Le contrôle du contenu du règlement intérieur

Le contrôle du contenu du règlement intérieur

Le règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises de 20 salariés et plus. Il fixe des règles pour l’hygiène et la sécurité ainsi que pour la discipline. En matière disciplinaire, ses clauses ne peuvent avoir un caractère discriminatoire ou porter atteinte aux droits et libertés individuelles. Ce règlement est un document écrit unilatéralement par l’employeur, mais celui-ci doit solliciter l’avis du comité d’entreprise (CE), ou à défaut des délégués du personnel (DP), ainsi que l’avis du CHSCT pour ce qui concerne l’hygiène et la sécurité.

Il découle de l’article L.1321-1 que le règlement ne peut contenir aucune autre matière que celle énoncée (hygiène, sécurité, discipline).

Le cours complet de Conflit et contentieux en droit du travail est divisé en plusieurs chapitres :

a)Les clauses interdites dans le règlement intérieur

Le règlement intérieur a un niveau inférieur à la loi, aux règlements et aux accords collectifs. Or, par loi et règlement, on entend les règles de droit du travail, mais aussi celles de l’ensemble des branches du droit (civil, pénal…).

L’article L.1321-3 du code du travail prévoit que le règlement intérieur ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. Le but est de protéger les libertés en limitant les restrictions aux cas où elles sont réellement indispensables (porter un casque est une atteinte à la liberté mais ce peut être justifié par la nature de la tâche à accomplir).

En application de ce principe, ont été jugées attentatoires aux libertés et donc non justifiées, les clauses suivantes :

CE, 25 janvier 1989 vise l’interdiction absolue de discussions politiques, religieuses et étrangères au service ; le CE juge que cette interdiction est trop générale pour être justifiée. Cela aurait pu être justifié s’il avait été démontré que le silence était indispensable aux besoins du service.

– Les clauses interdisant de porter des badges, des insignes, d’adopter un style de coiffure ; les clauses restreignant le mariage, obligeant d’indiquer la profession du conjoint, les clauses interdisant de siffler et de chanter, d’introduire un journal et les clauses prévoyant l’ouverture, par l’employeur du courrier postal adressé aux salariés de l’entreprise.

S’agissant des boucles d’oreilles et tatouages, les clauses les interdisant ont été jugées illicites dans certaines décisions, mais pas assez pour en dégager une règle générale.

b) L’application de ce principe dans le domaine de la liberté de conscience

Une entreprise de tendance (dans laquelle une morale, une religion, une idéologie est expressément mise en avant), peut-elle exiger l’adhésion de son personnel salarié ? À propos d’un établissement d’enseignement catholique, il est admis que le règlement intérieur ne peut pas imposer à un candidat à un emploi, un engagement personnel, par la manifestation, dans ses attitudes, d’une volonté de soutenir et de défendre l’enseignement catholique (TA Nantes, 22 octobre 1982). Dans ce même jugement, il est admis en revanche, que le règlement intérieur puisse exiger des salariés le respect d’un devoir de réserve sans imposer son adhésion à l’opinion religieuse .

CE, 20 juillet 1990 ; le CE admet que le règlement intérieur impose au personnel de respecter le caractère propre de l’établissement. Il s’agissait également d’un établissement d’enseignement catholique ; dans ce cas, le Règlement Intérieur doit préciser que ce respect ne porte pas atteinte à la liberté de conscience des salariés concernés, également, les obligations qui en résultent s’apprécient au regard des fonctions exercées par le salarié .

c) L’application de ce principe dans le domaine de la liberté religieuse

Hypothèse d’une entreprise qui voudrait préserver sa neutralité, sa laïcité et des salariés souhaitent manifester leurs convictions religieuses. L’employeur va sanctionner le salarié, et ce dernier va saisir le Conseil des Prud’hommes. L’affaire qui nous occupe actuellement est l’affaire Baby Loup ; à propos d’une salariée d’une crèche privée qui entend porter le voile islamique pendant son travail, le règlement intérieur impose le respect du principe de laïcité et de neutralité au sein de l’entreprise.

La Cour de cassation (Soc., 19 mars 2013) a considéré que le règlement intérieur de la crèche est trop général et imprécis ; il en découle que le licenciement n’est pas justifié et qu’il est même discriminatoire. La Cour a invalidé le licenciement.

Sauf que dans un arrêt rendu le même jour, il s’agissait d’une salariée d’une CPAM licencié pour port du voile islamique ; le règlement intérieur de la CPAM interdisait le port de vêtements ou d’accessoires positionnant l’agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit. La Cour de cassation a considéré que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics y compris lorsqu’ils sont gênés par des personnes privées. Ces agents sont soumis à des contraintes particulières parce qu’ils participent à une mission de SP.

La Cour de cassation distingue entre les entreprises de droit privé qui gèrent un SP et celles qui ne gèrent pas un SP (une crèche privée).

La cour d’appel de renvoi (Paris, 27 novembre 2013) résiste à la chambre sociale en considérant qu’une crèche privée peut, dans son règlement intérieur, interdire le port du voile islamique. Elle considère que la crèche assure une mission d’intérêt général (ce n’est pas une mission de SP), cela lui permet, dans certaines circonstances, de constituer une « entreprise de conviction » (notion empruntée à la jurisprudence de la CEDH). Cette entreprise de conviction pouvant imposer la neutralité de son personnel, dans l’exercice de certaines tâches. Par exemple, il serait par exemple interdit de porter le voile pour une partie des tâches (l’éveil, accompagnement des enfants) et cela serait autorisé pour d’autres tâches sans contact avec les enfants (l’insertion sociale et professionnelle, les rapports avec les femmes du quartier). Pour la Cour de Paris, le règlement intérieur de la crèche était suffisamment précis, les restrictions qu’ils prévoient sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Il n’y a donc pas de discrimination, le licenciement est bien justifié par une faute grave.

Peut être que l’assemblée plénière, saisie par la salarié, apportera des précisions…. on peut se demander si l’entreprise de conviction s’apparente à l’entreprise de tendance. C’est compliqué car une entreprise de tendance (notion doctrinale) est particulièrement marquée par une idéologie ; on est dans une crèche qui n’a aucune condition particulière… est-ce facile d’admettre qu’une crèche serait une entreprise de conviction.

d) L’application de ce principe (le Règlement Intérieur ne peur pas porter atteinte aux libertés du salariés) dans le domaine du droit au mariage

En droit du travail, les choses sont claires : les clauses du règlement intérieur qui restreignent le droit au mariage sont illicites. Il s’agit le plus souvent de clauses qui interdisent ou limitent le mariage d’un salarié avec un autre salarié d’une même entreprise.

La Cour de cassation juge en effet, que le règlement intérieur qui comporterait une telle disposition porte une atteinte non justifiée à la liberté et le ministre du travail a estimé que les clauses de célibat sont nécessairement « abusives », comme contraires aux droits fondamentaux. e) … à propos des tests d’alcoolémie

1°) La position de l’administration et du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a censuré, dans un arrêt du 1er février 1980, un règlement intérieur imposant au salarié d’apporter en cas de doute, la preuve qu’il n’est pas en état d’ébriété. Le Conseil d’Etat a jugé qu’une telle disposition ne justifiée que pour les salariés occupés à certains travaux ou à la conduite de certaines machines. Une circulaire du ministre du travail du 15 mars 1983 a exprimé la position de l’administration qui est que le recours à l’Alcootest est justifié concernant des salariés qui manipulent des produits dangereux, conduisent des véhicules, transportent des personnes.

Le Conseil d’Etat a validé cette position dans un arrêt du 9 octobre 1987. Il s’agissait d’un règlement intérieur qui prévoyait l’épreuve de l’Alcootest effectué par un agent habilité, désigné par la direction pour les salariés manipulant des produits ou machines selon les termes prévus par la circulaire. L’inspecteur du travail avait exigé deux choses :

D’abord, que le règlement intérieur désigne les agents habilités à procéder aux contrôles, ou préciser que les contrôles s’effectuent en présence d’un tiers.

Ensuite, l’inspecteur du travail exigeait que le règlement intérieur précise que les salariés avaient la faculté de demander une contre-expertise, on comprend un peu le but de l’inspecteur du travail qui est de protéger le salarié contre une sanction disciplinaire.

La décision de l’inspecteur est contestée et on arrive devant le Conseil d’Etat (9 oct. 1987) qui rejette les exigences de l’inspecteur du travail. Il estime que la deuxième exigence (faculté d’une contre-expertise), le Conseil d’Etat la rejette en considérant que le test d’alcoolémie ne peut avoir pour objet que de faire cesser ou de prévenir une situation dangereuse, c’est le seul objet du test d’alcoolémie, ce n’est pas de faire constater une faute éventuelle du salarié. Il est donc inutile de demander à l’employeur d’accorder au salarié la faculté de demander une contre-expertise.

Ce que l’on peut déduire est que selon le Conseil d’Etat, l’employeur ne semble pas pouvoir faire constater une faute disciplinaire par un test d’alcoolémie (que faire cesser une situation dangereuse).

2°) La position de la Cour de cassation

La Cour de cassation a adopté une situation différente. L’employeur peut, par un test d’alcoolémie, faire constater une faute. On peut noter un arrêt du 22 mai 2002 de la chambre sociale, à propos d’un salarié transportant un collègue dans un véhicule et est contrôlé positif. Le règlement intérieur prévoyait cette faculté de recours à l’Alcootest, il interdisait l’état d’ivresse sur le lieu de travail et au passage il prévoyait même la faculté pour le salarié de solliciter une contre-expertise ou la présence d’un tiers. La Cour de cassation juge le règlement intérieur licite, sur la base de l’article L.4122-1 du code du travail. Cet article impose à tout salarié de veiller à sa sécurité et à sa santé ainsi qu’à celle des autres personnes concernées du fait de ces actes ou de ces omissions dans l’exécution de son contrat de travail. Pour la Cour de cassation, ce qui importe est que les modalités du test d’alcoolémie en permettent la contestation par le salarié concerné, ce qui était le cas car le salarié pouvait exiger la présence d’un tiers ou une contre expertise.

D’autre part, la Cour estime que l’état d’ébriété constitue une faute grave eu égard à la nature des tâches du salarié dès-lors qu’il expose les personnes ou les biens à un danger. Ici, la Cour de cassation reconnait que le test puisse constituer la preuve d’une faute du salarié justifiant un licenciement.

Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt du 24 février 2004 ; en l’espèce, licenciement pour faute suite à un test positif. La cour d’appel estime que le licenciement est sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE parce que l’Alcootest, légitime avant l’utilisation d’une machine ou la conduite d’un véhicule, ne pouvait permettre à l’employeur de constater une faute à la fin de la journée de travail (après la conduite du véhicule). La Cour de cassation valide le licenciement pour faute grave en reprenant les mêmes motifs que dans son arrêt du 22 mai 2002 .

f) … en matière de fouilles pratiquées par l’employeur

Peut-on accorder à une personne privée un pouvoir dont l’exercice est restreint lorsqu’il s’agit d’une autorité publique ? Le CC, 12 janvier 1977 avait invalidé une loi prévoyant que les APJ peuvent fouiller les véhicules en toute circonstance. Naturellement, l’employeur invoquera de son côté, le droit de propriété, qui est un droit fondamental, la liberté d’entreprendre comme fondement de son pouvoir de direction et de contrôle et donc de fouille.

Cette problématique se renforce s’agissant de la fouille des personnes. On distingue plusieurs types de fouilles :

  • La fouille pour raison de sécurité collective ; (circulaire du 15 mars 1983 admet ce type de fouille à condition qu’elle soit décente et de préférence à l’aide d’appareils de détection adaptés et s’agissant d’entreprises particulières, comme un laboratoire ; de même s’agissant de produits dangereux manipulés dans une entreprise). On vise la sécurité collective liée à l’activité de l’entreprise.
  • La fouillé liée à la recherche d’objets volés ; la recherche d’objets volés est une « perquisition » selon la jurisprudence qui ne peut être effectuée que par un Officier de Police Judiciaire dans les conditions prévues par le Code de Procédure Pénale. Cassation. soc., 8 mars 2005admet néanmoins des fouilles en cas de disparition renouvelée et rapprochée d’objets appartenant à l’entreprise à condition que les salariés aient été informés préalablement de leur droit de s’opposer à la fouille. En cas de refus, l’employeur ne peut que s’adresser à la police. En toute hypothèse, l’intimité des salariés doit être préservée. Il faut préciser que le règlement intérieur doit être précisément respecté par l’employeur.

Il est impossible pour l’employeur de licencier sur la base du résultat d’une fouille pratiquée en dehors des cas prévus par le règlement intérieur. Par exemple, CA Versailles, 25 février 2003 ; licenciement sans CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE si l’objet du vol a été trouvé par des salariés dans le coffre de l’auteur (salarié), car ils n’étaient pas habilités pour fouiller et l’autour du vol n’a pas été informé de son droit de refuser la fouille.

CE, 8 juillet 1988 a admis la possibilité de procéder à des vérifications à la sortie du personnel, soit sur les salariés soit dans les sacs, soit dans les véhicules. Il s’agissait d’un règlement intérieur de chimie des métaux précieux qui avait fait intervenir une entreprise de surveillance, le CE admet la licéité du règlement intérieur, sous réserve de la possibilité pour le salarié de refuser la fouille, d’exiger un témoin et sous réserve de la préservation de la dignité et de l’intimité de la personne.

Cet arrêt est isolé, il constitue une source d’inspiration mais reste flou sur les garanties qui doivent entourer la fouille.

  • La fouille des vestiaires ; ce sont les mêmes garanties qui s’appliquent ici. Pour le Conseil d’état, qui a rendu un arrêt à ce sujet (9 oct. 1987), la fouille des vestiaires n’est pas possible à tout moment. Il faut que les salariés soient préalablement informés, et que la fouille soit justifiée par des nécessités d’hygiène ou de sécurité. De nombreux arrêts du Conseil d’Etat sont intervenus dans ce domaine et l’exigence d’une nécessité d’hygiène et de sécurité a toujours été réaffirmée alors même que les règlements intérieurs en cause apportaient de fortes garanties au salarié (comme la préservation de l’intimité ou la nécessité de la présence du salarié au moment de la fouille). La Cour de cassation s’est également prononcée le 11 décembre 2001 en jugeant que l’employeur ne peut ouvrir l’armoire individuelle d’un salarié que dans les cas prévus parle règlement intérieur et en présence du salarié ou au moins faut-il qu’il ait été prévenu. En l’espèce, l’employeur avait fouillé dans le casier et a trouvé de l’alcool, il a licencié son salarié pour faute grave. Or, l’interdiction de boire de l’alcool ne figurait que dans une note de service. En revanche, l’ouverture du casier ou du vestiaire du salarié est licite, selon un arrêt de la chambre sociale du 15 avril 2008, lorsque le salarié a été averti trois semaines à l’avance par affichage sur son propre casier, que l’ouverture a été faite en présence d’un représentant du personnel et d’un agent de sécurité, selon la procédure prévue par le Règlement Intérieur (à propos d’un salarié qui détenait des objets qui appartenaient à son employeur), la chambre sociale parle de détention et de dissimulation (elle ne qualifie pas les faits).
  • La fouille des courriers électroniques et des fichiers stockés sur un ordinateur ; arrêt du 18 octobre 2006 à propos d’un employeur qui avait mandaté un huissier pour procéder à l’inventaire des documents estimés confidentiels, que le salarié détenait sur le disque dur de l’ordinateur mis à disposition par l’employeur. Pour la Cour de cassation, les documents détenus par le salarié sont présumés avoir un caractère professionnel car il s’agit de l’ordinateur qui appartient à l’entreprise et dont le salarié n’utilise que pour son travail. Ainsi, l’employeur a la possibilité d’accéder à ces documents, toutefois, le salarié peut identifier certains documents comme « personnels ».

Le règlement intérieur qui prévoit la possibilité des fouilles d’investigations doit nécessairement préciser, pour être licite, qu’il ne sera procédé à des vérifications qu’en cas de nécessité. Par exemple, en cas de disparition de biens appartenant à l’entreprise ou s’il existe des risques particuliers. Le salarié doit pouvoir exiger la présence d’un témoin et s’agissant de certains types de fouilles, s’opposer à la fouille. Il en découle que l’employeur ne pourra pas se prévaloir d’une preuve d’un vol, obtenu à l’occasion d’une fouille si celle-ci a été réalisée en violation du règlement intérieur, ou lorsque le règlement intérieur est déficient sur ce point.

Cassation. soc., 2 mars 2011 ; à propos d’un salarié d’un magasin qui franchit une caisse fermée, de l’autre côté de la caisse, il y a un agent de sécurité, l’alarme s’est déclenché, l’agent lui demande d’ouvrir le sac, le salarié détenait un objet volé. Le Règlement Intérieur prévoyait bien les exigences de la jurisprudence (nécessité, droit d’opposition, présence d’un témoin), il prévoyait également que la vérification devait être faite en présence d’un tiers appartenant à l’entreprise et d’un représentant du personnel et dans des conditions préservant la dignité et l’intimité du salarié : violation du Règlement intérieur, l’employeur ne peut donc pas se prévaloir de la preuve ainsi obtenue.

d) Le partage de compétences entre juge administratif et juges judiciaires

1°) Le contrôle administratif

L’inspecteur du travail peut prendre des décisions, qui sont des actes administratifs susceptibles de recours. Le Règlement Intérieur, lorsqu’il est élaboré, est communiqué à l’inspecteur du travail), l’employeur doit communiquer à l’inspecteur du travail en cas de modification du règlement intérieur.

L’article L.1322-1 du code du travail permet à l’inspecteur du travail d’exiger à tout moment, le retrait ou la modification des clauses du règlement intérieur qui sont contraires à la loi, soit parce qu’elles sont en dehors du domaine du règlement intérieur, soit parce qu’elles sont contraires aux lois et règlements, aux conventions collectives applicables, ou parce qu’elles apportent aux droits et aux libertés des restrictions injustifiées par la nature de la tâche à accomplir sans être proportionnée au but recherché .

L’administration du travail considère, dans le silence du code, que l’inspecteur du travail peut aussi exiger de l’employeur qu’il ajoute certaines dispositions au règlement intérieur. Il s’agit d’une interprétation de l’article L.1321-1 qui détermine le contenu du règlement intérieur. Ce pouvoir de l’inspecteur du travail serait précisé dans cet article. On peut admettre cela, c’est logique, mais il serait difficile d’admettre que l’inspecteur ait le pouvoir d’exiger l’ajout de certaines clauses qui, bien que destinées à protéger les libertés ne relèvent pas du domaine du règlement intérieur. Des pratiques des développent dans les entreprises (ouverture du courrier du salarié systématiquement par la direction), l’inspecteur du travail n’a pas ce pouvoir.

L’inspecteur du travail doit, lorsqu’il prend une telle décision, il doit la motiver, la notifier à l’employeur et en adresser une copie aux représentants du personnel. Il s’agit donc d’un acte administratif, qui peut être pris à tout moment. Certes, l’inspecteur du travail dispose d’un délai d’un mois pour contrôler le règlement intérieur qui lui est adressé par l’employeur, mais ce délai d’un mois ne s’applique pas à lui, il s’applique à l’entrée en vigueur du règlement intérieur, qui ne devient applicable dans l’entreprise qu’un mois après sa communication à l’inspecteur du travail. L’inspecteur peut donc contrôler en permanence le règlement intérieur, sans avoir à s’en expliquer, il n’est pas tenu par ses interprétations antérieures, il n’est pas tenu par les interprétations de ses prédécesseurs.

Le réexamen du règlement intérieur intervient parfois à la suite d’une décision de justice. Lorsque le Conseil des Prud’hommes écarte une clause d’un règlement intérieur comme illicite, il doit en adresser une copie à l’inspecteur du travail. Certes, la décision de justice, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, n’a aucune conséquence juridique sur la décision de l’inspecteur du travail, mais bien souvent l’inspecteur réexamine à cette occasion le règlement intérieur et exige de l’employeur qu’il le modifie.

La décision de l’inspecteur du travail est exécutoire immédiatement, le recours n’est pas suspensif. L’employeur qui ne respecte pas la décision encourt des sanctions pénales pour l’essentiel. Ces sanctions sont encourues alors même que l’employeur a exercé un recours, et si l’employeur exécute la décision de l’inspecteur du travail, puisqu’il modifie le règlement intérieur, il doit recommencer les procédures de consultation des représentants du personnel et de publicité. Toutefois, il faut reconnaitre que l’administration du travail est ici souple, puisque la pratique des inspecteurs est, dans ce cas de ne pas relever que l’employeur n’a pas respecté cette procédure comme il devrait normalement le faire. La circulaire ministérielle du 15 mai 1983 adressée aux inspecteurs du travail estime que l’avis des représentants du personnel n’est, dans ce cas, pas nécessaire.

2°) Les recours contre la décision de l’inspecteur du travail

Il y a e recours hiérarchique et le recours contentieux. Le recours hiérarchique se fait devant le directeur régional du travail, il émane le plus souvent de l’employeur, mais il peut émaner des représentants du personnel. Ce recours doit être exercé dans les deux mois à compte de la notification de la décision de l’inspecteur du travail.

La décision du directeur régional doit être motivée comme tout acte administratif et elle est notifiée à l’employeur et communiquée, pour information, aux représentants du personnel. La décision du directeur régional peut elle-même faire l’objet d’un recours hiérarchique devant le ministre du travail, les mêmes règles sont applicables.

Le recours contentieux peut viser la décision de l’inspecteur du travail, celle du directeur régional ou celle du ministre. Ce recours contentieux doit être exercé dans les deux mois de la notification de la décision devant le TA. Il s’agit d’un REP, donc d’une requête en annulation de la décision administrative (qu’elle ait été prise par l’inspecteur, le directeur ou le ministre). Le juge administratif ne statue que sur la décision administrative au moment ou elle a été prise. Il ne peut pas statuer par exemple sur une nouvelle proposition de rédaction de règlement intérieur faite par l’employeur. La décision administrative peut être portée en derniers ressort devant le Conseil d’Etat, il est prévu de donner compétence à l’avenir, aux cours administratives d’appel dans ce domaine.

Le juge administratif peut rejeter le REP et la décision administrative se trouve ainsi validée. Il peut aussi décider d’annuler la décision, elle est donc censée ne jamais avoir existé. Si certains salariés ont été lésés par une clause reconnue comme illégale, ils peuvent solliciter des dommages-intérêts en raison du préjudice subi, mais ils doivent le faire devant le juge prud’homal .

C’est un contrôle éventuel qui dépend d’un litige dont peut être saisi le Conseil des Prud’hommes à l’initiative d’un salarié. Par exemple, le salarié a subi une sanction prononcée par l’employeur qui s’est appuyé sur le règlement intérieur pour prononcer cette sanction. Certes, il se peut que l’employeur reproche au salarié d’avoir violé les disposions du règlement intérieur, mais il se peut aussi que l’employeur cherche à prouver al faute par une preuve recueille selon les modalités prévues par le règlement intérieur. Le salarié se défend et essaie de faire annuler la sanction en invoquant que la preuve de sa faute est illicite car elle repose sur des modalités du Règlement Intérieur illicites.

Les débats juridiques sont plus importants sous ce deuxième aspect, rappelons également que si le juge judiciaire écarte l’application d’une clause du règlement intérieur, il en adresse une copie à l’inspecteur du travail et aux représentants du personnel. Il reste la question du partage de compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif. Si l’inspecteur du travail n’a pris aucune décision à propos d’une clause d’un règlement intérieur, le juge judiciaire est compétent. L’administration a le pouvoir d’intervenir à tout moment, cela exclut évidemment la possibilité d’une décision implicite de l’inspecteur du travail d’approuver le règlement intérieur.

En l’absence de réaction formelle de l’inspecteur du travail, le juge judiciaire qui se prononce sur la validité ou la licéité d’une disposition d’un règlement intérieur ne viole pas la séparation des pouvoirs. Ainsi, le Conseil des Prud’hommes peut donc statuer sur la demande du salarié d’invalider une sanction ou de déclarer injustifié un licenciement qui seraient contraires à la loi même si cette sanction ou ce licenciement s’appuie sur une disposition d’un règlement intérieur. Le juge judiciaire conserve la possibilité d’apprécier la licéité du règlement intérieur à l’occasion de ce litige individuel, en revanche, il n’est pas compétent pour annuler la disposition du règlement intérieur en question, ce sera à l’autorité administrative de le faire, le cas échéant.

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