La responsabilité du juge (personnelle ou disciplinaire)

L’action en responsabilité du juge

 Parce que dans certaines hypothèses le plaideur qui a subi un préjudice peut engager une responsabilité directement contre un juge nommément désigné. Il en est ainsi lorsque ce juge a commis soit une faute personnelle, soit une faute disciplinaire.

  1. Faute personnelle.

La faute personnelle commise par le juge judiciaire Jusqu’en 1958 il existait une procédure assez complexe nommée la prise à partie: était la seule procédure qui permettait d’engager directement une action en responsabilité contre un juge judiciaire en raison de la faute personnelle qu’il a pu commettre. Cette prise à partie était extrêmement complexe de sorte qu’elle n’était pratiquement jamais mise en œuvre, et même mise en œuvre elle n’aboutissait quasiment jamais. Cette procédure a été remplacée par un régime beaucoup plus simple: ordonnance du 22 décembre 1958 qui porte statut de la magistrature. Il ressort de l’article 11-1 que désormais les magistrats de l’ordre judiciaire sont toujours responsables de leur faute personnelle mais selon une procédure beaucoup plus simple que l’ancienne prise à partie. Ce texte ne s’applique qu’aux magistrats professionnels de l’ordre judiciaire. Lorsqu’on veut agir contre un magistrat il s’agira très souvent d’un juge non-professionnel (juge consulaire= magistrat tribunaux de commerce, conseillers prud’homaux, juge de proximité). L’article 11-1 ne s’applique qu’aux magistrats professionnels. La Cour de Cassation: « Les magistrats non professionnels continuent à être responsables selon l’ancienne procédure de la prise à partie. »Rares sont les juges qui condamnent sur le fondement de la prise à partie.

Il faut bien sur que ce magistrat est commis une faute personnelle. D’après la Cour de Cassation n’importe quelle faute ne permet pas de mettre en œuvre l’article 11-1 il faut que la faute personnelle « puisse se rattacher aux services publics de la justice ». Ex: a été considéré comme une faute personnelle pouvant se rattacher aux services publics de la justice: le fait pour un juge professionnel de commettre une collusion frauduleuse avec l’une des parties (fait de corrompre un juge). En revanche n’est pas une faute personnelle qui se rattache aux services publics de la justice une erreur de droit ou une erreur d’application de la justice. Ce car dit la Cour de Cassation: « de telles erreurs sont réparables par le biais des voies de recours. »

Lorsque la personne qui souhaite invoquer l’article 11-1 arrive à prouver que tel juge a commis une faute personnelle se rattachant aux services publics de la justice elle pourra obtenir une indemnisation. L’action sera dans ce cas dirigée directement contre l’état. L’état se porte garant des dommages causés par les juges qu’il emploie. Lorsque l’état est condamné il dispose d’une action récursoire contre le magistrat fautif pour se rembourser. L’état qui demande à travers l’action récursoire devra saisir la première chambre civile de la Cour de Cassation.

Deux remarques:

Mais pourquoi ne pas pouvoir exercer l’action en responsabilité directement contre le juge fautif? Pourquoi devoir passer par l’état? Dans beaucoup de pays européens cette action directe contre le juge est possible (Espagne, Italie…). On ne l’a pas fait en 1958 car on veut garantir coûte que coûte l’autorité morale du magistrat on considère en France que puisque l’action condamne éventuellement l’état le juge lui-même ne sera jamais condamné. Passer par l’état permet par ailleurs de préserver l’indépendance qui doit exister entre le juge et les parties. Ce système permet de préserver cette indépendance car le juge se trouve à l’abri de tentatives d’intimidation ou de déstabilisation.

L’action récursoire existe mais n’a jamais été exercée depuis 1958. L’état a pas mal de fois été condamné, mais il a payé et n’a jamais demandé de remboursements au juge fautif. Cela permet de dire qu’en droit le magistrat judiciaire est responsable mais dans les faits il est irresponsable puisque l’action récursoire n’est jamais exercée. On parle d’irresponsabilité de fait.

La responsabilité du juge administratif

 Il n’existe aucun texte qui ne prévoit la possibilité pour un plaideur d’exercer une action en responsabilité pour une faute commise par un juge administratif. Longtemps on a considéré qu’il ne pouvait être condamné pour une faute personnelle. En 1978, arrêt Darmont rendu par l’assemblée du conseil d’état, le deuxième apport de cet arrêt: l’assemblée décide pour la première fois que comme dans l’ordre judiciaire les juges administratifs doivent également être tenus responsables pour leur faute personnelle. Cette responsabilité est calquée mot sur mot sur celle issue de l’article 11-1. Il étend son application au juge administratif. Ce qui signifie que depuis l’arrêt Darmont un juge administratif professionnel pourra engager sa responsabilité personnelle à condition que la faute se rattache à la fonction de juger. La mise en œuvre de cette responsabilité suppose que l’action soit dirigée contre l’état, et que l’état s’il est condamné à la possibilité d’engager une action récursoire.

  1. La faute disciplinaire commise par le jugeCette faute engage aussi la responsabilité de l’Etat. Qu’est-ce qu’une faute disciplinaire ? Définition article 43 de l’ordonnance de « tout manquement par le magistrat au devoir, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité ». Cette disposition signifie que tout acte tout comportement qui vise à ternir l’honorabilité d’un magistrat constitue à cout sur une faute disciplinaire. Cette faute peut se comporter à deux endroits :

– Dans l’exercice de ces fonctions (exemple magistrats non impartiale), si le juge va juger sa tante alors cause de partialité.

– Dans le comportement que le magistrat a eu dans sa vie privée. Ainsi les magistrats même le magistrat peut commettre une faute disciplinaire dans sa vie privé. 2007 : le Président de la cour d’appel de Bordeaux qui s’est rendu à Cologne dans une maison close : il s’est fait prendre en photo : manquement. A l’égard de cette faute deux questions se pose : qui peut sanctionner ce magistrat. Quels est la sanction disciplinaire qui peut être prononcé à l’égard de ce magistrat.

  1. Le régime disciplinaire de l’ordre judiciaire

C’est un juge judiciaire qui a commis la faute disciplinaire, on distinguera avec magistrats de siège et magistrats du parquet.

  1. Les magistrats du siège

Le pouvoir disciplinaire est exercé par le conseil supérieur de la magistrature. Ce conseil est directement réglé par l’article 65 de la constitution, qui a subit quelque réforme opéré depuis Juillet 2008. Si siège en formation disciplinaire ce conseil supérieur est présidé par le premier président de la cour de cassation et comprend cinq magistrats du siège (peu importe leurs juridictions), un magistrat du parquet, un conseiller d’Etat, un avocat (choisi par le garde des sceaux) et six personnalités qualifié (dont deux Président de la République, deux Président du Sénat et deux Président de l’Assemblée Nationale). C’est une nomination discrétionnaire. Le conseil supérieur de la magistrature ne peut pas s’auto saisir. Il doit donc être saisi. Qui ? Deux personnes :

– le garde des sceaux

– soit (innovation de la loi du 5 mars 2007), premier président de la cour d’appel dans le ressort duquel le magistrat exerce ses fonctions. La procédure s’appliquant est définit dans l’ordonnance du 22 décembre 1958, c’est une procédure extrêmement détaillé (article 51 à 58). Ce conseil supérieur de la magistrature (autorité administrative indépendante) statue comme une véritable juridiction, ainsi le conseil rend un jugement qui a autorité de chose jugée. Deux observations ici :

– selon une ordonnance de 58, les décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature sont insusceptibles de recours, c’est de façon surprenante que le conseil d’Etat (dans décision 14 Mars 2005) s’est auto proclamé juge de cassation des sanctions disciplinaire prononcé par le conseil supérieur de la magistrature. Ca vient du droit d’accès à un juge de cassation. Ainsi le conseil d’Etat peut intervenir en tant que juge de cassation. Le conseil d’Etat ne statue que sur la légalité du droit et non sur les faits. (contra legem n’empêche car la loi ne prévoit pas de cassation puisque CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE décision en force de chose jugée).

– Quand CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE intervient, il peut prononcer différente sanction disciplinaire. N’importe quelle sanction ? Ou énuméré limitativement par la loi ? Il faut savoir que ces sanctions sont limitativement énumérées par la loi (article 45 de l’ordonnance de 1958) : n’importe quelle sanction entraine gèle du magistrat pendant une certaine période (5, 6, 10 ans par exemple).

  • réprimande
  •  déplacement d’office : le propre d’un magistrat est d’être inamovible i.e. on ne peut pas lui demander normalement de quitter tel ou tel juridiction pour aller autres part, il ne peut le faire qu’avec sa volonté. Ici exception : c’est une sanction disciplinaire où le CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE demande le déplacement d’office.
  • Abaissement d’échelon : les magistrats et les enseignements de droit sont gradés avec neuf échelons. Une des sanctions est d’abaissée l’échelon.
  • Rétrogradation, si on ne fait pas baiser l’échelon d’un grade mais on le ramène au premier grade
  •  L’exclusion temporaire de fonction pour une durée maximum d’un an. Le juge sera exclu de la fonction de jugée (un an) avec ou sans privation du traitement (rien recevoir)
  •  Mise à la retraite d’office quelques soit l’âge
  •  Révocation, on retire la fonction de juger avec ou sans suppression des droits à pension (article 45) Il faut savoir que la loi du 5 Mars 2007 a rajouté une nouvelle sanction disciplinaire dans l’article 45. Cette nouvelle sanction est la suivante : interdiction d’être nommé juge unique pendant cinq ans maximum.
  1. Les magistrats du parquet

La faute disciplinaire du magistrat du parquet sera aussi punie. Qui peut sanctionner ces magistrats ? Le conseil supérieur de la magistrature dans une formation spécifique : « compétente à l’égard des magistrats du parquet ». Ici le conseil supérieur peut être saisi par le garde des sceaux, par le premier président de la cour où il exerce ses fonctions. Mais la ou ça change c’est que :

  •  ce Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le procureur général de la cour de cassation. Il comprend également cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, un conseiller d’Etat toujours, un avocat, six personnalités qualifiées (même nomination).
  • De plus, ici lorsque le CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE intervient à l’égard d’une faute disciplinaire du magistrat du parquet : ici pas qualité d’une juridiction, rend pas de décision, rend pas de jugement, rend qu’un avis ! Ce n’est qu’un organe consultatif sur la sanction qu’il faudrait prononcer. Qui prend alors la décision finale ? Par le garde des sceaux directement. C’est logique puisqu’en matière du parquet il y a une dépendance directe entre le parquetiste et le garde des sceaux.

Trois Observations :

1°) garde des sceaux jamais liés, aucune force obligatoire puisque ce n’est qu’un avis. On se rend compte quand même que le garde des sceaux suit leurs avis

2°) décision administrative du garde des sceaux qui peut faire le recours pour excès de pouvoir que l’on exercera devant le conseil d’Etat

3°) sanctions : les mêmes que pour l’article 45 de l’ordonnance de 58. Sauf la nouvelle qui a été crée (impossibilité de créer au juge unique, puisqu’il ne siège jamais en juge unique).

  1. Le régime disciplinaire dans l’ordre administratif

Ici on ne distingue pas entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet mais on distingue entre les magistrats composant le conseil d’Etat et les magistrats des Tribunaux Administratifs et des Cour Administrative d’Appel.

  1. Les magistrats du Conseil d’Etat

Ce régime disciplinaire est particulier car prévu par le décret du 30 juillet 1963. Les traits caractéristiques :

– d’une part les sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcé à l’égard d’un membre du conseil d’Etat (pas que les conseillers d’Etat) sont énumérés (liste limitative) à l’article L-136-1 : cinq sanctions peuvent être prononcé par ordre de gravité : ici sanction moins lourde

  •  avertissement
  •  le blâme
  •  exclusion temporaire de fonction dans la limite de six mois
  •  la mise à la retraite d’office
  •  et la révocation

– l’organe qui prononce la sanction varie en fonction de la sanction que l’on veut prononcer. Si blâme ou avertissement : directement prononcé par le vise président du conseil d’Etat. En revanche pour toutes les autres sanctions, prononcées par décret du garde des sceaux, qui ne peut le prononcer qu’après avis : commission consultative (code de justice administrative), composition article L-132-1 : elle ne donne qu’un avis !

  1. Les magistrats du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel

Ici le régime disciplinaire est organisé par une loi, celle du 6 janvier 1986. Cette loi a crée un conseil supérieur des Tribunaux Administratifs et des Cour Administrative d’Appel (parallèle du CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE). Ce conseil sera l’organe disciplinaire au sein des Tribunaux Administratifs et des Cour Administrative d’Appel. Composition ? Fixé à l’article L-232-2 du code de justice administrative. Ce conseil ne peut être saisi que par le président du Tribunal Administratif ou des Cour Administrative d’Appel dont fait parti le juge administratif qui a commis la faute disciplinaire. Ici, le garde des sceaux aucun pouvoir de saisine. Remarque :

– la loi ne prévoit pas la gamme des sanctions disciplinaire que le conseil doit prononcer. Le conseil d’Etat nous dit qu’il faut donc se référer aux sanctions générales applicables aux statuts de la fonction publique. Ce sont des sanctions générales toutefois.

– Le conseil supérieur n’à aucun pouvoir de décision, qu’un pouvoir de proposition puisque décision finale est pris par le vis président du conseil d’Etat.