La théorie de la propriété apparente

L’acquisition des biens au bénéfice de l’apparence.

Une personne peut-elle devenir un propriétaire d’un bien qu’elle a acquis d’un quelqu’un qui n’en était pas lui-même le propriétaire en croyant de bonne foi qu’il l’était ?

L’erreur commise par l’acquéreur que s’est fié à l’apparence peut-elle produire des effets juridiques en l’occurrence du transfert de propriété consistant à sacrifier la réalité qui consiste à déposséder la véritable propriété?

Il est de règle que l’on ne peut pas transférer des droits que l’on ne possède pas. Cette règle explique celle contenue dans l’article 1599 du Code civil qui édicte la nullité de la vente de la chose d’autrui.

Cependant, la sécurité des transactions exige qu’une acquisition en apparence régulière ne puisse être remise en question.

La jurisprudence a admis que la théorie de l’apparence qui est l’une des applications de la règle « error communis facit jus » (une erreur commune fait le droit) puisse s’appliquer au droit de la propriété. Parce que cette solution produit des effets redoutables pour le véritable propriétaire dont le droit est méconnu lorsque son bien est cédé par le propriétaire apparent. Son domaine doit être circonscrit et ses conditions strictement respectés.

  1. A) Le domaine de la théorie de la propriété apparente.

Cette théorie s’applique aux meubles et immeubles mais elle ne présente aucun intérêt pratique pour les meubles en raison de la règle de l’article 2276 du Code civil dont les conditions sont moins strictes que celles de la propriété apparente. Il suffit en effet que l’acquéreur du meuble soit de bonne foi pour en devenir immédiatement propriétaire.

Seuls ceux qui ont acquis le bien à titre onéreux pourront s’en prévaloir. Cela s’expliquerait bien car cela serait injuste de déposséder le véritable propriétaire au profit de celui qui ayant acquis à titre gratuit n’a rien à perdre.

B) Les conditions de la théorie de la propriété apparente.

Le jeu de cette théorie suppose réunir trois conditions : la bonne foi de l’acquéreur, une erreur commune et invincible.

  1. La bonne foi de l’acquéreur.

L’acquéreur doit avoir cru acquérir du véritable propriétaire le droit de propriété d’autant que sa bonne foi est une condition fondamentale. Toute cette théorie a été conçue pour protéger les tiers de bonne foi.

  1. Une erreur commune.

L’acquéreur doit avoir commis une erreur commune sur le titre du propriétaire apparent. Il faut que le juge recherche si chacun dans la même situation se serait trompé. L’erreur est appréciée in abstracto. Il y a l’erreur créatrice de droit dès lors que toute personne placée dans les mêmes circonstances se fut trompée.

  1. Une erreur invincible.

Certaines décisions exigent une erreur invincible, d’autres une erreur légitime. Les deux termes sont équivalents. L’idée est que pour que le juge se décide à exproprier celui dont le bien a été aliéné à son insu, il est nécessaire que l’acquéreur n’ait rien à se reprocher. Autrement dit toutes les formalités habituellement observées pour telles opérations doivent l’avoir été sans quoi l’acquéreur ne devrait pas sa situation à son erreur mais à sa négligence.

La plupart des erreurs tenues pour invincibles portent sur les transferts à cause de mort. Une personne est considérée comme un propriétaire d’un bien parce qu’elle l’a reçu par la succession.

Une personne est devenue propriétaire d’un bien par le testament. Plusieurs années plus tard un parent plus proche se manifeste et fait valoir ses droits ou bien on découvre un nouveau testament plus récent par lequel le défunt a légué ses biens à une autre personne. Dans cette hypothèse-là celui qui prétend être le vrai propriétaire….

La question qui va se poser est de savoir quel sort on va réserver aux actes passés par le propriétaire apparent ?

C) Les effets de la théorie de la propriété apparente.

Il convient de distinguer les effets que produit la théorie de la propriété apparente dans les rapports entre le propriétaire véritable et le propriétaire apparent puis dans les rapports entre le propriétaire véritable et le tiers.

  1. Les rapports entre le propriétaire véritable et le propriétaire apparent.

La théorie de la propriété apparente qui a pour but de protéger les tiers est sans effet dans les rapports des propriétaires apparents et véritables.

Le propriétaire véritable peut exercer un recours contre le propriétaire apparent dont l’étendu dépendra de la bonne ou mauvaise foi du propriétaire apparent.

Si le propriétaire apparent est de bonne foi il sera considéré avec faveur. Il pourra conserver les fruits qu’il a perçus conformément à la théorie de l’accession visée aux articles 549 et 550 du Code civil. Il ne répondra pas de détérioration même dû à son fait et s’il a vendu le bien il ne devra restituer que le prix qu’il a reçu.

En revanche si le propriétaire apparent est de mauvaise foi il sera considéré fautif de sorte qu’il devra restituer tous les fruits, non seulement ceux qu’il a perçu mais aussi ceux qu’il a négligé de percevoir. Il répondra de toutes les détériorations et il sera comptable s’il a aliéné le bien de sa valeur actuelle avec des dommages et intérêts.

  1. Les rapports entre le propriétaire véritable et les tiers.

L’apparence est créatrice de droit. Par conséquent le tiers acquéreur, bien qu’ayant acquis le bien d’une personne qui n’avait sur lui aucun droit, en devient propriétaire.

Mais le tiers acquéreur ne tient pas son droit du propriétaire apparent car celui-ci ne serait disposé d’une chose sur laquelle il n’a aucun droit. Il en est investi par le fait de la loi.

Par conséquent aucun recours ne peut être exercé contre l’acquéreur ni par le véritable propriétaire ni par le propriétaire apparent.