Contrôle de constitutionnalité et hiérarchie des normes

LA SANCTION DE LAHIÉRARCHIEDES NORMES : LECONTRÔLEDECONSTITUTIONNALITÉ

— C’est le contrôle de la conformité des normes inférieures à la norme supérieure qu’est la Constitution.

— Au-delà de cette définition générale, il va plus précisément contrôler la conformité des lois ordinaires.

— Donc par définition il ne peut exister de contrôle de constitutionnalité que dans le cas d’une constitution écrite (≠ coutumes) et rigide c’est à dire à laquelle on reconnaît une valeur supra-législative.

— Ce contrôle vise à donner une effectivité à la hiérarchie des normes, il est la sanction qui y est attachée.

— Il procède de la logique juridique pour garantir la suprématie de la constitution mais a longtemps, surtout en France, été controversé.

Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches :

1) La justification du contrôle

— La hiérarchie des normes affirme le principe de la subordination de toutes les règles de droit à la constitution et le contrôle de constitutionnalité a pour rôle de s’en assurer, une loi violant cette hiérarchie ne pouvant donc pas être appliquée.

— Le contrôle en tant que sanction rattachée à l’Etat de droit est la condition grâce à laquelle la loi va respecter les dispositions de la Constitution c’est à dire qu’il soumet le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif à celle-ci.

— Il est aussi une condition du respect des libertés car elles sont énoncées soit dans le préambules soit dans le corps même de la Constitution.

— Si l’on a facilement accepté qu’un juge contrôle la constitutionnalité des décrets, il a été plus délicat d’admettre un contrôle de constitutionnalité de la nature même de la loi et du pouvoir chargé du contrôle.

— Pour les adversaires de ce contrôle, la loi est un acte spécial qui ne peut pas être soumis à un contrôle car la loi dans une démocratie est l’œuvre d’assemblées élues par le peuple c’est à dire d’assemblées représentatives.

— C’est donc un acte spécial par les auteurs même de la loi que sont les représentants de la nation et il est l’expression de la volonté générale réputée infaillible mais aussi absolue c’est à dire qu’elle ne peut pas être limitée (article 6 de la DDHC).

=> Dans ces conditions, il n’y a aucune raison de faire valoir la Constitution qui n’exprime qu’une volonté ancienne sur la loi qui correspond à la volonté actuelle du peuple.

— Cette série d’arguments peut être facilement écartée car elle méconnaît la hiérarchie des normes et remet donc en cause la suprématie de la constitution, fondement de l’ordonnancement juridique.

— Rejeter le principe même de contrôle de constitutionnalité c’est s’exposer au risque que le parti au pouvoir, c’est à dire l’exécutif plus le législatif, abuse de ses droits et fasse adopter des lois qui contreviennent aux dispositions de la Constitution.

=> Limitation des abus possibles de la majorité au pouvoIr

=> Désacralisation de la loi qui est alors la technique de réalisation d’un programme politique et non plus la volonté du peuple comme on l’a pensé pendant plus de 2 siècles

— Les adversaires de la constitution se sont aussi opposés au pouvoir qu’un tel contrôle confère aux juges.

— Il est vrai que le juge va nécessairement devoir interpréter la constitution c’est à dire ce qu’elle ne dit pas ou dit de façon imprécise, or ce devoir d’interprétation risque de se transformer en l’expression du droit par le juge en fonction de ses convictions et de ses opinions.

— Le juge risque de faire dire à la Constitution ce qu’il veut qu’elle dise et d’imposer alors sa propre opinion aux auteurs de la loi, on appelle cela le risque de tomber dans un «gouvernement des juges» c’est à dire l’idée selon laquelle le juge gouvernerait à la place des politiques et substituerait sa propre opinion à celle du législateur.

=> Cet argument est fort et ne peut être totalement réfuté car il peut arriver qu’un juge, sous prétexte qu’il est autorisé à interpréter la loi, va imposer son opinion sur le droit.

— Pour autant c’est un risque inhérent à la fonction même dévolue au juge c’est à dire que ce risque est permanent car un jugement par définition porte la marque du juge mais il existe ce qu’on appelle un revirement de jurisprudence : si le juge se trompe ou s’il est vivement critiqué il pourra toujours modifier sa position, son opinion.

— Mais aussi même si le juge vient substituer son opinion à celle du législateur alors il sera toujours possible au pouvoir politique de la casser notamment en révisant la constitution et donc le juge ne peut pas fixer de limites.

=> Il vaut mieux un contrôle même imparfait que pas de contrôle du tout puisque on peut dire que c’est une condition nécessaire et impérative de l’Etat de droit car le législateur sera toujours tenté de contrevenir aux dispositions de la Constitution.

— De plus, ce contrôle c’est la garantie supplémentaire des libertés individuelles et collectives mais pour autant elles peuvent aussi être protégées par des Etats dépourvus de contrôle constitutionnel notamment grâce à la liberté d’association et d’expression aménagée par l’Etat.

=> Le législateur n’est pas toujours celui qui attente à la Constitution, il garantit les libertés par elle.

2) Les modèles de justice constitutionnelle

— Le contrôle de constitutionnalité est une création de la Cour suprême des Etats-Unis lors de la décision rendue dans Marbury contre Madison.

— En Europe c’est à partir de la 1ère Guerre Mondiale mais elle va appliquer des principes différents.

— Cette distinction entre le modèle américain et le modèle européen on la doit au Doyen Favoreu.

— Le contrôle politique place l’organe qui a été désigné dans la dépendance du pouvoir politique qui l’a nommé et de même il y a une possible incompétence des personnes en charge du contrôle car elles n’ont pas été choisi pour leurs compétences mais sur des critères politiques.

=> Le juge est indépendant du pouvoir politique et possède les compétences requises pour contrôler la conformité des lois à la Constitution

— Le 1er contrôle de la constitutionnalité des lois est apparu aux Etats-Unis et a été créé en 1803, contrôle qui n’est pas prévu par la Constitution mais une création prétorienne c’est à dire une création jurisprudentielle de la Cour Suprême américaine.

— Dans la décision de Marbury contre Madison, une loi ordinaire contraire à la Constitution est frappée de nullité c’est à dire qu’elle n’a aucune valeur juridique et il appartient au juge d’écarter cette loi puis faire prévaloir la Constitution d’où sa suprématie.

=> Cette décision pose aussi le principe de la sanction de la loi contraire à la Constitution, sanction mise en œuvre par les tribunaux

— De ces principes dégagés par la Cour Suprême américaine, on peut déduire les principales caractéristiques du contrôle de constitutionnalité:

– Tous les tribunaux sont compétents pour apprécier la conformité des lois à la Constitution et en dernier ressort la Cour Suprême placée au sommet de la pyramide judiciaire dans laquelle on trouve les plus hauts magistrats siègent (nommés à vie).

– Le contrôle est fait par voie d’exception c’est à dire qu’à l’occasion d’un procès ordinaire l’un des justiciables va pouvoir faire valoir l’inconstitutionnalité de la loi que la partie adverse veut faire appliquer et le juge va alors devoir vérifier la constitutionnalité, contrôle concret à l’occasion d’un litige en général.

– c’est un contrôle a posteriori c’est à dire qu’il s’exerce après la promulgation de la loi.

– Le juge, lorsqu’il va rendre sa décision sur la constitution de la loi, est revêtu de l’autorité relative jugée c’est à dire que sa décision ne s’applique qu’aux parties du procès seulement inter partes et s’il déclare la loi inconstitutionnelle il va simplement en écarter l’application pour le litige dont il est saisi mais ne peut pas l’annuler à l’égard de tous erga omnes.

=> La loi reste en vigueur, elle ne disparaît pas de l’ordonnancement juridique et peut être invoquée lors d’un autre litige

— Le modèle européen est beaucoup plus récent (1920) et est apparu dans la Constitution autrichienne théorisé par Hans Kelsen pour en faire le ciment de sa pyramide des normes.

— Par rapport au modèle américain né d’une pratique judiciaire et créé par la Cour Suprême, le modèle européen est prévu par la Constitution.

Il y a eu 2 vagues de diffusion du contrôle européen:

  • Après la 2nde Guerre Mondiale
  • Après la chute des régimes autoritaires

— A l’opposé du modèle américain, le contrôle européen est confié à un juge spécialisé c’est à dire à une juridiction créée spécialement pour assumer ce contrôle de conformité des lois à la Constitution.

=> Cour constitutionnelle (juridiction particulière sui generis) ≠ Cour Suprême

– La Cour Suprême américaine est la plus haute juridiction des Etats-Unis alors que la Cour constitutionnelle n’est pas suprême car elle n’intègre pas la pyramide judiciaire, ni l’ordre administratif, elle est donc en marge du système de hiérarchie.

– Le contrôle américain est confié aux magistrats tandis que en Europe ce ne sont des juristes divers qui sont tout autant compétents et qualifiés (Jean-Claude Colliard, prof à Paris 1 par exemple).

– Le modèle européen est un contrôle par voie d’action c’est à dire que le procès est fait à la loi elle-même et est déféré au juge, il n’y a donc pas de litiges en jeu c’est un contrôle abstrait et objectif car il est mis en œuvre indépendamment de tout litige ou de toute application concrète de la loi.

– Il s’exerce a priori c’est à dire avant la promulgation de la loi, avant qu’elle n’ait produit ses effets juridiques.

– La portée de la décision du juge est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée c’est à dire qu’il statut erga omnes, à l’égard de tous, les autorités politiques comme les citoyens. Si la loi est déclarée inconstitutionnelle alors elle sera annulée et n’entrera jamais en vigueur.

— Le modèle américain présente un caractère aléatoire car il est laissé à l’initiative des justiciables c’est à dire que pour être déclarée inconstitutionnelle la loi doit être revendiquée comme telle par une des 2 parties participant au litige et la décision du juge ne s’applique qu’à ces parties du procès mais continue de s’appliquer erga omnes.

— Il peut en résulter une contrariété de jurisprudence c’est à dire qu’un juge peut déclarer une loi inconstitutionnelle alors qu’un autre juge va la considérer constitutionnelle alors la Cour suprême viendra arbitrer ce différend en donnant sa propre solution.

=> L’inconvénient du modèle américain c’est l’insécurité juridique

— A l’opposé, le modèle européen favorise la sécurité juridique en contrôlant la loi avant sa promulgation et si elle est déclarée inconstitutionnelle elle sera simplement annulée et n’entrera jamais en vigueur.

— Le problème c’est que ce contrôle heurte frontalement les auteurs de la loi c’est à dire les parlementaires car la loi est dite inconstitutionnelle avant même d’avoir été appliquée et il en résulte que le juge constitutionnel entre dans le jeu politique depuis que l’opposition cherche à se servir du Conseil constitutionnel pour sanctionner le gouvernement.

=> Ce n’est pas favorable à la sérénité juridique

— Si la loi n’est pas déclarée inconstitutionnelle après sa promulgation elle devient alors inattaquable.

— C’est une minorité de lois qui est déférée au Conseil constitutionnel et la plupart sont adoptées, appliquées alors qu’on peut douter de leurs dispositions constitutionnelles.

=> La saisine du juge est étroite car seules les autorités politiques peuvent saisir le Conseil constitutionnel alors qu’aux Etats-Unis tout justiciable peut saisir la Cour Suprême

— Certains Etats ont alors adopté des systèmes mixtes qui cherchent à combiner les avantages du modèle américain et les avantages du modèle européen comme en Allemagne par exemple où le contrôle par voie d’exception et le contrôle par voie d’action coexistent.

— La protection politique de l’ordre constitutionnel au sens large, de l’Etat de droit donc, donne la possibilité aux pouvoirs publics de faire appel à la police, à l’armée pour repousser une invasion étrangère par exemple et les parlementaires peuvent mettre en cause les titulaires du pouvoir exécutif s’ils estiment qu’il y a abus de leur pouvoir comme l’establishment aux ETATS-UNIS.

— Les citoyens devraient être les 1ers défenseurs de l’ordre constitutionnel car il énonce leurs droits et libertés, ils ont aussi le droit de résistance à l’oppression des pouvoirs publics lorsque ceux-ci mettent en cause l’ordre constitutionnel

=> En 1793, on considère que le devoir du peuple de résister à l’oppression est indispensable