La séparation des pouvoirs : principe et critiques

La séparation des pouvoirs

Au sein d’un régime représentatif l’organisation des pouvoirs n’est pas uniforme, elle prend la fourre de la théorie de la séparation des pouvoirs, c’est à partir de cette théorie qu’on peut faire une classification des régimes politiques.

Aristote et Locke ont les premiers découverts qu’il devait y avoir une spécialisation des organes de l’Etat dans l’exercice des différentes fonctions étatiques ; mais c’est Montesquieu qui a développé la théorie de la séparation des pouvoirs. Cette théorie vise à séparer les différentes fonctions de l’Etat, afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines.

Montesquieu a formulé la théorie de la séparation des pouvoirs, dans le chapitre De la Constitution d’Angleterre. L’idée n’était pas entièrement neuve. Locke, dans le Traité du gouvernement civil, avait distingué les pouvoirs exécutif, législatif, fédératif (il appelait ainsi le pouvoir chargé des relations avec l’étranger). Swift et Bolingbroke avaient exposé la théorie de la « balance du pouvoir » entre le roi, les nobles et les Communes, et de « l’équilibre » qui empêchait aucun des trois de devenir tout-puissant. La formule était plus ancienne encore : Aristote déjà, analysant la souveraineté, la décomposait en trois éléments : « celui qui délibère, celui qui commande, celui qui juge. »

A. Le fondement théorique

La séparation des pouvoirs est est élaborée par Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755).

L’objectif de Montesquieu est de trouver un système de gouvernement qui empêche le pouvoir d’être despotique et qui garantit les libertés des citoyens. Mais pour que la liberté soit mieux protégée, il ne faut pas placer les pouvoirs entre les mêmes mains. Pour que le pouvoir arrête le pouvoir, il faut les diviser ; pour cela Montesquieu distingue trois pouvoirs essentiels :

– la puissance législative qui consiste à faire des lois, les modifier et les abroger.

– la puissance exécutrice qui est chargé de la sûreté intérieure, de la diplomatie et de la défense.

– la puissance des juges qui punit les crimes et juge les différends entre particuliers.

Ces trois pouvoirs doivent être à la fois spécialisés et indépendants. La théorie de la séparation des pouvoirs n’exige pas que chacun des pouvoirs soit attribué à un organe distinct, elle impose simplement qu’un seul organe ne soit pas titulaire de la plénitude de plusieurs pouvoirs => rien n’interdit que le monarque participe au pouvoir législatif, s’il ne participe pas aux autres.

Montesquieu écarte d’emblée le pouvoir judiciaire qui d’après lui est un pouvoir quasiment nul, il reste donc à envisager la relation entre pouvoir exécutif et législatif. Cette relation repose sur le fait que chaque personne dispose tant de la faculté de statuer que de la faculté d’empêcher. Le législateur peut donc adopter des lois : faculté de statuer. L’exécutif doit avoir la possibilité de s’opposer à ces lois : faculté d’empêcher.

On peut croire que cela conduira à une paralysie, mais Montesquieu exprime que chaque pouvoir est en quelque sorte infime, il ne peut agir sans le concours de l’autre, les pouvoirs doivent donc collaborer. La protection de la liberté réside dans la nécessité d’une entente permanente entre les titulaires du pouvoir, chacun évitant que l’autre ne prenne des mesures arbitraires.

Deux principes aident à maintenir cette organisation :

– le principe de la spécialisation des organes ou la séparation des fonctions ; d’après ce principe, chacune des autorités ne doit exécuter qu’une fonction et une seule, et l’exécuter entièrement.

– le principe d’indépendance, d’après lequel la spécialisation ne peut durer longtemps, si l’un des organes peut exercer une pression sur les titulaires de l’autre fonction. Par conséquent, il faut que chaque autorité soitindépendante de l’autre, c’est-à-dire pas de dissolution, de révocation ou de nomination,

B. La mise en œuvre des principes de séparation des pouvoirs

Cette mise en œuvre donne des régimes de séparation souple et des régimes de séparation rigide.

1. Séparation souple ou collaboration des pouvoirs

Il y a séparation souple lorsqu’au niveau de la spécialisation, il existe une collaboration entre les deux fonctions : une collaboration fonctionnelle : le pouvoir exécutif participe à la fonction législative car il a une initiative législative. Les législatifs peuvent contrôler l’exécution d’une loi : on parle alors d’un contrôle politique du gouvernement ou de la responsabilité du gouvernement devant la chambre.

Lorsqu’on parle de séparation souple, on note une dépendance des deux organes, on parle d’un équilibre organique ou une collaboration organique dans la mesure ou chaque organe a un moyen d’action (faculté d’empêcher, qui consiste à donner l’investiture) sur l’autre.

L’exemple de régime de séparation souple nous est donné par la Grande-Bretagne.

2. Séparation rigide du pouvoir ou le régime présidentiel

Au niveau de la spécialisation, on note une séparation fonctionnelle et une séparation organique s’agissant du principe d’indépendance. Les pouvoirs exécutif et législatif sont indépendants à l’origine de leur mandat respectif et ne peuvent y mettre fin mutuellement (par exemple le modèle des USA car il y a une séparation fonctionnelle, la responsabilité ministérielle et la dissolution sont exclues). Chaque organe dispose de l’intégralité du pouvoir et chaque organe possède également une faculté d’empêcher.

C. Critique de la théorie de Montesquieu

D’une manière générale, la réalité politique dépasse la théorie de la séparation des pouvoirs. Deux phénomènes remettent en cause cette théorie.

1. La suprématie des exécutifs

La Grande Bretagne a été le modèle de référence dans l’étude et l’élaboration de la théorie de la séparation des pouvoirs. Or le rôle dominant que joue le cabinet britannique tend à atténuer le caractère d’un régime souple de pouvoir. Le Premier ministre britannique, sûr de sa majorité ne redoute pas d’être censuré, contrairement au président des USA qui collabore avec le congrès. La responsabilité politique est plus pratiquée aux USA.

Le système américain se caractérise d’une part par le leadership du président et ce leadership peut conduire à la concentration des pouvoirs entre les mains du président. D’autre part, le président des USA participe à la fonction législative et le congrès est associé à la fonction exécutive (nomination des hauts fonctionnaires).

Il y a donc une certaine dérive vers la collaboration des pouvoirs

2. Le parlementarisme majoritaire

Par le fait du scrutin, le parti au pouvoir détient pratiquement la totalité des pouvoirs, cela conduit au conservatisme des régimes en place (ex : en GB avec les conservateurs ou en France sous la Ve République). Il y a une dérive de la séparation des pouvoirs.

En dépit de ces critiques, l’intention fondamentale qui a présidé à l’instauration de la séparation des pouvoirs est encore plus actuelle. La séparation des pouvoirs constitue les critères qui permettent de distinguer la démocratie des autres systèmes politiques. Toutefois cette démocratie connaît une crise :

– aucun régime libéral n’a respecté la séparation des pouvoirs, les pouvoirs restent rarement cantonnés dans les domaines qui leurs sont assignés.

– le parlement lui-même se transforme en un contrôleur du gouvernement puisque au lieu de faire la loi, il surveille plutôt l’action du gouvernement et sanctionne ses erreurs.

– l’indépendance des juges est ainsi remise en cause ces derniers temps. En principe les juges ne doivent pas avoir d’ordre à recevoir du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif