Le Directoire (1795 – 1799)

LE DIRECTOIRE

Le 22 août 1795, la convention adopte la constitution du directoire. Le Directoire est le régime politique français chargé du pouvoir exécutif entre le 26 octobre 1795 (4 brumaire an IV) et le 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII). Il succède à la Convention nationale de l’an III, proclamée le 23 septembre. Le directoire met à nouveau en place une séparation stricte des pouvoirs.

S’ouvre d’abord ce qu’on va appeler la République thermidorienne qui va tenter de renouer en établissant la constitution de l’an III mettant en place le régime politique dit du Directoire, qui va lui aussi échouer au bout de 4 ans, en prenant fin avec le coup d’Etat du 18 brumaire an VIII du Général Bonaparte. Trois étapes : république thermidorienne, constitution de l’an 3, l’échec du directoire

  • A) La république thermidorienne.

Thermidor et la mise à l’écart de Robespierre est une réaction contre la terreur et contre les excès de celle-ci. Il ne faut pas oublier qu’elle est conduite par les survivants de la période, que ces survivants ont voté la mort du roi et ne veulent donc surtout pas d’une restauration monarchique. Et leur choix ne peut être que celui de la république (certainement pas le retour à la monarchie), mais une république constitutionnelle, modérée.

Dans un premier temps, les structures en places subsistent, notamment les comités au premier rang desquels le Comité de Salut Public mais qui évidemment n’a pas le rôle exclusif qu’il avait précédemment. On revient à une lecture un peu plus tranquille. C’est ce comité qui s’occupe des différentes politiques à mener. On fait attention à ce que ce comité n’ait pas trop de pouvoir. Les membres sont renouvelés par quart tous les mois. En réalité ces comités sont l’exécutif, très fragile, très incertain, sous la coupe de l’assemblée qui en permanence renouvelle ces comités. Et ceci est provisoire, puisqu’en même temps le travail constitutionnel reprend. Il ne peut être question de la constitution de 1791 et de celle de 1793 (liée à la terreur et au régime de RB que l’on veut écarter). Si on veut un texte, il faut l’écrire, et à partir d’avril 1795 se met en place une commission des 11 dont le rapporteur sera Boissy d’Anglas et le projet sera discuté en juillet août 1795. C’est celui qui va donner naissance à la constitution de l’an III après quelques modifications

  • B) La constitution de l’an III

L’idée principale et on revient en quelque sorte ce qui avait animé un demi siècle plus tôt Montesquieu, est la recherche de la modération. On veut éviter le blocage produit par la constitution de 1791. On veut un pouvoir modéré qui n’ouvre pas la porte au terrorisme et à l’insurrection permanente.

La modération se traduit d’abord dans une déclaration des droits moins généreuse que les précédentes, et qui introduit pour la première fois (et c’est une thématique qu’on retrouvera plus tard) l’idée des devoirs. Et donc c’est désormais la déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen, qui reprend assez largement celle de 1789 mais reste un peu en deçà et notamment elle gomme l’égalité. On appréciera la franchise (ou l’hypocrisie) que la formule « les hommes naissent et demeurent libres et égaux » devient « les hommes naissent libres et égaux ». On enlève aussi le droit à l’insurrection qui avait été mis en exergue en 1793 notamment. Sous ces réserves, la déclaration ressemble à celle de 1789.

De la même, sur le système électoral (l’assemblée joue un rôle fondamental) rétabli celui de 1791 en le fondant à nouveau sur le cens et la propriété. Pour être électeur, il faut être propriétaire. Et on a un système a deux degrés : des assemblées primaires qui élisent de grands électeurs à raison d’un pour 200. Il y a un cens financier pour être électeur primaire, et pour être électeur secondaire le cens financier est beaucoup plus important : il y a l’obligation de posséder un bien ou un revenu égal à 200 journées de travail (ce qui à l’époque réduit à une fraction assez limitée de la population). Et ce système des électeurs de deux degrés fait qu’on passe d’un premier corps électoral d’environ 6M à un corps électoral réel de 30 000 beaucoup plus facile à influencer. Ces grands électeurs désignent un corps législatif divisé en 2 chambres élues pour 3 ans (mandat court) et qui en plus sont renouvelables par tiers tous les ans (avec idée d’une rotation rapide des mandats politique pour faire en sorte que personne n’accapara le pouvoir trop longtemps, idée généreuse qui en général abouti à la catastrophe vu que les élus s’occupent de leur réélection).

Ces deux chambres sont le conseil des 500 et celui des anciens (relatif, car la condition pour être membre des anciens est d’avoir 40 ans au lieu de 30 pour ce qui est des 500). Les 500 sont 500, les anciens sont 250, tout le monde est élu ensemble et ils sont répartis par tirage au sort. Ces chambres font la loi avec une procédure assez complexe : le droit d’initiative est aux 500, et le vote de la loi est donné aux anciens (réputés plus expérimentés) avec des procédures pour régler d’éventuels désaccords entre les 2 chambres.

Pour que l’exécutif soit limité (c’est l’objectif essentiel), on installe un directoire qui en principe est collectif de 5 membres selon la procédure suivante : les 500 établissent une liste de 50 candidats, parmi lesquels les anciens choisissent au scrutin secret 5 noms parmi les 50. Ces directeurs ont un mandat de 5 ans avec un renouvellement annuel d’un membre, un sortant ne pouvant revenir qu’au bout de 5 ans (c’est-à-dire qu’il y a une rotation permanente, ce qui est une manière de fragiliser l’exécutif tout comme le législatif est fragilisé par la réunion annuel d’un de ces tiers).

On se méfie d’un pouvoir accaparé par une personne, et s’il y a un président du directoire, c’est chacun à son tour et pour une durée maximale de 3 mois. A noter que ce système existe toujours dans le cas de la Suisse qui a un gouvernement de type directorial. Le président de la confédération est élu pour un an parmi les ministres.

C’est donc finalement dans ce système de 5 directeurs la majorité si l’on peut dire du directoire qui gouverne assistée de ministre qu’il désigne. C’est un système ou on fragilise tout le monde dans cette recherche de la modération (après la terreur) mais qui risque d’être compliqué.

A cette complexité devait s’ajouter une innovation extrêmement intéressante, c’est la formule du jury constitutionnaire, premier exemple de contrôle de constitutionnalité auquel pouvait être déféré les actes des assemblée électorales et les actes des conseils. C’est-à-dire qu’ils jugeaient à la fois de la validité des élections et de la validité des lois. Cette jurie-constitutionnaire (au féminin pour Sieyès) pouvant être saisie à la demande des minorités (l’un des conseils, ou les citoyens). Il aurait du être constitué de 108 renouvelables par tiers, et les membres de cette jurie étant choisie par cooptation parmi les membres sortant des conseils. Cette invention de Sieyès, père du contrôle de constitutionnalité en France, fut rejetée par la convention qui jugeait que la complexité du système était déjà suffisante, et qui par ailleurs demeurait attaché à la suprématie de la loi. On trouve là l’origine d’une veille idée qui existe aujourd’hui : la loi étant votée par les représentants du peuple, est-il normal qu’elle soit contrôlée par des personnes qui ne sont pas les représentants du peuple ? La question se pose encore aujourd’hui.

La constitution de l’an III est intéressante, très complexe, on y a multiplié les garanties et finalement elle ne va pas marcher

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

  • C) L’échec du Directoire

Derrière ce morcellement du pouvoir a priori protecteur, il y a des réalités qui sont un peu plus triviales. Il y a d’abord la volonté de ceux qui sont au pouvoir, ceux qui ont mis fin à la dictature de Robespierre, de garder le pouvoir. En même temps que la constitution, le corps électoral est invité à ratifier un décret dit « des deux tiers » qui réserve aux conventionnels sortant 500 des 750 sièges de député, c’est-à-dire que les élection sont être assez théorique puisque déjà sur 750 siècles, 500 vont être pourvu par ceux qui sont en place. On est loin de la vertu des 1ers constituants qui avaient décidés de ne pas être rééligibles. Ce décret, proposé au corps électoral, est accepté de justesse par le corps électoral.

Sous cette réserve qui rend le scrutin évidemment assez théorique, il y a pour l’élection des députés (ce qui vont se répartir entre les 2 conseils) un scrutin secret. Pour l’essentiel il est uninominal, c’est-à-dire que les députés sont élus un par un avec une exigence de majorité aux 2 premiers tours et de majorité relative au 3eme tours si les 2 premiers n’ont pas été conclusifs. Le tout se faisant à l’intérieur d’assemblée primaires puisqu’on a gardé ce système dans lequel les électeurs désignent de grand électeurs peu nombreux.

Il ne faut pas oublier que c’est un système dans lequel il y a un renouvellement annuel, ce qui fait qu’à chaque élection le pouvoir en place est menacé et notamment menacé par la remontée des royalistes (au sens de l’époque), c’est-à-dire que finalement cette idée que tout ça va très mal et qu’il faut revenir à l’ancien régime, s’il elle n’a pas grand cours à paris, se rencontre dans les campagnes. Remontées négatives des élections. On fait des coups d’Etat préventifs qui amènent le directoire et les conseils sortant à casser un certain nombre de résultats électoraux de manière à ce que les adversaires du régime voient leurs élections réputées invalidées.

Système instable, habitude douteuse d’invalider les élections, et système impopulaire qui a durer pendant 4 ans mais qui s’effondre avec le dernier coup d’Etat (celui là pas préventif mais curatif ;)) qui est le coup d’Etat du 18 brumaire an 8 (9 novembre 1799) conduit par un général Bonaparte qui devient une espèce de légende auréolé par la campagne d’Italie. Ce coup d’Etat est mené par Bonaparte, par son frère Lucien (extrêmement intelligent) qui à l’époque est président du conseil des 500. Et ceci étant fait, avec la complicité de Sieyès et de Ducos (autre directeur) et 2 ministres que l’on retrouvera pendant très longtemps : Fouchet et Talleyrand. Ces 5 hommes (6 avec Bonaparte) mènent le coup d’Etat : il consiste à faire envahir par les grenadiers une salle de réunion des 500 et des anciens, à virer tout le monde dehors, et ensuite en rappeler quelques uns pour leur faire voter ce que l’on veut leur faire voter.

Le lendemain, le temps de retrouver quelques anciens un peu inquiet, ceux qui restent du conseil votent la loi du 19 brumaire qui supprime le directoire, et ce Directoire est remplacé par une commission consulaire exécutive composée de trois consuls. Sieyès et Ducos (qui étaient directeurs et gardent le pouvoir) et qui ont du faire une place au général Bonaparte. Et on peut penser que chacun des trois pense en lui même que le triumvirat est très bien mais qu’ils voudraient rester seuls. Ils ne vont pas faire le poids fasse à Bonaparte.

C’est un net renforcement de l’exécutif d’autant plus qu’il est appuyé par l’armée. Le corps législatif est dissout et remplacé par 2 commissions de 25 membres (ceux des conseils qui se sont ralliés le plus vite au nouveau régime), et ces 2 commissions sont chargées notamment de préparer une nouvelle constitution, car il y a toujours cette idéologie forte de refaire une constitution après un coup d’Etat. C’est ce qui ouvre la période du consulat et de l’empire