La saisie-appréhension

La saisie-appréhension

La saisie-appréhension est une mesure d’exécution qui permet au créancier bénéficiaire d’une obligation de livraison ou de restitution d’appréhender des meubles que le débiteur est tenu de lui livrer ou de lui restituer, sur le fondement d’un titre exécutoire ou d’une injonction du juge.

La saisie-appréhension a été introduite par la loi de 1991. Avant la réforme, celui qui obtenait satisfaction dans une action pétitoire devait en fait solliciter du juge qu’il ordonne en même temps la restitution du bien, à défaut, il devait demander, le cas échéant, en référé une autorisation supplémentaire au juge pour pouvoir intervenir et pendant ce temps, le débiteur pouvait réagir ce qui présentait un inconvénient majeur.

L91 Article 56, D92 139 al.1, 140 à 154 et Article 275 à 277.

La saisie-appréhension la saisie d’un meuble corporel qui permet, en vertu d’un titre exécutoire ou d’une injonction du juge, de s’en rendre maître entre les mains de celui qui est tenu de la remettre (i.e. le débiteur lui-même) ou d’un tiers détenteur afin que ce bien soit délivré ou restitué à son propriétaire ou au créancier gagiste. La saisie-appréhension permet donc l’exécution forcée des obligations de livrer ou de restituer une chose. Elle est notamment ouverte à l’acquéreur d’un meuble corporel lorsque le vendeur ne lui livre pas la chose (obligation de livraison), ouverte au déposant lorsque le dépositaire ne restitue pas la chose déposée (obligation de restitution).

La saisie-appréhension n’a pas d’effet conservatoire, elle ne rend pas le bien indisponible, elle présente donc un inconvénient majeur parce que le débiteur informé de la mesure peut tout à fait déplacer le bien. Dès lors, il faut remédier à cet inconvénient, c’est pourquoi en pratique cette saisie est souvent précédée de la saisie revendication.

Comme pour les autres mesures de saisie, le législateur a prévu plusieurs saisies appréhension, il y a une saisie-appréhension de droit commun (Section 1) et une spécifique pour les biens placés dans un coffre-fort (Section 2).

Section 1: La saisie-appréhension de droit commun

Il existe 2 saisies-appréhension de droit commun: la première est réservée au créancier muni d’un titre exécutoire (1), la seconde permet au créancier d’obtenir le titre qui lui fait défaut grâce à une procédure simple et relativement rapide: la saisie-appréhension sur injonction du juge (2).

1) La saisie-appréhension opérée en vertu d’un titre exécutoire

La saisie-appréhension peut être pratiquée par tout créancier muni d’un titre exécutoire (judiciaire ou notarié) dès lors que ce titre exécutoire constate l’obligation du débiteur de délivrer ou de restituer la chose. Cette saisie-appréhension de droit commun peut être pratiquée soit entre les mains du débiteur lui-même (A) soit entre les mains d’un tiers (B).

  1. A) La saisie-appréhension entre les mains du débiteur

L91 Article 56 l’huissier appréhende les meubles que le débiteur doit livrer ou restituer en vertu d’un titre exécutoire sauf si le débiteur propose d’en faire le transport à ses frais. En fait, la saisie-appréhension est pratiquée contre le débiteur de l’obligation de restitution ou de livraison du bien qui doit être identifiable dans le titre exécutoire. En clair, l’huissier commence par signifier un commandement de livrer ou restituer au débiteur (1) avant de rédiger un acte de remise volontaire ou d’appréhension du bien selon les cas (2).

1) La signification du commandement de délivrer ou de restituer au débiteur

Pour favoriser la remise amiable du bien, la procédure débute par un commandement de livrer ou restituer par la personne tenue de la remise i.e. au débiteur. Ce commandement peut être signifié dans le même acte que le jugement lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire judiciaire. Cet acte comprend des mentions à peine de nullité D92 Article 141:

  • – la mention du titre exécutoire en vertu duquel remise ou livraison est exigée
  • – l’indication que la personne tenue de la remise peut dans un délai de 8 jours transporter à ses frais le bien désigné dans un lieu et dans les conditions indiquées
  • – mention qu’à défaut de remise volontaire dans le délai de 8 jours, le bien sera appréhendé aux frais du débiteur
  • – mention que toute contestation devra être portée devant le JEX du domicile du débiteur

2 cas dans lesquels le commandement préalable n’est pas requis:

  • – la personne tenue de la remise est présente lorsque l’huissier se présente et qu’elle refuse directement d’effectuer le transport du bien à ses frais
  • – le titre est une ordonnance d’injonction revêtue de la formule exécutoire: le commandement n’est pas requis si d’une part le bien se situe entre les mains de la personne visée par l’injonction et si, d’autre part, l’appréhension est entreprise dans les 2 mois où l’ordonnance d’injonction a été rendue exécutoire.

S’il y a dispense, le bien est appréhendé directement sur présentation du titre exécutoire.

Dans le cas contraire, s’il y a un commandement délivré, l’huissier de justice doit attirer le débiteur sur le fait qu’il dispose d’un délai de 8 jours pour remettre volontairement de bien et doit lui indiquer qu’à défaut de remise volontaire, il se présentera pour appréhender le bien. Lors de cette seconde visite, l’huissier dressera un acte de remise volontaire ou d’appréhension du bien selon le comportement du débiteur

2) L’établissement d’un acte de remise volontaire ou d’appréhension du bien

Quelle que soit l’issue de la tentative de remise amiable du bien, un acte doit être dressé. Cet acte constate, selon les cas, soit la remise volontaire, soit l’appréhension du bien et comprend systématiquement un état détaillé de celui-ci. A ce titre, le bien peut être photographié et les photographies annexées.

Si le bien est appréhendé pour être remis au propriétaire, une copie de l’acte est remise ou notifiée par LRAR à la personne tenue de livrer ou restituer le bien i.e. au débiteur.

Des formalités supplémentaires sont requises si le bien est appréhendé pour être remis à un créancier gagiste. Dans cette hypothèse, la saisie-appréhension n’est qu’une étape puisque la procédure tend en réalité à l’attribution de la propriété du gage. En effet, si le créancier gagiste n’a qu’une détention fictive du bien, la saisie-appréhension va lui permettre d’exercer effectivement son droit de rétention avant précisément de poursuivre la réalisation du gage si le débiteur est défaillant. Ainsi, la saisie-appréhension est alors souvent suivie d’une autre saisie: la saisie-vente. Dans ce cas, l’huissier rédige un acte particulier qui sera remis ou signifié au débiteur selon qu’il est présent ou absent, cet acte est une passerelle entre la saisie-appréhension et la saisie-vente, il comprend des mentions à peines de nullité D92 Article 145:

  • – une copie de l’acte de remise ou d’appréhension
  • – le lieu où le bien est déposé
  • – le décompte des sommes réclamées par le créancier en principal, frais et intérêts échus avec indication le cas échéant du taux d’intérêt
  • – l’indication en caractères très apparents que le débiteur a 1 mois pour procéder à la vente amiable du bien saisi (idem saisie-vente)
  • – la date à partir de laquelle, à défaut de vente amiable, il y aura vente forcée i.e. aux enchères publiques
  • – la reproduction de textes: D92 Article 107 à 109 relatifs à la vente amiable

Si le bien est appréhendé pour être remis au créancier gagiste, l’acte de remise ou d’appréhension vaut saisie sous la garde du créancier, le bien passe sous la garde du créancier puisqu’il en obtient la détention. Il sera ensuite procédé à la vente du bien selon les règles applicables à la saisie-vente.

Le bien à appréhender n’est pas forcément en la possession du débiteur, la procédure est alors différente.

  1. B) La saisie-appréhension entre les mains d’un tiers

Cette saisie-appréhension peut par ex être pratiquée sur un véhicule automobile lorsqu’il fait l’objet d’un contrat de crédit bail ou déposé chez un garagiste, le bien n’est pas en possession du débiteur qui doit restituer la chose, des formalités supplémentaires sont donc requises. Ces formalités D92 Article 146 à 149.

1ère étape: la procédure débute par la signification au tiers d’une sommation de remettre le bien. Cette sommation contient des mentions à peines de nullité Article 146 al.2 D92:

– une copie du titre exécutoire en vertu duquel la remise est exigée

– l’injonction d’avoir dans un délai de 8 jours soit à remettre le bien désigné soit à communiquer le cas échéant à l’huissier les raisons pour lesquelles le débiteur s’oppose à la remise

– l’indication selon laquelle les difficultés peuvent être portées à la connaissance du JEX du lieu où demeure le destinataire de l’acte

2ème étape: la sommation est dénoncée à la personne tenue de délivrer ou restituer le bien i.e. au débiteur, par LRAR.

3ème étape: suite à la sommation 2 cas de figure:

– le tiers remet le bien dans les 8 jours: l’huissier dresse un acte de remise comprenant, comme pour la saisie-appréhension entre les mains du débiteur un état détaillé du bien avec éventuellement photos en annexe. Cet acte est remis ou notifié à la personne tenue de la remise de la chose (i.e. du débiteur).

– le tiers retient le bien: l’huissier constate que la remise n’a pas été effectuée. A partir de là, le créancier a 1 mois, à compter de la signification de la sommation pour saisir le JEX du domicile du tiers afin qu’il ordonne la remise du bien. Ce délai d’1 mois permet aussi au tiers détenteur de saisir le JEX de toute contestation. Dans ce cas, lorsque le JEX est saisi, il a 2 possibilités:

— si la contestation du tiers est fondée, il ordonne la mainlevée de la saisie appréhension.

— si la contestation n’est pas fondée, il rend une décision enjoignant au tiers de remettre le bien au créancier. Si le bien se situe dans le local d’habitation du tiers détenteur, le juge doit également, à la demande du créancier, rendre une ordonnance autorisant l’huissier à pénétrer dans ce local.

4ème étape: après le jugement, l’huissier se présente chez le tiers pour procéder à l’enlèvement des biens. Il dresse un acte selon les cas de remise ou d’appréhension du bien. Cet acte rend compte du procédé utilisé pour appréhendé le bien et comprend un état détaillé du bien remis ou appréhendé ainsi que le cas échéant des photographies en annexe.

5ème étape: après l’enlèvement du bien chez le tiers, la personne tenue de la remise (i.e. le débiteur) en est informé. L’acte de remise volontaire ou d’appréhension est ainsi remis ou notifié au débiteur selon qu’il est présent ou absent.

La saisie-appréhension reste une procédure relativement lourde notamment en cas de résistance du débiteur (saisie du JEX nécessaire). C’est pourquoi, le D92 a introduit une autre forme de saisie-appréhension qui repose sur une injonction du JEX.

2) La saisie-appréhension sur injonction du juge

Si le créancier n’a pas de titre exécutoire, une procédure lui permet d’obtenir rapidement un titre pour appréhender le bien. Cette procédure particulière repose sur le mécanisme se l’injonction de faire Article 149 à 154 D92.

2 temps: dans un premier temps, le créancier sollicite du JEX une ordonnance au titre d’une procédure gracieuse (A), procédure gracieuse qui peut éventuellement dans un second temps déboucher sur une procédure contentieuse (B).

  1. A) La procédure gracieuse devant le JEX

Le JEX du lieu où demeure le débiteur est saisi par requête à fin d’injonction d’avoir à délivrer ou à restituer le bien considéré selon le cas. Cette requête contient à peine d’irrecevabilité: la désignation du bien accompagnée de tout document justifiant la demande de remise. Dès lors, le juge saisi statut sans débat (procédure gracieuse) et a 2 possibilité:

– rejette la demande: le créancier peut encore se retourner vers la phase contentieuse classique (agir au fond) pour obtenir un titre exécutoire. Si obtient une condamnation du débiteur au fond, il pourra exécuter une saisie-appréhension classique (cf. supra.)

– estime que la demande est justifiée: rend ordonnance portant injonction de délivrer ou restituer le bien, cette décision est signifiée à la personne tenue de la remise i.e. au débiteur, la signification contient à peine de nullité sommation d’avoir dans les 15 jours soit à transporter à ses frais le bien au lieu et dans les conditions indiquées soit de former opposition contre l’ordonnance du JEX auprès du greffe du juge l’ayant rendu. Dès lors, à l’issue de cette procédure gracieuse 3 cas de figure:

— la personne tenue de la remise obtempère dans un délai de 15 jours: la procédure s’arrête, le créancier a obtenu satisfaction.

— le débiteur est passif, il ne remet pas la chose et ne forme pas opposition contre l’ordonnance du JEX: le créancier peut rendre l’ordonnance du JEX exécutoire en demandant au greffe l’apposition de la formule exécutoire sur ladite ordonnance. Cette formalité accomplie, l’ordonnance produit les effets d’une décision contradictoire. Ainsi, à partir de là, le JEX ne peut plus empêcher ou différer ou surseoir à la restitution, le créancier dispose alors d’un titre exécutoire. Dans ce cas, le créancier pourra pratiquer une saisie-appréhension (car titre exécutoire) mais le créancier se trouve dans une situation favorable car dans ce cas de figure, le commandement d’avoir à livrer ou restituer la chose n’est pas requis (cf. supra.) dès lorsque le bien se situe dans les mains de la personne visée par l’injonction et que l’appréhension est entreprise dans le délai d’1 mois de la signification de l’injonction.

— le débiteur forme opposition dans les 15 jours, la procédure bascule dans une phase contentieuse.

  1. B) La procédure contentieuse

Le détenteur du bien (le débiteur le plus souvent) peut faire opposition auprès du greffe du JEX ayant rendu l’ordonnance, par déclaration contre récépissé (présentation au greffe) ou par LRAR. En cas d’opposition, le créancier doit saisir la juridiction compétente selon le droit commun pour statuer sur la délivrance ou le cas échéant la restitution du bien. Le créancier doit agir rapidement car le délai pour agir est de 2 mois à compter de la signification de l’injonction sous peine de caducité de l’ordonnance. Puisque ce délai court à compter de la signification de l’injonction, ce délai est en réalité amputé du délai de 15 jours qui est laissé au détenteur pour former opposition.

2 hypothèses:

  • – le tribunal saisi de l’opposition rejette la demande: la personne déboutée peut interjeter appel dans le délai d’1 mois à compter de la signification de la décision de rejet.
  • – le tribunal accueille la demande, muni d’un titre exécutoire, le créancier pourra poursuivre la saisie-appréhension de droit commun sans avoir à délivrer de commandement préalable (situation favorable).

Par cette procédure, le créancier peut obtenir un pseudo titre exécutoire qui lui permet de procéder à l’appréhension du bien alors qu’au départ il n’a pas de titre exécutoire. Toutefois, cette procédure crée en réalité une situation hybride, en effet, pendant le délai de 15 jours imparti au débiteur pour s’exécuter ou contester, le bien reste disponible et le débiteur peut donc toujours le déplacer. Il est donc utile d’adjoindre à la demande d’injonction i.e. dès le début de la procédure, une demande pour rendre ce bien indisponible i.e. une demande de saisie revendication.

Si la saisie-appréhension porte sur un VTM, elle présente certaines particularités car alors la saisie-appréhension peut s’accompagner de mesures supplémentaires adaptée à la nature spécifique du bien appréhendé. Le créancier peut notamment immobiliser le bien grâce au sabot de Denver (cf. infra.).

Section 2: La saisie-appréhension des biens placés dans un coffre-fort

D92 Article 275 à 277, dans ce cas, la procédure combine les règles relatives à la saisie-appréhension de droit commun et des règles spécifiques pour tenir compte du lieu de situation des biens appréhendés.

Comme pour toute saisie appréhension, le créancier doit être muni soit d’un titre exécutoire soit d’une injonction délivrée par le JEX.

Muni de ce titre exécutoire ou injonction, l’huissier dresse un acte de saisi qui est adressé au propriétaire du coffre. Cet acte comprend des mentions à peine de nullité D92 Article 266:

  • – le nom et domicile du débiteur ou la désignation ou siège social si personne morale
  • – le titre en vertu duquel la saisie est pratiquée (titre exécutoire ou injonction)
  • – l’injonction d’interdire tout accès au coffre sauf demande à un huissier de justice

Cet acte évite que le coffre ne soit vidé puisqu’il interdit l’accès au coffre, en cas de besoin, l’huissier peut apposer des scellés.

Un commandement de délivrer ou restituer est signifié à la personne tenu de la remise i.e. du débiteur, il est signifié le premier jour ouvrable suivant l’acte de saisie, il comprend à peine de nullité les mentions D92 Article 275:

  • – la dénonciation de l’acte de saisie
  • – la mention du titre exécutoire ou de l’injonction en vertu duquel la saisie est pratiquée
  • – la désignation précise du ou des biens réclamés
  • – un commandement d’avoir à remettre le ou les biens réclamés avant la date fixée pour l’ouverture du coffre et précisant qu’à défaut, l’ouverture aura lieu aux frais du débiteur
  • – l’indication des lieux jours et heures fixés pour procéder l’ouverture du coffre
  • – indication du JEX du lieu de situation du bien pour connaître des contestations éventuelles

En l’absence de remise volontaire, le coffre est ouvert mais cette ouverture ne peut intervenir que 15 jours après la signification du commandement au débiteur. Au jour et heure, l’huissier ouvre le coffre et procède à un inventaire de tous les biens s’y trouvant si débiteur absent ou des seuls biens appréhendés si le débiteur est présent. Si en ouvrant le coffre, l’huissier ne trouve pas les biens à appréhender, il dresse un PV de carence. Si les biens figurent dans le coffre, il dresse un acte relatant les opérations de saisie comprenant à peine de nullité les noms, prénoms et qualités des personnes ayant procédé aux opérations et dans les mains desquelles les objets ont le cas échéant été remis. Une copie de cet acte est remise ou signifié au débiteur selon qu’il est présent ou non.
A partir de là, le débiteur retrouve la libre disposition du coffre à partir du jour où les biens sont enlevés (le jour de l’ouverture en général). Pour le reste idem procédure saisie appréhension.