Le déroulement des opérations d’exécution

Les opérations d’exécution

Les procédures civiles d’exécution permettent d’obtenir le recouvrement de sommes d’argent ou l’exécution d’obligations de faire ou de ne pas faire. Elles tendent donc à satisfaire les créanciers lorsque les débiteurs ne s’exécutent pas spontanément. . Nous étudierons les principes applicables au déroulement des opérations d’exécution puis nous étudierons les frais d’exécution.

1) Les opérations d’exécution

L’acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l’objet. Aucune mesure d’exécution ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié, si ce n’est en cas de nécessité et en vertu d’une autorisation spéciale du juge. De plus, aucune mesure d’exécution ne peut être commencée avant 6 heures et après 21 heures, sauf en cas de nécessité, avec l’autorisation du juge et seulement dans les lieux qui ne servent pas à l’habitation.

2) Le paiement des frais de procédure

L’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 distingue :

  • – les frais de recouvrement forcé qui sont en principe à la charge du débiteur sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires quand ils ont été engagés.
  • – les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent en principe à la charge du créancier.

Il est à noter que les frais occasionnés pour une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur sauf décision contraire du juge à l’issue de la procédure (art. 73 al. 1 er de la loi).

Section 1: Les grands principes applicables au déroulement des opérations d’exécution

Les opérations d’exécution doivent respecter les principes fondamentaux du contradictoire (1) et du respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile (2).

1) Le respect du contradictoire

Si la présence du débiteur sur les lieux de la saisie est souhaitable pour faciliter les opérations mais celle du créancier risque de créer une situation conflictuelle. Ainsi, le créancier n’a pas à être présent lors des opérations d’exécution sauf si les modalités de l’appréhension du bien l’impose (ex: il est le seul à pouvoir reconnaitre le bien à saisir). Le respect du contradictoire ne passe pas par la présence des parties par un devoir de communication des pièces (A) et par une information particulière du débiteur (B)

  1. A) Le devoir de communication des pièces

« Toute personne qui, à l’occasion d’une mesure propre à assurer l’exécution ou la conservation d’une créance, se prévaut d’un document, est tenue de le communiquer ou d’en donner copie, si ce n’est dans le cas où il aurait été notifié antérieurement » (L91 Article 27).

1) Champ d’application ratione personae de la communication des pièces

Le devoir de communication des pièces s’applique à « toute personne »:

  • les parties à la saisie (créancier et débiteur).

ex: si un débiteur prétend qu’un bien est insaisissable il doit communiquer tout document permettant de le prouver.

  • les tiers, s’ils soutiennent que le bien saisi leur appartient.
  • l’huissier doit communiquer les pièces dont il excipe (ex: titre exécutoire, autorisation de saisie conservatoire), mention en est faite dans l’acte dressé.

Le champ est plus large que celui du Code de Procédure Civile. En effet, en principe, le juge est garant du principe du contradictoire mais la réforme ayant déjudiciarisé les procédures civiles d’exécution mobilières, le JEX n’intervient plus nécessairement pour faire respecter le contradictoire, donc le champ a été étendue en la matière.

2) Champ d’application ratione materiae de la communication des pièces

Le devoir de communiquer des pièces ne se limite pas à l’instance devant le JEX, il concerne également les opérations de saisie i.e. l’acte de saisie lui-même et les actes préparatoires ou postérieurs. Ce devoir est général car il s’impose quelle que soit la mesure diligentée.

Il est prévu la communication d’un « document » (L91 Article 27), ce terme englobe donc les écrits mais aussi tout autre support (ex: photographies).

Limite: dispense lorsque les documents ont déjà été notifiés. ex: les documents communiqués lors de l’instance n’ont plus à être communiqués au débiteur.

Celui qui prétend que le document a déjà été communiqué doit le prouver par tout moyen (fait juridique, Article 1315 al.1).

  1. B) L’information du débiteur

Les formes et le contenu des actes de saisie tendent à protéger le débiteur.

Ce sont en principe des actes d’huissier comprenant donc à peine de nullité des mentions obligatoires (Code de Procédure Civile Article 648) :

  • la date de l’acte
  • si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
  • si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement
  • les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice
  • si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.

D’autres mentions propres à chaque mesure de saisie s’y ajoutent et tendent à assurer l’information des parties et surtout du débiteur. L’information du débiteur intervient directement soit lors des opérations de saisie (1) soit a posteriori (2).

1) L’information directe du débiteur

Pour assurer l’information du débiteur le législateur requiert une information écrite et orale:

  • Information écrite: 2 techniques protectrices
  • rédaction en caractère très apparents de certaines mentions dans l’acte de saisie: ces mentions sont souvent relatives aux droits du débiteur (possibilité de contester, délais, juridiction compétente) ou aux obligations mises à sa charge suite à l’acte de saisie.
  • reproduction de certaines dispositions législatives dans l’acte de saisie: relatives notamment aux sanctions pénales et civiles encourues par le débiteur.
  • Information orale: elle consiste à rappeler oralement au débiteur le contenu de certaines mentions de l’acte de saisie. Cette obligation ne se limite pas à la lecture des mentions mais met à la charge de l’huissier une véritable obligation de renseignement.

ex: en matière de saisie-vente, l’huissier doit informer le débiteur qu’il peut vendre à l’amiable les biens saisis (Décret de 1992 Article 95).

L’huissier fait mention de ses déclarations dans l’acte de saisie. Ces mentions relatives à l’information orale et écrite sont requises à peine de nullité. L’exigence s’explique au regard des effets de l’acte de saisie (il rend les biens indisponibles).

2) L’information a posteriori du débiteur

Dans un souci d’efficacité, la saisie peut parfois être dans les mains d’un tiers ou sans information du débiteur (mesures conservatoires).

L’huissier dresse l’acte de saisie avant d’en informer le débiteur mais celui-ci doit en être informé dès que possible ainsi, l’acte de saisie dressé en cachette est dénoncé ou signifié au débiteur par huissier de justice, il s’agit d’un acte d’huissier qui comprend donc mentions obligatoires inhérentes à ces actes (cf. supra.).

L’information relative à la procédure est également assurée car une copie de l’acte de saisie établi en cachette est remise au débiteur et celui-ci est informé de ses droits (possibilité de contester la mesure, vente amiable) et obligations (effets de la saisie).

2) Les respect de la vie privé et l’inviolabilité du domicile

Pour respecter la vie privée du débiteur et l’inviolabilité de son domicile, l’huissier ne peut saisir à toute heure (A) mais doit quand même pouvoir entrer dans un local (B).

  1. A) La localisation temporelle de la saisie: le temps de la saisie

Une saisie ne peut avoir lieu n’importe quel jour (1) et à n’importe quelle heure (2) (L91 Article 28).

1) Les jours de l’exécution

Principe: une saisie peut être pratiquée tous les jours sauf dimanches et jours fériés car ils sont consacrés au repos du débiteur.

Les jours fériés sont limitativement fixés par la loi, ainsi une mesure d’exécution peut très bien être diligentée un samedi même s’il se situe entre un jour férié et un dimanche. Ces dispositions s’appliquent que les locaux servent ou non à l’habitation. Ainsi, il est en principe interdit de procéder à une mesure d’exécution dans les locaux d’une entreprise exceptionnellement ouverte à la clientèle un dimanche.

Dérogation: en cas de nécessité, le juge peut délivrer une autorisation spéciale pour pratiquer une saisie le dimanche.

ex: saisir recettes d’un restaurant les réalisant le dimanche.

2) Les heures de l’exécution

Principe: aucune mesure d’exécution ne peut avoir lieu entre 21 le soir et 6 h le matin. i.e. il est interdit de commencer les mesures avant 6 h et après 21 h mais l’huissier peut continuer une mesure commencée avant 21 h. Cette règle permet d’éviter que le débiteur ne profite de la nuit pour retirer tout ou partie des biens.

Dérogation: le juge peut autoriser une exécution nocturne sauf si la mesure a lieu dans un local à usage d’habitation. Ainsi, lorsque la mesure concerne un local à usage d’habitation, l’interdiction est absolue. Cette possibilité de dérogation présente un intérêt pour les entreprises travaillant la nuit (ex: discothèque).

  1. B) Les procédures d’entrée dans les lieux

Il existe 2 procédures: une pour entrer dans un local servant à l’habitation (1) et une autre pour entrer dans un local en cas d’absence ou de refus de l’occupant (2).

1) La procédure d’entrée dans un local servant à l’habitation

«A l’expiration d’un délai de 8 jours à compter d’un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l’habitation et, le cas échéant, faire procéder à l’ouverture des portes et des meubles» (L91 Article 20)

Domaine: la procédure devant commencer par un commandement de payer, elle inapplicable aux mesures qui ne reposent pas sur un tel acte et notamment aux mesures conservatoires. La procédure s’applique donc essentiellement à la saisie-vente.

Procédure: le commandement de payer est un acte d’huissier, il doit reproduire le titre exécutoire afin que le débiteur sache pourquoi il doit payer. Le commandement est signifié par huissier à personne sauf impossibilité. Le débiteur a 8 jours pour s’exécuter à compter de la signification du commandement Le jour de la signification ne compte pas car le délai est exprimé en jours (Code de Procédure Civile Article 641 al.1). Si le dernier jour est un dimanche ou un jour férié, il est reporté au 1er jour ouvrable (Code de Procédure Civile Article L642 al.2). Si le débiteur s’exécute: la procédure s’arrête et son domicile est protégé. S’il ne s’exécute pas, l’huissier peut entrer dans le local d’habitation pour procéder à la saisie. L’huissier doit présenter le titre exécutoire à toutes les personnes présentes dans les lieux.

L’huissier ne peut procéder lui-même à l’ouverture des meubles, le débiteur doit les lui ouvrir, s’il refuse il faudra utiliser une autre procédure.

2) La procédure d’entrée dans un local en cas d’absence ou de refus de l’occupant

«En l’absence de l’occupant du local ou si ce dernier en refuse l’accès, l’huissier de justice chargé de l’exécution ne peut y pénétrer qu’en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de 2 témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier, ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution.

Dans les mêmes conditions, il peut être procédé à l’ouverture des meubles. » (L91 Article 21)

Tous les locaux relèvent de cette procédure (locaux d’habitation, locaux professionnels). Elle s’applique notamment lorsque débiteur refuse d’ouvrir les portes des meubles. L’occupant peut viser un propriétaire, un locataire, un squatteur (occupant sans droit ni titre). L’huissier peut avoir recours aux services d’un serrurier.

Section 2: Les frais d’exécution

Les frais d’exécution sont souvent élevés voire excessifs. Ainsi, lors de la réforme, la question a donné lieu à un débat important. Il faut distinguer les frais relatifs aux mesures d’exécution forcées (saisies) de ceux occasionnés pour le recouvrement amiable des créances (Loi de 1991 Article 32). Pour les frais relatifs aux procédures d’exécution forcées, une distinction s’impose selon que les opérations sont diligentées avec ou sans titre exécutoire.

Frais entrepris en vertu d’un titre exécutoire: les frais sont à la charge du débiteur quel que soit le type de mesure (exécution, conservatoire).

Exception: le créancier supporte ces frais s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. En cas de litige, le JEX tranchera.

Ces frais englobent notamment les honoraires de huissier et les débours (frais engagés par le huissier en raison de circonstances indépendantes de la tarification des textes: remboursement des droits fiscaux, frais d’affranchissement, frais de serrurier etc.)

Frais entrepris pour une exécution sans titre exécutoire: les frais restent à la charge du créancier, toute stipulation contraire est réputée non écrite. Toute clause de remboursement forfaitaire est donc nulle.

Exceptions:

  • les frais d’un acte dont l’accomplissement est prescrit pas la loi sont à la charge du débiteur (ex: le commandement de payer nécessaire pour mettre en œuvre une clause résolutoire d’un bail).
  • si le créancier établit le caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance, il peut demander au JEX de laisser tout ou partie des frais exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi: le créancier doit démontrer la mauvaise foi du débiteur et le caractère nécessaire des dépenses.