Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal : article 237 et 238 du Code Civil :

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est prévu aux articles 237 et 238 du Code civil. Ce divorce suppose la cessation de la communauté de vie entre les époux depuis au moins deux années lors de l’assignation en divorce. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal présente de nombreuses spécificités.

Histoire du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Le divorce pour rupture de la vie commune avait été créé par la loi de 1975 pour répondre à certains besoins. Le divorce devenait possible dans le cas où l’un des époux était malade mentale sans espoir de guérison, qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée et que le divorce par consentement mutuel était exclu. Il était aussi possible dans le cas où les époux étaient séparés depuis plus de 6 ans, qu’aucune faute ne pouvait être reprochée ou prouvée à l’encontre de l’époux qui ne voulait pas consentir à un divorce par convention ou sur demande acceptée.

Mais celui qui en prenait l’initiative devait en supporter les sévères conséquences comme le maintien de secours ou encore la déchéance à son encontre des donations et avantage consentis. Ce type de divorce permet à l’un ou l’autre des époux de prétendre à une prestation compensatoire destinées à compenser la disparité dans leurs conditions de vie respectives (article 270 du Code Civil).

La loi du 26 mai 2004 a non seulement modifié le nom de ce divorce mais aussi ses conditions :

  • · 1ère hypothèse : le divorce peut être demandé dès lors que les époux vivent séparés de fait depuis au moins 2 ans au jour de l’assignation (article 238 alinéa 1 du Code Civil).Le cas du malade mental n’est plus abordé. Il suffit qu’il y ait « cessation de toute communauté de vie tant affective que matérielle » (peu importe que la séparation soit volontaire ou non, le juge doit pouvoir constater à la fois l’absence de cohabitation et la rupture des relations conjugales).
  • · 2ème hypothèse : lorsque le juge rejette une demande principale en divorce pour faute, il pourra prononcer un divorce pour altération définitive du lien conjugal si celui-ci a été demandé reconventionnellement par le défendeur. Dans ce cas, pas de délai, l’altération du lien est présumée, les deux époux demandant concurremment le divorce (article 238 alinéa 2 et 246 alinéa 2 du Code Civil).

Définition du divorce pour altération définitive du lien conjugal

► c’est un divorce qui peut être imposé au conjoint, en effet il suffit que les époux soient séparés depuis plus de deux ans, pour que le divorce soit prononcé automatiquement ;

► par rapport aux conditions de l’altération définitive du lien conjugal, des éléments sont à préciser.

Concernant la cessation de la vie commune, elle se caractérise par l’existence d’une séparation entre les époux à la fois matérielle (l’absence de cohabitation) et psychologique (la volonté de rupture). La séparation peut résulter de leur volonté commune ou de l’initiative d’un seul époux. Concernant le délai de deux ans, avec la réforme de 2004, le délai de séparation requis est réduit de six à deux ans. De plus, l’article 238 prévoit que les époux doivent être séparés depuis au moins deux ans au jour de l’assignation en divorce. Lorsque ces conditions sont remplies, le divorce pour altération définitive du lien conjugal sera prononcé, sans aucun recours possible.

Comment déterminer que les deux époux sont séparés?

La séparation doit comporter deux éléments : elle doit être physique, c’est à dire que les époux ne doivent plus cohabiter ; et elle doit également être psychologique et affective, c’est à dire que les époux n’aient plus la volonté de vivre ensemble. Ces deux conceptions juridiques de la séparation sont cumulatives : si l’une seulement existe mais pas l’autre, le divorce pour altération définitive du lien conjugal ne pourra pas être prononcé. C’est lorsque les époux ne cohabitent plus et qu’ils n’ont plus la volonté de vivre ensemble qu’il y a rupture définitive du lien conjugal.

Unesimple séparation de fait

La séparation peut n’être qu’une séparation de fait, c’est à dire que la séparation n’a pas besoin d’être formalisée, par exemple par une décision de justice établissant une séparation de corps. Par contre une séparation autorisée par un juge peut également entrainer la rupture définitive du lien conjugal.

Difficulté de prouver la volonté psychologique de séparation ?

La preuve de l’élément psychologique, l’absence de volonté de vivre ensemble est parfois plus dure à prouver. Mais il faut savoir que ce n’est pas parce que des époux séparés restent en contact, et même restent en bons termes qu’il n’y aura pas altération définitive du lien conjugal. Les époux séparés peuvent même continuer à faire une déclaration d’impôts commune pour bénéficier d’avantages fiscaux, et pourtant être considérés comme réellement séparés.

Cas particuliersde séparation

Il peut aussi y séparation au sein de couples vivant d’une manière particulière : par exemple, lorsque deux personnes se marient alors que l’un des époux est en prison, il n’y aura pas de cohabitation. Ainsi, le fait qu’ils ne cohabitent pas ne suffit pas à prouver l’altération définitive du lien conjugal. Par contre, il peut y avoir altération définitive du lien conjugal au sein d’un couple cohabitant toujours ensemble mais ne s’adressant plus du tout la parole.

Délai du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Comment comptabiliser la durée de 2 ans de séparation ?

La séparation doit avoir durée deux ans, ce qui est une durée significative. On ne peut pas considérer qu’il y a rupture définitive du lien conjugal après une séparation de quelques jours ! Notez tout de même que cette durée était de 7 ans sous l’empire de la loi antérieure et du divorce précédemment désigné comme « divorce pour rupture de vie commune »…

Quel point de départ du délai de deux ans– Le délai commence à courir à partir du jour où les époux vivent séparés. Par exemple, à partir du jour où un des époux quitte le domicile conjugal. Par contre si cet époux continue ensuite à fréquenter très régulièrement son conjoint, ce ne sera pas cette date qu’il faudra prendre en compte. A l’inverse, ce n’est parce que l’époux a conservé l’adresse du domicile conjugal comme adresse de référence qu’il n’y a pas séparation.

Deux années de séparation ininterrompues– En principe, il faut que les deux années de séparation soient ininterrompues. Toutefois, une brève tentative de reprise de la vie conjugale qui débouche rapidement sur un échec ne sera pas prise en compte comme ayant suspendu le délai de deux ans. De même, ce n’est pas parce que les époux restent en bons termes qu’il y aura reprise de la vie conjugale, surtout si cette bonne entente vise à préserver les enfants.

Date à laquelle les deux années doivent être remplies– La date à laquelle le délai de deux ans doit être rempli est normalement celle de l’assignation en divorce. C’est à dire la date à laquelle un époux lance la procédure de divorce après l’échec de la conciliation. Autrement dit, la requête initiale – qui va déboucher sur la tentative de conciliation – peut être émise avant l’expiration du délai de deux ans.

Demande de divorce et tentative de conciliation

Introduction de la demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal

Après l’ordonnance de non conciliation (ONC), l’assignation doit être introduite dans un délai de trente mois. Autrement dit, si la séparation entre les époux débute au jour de l’ONC, ils peuvent introduire ensuite, vingt-quatre mois plus tard, une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Attention

Non respect du délai de deux ans et rejet de la demande en divorce –Si le délai de deux ans n’est pas rempli au jour de l’assignation en divorce pour altération définitive du lien conjugal, celle-ci fera l’objet d’un rejet. Toutefois, l’époux qui a introduit l’assignation pourra en introduire une nouvelle, identique, une fois que le délai sera atteint.

Il existe un cas prévu par la loi, dans lequel, le divorce peut être également prononcé pour altération définitive du lien conjugal, sans condition de délai. En effet, l’article 238 al 2 du Code civil ne requiert aucune condition tenant à l’existence d’une cessation de la vie commune. Ainsi, on se trouve dans le cas où un époux a fait une demande principale de divorce pour faute, celle-ci est rejetée, dès lors l’autre époux (le défendeur) a le droit de faire une demande reconventionnelle sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal, alors même que le délai de deux ans n’est pas échu. Le prononcé du divorce est alors automatique dès lors que la demande principale pour faute est rejetée.

Mais dans le cas contraire, c’est-à-dire si l’époux défendeur n’a formé aucune demande reconventionnelle en divorce et que le juge rejette la demande principale pour faute, les époux restent mariés et le juge peut faire application des dispositions de l’article 258 du Code civil pour organiser les modalités de leur vie séparée. La procédure du divorce pour altération définitive du lien conjugal est la même également pour le divorce sur acceptation du principe de la rupture du mariage ou bien ledivorce pour faute.

La procédure de divorce débute par l’acte unilatéral d’un époux : la requête en divorce, déposée au greffe du Tribunal de Grande Instance par l’avocat représentant de l’époux demandeur. La requête doit rester neutre c’est-à-dire elle ne doit pas indiquer les motifs du divorce, car à ce stade le cas de divorce n’est pas encore déterminé, ainsi l’exposé des motifs du divorce n’aura lieu qu’après l’ordonnance de non-conciliation. Il est possible de solliciter dès le dépôt de la requête des mesures urgentes, telle que demander à résider séparément, le cas échéant avec les enfants mineurs… Mais également des mesures urgentes concernant l’intérêt de la famille comme interdire au conjoint de prendre des actes de disposition sur les biens de la famille (ex : vente d’un bien), sans le consentement de l’autre.

À noter

Penser à la procédure de référé-violence– Cette procédure peut intervenir lorsque des violences exercées par l’un des époux mettent en danger son conjoint ou les enfants, alors le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux et décider à quel époux il attribuera le logement conjugal. Le juge peut même se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

La procédure de divorce continue avec la tentative de conciliation qui est obligatoire dans tous les divorces contentieux. La tentative de conciliation est réalisée par le juge, elle a pour objectif de concilier les époux sur le principe du divorce mais aussi sur ses effets et non pas comme auparavant de les faire renoncer au divorce. Le juge va inciter les époux à régler à l’amiable les conséquences du divorce et même leur demande de lui présenter un projet de règlement des effets du divorce pour l’audience de jugement. Le juge s’entretiendra avec chaque époux individuellement, puis les réunira avec leurs avocats respectifs.

Lors de la tentative de conciliation, le cas de divorce n’est toujours pas indiqué, il le sera au moment de l’assignation, après que le juge est rendu une ordonnance de non-conciliation. A défaut de conciliation, le juge rendra alors une ordonnance de non-conciliation. Cependant, avec cette ordonnance de non-conciliation, le juge peut rendre également une ordonnance par laquelle il prend les mesures provisoires nécessaires à la vie des époux et des enfants durant la procédure de divorce (jouissance du logement conjugal, résidence des enfants, pension alimentaire pour l’un des époux ou pour les enfants…). Ces mesures sont destinées à s’appliquer pendant l’instance.

Mesures provisoires du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Les mesures provisoires visent à assurer l’existence des époux et des enfants jusqu’à ce que le divorce devienne définitif. Les mesures provisoires sont prévues et énumérées à l’article 255 du Code civil, elles concernent :

La médiation familiale :proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.

La résidence :Le juge peut statuer sur les modalités de résidence séparée ainsi qu’attribuer à l’un des époux la jouissance du logement familial et du mobilier qui le garnit. Le juge devra également statuer sur le caractère gratuit ou onereux de cette jouissance, c’est-à-dire si l’un des époux devra ou non verser à l’autre une indemnité de jouissance.

L’argent des époux :Le juge peut fixer une pension alimentaire, désigner l’époux qui devra assurer le règlement provisoire des dettes.

La liquidation du régime matrimonial :Cela correspond au partage du patrimoine commun des époux, c’est-à-dire le partage des différents biens immobiliers comme mobiliers leur appartenant.

Ces mesures provisoires sont enfermées dans un délai de trente mois, passé ce délai, toutes les dispositions de l’ordonnance de non-conciliation sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance et donc les mesures provisoires. Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux. Les mesures provisoires sont susceptibles d’appel via l’ordonnance de non-conciliation, dans les quinze jours de sa notification (article 1112 Code de procédure civile). Quant à la modification des mesures provisoires, elle est possible mais fortement contrôlée par le juge.

Attention

Concernant l’époux placé sous un régime de protection– L’article 249-3 du Code civil précise que le juge peut prendre des mesures provisoires ainsi que des mesures urgentes lorsqu’un époux se trouve placé sous la sauvegarde de justice, sans attendre l’organisation de la tutelle ou de la curatelle.

Instance et jugement du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Suite à l’ordonnance de non-conciliation, chaque époux peut introduire l’instance en divorce. Cependant, seul l’époux qui a présenté la requête initiale en divorce pourra assigner son conjoint en divorce, dans les trois premiers mois suivants l’ordonnance de non-conciliation. Si dans les trente mois de l’ordonnance de non-conciliation, aucune assignation n’est présentée, alors on le rappelle, les mesures provisoires et l’autorisation d’introduire l’instance sont caduques, c’est-à-dire elles ne peuvent plus s’appliquer. Au moment de l’instance va être indiqué le fondement juridique de la demande en divorce (divorce accepté, pour faute…) alors l’instance ne pourra être engagée que sur ce fondement. Toutefois, une demande reconventionnelle, c’est-à-dire une demande de transformation de la cause du divorce, pourra cependant être formée par le conjoint.

À noter

Homologation de la convention de divorce –Les époux peuvent à tout moment de la procédure, demander au juge de constater leur accord pour que leur divorce soit prononcé pour consentement mutuel, à condition de lui présenter une convention de divorce. Il sera aussi possible, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal, de demander au juge de constater l’accord des époux pour voir leur divorce être prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

En application de l’article 1115 du Code de procédure civile, la demande introductive d’instance doit comporter, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux (description du patrimoine de chaque époux, projet de partage…).

Attention

Il ne faut pas oublier que dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal :

le juge doit constater une séparation de fait ayant duré au moins deux ans lors de l’assignation en divorce ;

c’est la cessation de communauté de vie tant affective que matérielle, pendant deux années qui permet ce divorce ;

quant au moyen de défense de l’époux défendeur, ce dernier peut simplement exercer une défense au fond et contester l’existence d’une séparation de fait de deux ans.

Le juge peut prononcer le divorce ou rejeter la demande en divorce. Si la demande en divorce est fondée sur l’altération définitive du lien conjugal, le juge, après avoir vérifié que le délai de séparation de deux ans prononce le divorce sur ce fondement. Si ces conditions ne sont pas réunies, le divorce ne peut pas être prononcé. Le jugement de divorce est ensuite notifié aux parties.

Concernant les voies de recours, le délai d’appel est d’un mois à compter de la signification du jugement de divorce. L’appel est formé par déclaration unilatérale ou par requête conjointe au greffe de la Cour d’appel. Et le pourvoi en cassation est recevable dans un délai de 2 mois à compter de la signification de l’arrêt d’appel.