Le Consulat et l’Empire (1799-1815)

LE CONSULAT ET L’EMPIRE

Le Consulat est la période de l’histoire de la France comprise entre le coup d’État de Brumaire an VIII (novembre 1799) qui met fin au Directoire et l’établissement du Premier Empire en mai 1804. Le Premier Consul Napoléon Bonaparte y établit son pouvoir personnel autoritaire.

Ce qui commence en l’an VIII, c’est le rétablissement d’une autorité monarchique. Si l’on entend par monarchie son sens étymologique (le pouvoir d’un seul), mais qui n’a strictement rien à voir avec la monarchie antérieure. Les gouvernants de cette période, les consuls, se veulent dans la république héritier d’une révolution qui a réussi, en ce sens qu’elle a établi le pouvoir sur une légitimité nouvelle et qui doit maintenant permettre d’établir un régime stable et donc de trouver les chemins de la postérité.

A ce sujet il faut souligner la déclaration des consul du 24 frimaire an 8 (15 décembre 1799) qui est la suivante : «la révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est finie». Cela veut dire que maintenant les principes et notamment le pouvoir du peuple sont affirmés : plus de raison de s’agiter, d’avoir des débordements de ceci et de cela : c’est fini, et maintenant on établi quelque chose de stable et de définitif.

Ce nouveau régime qui se met en place est l’alliance de l’autorité (pouvoir exécutif fort) et d’une recherche plus ou moins sincère de la légitimité populaire avec le recours fréquent au plébiscite. L’idée finalement que bien sur c’est à lui d’être le chef mais qu’il faut avoir derrière l’assentiment du peuple. Le chef tire sa légitimité du peuple et de ce point de vue la rupture de 1789 demeure : ce qui fait la capacité a être chef est la confiance du peuple et non la volonté de dieu.

Dans la réalité, c’est l’établissement d’un pouvoir personnel de plus en plus marqué facilité par l’extrême popularité de Bonaparte, le retentissement des victoires militaires qui se succèdent, l’idée de la grande nation qui domine l’Europe, et la référence à l’histoire romaine et tout particulièrement à César qui préparera le passage de la république à l’empire tout en conservant le soutient populaire. Cette référence est omniprésente dans la geste napoléonienne.

Dans cette période on peut retenir 3 textes, 3 constitutions, d’ailleurs imbriquées l’une dans l’autre. Celles de l’an 8, an 10 et an 12, les deux dernières étant formellement des amendements de la première, l’ensemble formant ce qu’on appelle les constitutions de l’empire.

  1. La constitution consulaire de l’an VIII

D’abord, l’élaboration en est très brève. On en n’est plus au texte a vocation universel, au monument bâti pour l’éternité. Il y a une vision utilitariste : comment s’exerce le pouvoir ? La réponse étant avec le moins de gêne possible pour ceux qui sont au pouvoir, et c’est le régime de la célèbre formule de Bonaparte : «une constitution doit être courte et obscure». Courte pour ne pas gêner trop ceux qui sont au pouvoir et obscure pour pouvoir être interprétée en fonction des nécessités de l’heure.

La constitution de l’an 8 surtout avec de telles recommandations est vite rédigée. Les commissions des conseils se contentent de ratifier dès le 22 frimaire an VIII après un mois de travail seulement un texte établi par Sieyès, et considérablement simplifié à grand coup d’épée par Bonaparte. On enlève la déclaration des droits, les agencements compliqués de Sieyès qui donnaient des équilibres. Il reste l’essentiel : un corps électoral limité, des assemblées marginalisées, et donc la place pour la toute puissance des consuls et notamment du premier d’entre eux.

Plus en détail, le suffrage est théoriquement universel, c’est-à-dire qu’on en fini avec le cens et qu’on a un corps électoral assez nombreux, mais le système pyramidal imaginé par Sieyès fait que cette universalité est très théorique et qu’elle se réduit au fur et a mesure qu’on monte en importance. On utilise la technique des listes de confiance successive. Au niveau de chaque arrondissement, l’ensemble des citoyen (c’est-à-dire beaucoup moins de 100 000) désigne une liste de confiance communale sur laquelle il figurera un dixième des citoyen de l’arrondissement. C’est sur cette liste de confiance communale que seront éventuellement choisi les fonctionnaires publics et les agents locaux. Mais dans leur rôle électoral, cette liste de confiance communale élit pour un 10eme de ses membres une liste de confiance départementale, et les listes de confiance départementales élisent pour 1 10ème d’entre eux une liste de confiance nationale. En réalité on part de 6M électeurs qui élisent 600000 membres figurants sur les listes de confiance communales qui élisent 60000 figurants sur les listes de confiance départementales qui élisent 6000 figurants sur la liste de confiance nationale. En réalité le corps électoral final est 6000 personnes. Le fait d’être placé sur ses listes est quasiment de manière inamovible. Ce système (possibilité d’être enlevé) disparaît dès 1801. Le système est formé, on a un semblant avec cette pyramide qui se rétrécie à chaque fois.

Ce qui fait que les assemblées « élue » sont au nombre de trois, alors qu’avant on en avait 1 ou 2. C’est évidemment une volonté d’affaiblissement. 2 assemblée ont un rôle législatif : un tribunat de 100 membres et un corps législatif de 300, ces 100 et ces 300 étant désignés par le Sénat parmi les membres de la liste de confiance nationale ; ils sont renouvelables annuellement. Ce législatif n’est pas élu et tombe très vite. Il y a un an d’intervalle pour le corps législatif, ces assemblées n’ont pas l’initiative de la loi (seul l’exécutif l’a) et de plus elles ne peuvent qu’accepter ou refuser les projets sans les modifier. C’est-à-dire que lorsqu’ils sont saisis d’un projet de loi des consuls, c’est oui ou c’est non, et évidemment c’est oui d’autant plus que se profile une réélection et que pour être réélu il vaut mieux ne pas s’opposer au projet de l’exécutif. Ces projets sont proposés à la promulgation par le premier consul, celui-ci ayant 10 jours pour le faire, et s’il ne le fait pas il peut saisir le Sénat pour inconstitutionnalité. Sieyès est arrivé à faire passer son idée (mais en la déformant) d’un contrôle de constitutionnalité. En effet, la 3eme assemblée est le sénat dit « sénat conservateur » ou en réalité « sénat conservateur des lois de l’empire ». Il veille à ce que les lois soient conformes à la constitution. Il est composé de 60 membres nommés à vie, inamovibles, et qui se cooptent entre eux. Etre sénateur donne une considération sociale considérable (dont le droit d’être enterré au panthéon). Dans ce sénat conservateur, quand il y a un siège vacant, le sénat coopte entre 3 candidats proposés l’un par le corps législatif, l’un par le tribunat, l’autre par le premier consul. Le sénat choisi toujours celui proposé par le premier consul. Finalement c’est le premier consul qui choisi sur la liste nationale les membres des assemblée et les fonctionnaires locaux, bien que théoriquement c’est le sénat qui le fait. Ce sénat est aussi conservateur de la constitution et peut annuler comme contraire les actes qui lui sont déférés par le tribunat (qui ne le fait pas) ou par les consuls.

Evidemment les consuls sont l’essentiel de ce système en boucle ou tout remonte aux consuls. Et la constitution institue 3 consuls qu’elle désigne nommément : Bonaparte, Cambacérès, et Lebrun. Sieyès et Ducos ont finalement trouvé plus sage de se faire désigner comme sénateur et d’attendre la suite. Cet ensemble de 3 consuls est un organe théoriquement collégial, mais c’est une collégialité avec une forte prédominance du 1er consul, lui seul promulgue la loi et nomme aux principales fonctions. En réalité les autres consuls ont un pouvoir vaguement consultatif.

En réalité celui qui gouverne est le premier consul qui nomme et révoque librement ses ministres, c’est-à-dire qu’il organise un gouvernement, les 3 consuls ayant un rôle de chef d’Etat. Ce gouvernement établi un budget qui doit être voté en bloc par les assemblée (là aussi on ne peut l’amender). Le gouvernement dispose de l’initiative législative, et du pouvoir réglementaire (donc en réalité le gouvernement détient l’ensemble de la fonction normative, de la capacité à faire les normes juridiques, le rôle de assemblée étant purement formel). Ce gouvernement de 7 à 10 ministres est assisté d’un corps de techniciens du droit qu’on met en place, qui est organisé par Bonaparte en conseil d’Etat : corps de juristes chargé de rédiger les projets de loi et les règlements.

On voit bien que cette constitution n’a de démocratique que l’apparence. Apparence aussi que son approbation par plébiscite (il n’a pas de caractère péjoratif à l’époque, il le prendra par la suite). En frimaire an 8 (décembre 1799) ce plébiscite a lieu dans des conditions douteuse. Le ministre de l’intérieur (Lucien Bonaparte) le 18 pluviôse an 8 (17 février 1800) fait état d’un excellent résultat. 3 millions de « oui » et 1562 « non ». En réalité on pense qu’il y avait une majorité de oui mais qu’elle n’a pas dépassé 1,5M. Cela n’a aucune importance d’autant plus que ce qui est tout de même assez curieux, sans même attendre le résultat du plébiscite, la loi du 3 nivôse an 8 (24 décembre 1899) a ordonné la mise en application de la constitution alors que le plébiscite n’est pas dépouillé.

Voilà donc cette première des constitutions de l’empire, même si ce n’est pas encore l’empire.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

  1. La constitution de l’an X

Les assemblées qui sont mises en place dans ce système qui, on le voit, est complètement fermé/bouclé au profit du 1er consul sont évidemment composées de ceux qui ont fait allégeance au nouveau régime. Sur la liste de confiance nationale, il n’est pas difficile de repérer quelques 100aines acquis à la cause du 1er consul. Ceux trop tièdes seront remplacés.

Un sénatus-consulte est une catégorie juridique inventée par le conseil d’Etat dès l’an 9 pour tourner la procédure ordinaire. Et le conseil d’Etat s’habituant au sophisme juridique abouti à ce raisonnement à la fois très habile et très pervers qui consiste à dire que :

Le sénat est conservateur de la constitution, c’est donc au sénat de dire si un texte est conforme à la constitution. Donc si on envoi un texte au sénat, et que le sénat dit qu’il est conforme à la constitution, c’est qu’il est conforme à la constitution. Et même si ce texte est totalement conforme à la constitution et que le sénat dit qu’il est conforme à la constitution, il est donc régulier et il n’y a pas de problème. Quand on veut violer la constitution, il faut le faire en passant par le Sénat qui dira tout le temps que le texte est conforme à la constitution puisqu’il est acquis à la constitution. Un sénatus-consulte inventé dès l’an 9 permet en l’an 10 de remplacer les membres des assemblées dont l’enthousiasme par rapport au régime paraîtrait un peu chancelant. En effet, dès l’an X, le sénat désigne ceux des législateurs et des tribuns qui pourront continuer leur fonction, et ceux qu’il faudra remplacer. C’est-à-dire que tout le monde est sous surveillance, et que la tiédeur équivaut à un billet de départ.

Dès lors, le système est entièrement sous contrôle et Bonaparte en profite pour renforcer son pouvoir. Il est servi par une réelle popularité, les succès militaires (nombreux), le fait d’arriver enfin à la paix, la paix d’Amiens avec l’Angleterre le 4 germinal an 10 (25 mars 1802), qui ouvre une grande période de prospérité économique (fin du blocus, reprise des relations économique). Bonaparte devant cette situation décide de se faire octroyer devant le tribunat une récompense nationale : le tribunat le remercie de ce qu’il a fait pour le pays. Cette récompense va être que le consulat sera prolongé de 10 ans. La constitution de l’an 8 le nommait déjà premier consul pour 10 ans, donc on ajoute 10 ans de plus. ca veut dire qu’en réalité il est premier consul jusqu’à 1820. Mais Bonaparte ne s’en satisfait pas vraiment. 18 ans, mais après ?

Il fait donc prendre un arrêté des conseils le 20 floréal an 10 (10 mai 1802) qui proclame le consulat à vie. Mais, comme c’est vrai, c’est une modification importante des équilibres de la constitution de l’an 8, cet arrêté est soumis à plébiscite, et le plébiscite donne théoriquement un très bon résultat lui aussi : il y aurait 3,6M de « oui » et 8374 « non ». Ce plébiscite sortant sur le seul principe du consulat à vie, la constitution qui l’accompagne a été elle réalisée par sénatus-consulte le 4 août 1802.

C’est la constitution de l’an 10 qui, pour l’essentiel, se caractérise par le remplacement du système des listes de confiance par des collèges électoraux conçus sur le même modèle pyramidale. Mais (ce qui prouve que le régime se détache un peu de ses origines proprement populaires) on rétabli le cens puisqu’au niveau des départements les membres du collège département les élus ne peuvent être choisi que parmi les 600 citoyen les plus fortunés. Pour le reste, les pouvoirs du premier consul sont renforcés par le droit qui lui est donné de désigner les deux autres (théoriquement jusque là c’était le Sénat alors que là c’est ouvertement le 1er consul), par le fait qu’il peut seul avoir l’initiative des sénatus-consulte (c’est lui et lui seuil qui décide de changer la constitution), ces sénatus-consulte sont constitutionnalisés et il est explicitement prévu qu’ils peuvent servir à réviser la constitution. Apparaît aussi le droit de dissolution : le sénat pouvant dissoudre les 2 assemblée législatives.

Si on lit le texte de l’an X, on a l’impression a priori que c’est un renforcement considérable du sénat. En réalité ce sénat est entièrement dans la main du 1er consul. C’est lui seul qui décide de convoquer le sénat pour ses séances, et il peut même présider les séances du sénat. Et donc ce sénat est entièrement dans sa main.

Tout ça établit sous une façade institutionnelle le pouvoir d’un seul homme, il ne reste plus qu’à faire disparaître la fiction républicaine, ce qui sera fait en l’an XII.

  1. La constitution de l’an XII

A celui qui a tout le pouvoir ne manque que l’éternité, la pérennité. Autrement, assurer sa succession, choisir son successeur : transmettre. D’autant que le complot de Caneballe [note de JB : orthographe carrément inexacte !] a montré qu’il pourrait y avoir un risque d’attentat et de mort. Donc un successeur, et un successeur de son sang, donc l’hérédité. Ce qui suppose un titre qui entraîne cette hérédité. Le titre ? Ça ne peut être la royauté qui était encore détestée et ça fera un coté « ancien régime » qui n’est pas possible. Il reste l’empire, car c’est assez chic et tendance : Rome est à la mode, la domination d’une bonne partie de l’Europe des républiques sœurs permet d’expliquer que c’est un empire qui dépasse la France, et finalement le tribunat émet le 14 floréal an XII (4 mai 1804) le vœu de « confier le gouvernement de la République à Napoléon Bonaparte empereur héréditaire ». Et ceci comme c’est une modification tout de même importante de la constitution de l’an X fait l’objet d’un sénatus-consulte le 28 floréal an 12 (18 mai 1804) qui proclame l’empire héréditaire en réponse au vœu du tribunat. Et ce senatus consulte sera ratifié par plébiscite le 15 brumaire an XIII (6 novembre 1804) avec une très confortable majorité : 3,5M « oui » contre 2579 « non ».

Autre modification accessoire : le système des collèges électoraux est renforcé, le sénat est plus encore domestiqué, le tribunat dont on se méfie parce qu’il a encore un petit coté populaire et réduit (et sera supprimé en 1807), et si la référence à la république demeure, elle sera supprimée en 1806, conséquence d’une autre suppression formelle beaucoup plus grave : le sacre du 2 décembre 1804 par le pape, comme pour rétablir une sorte de légitimité de droit divin. La légitimité ne vient plus uniquement de la confiance populaire mais vient aussi théoriquement de la confiance de dieu.

Bref un pouvoir total et qui va s’écrouler totalement avec la défaite militaire de 1814 et la fin désastreuse de la campagne de France, la capitulation, et les adieux de Fontainebleau.

Après la capitulation de paris le 30 mars, le fidèle Sénat vote le 2 avril la déchéance de Napoléon et de sa famille. Ce Sénat essaye de se sauver de ce désastre en essayant de s’en distancier. Et donc une fois ce vote du Sénat acquis, il n’y a plus de pouvoir, plus de légitimité impériale, ni de légitimité populaire. Et donc il ne reste plus qu’à se retourner d’autant plus que les puissances alliées font pression. Il ne reste plus qu’à se retourner vers le passé, la monarchie