La théorie de Montesquieu de la séparation des pouvoirs

LASÉPARATIONDES POUVOIRS

La séparation des pouvoirs se définit comme le principe général d’organisation du pouvoir dans l’Etat selon lequel les différentes fonctions étatiques doivent être exercées par des organes distincts. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de séparation des organes car le pouvoir est indivisible mais distribué entre plusieurs organes spécialisés.

— Cette théorie à laquelle Montesquieu a attaché à son nom reste la plus célèbre des théories constitutionnelles car c’est notamment à elle qu’on doit les qualificatifs d’exécutif, de législatif et de judiciaire pour désigner chaque organe.

— A l’époque contemporaine, tous les régimes politiques libéraux se réclament de cette théorie et la séparation des pouvoirs est devenu la marque des régimes authentiquement démocratiques.

— Pourtant elle reste étroitement liée à l’époque de la philosophie des Lumières et telle qu’elle a été conçue (+ de 2 siècles) ne permet plus de rendre compte exactement de l’aménagement actuel du pouvoir.

Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches :

Le fondement de la séparation des pouvoirs

— Il trouve son origine dans les œuvres de John Locke à la fin du 17e siècle qui, dans ses 2 traités sur le gouvernement civil, va se livrer à une analyse des fonctions de l’Etat et il en distingue 3 auxquelles correspond pour l’exercice de chacune d’entre elle un pouvoir : le pouvoir législatif qui fait la loi, le pouvoir exécutif qui l’exécute et enfin le pouvoir fédératif qui est en charge des relations extérieures de l’Etat incluant donc le pouvoir de faire la guerre ou la paix.

— John Locke relève qu’il n’est guère possible de confier les pouvoirs exécutif et fédératif à des personnes différentes mais il y aurait un grand risque à ce que les personnes ayant le pouvoir de faire les lois tiennent aussi entre leurs mains le pouvoir de les exécuter autrement dit Locke déclare que les différentes fonctions de l’Etat peuvent être exercées par des organes distinct.

— Un demi siècle plus tard, en 1748, Montesquieu va reprendre l’analyse de John Locke et en la développant va lui donner une nouvelle portée. c’est un penseur libéral préoccupé par l’idée de rechercher le système de gouvernement qui garantirait le mieux la liberté politique c’est à dire la liberté individuelle face au risque d’arbitraire du pouvoir donc ce que l’on appelle la sûreté.

— Il relève que la liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés mais il relève aussi qu’elle ne s’y trouve pas dans tous, seulement dans ceux où l’on n’abuse pas du pouvoir : c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Pour Montesquieu il faut limiter le pouvoir dans le but de garantir la liberté politique ainsi que la sûreté des citoyens : Il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir.

=>Montesquieu va tirer de l’étude du régime politique britannique d’alors les principes de sa théorie autrement dit pour lui l’Angleterre serait exemplaire du gouvernement modéré.

— Il distingue la puissance législative, la puissance exécutrice et le pouvoir de punir les crimes, de juger Pour Montesquieu la liberté politique ne peut venir que de la séparation de ces 3 pouvoirs (démembrement du pouvoir unique en réalité) entre plusieurs organes distincts et il écrit tout serait perdu si le même homme, le même corps des principaux des nobles ou du peuple exerçait les pouvoirs de l’Etat.

— La fonction exécutive serait confié au monarque, la fonction législative au corps de nobles et au corps choisi pour représenter le peuple (Parlement), chacun de ces corps siégeant dans une assemblée (bicaméralisme), enfin la fonction de juger à des tribunaux temporaires composés de personnes tirées du corps du peuple.

— Mais Montesquieu admet que des 3 puissances de l’Etat, 2 seulement sont des puissances proprement politiques et envisage surtout les rapports qui vont se nouer entre le titulaire de la fonction législative et le titulaire de la fonction exécutive, écartant donc le pouvoir de juger.

— S’agissant des 2 principales puissances, Montesquieu veut que chacune de ces puissances disposent de la faculté de statuer autrement dit de prendre des décisions dans le domaine de leurs attributions, de leur compétence mais il veut également les doter de ce qu’il appelle une faculté d’empêcher c’est à dire donner à ces 2 puissances les moyens de se neutraliser mutuellement, de s’opposer aux décisions prises par l’autre

— Cela veut donc dire que la séparation des pouvoirs dans l’esprit de Montesquieu n’implique pas leur isolement au contraire c’est une théorie de l’équilibre entre les pouvoirs, équilibre qui en est le fondement.

— Si ces puissances doivent être indépendantes les unes des autres dans l’exercice de leurs fonctions respectives, il faut aussi qu’elles collaborent: «Par le mouvement nécessaire des choses, elles sont forcées d’aller de concert« .

— L’idée de Montesquieu par cette théorie de la séparation des pouvoirs c’est d’affaiblir le pouvoir par sa distribution entre les différents organes de l’Etat de façon à réaliser ce qu’il appelle un gouvernement modéré (aujourd’hui on dirait libéral) qui est la condition de la liberté politique, de la sûreté.

=> Pouvoir menaçant pour les libertés individuelles à l’époque de la philosophie des Lumières.

=> Théorie perçue comme luttant contre l’absolutisme royal et reprise par les révolutionnaires de 1789.

La réception du principe de séparation des pouvoirs

— La pensée de Montesquieu a profondément influencé les révolutionnaires de 1789 qui l’ont inscrit dans la DDHC de 1789 en son article 16 qui prévoit que «toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution» (opposition du régime démocratique au régime autoritaire). Cet article définit le contenu minimal mais impératif de la Constitution.

=>La séparation des pouvoirs est avec la garantie des droits une condition nécessaire à l’existence de la Constitution.

— Ce principe de la séparation des pouvoirs interdit de confier le pouvoir d’Etat c’est à dire la souveraineté à une seule autorité, à un seul organe (fin de la souveraineté royale, de la souveraineté populaire et de la souveraineté parlementaire) mais doit être distribué entre plusieurs organes que sont le roi et l’Assemblée à l’époque de 1789.

=>Le simple fait d’appliquer la séparation des pouvoirs détermine dans ses traits principaux l’organisation politique d’un Etat.

— La Constitution constitue le fond commun à tous les régimes politiques libéraux, présents ou passés, qui se réclament de la théorie de la séparation des pouvoirs.

— La pensée de Montesquieu est cependant plus ambiguë quant au caractère que doit prendre la séparation entre les pouvoirs législatif et exécutif car il va dépendre de l’interprétation faite de l’œuvre de Montesquieu.

Cette séparation doit-elle être tranchée ou faut-il qu’elle soit souple pour leur permettre de collaborer ?

Séparation stricte : chaque pouvoir serait cantonné dans une fonction déterminée sans possibilité d’agir sur l’autre pouvoir, chacun étant enfermé dans son domaine de compétence et ce fut le cas de la Constitution US de 1787 qui prévoit que tout le pouvoir législatif appartient au Congrès et tout le pouvoir exécutif appartient au président, aucun ne pouvant agir sur l’autre (ou la Constitution française de 1791).

=> Le problème c’est que cette séparation peut se révélée très vite impraticable car en isolant les pouvoirs les uns des autres on prend le risque qu’ils se paralysent les uns les autres.

— La collaboration des pouvoirs procède donc d’une nécessité à partir de l’instant que ses organes constituent les «rouages d’une même mécanique, la mécanique institutionnelle« .

=> Ils sont obligés de coordonner leurs actions, il doit exister une synergie entre eux.

— La théorie de Montesquieu a incontestablement imprégné la pensée constitutionnelle moderne mais pour autant elle a perdu de sa pertinence et ne permet plus de rendre compte à elle seule de l’aménagement actuel du pouvoir.