La responsabilité du fait des produits défectueux

LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES PRODUITS DÉFECTUEUX

Une directive européenne du 25 juillet 1985 a été transposée par la France par une loi du 19 mai 1998 qui a été intégrée aux articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil.

DEPUIS LA DIRECTIVE ET SA TRANSPOSITION

Cette directive a imposé aux États membres de l’Union européenne la mise en place dans leur législation nationale d’une responsabilité des professionnels du fait des produits défectueux. Cela permet de retenir un régime autonome de responsabilité car cela aboutit à gommer toute distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle. L’article 1386-1 dispose en effet que le producteur est responsable de son produit, qu’il soit ou non contractuellement lié à la victime.

Le produit sera qualifié de « défectueux »s’il n’offre pas à l’utilisateur la sécurité. La loi fait peser sur les professionnels une responsabilité de plein droit, sans faute et extra contractuelle. La victime n’aura pas à prouver la faute du professionnel. Celui-ci est présumé fautif. Il lui suffit de prouver le dommage et le lien de causalité. Le professionnel ne peut s’exonérer que dans de très rares cas

Exemples de cas où le producteur ne peut être tenu pour responsable d’une éventuelle défectuosité du produit :

– si le producteur n’a pas mis lui-même le produit en circulation (si le produit a été volé, par exemple),

– si le défaut du produit est né postérieurement à sa mise en circulation sur le marché,

– si le produit n’était pas destiné à être vendu ou distribué (par exemple lorsque le producteur n’a pas fabriqué ni cédé le produit dans le cadre de son activité professionnelle).

Autre hypothèse d’exonération de responsabilité: l’état des techniques ne permettait pas de déceler le défaut du produit au moment où il a été mis sur le marché. c’est l’exonération pour risque de développement .

Pour se protéger contre cette responsabilité, le professionnel doit prendre toutes les mesures permettant d’éviter les dommages par l’information ou le retrait immédiat des produits du marché.

AVANT LA TRANSPOSITION DE 1995

Le retard dans la transposition (en 1998, soit seulement 13 ans apèrs la directive) a été comblé par des attitudes de la Cour de cassation :

  • 1ère civ. 17 janvier 1995 ; affaire du cerceau brisé: un cerceau se brise, blessant un enfant. Pouvait-on aller rechercher la responsabilité du fabricant au titre du défaut de sécurité du produit ? Le problème est que l’obligation de sécurité est adjointe au contrat et l’enfant blessé était un tiers. La Cour de cassation retient que le vendeur professionnel est tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, qu’il en est responsable tant à l’égard des tiers que de son acquéreur. Un tiers peut donc invoquer le manquement à l’obligation de sécurité. La Cour de cassation fait ici application de l’extension de sécurité applicable à un tiers : on essaie d’appliquer la directive de 1985 sans le dire. Cette décision est donc d’opportunité dans l’objectif de la directive. Cet arrêt est un arrêt de rejet donc c’était d’autant plus facile car la Cour de cassation n’a pas à mettre un texte dans son visa.
  • Cass. 1ère 3 mars 1998: personne ingérant une gélule qui se coince dans un coin de l’intestin. La Cour de cassation, dans un arrêt de rejet sans viser de texte, cite in extenso l’article 6 de la directive de 1985, mais sans guillemets. On se dit alors que la Cour de cassation applique la directive de 1985 alors qu’elle n’a pas encore été transposée.
  • Cass. 1ère 28 avril 1998: responsabilité par ricochet d’un producteur de plasma vicié. Le problème ici est que les juges du fond n’ont pas appliqué implicitement la directive de 1985. La Cour de cassation, pour casser, ne peut citer la directive. Elle vise alors les articles 1147 et 1384 al 1 interprétés à la lumière de la directive de 1985. On refuse donc les textes existants pour viser implicitement la directive.