La vérification des comptes de l’État

La vérification des comptes de l’État (le contrôle de l’exécution du Budget)

Il y a une obligation pour le pouvoir de procéder au contrôle de l’exécution du Budget.

  • I. L’objet du controle de l’exécution du budget

Cela implique 2 idées :

  • – Il s’agit d’un côté de vérifier que juridiquement, ce qui a été prévu a été dépensé régulièrement : c’est le respect de l’ordre juridico-comptable, de la légalité autant que de la régularité des crédits.
  • – Il s’agit aussi de vérifier que les gestionnaires de crédits, nos administrateurs, ont bien mis en œuvre les politiques publiques pour lesquelles on leur a donné de l’argent.

Ex. 1. On vérifie que les dépenses de personnel ont bien payé du personnel (légalité [rémunération au taux légal défini par le statut de la fonction publique] & régularité [rémunération d’un enseignant en tant que maître de conférences et non un proche du président de l’université] de la dépense).

  1. Le personnel a mis en œuvre une politique publique. Si les maîtres de conférences et les présidents ont invité à la grève, il y a une faillite à la mission du Service Public. Il convient de vérifier la dépense a bien servi son objet. Ce contrôle de l’exécution du budget s’opère en 2 temps : – Il s’agit d’établir un compte définitif. Cet établissement d’un compte définitif est une pratique très ancienne. Sous l’Ancien Régime, on opposait l’état de prévision (= budget prévisionnel) à ce que l’on appelait à l’époque l’état au vrai. Pour les financiers de l’Ancien Régime, il faut distinguer entre ce que devait être la prévision et ce qu’a été la réalité de la dépense. L’état au vrai correspond bien à un compte définitif. – Il faut ici encore accorder une valeur légale à ce compte et lui donner force de Loi. Il s’agit bien ici de clore juridiquement l’exercice budgétaire. On procède par le biais d’une loi de finances, d’un type particulier appelé la loi de règlement.

  • II : Établir le compte définitif de l’État

On a en parallèle 2 types de comptes :

  • – Un compte de prévision et d’autorisation.
  • – Des comptes d’exécution (les comptes des comptables). La difficulté vient de la mise en relation de ces 2 familles de comptes. D’un côté la prévision, de l’autre côté l’exécution.

A) L’enchevêtrement des comptes

Depuis l’Ancien Régime, c’est la mission de l’administration des finances que de mettre en relation les comptes de prévisions et d’autorisation et les comptes de gestion des comptables. Pour cela, les budgets sont adaptés de temps en temps aux nouvelles réalités. Aujourd’hui, la forme est la LFR. Parallèlement, l’exécution s’opère en continu. Originellement, c’est l’ordonnance du 14 sept. 1822 qui distingue 3 types de comptabilité : – Une comptabilité législative, – Une comptabilité judiciaire, – Une comptabilité administrative. Grâce à cette comptabilité, on comprend l’enchevêtrement de la prévision et de la gestion.

La comptabilité administrative : elle désigne ce qui se passe organiquement au sein des administrations. L’ordonnance du 14 sept. 1822 distingue au sein des comptabilités administratives 3 types différents de comptabilité : – La comptabilité des ordonnateurs (leurs comptes, ce qui est à leur disposition), correspondant aux BOP, UO d’aujourd’hui. – La comptabilité des comptables (agents comptables de la DGI, du Trésor), comptabilisant des dépenses et des recettes. Ce sont bien les comptes d’exécution. Tout ceci est centralisé par le ministère des finances au sein du Compte Général des finances (anciennement en 1822), devenu Compte Général de l’Administration des Finances, puis aujourd’hui Compte Général de l’Etat. Il agrège les comptes des ordonnateurs et les comptes des comptables. Ordonnance du 14 sept. 1822 Comptabilité administrative Ordonnateurs – BOP Comptables Dépenses / Recettes – Compte général des finances – Compte général de l’Administration – Compte général de l’Etat

La comptabilité judiciaire : elle est tenue par la Cour des comptes. Il s’agit d’opérer un rapprochement entre le compte général de l’Etat et les comptes des différents comptables.

La comptabilité législative : à l’époque, c’est la loi de l’impôt qui devient loi de budget puis loi de finances. C’est bien aussi à l’époque la loi de comptes, qui deviendra la loi de règlement. La comptabilité judiciaire est transmise au pouvoir législatif, ce qui lui permet d’opérer le contrôle d’une partie très précise de la comptabilité administrative qu’est la comptabilité des ordonnateurs.

B) La vérification des comptes

En France, on vérifie les comptes depuis très longtemps. Au XIV siècle, une ordonnance de Philippe V dit Le Long de 1318 atteste de l’existence d’un corps de contrôle. Ce corps de contrôle se réunit dans ce que l’on appelle à l’époque des chambres des comptes. Il a pour vocation de vérifier les comptes qui sont produits. Cette vérification des comptes produits est gravée dans le marbre de la DDHC, à l’article 15 qui sanctuarise ce droit de vérification des comptes de l’administration (au sens de l’action de gérer la fortune publique). La difficulté vient de ce que cette vérification des comptes implique 2 types de contrôles :

Le contrôle de la validité des comptes : leur régularité presque juridique. Est-ce bien inscrit à la bonne place ?

La Cour des comptes opère aussi un contrôle de la qualité de l’administration (de la gestion des personnes publiques). Les choses sont-elles bien gérées ? Tout cela est inscrit à l’article L 111-1 et 3 du Code des juridictions financières qui modifie la loi du 16 septembre 1807 créant la Cour des comptes. La Cour des comptes, en ce qui concerne l’Etat, a bien pour vocation de vérifier la régularité des inscriptions comptables.

La compétence de la Cour des comptes a été étendue. En 1807, il ne s’agissait que de vérifier les comptes de l’Etat. Progressivement, on a contrôlé aussi les comptes des établissements publics (apparaissant plus ou moins avec la Restauration), puis des organismes de sécurité sociale en 1950, puis des entreprises publiques en 1976. En ce qui concerne ces institutions, il s’agit d’un contrôle obligatoire. Annuellement, les comptes de ces institutions sont transmis à la Cour qui opère leur vérification. On a ici cette phase juridictionnelle. Au-delà de ces contrôles obligatoires, la Cour des comptes s’est vue attribuer des contrôles facultatifs de certains comptes. Elle vérifie de manière facultative l’ensemble des personnes juridiques qui manient, gèrent des fonds publics (contrôle obligatoire) ou parapublics. Fonds parapublics : cela peut désigner indirectement des sommes qui sont Comptabilité judiciaire Cour des comptes Comptabilité législative

– Loi de l’impôt

– Loi de comptes

gérées par des personnes privées comme par ex. des organismes privés dont la majorité du capital est détenue par des personnes publiques, comme des associations bénéficiant de concours financiers d’origine publique (ces concours seraient considérés comme des dépenses de transferts et inscrites comme des subventions dans les comptes publics), des organismes d’intérêt général (téléthon faisant appel à la générosité publique), les organismes bénéficiant de concours de l’UE… Au-delà de cette vérification de la Cour et des chambres régionales de comptes, la loi organique de 2001 a intégré dans son dispositif à l’article 27 une obligation de sincérité des enregistrements comptables. Il s’agit de dépasser la simple notion de régularité.

La sincérité signifie 2 choses :

– Le comptable qui inscrit un chiffre ne doit pas s’abriter derrière les pièces justificatives pour justifier de la régularité de son enregistrement.

– Il doit, en plus, enregistrer de manière sincère, c’est-à-dire se poser la question de la qualité de l’écriture comptable. Autrement dit, est-ce qu’en inscrivant ce chiffre, le comptable n’est-il pas en train d’aller au-delà de la réalité qui lui est produite ? Ex. l’achat d’un bien d’occasion. La réalité comptable de l’inscription correspond-elle à la valeur de l’objet ? Ex. le conservatoire du littoral, un établissement public, a vocation à acheter les terrains se situant sur le littoral pour les protéger contre les spéculateurs. L’achat se fait au prix du marché. À partir du moment où le bien intègre l’établissement public, il ne vaut plus rien objectivement. Il n’est plus constructible, cessible, cela devient du domaine public verrouillé. Le comptable inscrit 1 million d’€ en comptabilité, mais le terrain ne vaut plus rien. Il y a un problème de sincérité : le compte est-il sincère quand on fait apparaître dans les comptes de l’Etat un terrain qui ne vaut objectivement rien. Faut-il inscrire la valeur d’acquisition ou la valeur de marché ? Querelle entre comptables. La loi organique introduit la notion de sincérité, et il incombe à la Cour des comptes de vérifier cette sincérité des inscriptions comptables. Une fois que la Cour a procédé à la vérification de la régularité, qu’elle a examiné la sincérité, elle opère un certification des comptes. Cette certification est inscrite à l’article 58-5 de la loi organique, et est produite en loi de règlement. Il n’y en a pas eu encore matériellement. Cette notion de certification, conjuguée à la notion de sincérité, rapproche considérablement l’approche comptable de l’État de celle des entreprises. Les entreprises sont soumises pour une partie d’entre elles à l’obligation de faire certifier la régularité et la sincérité de leurs comptes par le commissaire aux comptes, qui n’est pas le comptable de l’entreprise. Le comptable fait les comptes à la fin de l’année, puis les présente au commissaire aux comptes. Cette nouveauté sincérité + certification rapproche du régime des entreprises.