La réparation en nature du dommage

LA RÉPARATION EN NATURE EN DROIT DE LA RESPONSABILITÉ

Lorsque nous avons abordé ce « cours » sur la responsabilité civile, nous l’avons défini par son but: obtenir une réparation. La personne victime d’un dommage peut soit décider de saisir le juge, soit décider de transiger, ce qui est finalement très fréquent puisque cela va plus vite et que les assurances sont de plus en plus nombreuses.

A) Généralité sur la réparation

Mais à l’instance, la victime n’est pas seule: elle a bien sûr son avocat, mais des associations et des syndicats peuvent intervenir. Leur intervention sera d’autant plus facile que la personne a saisi une juridiction civile, plus complexe si elle saisi une juridiction pénale.

Le principe est celui de la réparation intégrale, i.e. on doit réparer tout le préjudice, rien que le préjudice et ce quel que soit le fait générateur (faute intentionnelle, fait des choses…) de la nécessité de réparer intégralement le préjudice découle une appréciation in concreto de ce préjudice et ce au jour du jugement. C’est ainsi que l’on peut parler de préjudice futur. L’idée de la réparation intégrale est la suivante: on recrée l’équilibre qui a été rompu. Mais la recréation de cet équilibre, qui généralement passe par le versement de dommages-intérêts nécessite parfois des mesures en nature ou des mesures de prévention de la survenance (ou re-survenance) du dommage. Par exemple, si une personne écrit un livre sur moi, je pourrai obtenir, si le contenu est diffamatoire, l’interdiction de la publication, et si des exemplaires ont déjà été publié et vendus, un démenti dans des journaux.

Cette question est mine de rien importante, c’est pour nous l’occasion de se poser la question: les dommages-intérêts ne doivent-ils avoir pour unique objet et effet de réparer le dommage? Ne peut-on pas punir? Prenons le cas des journaux à scandales, ils publient et diffament (ou non). Le préjudice qui est subi est le plus souvent d’un montant inférieur aux gains réalisés. On se trouve donc dans une situation immorale où sans le vouloir on permet de telles exactions. D’un autre point de vue, permettre que les dommages-intérêts soient punitifs reviendrait à confondre droit civil et droit pénal. La Cour de Cassation refuse pour le moment cette idée des dommages-intérêts punitifs, même si la doctrine semble de plus en plus se rallier à cette idée.

B) RÉPARATION EN NATURE

On parle de réparation en nature chaque fois qu’on ne parle pas d’argent. Des expressions synonymes sont employées: action en nature ou mesure préventive. Pourquoi confondre mesure préventive et réparation en nature? Parce que dans la plupart des cas, les réparations en nature ont pour objet de faire cesser le trouble.

A\ Le fondement des condamnations en nature

On remarque là encore qu’en matière de responsabilité délictuelle, les textes sont muets au sujet de la possibilité de réparer en nature un préjudice. Que fait-on alors ? Comme d’habitude, on se tourne vers la responsabilité contractuelle. Qu’y trouve-t-on? L’article 1142 du Code Civil:

Code Civil, article 1142 /

En matière contractuelle donc, lorsqu’on a affaire à une obligation de faire, en cas d’inexécution le juge ne peut condamner qu’à des dommages-intérêts. Pour le reste, à contrario, la réparation se fait en nature.

En matière délictuelle, l’article 1142 du Code Civil ne s’applique pas, c’est tout du moins la position de la jurisprudence trop contente de ne pas avoir cet article dans les pattes pour assurer une réparation efficace. On peut à ce sujet citer un arrêt de la 1° chambre civile de la Cour de Cassation du 17/11/1987 où Alain Delon demandait de faire indexer le montant de son préjudice au nombre d’exemplaires vendus (pourvoi rejeté sur ce moyen), mais où le juge précisait que la publication des démentis décidés par les juges du fond étaient en l’espèce tout à fait justifiée, rappelant au passage que les juges avaient toujours le droit de procéder à une condamnation en nature.

B\ Le régime

a) Les conditions
  • 1/ il faut que cette mesure permette une réparation efficace
  • 2/ il faut que cette mesure soit proportionnée
  • 3/ le juge décide ou non de l’utilité de cette mesure
  • 4/ la condamnation judiciaire ne doit pas faire échec à une condamnation administrative conformément au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il ne peut pas aller contre une autorisation administrative ou une interdiction administrative.
b) Les moyens nécessaires à l’efficacité des condamnations en nature

Les moyens nécessaires à cette efficacité sont dorénavant classiques: c’est essentiellement l’astreinte. Une condamnation en nature suppose création d’une obligation. Sans revenir sur notre introduction du cours du droit des obligations, on peut redire (la répétition c’est pédagogique JJJ!) qu’une obligation c’est un droit contre une personne et bien sûr il est plus difficile de mettre en œuvre un droit contre une personne qu’un droit sur les biens (e.g. l’hypothèque). L’astreinte permet d’ajouter à une obligation un droit sur les biens. Plus prosaïquement, l’astreinte consiste à fixer une condamnation pécuniaire pour un certain nombre de jours de retard. Par exemple, si je ne publie pas un démenti, je devrai payer 1000 EURO par jour de retard.

On distingue deux types d’astreintes:

  • l’astreinte provisoire dont le montant est généralement très élevé et qui devra être liquidé par la suite mais le montant à payer ne sera pas la somme des jours multiplié par le montant de l’astreinte; le juge décide. C’est pourquoi on appelle cette astreinte d’astreinte provisoire. Par exemple l’astreinte provisoire s’élève à 5000F par jour de retard et j’ai 10J. Le montant à payer pour moi ne sera pas forcément de 50 000EURO mais peut être de 1000 EURO .
  • l’astreinte définitive: elle n’est pas révisée après son exécution. Cette astreinte ne peut être prononcée qu’après une astreinte provisoire.

Si l’astreinte échoue, la victime obtiendra le paiement non seulement de ses dommages-intérêts mais aussi du montant de l’astreinte ce qui fait qu’en général les victimes sont très contentes de voir une astreinte prononcée. Bien sûr, l’astreinte n’aboutit pas toujours, mais elle constitue un procédé incitatif.