exemple : Quand l’article 371 du Code Civil dit que «l’enfant à tout âge doit honneur et respect à ses pères et mères » c’est une règle de Droit. Pourquoi ? Qu’est-ce qui distingue la règle de Droit d’autres règles ?

Premièrement c’est une règle, l’énoncé d’une obligation générale. C’est aussi un commandement qui suppose une obéissance, elle donne l’ordre d’accomplir un acte (l’enfant doit honneur et respect). Mais la règle de Droit pose aussi des interdits, sans être pour autant une simple répression. Le Droit n’est pas le seul Droit pénal. La règle de droit peut aussi accorder des facultés, des espaces de liberté aux individus, c’est d’ailleurs sa fonction essentielle. Le commandement qu’elle formule est impersonnel. La règle de Droit a vocation à s’appliquer à toute personne qui correspond à l’hypothèse visée (tout enfant doit honneur et respect). La règle est nécessairement abstraite car elle a vocation à s’appliquer à un nombre indéfini de cas.

En résumé, la règle de droit présente 3 principaux caractères :

1) règle de droit est une règle de conduite sociale. Elle a donc pour objectif de permettre la vie en société. La société est un ensemble d’individus, donc la règle de droit est souvent obligée d’intervenir dans le domaine individuel. Cet interventionnisme de la règle de droit est plus ou moins accentué selon les tendances politiques et économiques de la société envisagée. Le législateur (nos élus au pouvoir… en théorie) doit rechercher un équilibre entre l’intérêt général et les intérêts individuels pour assurer les objectifs politiques économiques et sociaux souhaités par l’État.

2) la règle de droit est générale et abstraite, ce qui signifie qu’elle va s’appliquer de façon uniforme à tous les individus dans une société donnée. Elle est impersonnelle, ne tient pas compte des particularismes individuels et c’est pour cela qu’il est dit qu’elle a un caractère objectif

3) la règle de droit est sanctionnée par la contrainte. Pour que la règle de droit puisse remplir son premier objectif qui est d’assurer la sécurité, elle doit être obligatoire. Pour qu’elle soit obligatoire, elle doit être assortie de sanction appuyée par l’autorité publique, cette sanction n’est pas toujours la même. Elle varie selon l’importance de l’infraction à la règle. On distingue deux sortes de sanctions : les sanctions pénales, lorsque l’infraction met en jeu les rapports de l’individu avec la société. Au contraire, il y a seulement une sanction civile lorsque l’infraction ne concerne que les rapports des individus entre eux. Il arrive que pour un même fait, les deux sanctions soient encourues en même temps. Ce caractère permet de la distinguer de la règle morale.

Une règle de Droit est composée de deux parties.

  • La première présuppose une certaine conduite, une certaine situation : on appelle ça le présupposé, la présupposition ou l’hypothèse.
  • La seconde énonce l’effet juridique, c’est à dire la conséquence qui découle de la conduite ou de la situation présupposée.

Prenons l’article 205 du Code Civil « les enfants doivent des aliments à leurs pères et mères ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». On peut reformuler cette règle : si les pères et mères sont dans le besoin (hypothèse), alors les enfants leur doivent des aliments (effet juridique). Toutes les règles de Droit sont formulables selon ce schéma binaire. La règle de Droit est toujours hypothétique et envisage toujours le futur. Ce caractère hypothétique oppose la règle de Droit à la décision ou au jugement. Dans une décision, celui qui décide ou qui juge est catégorique. Toutes les règles de Droit sont fondées sur ce modèle.

II ) Qu’est-ce qui différencie la règle de Droit des autres règles ?

Dans la vie sociale, toutes les règles ne sont pas des règles de Droit, les relations amoureuses ne sont pas régies par le Droit. Qu’est-ce qui distingue le Droit des autres règles qui existent ?

  • Il y a d’abord les règles de la courtoisie, de l’honneur ou des jeux amicaux. Lorsque l’on les ignore il n’y a pas de contrainte venant d’un pouvoir pour en imposer le respect. Certaines règles de courtoisie peuvent devenir règles de Droit (exemple : fumer dans les lieux publics). La différence entre la règle de Droit et la règle de courtoisie n’est pas une différence de nature, seulement la règle de courtoisie n’est pas sanctionnée par l’Etat.
  • Le Droit et la morale ne sont pas indissociables toutefois leurs objectifs divergent. La morale recherche l’épanouissement spirituel de l’homme, le Droit non. Le domaine de la morale est plus large que celui du Droit. La morale veut agir sur les consciences pour modifier sur les comportements là où le Droit ne souhaite qu’organiser la vie en société en prenant les hommes tels qu’ils sont. La morale peut quand même intervenir dans le champ juridique sous l’étiquette des bonnes mœurs, de la coutume bourgeoise. Elle peut aussi intervenir sous la forme de l’éthique qui s’occupe des questions morales liées à la vie de l’homme et à ses corolaires. Ainsi le Droit peut faire intervenir la morale, même dans ce cas la sanction de la règle de Droit et celle de la règle morale (punie par la mauvaise conscience) sont toujours différentes.
  • ZLe droit français est laïc, le religieux n’est donc qu’affaire de cuisine privée. En quoi la règle de Droit se distingue de la règle religieuse ? La règle religieuse présuppose la croyance, et la sanction, si on ne la respecte pas, est divine et n’est pas du ressort des hommes. En France la contrainte religieuse ne bénéficie pas de la contrainte étatique. Cela est relatif dans le temps et l’espace, il existe des systèmes juridiques où il y a confusion entre les deux ordres.

Ce qui distingue la règle de Droit des autres, c’est qu’elle bénéficie de la contrainte étatique.

Néanmoins le Droit n’est pas l’Etat. La règle de Droit va bénéficier du pouvoir de cette structure pour obtenir le respect. L’Etat dispose du monopole de la force à l’égard de celui qui ne respecte pas la règle de Droit, il dispose de moyens de coercitions, jusqu’à la contrainte physique. La contrainte étatique n’est pas seulement la force physique. La sanction étatique caractérise la règle de droit. Mais celle-ci bénéficie aussi d’une sanction dans le cadre de procédures préétablies par des autorités reconnues comme légitimes. Partant de ce constat, pour que la règle de Droit soit appliquée il faut qu’un juge assure son respect. La règle de Droit sera la règle qui aura été sanctionnée par le juge. C’est lui qui dit ce qu’est la règle de Droit qui a un champ plus large que la Loi.

En définitive le Droit objectif est constitué par l’ensemble des règles que le juge va énoncer pour justifier sa décision. Ce n’est pas une perception unanime chez les juristes. Notre conception suppose que la Loi ne puisse pas tout régler, elle n’a d’ailleurs pas vocation à le faire. Le juge trouvera toujours une règle de Droit pour trancher un litige. Le vide juridique n’a pas de sens tant que l’on n’a pas saisi le juge.