La saisie sur salaire

La saisie des rémunérations du travail

Avant même la réforme, la saisie des rémunérations du travail obéit à des règles spécifiques en raison du caractère alimentaire et donc vital de la créance objet de la saisie.

Seule une partie des rémunérations du travail est saisissable (A), les opérations de saisie en tant que telles présentent des particularités (B) et les dernières particularités sont relatives à la cessation de la saisie (C).

  1. A) La fraction saisissable des rémunérations du travail

Par rémunérations du travail on entend les sommes dues à titre de rémunération aux personnes salariées travaillant (salaires et primes) et ce, que le contrat de travail soit ou non en cours d’exécution. Ainsi a été admise la saisie du montant d’une condamnation prononcée par le Conseil de prud’homme à titre de rappel de salaire et de congés payés.

En revanche, les frais remboursés aux salariés sont exclus des sommes saisissables.

Une partie seulement des rémunérations du travail sont saisissable. La partie insaisissable est inversement proportionnelle au montant de la rémunération du travail : elle est d’autant plus élevée que le montant de la rémunération du travail est faible. Cela se comprend car lorsque le débiteur a de faibles revenus, il consacre une part importante de son salaire aux dépenses alimentaires.

Code du travail Article R145-2 fixe la proportion, les seuils sont révisés annuellement par décret en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Aujourd’hui décret n°2006-1738 du 23 déc. 2006 applicable depuis le 1er jan. 2007.

De 0 et 3310 euros inclus, rémunérations saisissables de 1/20, de 3310 à 6500, saisissable à raison 1/10 … 12920 à 16120 1/3, 16120 à 19370 2/3, au-delà de 19370 intégralement saisissable.

Ces seuils sont en fait majorés de 1250 euros par personne à charge du débiteur sur justification.

En principe, cette insaisissabilité partielle n’est pas opposable au créancier d’aliments. Cependant, avant même la réforme, la Cour de cassation a limité cette règle, elle considère en effet que le débiteur ne doit pas être privé d’un minimum de survie. Lors de la réforme, le législateur a entériné la solution jurisprudentielle en décidant que dans tous les cas, le débiteur doit conserver une partie de sa rémunération. La somme laissée au débiteur au titre de ce minimum de survie correspond au montant du RMI pour un allocataire lorsque le débiteur est seul.

On distingue donc 3 parties dans les rémunérations perçues par le débiteur :

– 1ère partie correspondant au RMI : absolument insaisissable même par un créancier alimentaire, au 1er jan. 2007 440,86 euros

– 2ème partie correspondant à la partie qui excède le RMI mais qui ne figure pas encore dans la fraction saisissable : ne peut être saisie que par les créanciers d’aliments, leur paiement est imputé en priorité sur cette 2ème partie, ce n’est que s’ils n’obtiennent pas satisfaction que l’on puisera sur la 3ème partie

– 3ème partie : fraction saisissable en vertu de la loi (sens large) par tous les créanciers. Si un créancier d’aliment n’a pas été intégralement désintéressé sur la partie 2, il est payé sur la partie saisissable avant les autres créanciers.

  1. B) La procédure de saisie des rémunérations

Code du travail Article L145-1 à -3, contrairement aux autres mesures d’exécution sur des biens meubles, cette saisie des rémunérations du travail a nécessairement un caractère judiciaire.

La saisie des rémunérations du travail suppose l’intervention du juge d’instance par dérogation à la compétence du JEX. ATTENTION

Il s’agit du juge d’instance du lieu où demeure le débiteur qui est compétent pour connaître de cette saisie.

Cette saisie comporte une particularité car les opérations de saisie sont obligatoirement précédées d’une tentative de conciliation.

1) La tentative de conciliation

Eu égard à ses effets, la saisie des rémunérations du travail ne doit être pratiquée qu’en l’absence d’accord entre le débiteur et le créancier, tout doit être mis en œuvre pour obtenir un accord entre le créancier et le débiteur avant la mise en œuvre de la saisie. La saisie est donc toujours précédée à peine de nullité, d’une tentative de conciliation.

Pour y parvenir, le juge d’instance est saisi par requête qui est selon les cas remise ou adressée au greffe du tribunal, requête à laquelle doit être jointe une copie du titre exécutoire. Cette requête contient :

– des mentions permettant l’identification du débiteur et du tiers saisi (l’employeur)

– montant de la créance et taux d’intérêt

– précisions relatives aux modalités de versements des sommes dues

Après le dépôt, le greffe informe le créancier avec un récépissé lorsqu’il a fait sa demande verbalement, ou par lettre simple lorsqu’il a envoyé sa requête : il indique les lieux, jours et heures de la tentative de conciliation. Le greffe convoque le débiteur en vue de la conciliation, elle est envoyée par LRAR. La convocation du débiteur contient un certain nombre de mentions :

– mentions éléments d’indentification du créancier

– date et lieu de la tentative de conciliation

– sommes réclamées par le créancier : montant de la créance, intérêts échus et à échoir avec taux d’intérêt

– mention selon laquelle le débiteur doit élever lors de l’audience de conciliation toutes les contestations qu’il pourrait faire valoir le cas échéant

– reproduction de dispositions relatives aux possibilités et modalités de représentation devant le juge d’instance

Cette convocation à l’audience de conciliation doit être fait 15 jours au moins avant la date fixée pour l’audience.

Lors de l’audience :

– si le créancier ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement mais le juge d’instance peut toujours renvoyer l’affaire à une audience ultérieure dans la perspective d’engager une conciliation.

– si le débiteur ne comparaît pas : en principe, il est procédé à la saisie, sauf si exceptionnellement le juge décide qu’une nouvelle convocation est nécessaire.

Lors de l’audience de conciliation, le juge tente de concilier les parties :

– il parvient à un accord entre le créancier et le débiteur : la saisie ne se justifie plus, il y aura paiement volontaire.

– à défaut d’accord, le juge va vérifier le montant de la créance et va statuer sur les éventuelles contestations du débiteur. Le juge rend un procès verbal de non conciliation qui va permettre de procéder à la saisie.

2) Les opérations de saisie

  1. a) Le déroulement des opérations de saisie

L’originalité de la saisie des rémunérations du travail réside dans le fait que c’est le greffier du Tribunal d’Instance qui est chargé de procéder à cette saisie (et non un huissier de justice).

La saisie est pratiquée par le greffier du Tribunal d’Instance. En principe, il est procédé à la saisie dans les 8 jours de l’établissement du PV de non conciliation. Toutefois, si l’audience de conciliation a donné lieu à un jugement (le juge a tranché des contestations), ce délai de 8 jours ne court qu’à l’expiration des délais de voies de recours contre ce jugement.

L’acte de saisie (dressé par le greffier et non par un huissier) contient des mentions :

– éléments d’indentification du débiteur et du créancier

– précisions relatives aux sommes réclamées : montant créance avec taux d’intérêt et intérêt échus et à échoir

– le mode de calcul de la fraction saisissable du salaire et les modalités de règlement de cette fraction saisissable

– l’injonction consécutive à l’obligation de déclaration pesant sur le tiers saisi (employeur), de déclarer les sommes dues au salarié

– la reproduction des textes relatifs aux différentes obligations de l’employeur (obligations de déclaration et de paiement)

L’acte de saisie est ensuite porté à la connaissance de l’employeur et du débiteur. Cet acte est notifié à l’employeur par LRAR puis une copie de cet acte en est donnée au débiteur par lettre simple, copie dans laquelle il est indiqué au débiteur qu’en cas de changement d’employeur, la saisie sera poursuivie entre les mains du nouvel employeur.

  1. b) Les effets de la saisie en l’absence d’incident

En l’absence de contestation et d’incident, la notification de l’acte de saisie emporte 2 obligations à la charge de l’employeur : chronologiquement, l’employeur a d’une part une obligation de déclaration et d’autre part une obligation de paiement.

vl’obligation de déclaration: dans les 15 jours où l’acte a été envoyé par LR à l’employeur, l’employeur doit faire connaître la situation de droit du salarié ainsi que les éventuelles cessions ou les autres saisies en cours d’exécution. Sauf motif légitime, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de cette obligation, l’employeur peut être condamné par le juge, notamment au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 3000 euros depuis le 1er mars 2006.

vl’obligation de permettre le paiement du créancier: l’employeur a l’obligation de permettre le paiement du créancier car concrètement il ne paye pas le créancier, il adresse tous les mois au greffe du Tribunal d’Instance un petit chèque d’un montant égal à la fraction saisissable des rémunérations du travail, ce chèque est libellé directement au nom du créancier s’il est seul à avoir pratiqué une saisie, il va être transmis au créancier par le greffe.

Cette obligation fondamentale est assortie d’une sanction efficace : en cas d’inexécution, l’employeur peut être déclaré débiteur des retenues qu’il aurait dû opérer i.e. être personnellement tenu à hauteur de la fraction saisissable.

  1. c) Les effets de la saisie en cas d’incident

2 types d’incidents : certains sont relatifs à la pluralité de créanciers, d’autres à des circonstances directement liées aux parties à la saisie.

c.1) Les incidents relatifs à la pluralité de créanciers

Tout créancier, même en l’absence de tentative de conciliation, peut intervenir à la saisie pour participer à la répartition des sommes saisie. Elle se fait par requête remise contre récépissé ou adressée au greffe. Le greffe notifie l’intervention du ou des créanciers au débiteur et au créancier qui sont déjà dans la procédure de saisie en cours. Cette intervention peut être constatée à tout moment dès lors que la procédure de saisie est encore en cours.

De plus, l’employeur est informé qu’il doit verser les sommes saisissables à l’ordre du régisseur installé auprès du greffe du TI, puis les sommes versées sont réparties entre tous les créanciers saisissants au moins tous les 6 mois sauf si les sommes permettent de désintéresser les créanciers dans un laps de temps plus court.

Un état de répartition (des sommes entres les créanciers) doit être dressé, il peut être contesté dans les 15 jours de sa notification (à chaque créancier). A défaut de contestation, les sommes sont attribuées aux créanciers tels que fixé dans l’état de répartition. en cas de contestation, le versement ne peut intervenir qu’après l’intervention du juge.

Il existe encore des règles spécifiques lorsque l’incident résulte d’un avis à tiers détenteur ou d’une demande de paiement direct.

c.2) Les incidents liés à des circonstances liées aux parties

vpluralité d’employeurs: lorsque le débiteur perçoit des rémunérations de plusieurs employeurs, le juge doit déterminer le ou les employeurs chargés de procéder aux retenues des sommes saisissables. Si un seul employeur peut verser l’intégralité des sommes saisissables, la saisie sera, pour simplifier, pratiquer sur lui.

vcessation du lien de droit entre le débiteur et l’employeur (fin du contrat de travail) : l’employeur en informe le greffe et n’a plus à transmettre la fraction saisissable tous les mois. Les fonds détenus par le régisseur du greffe du Tribunal d’Instance sont normalement répartis entre les créanciers (même si le délai de 6 mois n’est pas encore atteint).

vchangement d’employeur: la saisie est poursuivie entre les mains du nouvel employeur, ceci, sans conciliation préalable (même saisie poursuivie et non nouvelle saisie). La demande de poursuite de la saisie doit être présentée dans l’année de l’avis donné par l’ancien employeur avertissant le greffe de la cessation du contrat de travail, à défaut, la procédure de saisie initiale prend fin.

vchangement de domicile du créancier ou du débiteur:

— le créancier changeant de domicile doit en aviser le greffe.

— En cas de changement de domicile du débiteur 2 cas de figure selon que ce changement s’accompagne ou non d’un changement d’employeur :

—- changement de domicile (ressort d’un autre Tribunal d’Instance) et d’employeur : le créancier poursuit la saisie devant le nouveau Tribunal d’Instance territorialement compétent, dans ce cas, sa demande doit être présentée dans l’année de l’avis donné par l’ancien employeur à la suite de la cessation du contrat de travail.

—- changement de domicile uniquement (ressort d’un autre Tribunal d’Instance) : la saisie est poursuivie devant le nouveau Tribunal d’Instance territorialement compétent, les dossiers de saisie sont transmis au nouveau tribunal territorialement compétent. Une fois la transmission effectuée, le greffe du Tribunal d’Instance initialement compétent en avise les créanciers car la procédure se poursuit devant un autre Tribunal d’Instance.

  1. C) La cessation de la saisie des rémunérations du travail

La saisie des rémunérations du travail prend fin par la mainlevée, elle sera le plus souvent amiable (émane de l’accord entre créancier et débiteur). Si le débiteur demande la main levée, il doit remettre ou adresser une déclaration au greffe à la quelle il doit joindre l’accord formel et écrit des créanciers. En l’absence d’accord de tous les créanciers, la saisie prend uniquement fin à l’égard de ceux qui ont consenti à la mainlevée (mainlevée partielle).

La mainlevée sera judiciaire dès lors que le juge pourra constater l’extinction de la dette du débiteur, à défaut d’accord amiable. La mainlevée est notifiée par LRAR dans les 8 jours à l’employeur, elle le libère de ses obligations à l’égard des créanciers.