Résumé du cours de droit d’auteur

DROIT D’AUTEUR

Le droit d’auteur appelé aussi « propriété littéraire et artistique » permet à l’auteur d’autoriser les différents modes d’exploitation de son œuvre et de percevoir en contrepartie une rémunération par la cession de droits patrimoniaux : droit de reproduction, droit de suite, droit de représentation et un droit moral, dont la finalité est de protéger le caractère strictement personnel de l’œuvre. Le code de la propriété intellectuelle regroupe notamment les textes législatifs et réglementaires relatifs au droit d’auteur.

Le début du cours est un résumé du cours de droit d’auteur. Voici le Plan du cous de droit d’auteur. Puis un cours plus complet.

  • Chronologie
  • Conditions de la protection
  • Bénéficiaires du droit d’auteur
  • Droits patrimoniaux et droits moraux
  • Cession des droits
  • Puis cours complet de droit d’auteur

Droit d’auteur = droit de la propriété littéraire et artistique. Le droit d’auteur relève du droit privé

Partie 1 : CHRONOLOGIE : Histoire du droit d’auteur

  • 1èreloi en janvier 1791 relative au spectacle: possibilité d’interdire de jouer des pièces de son vivant
  • loi du 11 mars 1957codifie 150 ans de jurisprudence

o elle pose tous les principes

  • loi du 3 juillet 1985: reconnaît les droits voisins aux auteurs interprètes
  • 1992 : code de la propriété intellectuelle, qui comprend

o la propriété industrielle (marque, brevets, etc.)

o la propriété littéraire et artistique

o les dessins et modèles dépendent selon le cas à l’une ou l’autre classe

  • 2006 DADVSI (Droits d’Auteurs et Droits Voisins dans la Société d’Information)
  • Parallèlement, intégration des conventions de Berne, Genève, et accords internationaux comme ceux de l’OMC
  • 2009 loi Création et Internet, avec HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet), créée par décret du 31 décembre 2009.

o observation de l’utilisation des œuvres sur Internet et encouragement de l’offre légale (publication d’indicateurs, labellisation des offres, création d’un portail de référencement, mais aussi évaluation des techniques de reconnaissance, de tatouage et de filtrage des contenus) ;

o lutte contre le « piratage » (constatations des manquements à l’obligation de surveillance, avertissement par courriel et lettre recommandée des auteurs d’infractions, définition et labellisation de « logiciels de sécurisation ») ;

o régulation des mesures techniques de protection des œuvres et protection des bénéficiaires d’exceptions légales, suivi de l’interopérabilité des dispositifs de DRM (mission anciennement exercée par l’ARMT à laquelle la Haute Autorité se substitue).

Partie 2 : CONDITION DE LA PROTECTION

Il n’y a pas de conditions obligatoires pour que le droit s’applique

2.1. les éléments indifférents

  • pas besoin d’accomplissement administratif => aucun dépôt n’est nécessaire
  • le droit s’applique dès qu’il y a « action » de création
  • la divulgation n’est pas obligatoire
  • l’œuvre est protégée quelque soit

o le genre, la catégorie

o sa forme d’expression (jusqu’au parfum)

o la destination de l’œuvre

o le processus de création

o le mérite (pas de notion de beauté)

2.2. les éléments nécessaires

  • protège les créations de forme à condition qu’elles soient originales

o obligation de forme. La loi ne protège pas les idées

o obligation d’originalité

  • (notion différente de la nouveauté (1èrefois => nouveauté, => brevet))
  • ex. : les madones

o la jurisprudence insiste sur le fait que l’œuvre doit porter l’empreinte de la personnalité de son auteur

2.3. Catégories d’œuvres

le code fournit pour nous aider une liste non exhaustive

  • 3 grandes catégories

o œuvres littéraires (mots). Le code de la propriété littéraire et artistique protège particulièrement le titre (originalité, sinon requalifiée en concurrence déloyale (ex. Tintin), les logiciels

o œuvres musicales (sons)

o œuvres artistiques (formes et couleurs) dont les œuvres audiovisuelles (sans interactivité), les œuvres multimédias, les jeux vidéos, ou liées à l’odorat ou au goût. Les œuvres multimédias, sur support numérique, réunissent des œuvres de différents médias. La difficulté sera de reconnaître s’il existe plusieurs auteurs, ou un seul, ce qui conditionnera le règlement des droits.

  • sont exclus

o les actes officiels

o les dépêches (AFP)

Partie 3 : LES BENEFICIAIRES DU DROIT D’AUTEUR

3.1. Principes directeurs

l’auteur = créateur

personne physique (ou ou plusieurs, qui pourront prouver la création)

ne peut pas se faire retirer sa qualité par contrat

peut masquer sa qualité d’auteur (le nègre est et reste l’auteur. En effet, l’œuvre porte la personnalité du nègre.

L’auteur est celui sous le nom duquel l’œuvre est divulgué

Une personne peut acheter les droits d’auteur et en être titulaire

Exception :dans le cas des œuvres collectives (ex. jeu vidéo), la propriété appartient à la personne morale.

3.2. la qualité d’auteur dans les œuvres intégrant les apports de plusieurs personnes

plusieurs cas se présentent

3.2.1. œuvres composites ou dérivées

o création à partir d’une œuvre préexistante

o exemple : un arrangement musical. L’auteur est bie celui de l’œuvre seconde, mais il doit respecter les droits moraux et patrimoniaux de l’auteur de l’œuvre première et lui demander l’autorisation de créer à partir de son œuvre.

o Il peut y avoir prescription si l’auteur est mort ou (…)

3.2.2. œuvres à l’élaboration desquelles plusieurs personnes ont participé

Il n’y a pas, comme dans le cas mentionné au § 3.2.1. de facteur chronologique

3.2.2.1. Œuvres de collaboration

o Création effective de chaque intervenant qui est à ce titre co-auteur.

o => l’œuvre appartient à tous les auteurs

o exemple type : l’œuvre cinématographique

o la gestion s’établit habituellement par contrat

3.2.2.2. œuvres collectives

o Ces œuvres sont créées sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui les édite, les divulgue et les diffuse sous son nom, et dans lesquelles la contribution personnelle des différents auteurs se fond dans l’ensemble, et sans qu’il soit possible d’individualiser l’apport de chacun des auteurs sur les œuvres.

o Exemple : le dictionnaire, l’encyclopédie, le guide de voyage. Le promoteur est investi des droits d’auteur (exemple : l’employeur)

Partie 4 : LES DROITS DES BENEFICIAIRES DU DROIT D’AUTEUR

  • Droits patrimoniaux(susceptibles à recevoir une rémunération)
  • Droits moraux

4.1. Droits patrimoniaux

4.1.1. Droits patrimoniaux = Droits de reproduction + Droits de représentation

L’auteur peut céder ces deux droits

4.1.1.1. Droits de reproduction

o L’auteur peut autoriser ou interdire la fabrication d’une ou plusieurs reproduction de ses œuvres. => cela lui permet de contrôler le devenir de ces reproductions

o La reproduction consiste en la fixation matérielle de l’œuvre par tout procédé qui va permettre de la communiquer de manière indirecte.

  • Exemple : une photographie de la Joconde

o Reproduire sans autorisation : on parle de contrefaçon

o Reproduction sans divulgation : pas de paiement de droits

o Exception : l’exception pour copie privée, dès que l’œuvre est divulguée. Paiement d’un droit sur les supports vierges au CFC.

  • Cette exception exclut l’usage collectif
  • Ce n’est pas un droit mais une exception
  • En matière de logiciel et bases de données, il n’y a pas d’exception de copie privée.
  • Dans le cadre des œuvres d’art, la copie ne peut pas être destinée aux mêmes fins. Si la peinture est conforme, il ne peut s’agir d’une copie privée mais d’un faux.

o Exceptions

  • Droit de courtes citations
  • Revue de presse (Cf. Annexe A)
  • Pastiche, caricature, parodie
  • Pour les catalogues de vente publique (œuvres d’art)

4.1.1.2. Droits de représentation

o = une autorisation

o le public est un nombre indéterminé de personnes ne constituant pas un cercle de famille

o Ce public peut être réel, potentiel (salle de théâtre), virtuel (internautes)

o Il s’agit d’une exposition, d’une récitation, d’une représentation dramatique, un e télédiffusion (même si indirecte)

o Exception : pour une représentation gratuite ET dans une cercle de famille (id. les gens qui nous entourent, i.e. nos amis compris)

o Exception pédagogique : s’attache plus à la reproduction qu’à la représentation

o Pas d’exception en général pour les partitions

4.1.2. Caractéristiques des droits patrimoniaux

o universels (dans tous les pays, sauf ceux soumis au copyright)

o cessibles

o exclusifs : l’auteur choisit les principes d’exploitation, les modalités d’exploitation et les produits d’exploitation

o temporaires : passé un certain délai, ils tombent dans le domaine public (usage gratuit et libre)

  • 70 ans post mortem
  • diffusion musicale : 50 ans

o indépendants les uns des autres

4.2. Droits moraux

l’auteur (l’ayant-droit, le délégué) a le droit de conserver une certaine propriété supra-patrimoniale.

4.2.1. Caractéristiques des droits moraux

o perpétuels

o inaliénables(pas transmettables, ni renonçables)

o imprescriptibles

o ne s’acquièrent pas par utilisation prolongée

o ne se perdent pas par inutilisation prolongée

o insaisissables(on ne peut pas forcer un auteur à vendre ses œuvres pour rembourser ses dettes)

o absolus (sauf intention de nuire)

4.2.2. Contenu

4.2.2.1. droit de divulgation

o l’auteur a seul le droit de divulguer ses œuvres

o sans autorisation, la divulgation s’apparente à de la contrefaçon

4.2.2.2. droit à la paternité= droit au respect au nom et à la qualité

o obligation de mentionner l’auteur

o droit d’opposition : il s’agit d’empêcher un autre d’y apposer son nom.

4.2.3. droit de respect de l’intégralité de l’œuvre

o sinon délit de contrefaçon

o exemples :

  • les moustaches de Duchamp
  • suite d’un roman (les Misérables)
  • utilisation d’une musique sur un site sensible

o pas le droit de détruire une œuvre

o présent dans les contrats d’adaptation (version illustrée, pour la jeunesse (extraits))

  • « librement adapté du roman X » => l’auteur n’a pas donné son consentement !

4.2.4. le droit de repentir

o l’auteur peut revenir sur ce qu’il a dit en se justifiant.

  • Il peut revenir ainsi sur la divulgation d’une œuvre, moyennant une indemnisation.

o Rarement mis en œuvre

Partie 5 : LA CESSION DES DROITS D’AUTEURS

  • par écrit
  • prévoit quels droits sont cédés, sur quels supports, par quels modes d’expression, quelles indemnités, le lieu d’exploitation, la durée d’exploitation
  • Cession des droits matériels différente de la cession des droits de reproduction.

o L’acquéreur d’un tableau n’a pas le droit de commercialiser des reproductions sans avoir négocier les droits auprès de l’auteur

  • Cession des œuvres futures prohibée (commande ponctuelle autorisée)
  • Droits sur la création d’un site Internet (dont la charte graphique)
  • En général, la rémunération est

o proportionnelle aux recettes(prix public)

o ou forfaitaire par exception prévue par la loi :

  • exemple : le jeu vidéo
  • base de calcul inexistante, ou temps de calcul trop important (site Internet rémunéré grâce à la publicité / Droits sur la création d’un site Internet (dont la charte graphique))
  • en marge de l’œuvre (préface d’un livre)


Partie 6 : Cours complet : Le contenu de la protection par droit d’auteur

Dans la leçon précédente nous avons tenté de répondre aux questions : « une protection pour quoi ? » et « une protection pour qui ? ». Dans les leçons à venir nous tenterons de répondre à la question suivante : « Quelle protection ? » Dans ce titre 2 nous allons envisager le contenu de la protection par le droit d’auteur.

Le droit d’auteur possède une nature hybride, il contient des droits qui sont comparables à ceux de propriété, on les appelle les droits patrimoniaux ou les droits pécuniaires, dans la mesure où ils peuvent se monnayer. Il comprend aussi un droit de la personnalité qui, lui, est par nature extrapatrimonial, on l’appelle le droit moral de l’auteur. L’ensemble de ces droits sont autant de contraintes auxquelles les exploitants ont le devoir de se plier. A côté de ce régime classique du droit d’auteur, il existe des cas pour lesquels la loi a prévu des dispositions spéciales. Ces régimes d’exception aménagent le droit d’auteur en présence de certaines créations ou lorsque les œuvres sont réalisées dans des conditions particulières. Nous allons commencer par envisager, dans un chapitre premier, le régime de droit commun du droit d’auteur avant, dans un chapitre second, de nous attarder sur ces régimes particuliers. Voici le plan du cours de droit d’auteur. :

  • Chapitre 1 : Le régime de droit commun du droit d’auteur
  • Section 1 : Les droits patrimoniaux
  • §1 L’étendue des droits patrimoniaux (leçon 5)
  • A. La composition des droits patrimoniaux
  • 1° La dichotomie traditionnelle entre droit de représentation et droit de reproduction
  • 2° Le droit de suite
  • § 2 La mise en œuvre des droits patrimoniaux (leçon 6)
  • A. La licéité du transfert des droits
  • C. Les modalités du transfert des droits
  • 1° L’autorisation de cession.
  • 2° La contrepartie de la cession
  • Section II : Le droit moral (leçon 7)
  • §1. Les caractères du droit moral
  • A. Le droit moral est perpétuel
  • B. Le droit moral est inaliénable
  • C. Le droit moral est imprescriptible
  • D. Le droit moral est insaisissable
  • §2. L’étendue du droit moral
  • A. Les prérogatives du droit moral
  • 1° Le droit au respect de l’auteur
  • 2° Le droit de divulgation
  • 3° Le droit de repentir et de retrait
  • B. La mise en cause du droit moral
  • §3. La mise en œuvre du droit moral
  • A. L’application du droit moral
  • B. Les tempéraments au droit moral
  • 1° L’interdiction des détournements du droit moral
  • 2° La tolérance de certains aménagements conventionnels
  • 3° L’exercice atténué après la mort de l’auteur
  • Chapitre 2 : Les régimes particuliers (Leçon 8)
  • Section I. Les régimes applicables aux œuvrees faisant intervenir plusieurs auteurs
  • §1 L’exercice des roits sur l’œuvre de collaboration
  • A. Œuvre de collaboration et droit patrimonial
  • 1° L’exploitation de l’ensemble
  • 2° L’exploitation individuelle des contributions
  • B. Œuvre de collaboration et droit moral
  • §2 L’exercice des droits sur l’œuvre audiovisuelle
  • A. Les limites quant aux personnes
  • B. Le contenu de la cession.
  • §3 L’exercice des droits sur l’œuvre composite
  • A. Œuvre composite et droits patrimoniaux
  • B. Œuvre composite et droit moral
  • §4 Exercice des droits sur l’œuvre collective
  • A. Œuvre collective et droits patrimoniaux
  • 1° L’exploitation de l’ensemble des contributions participant à l’œuvre collective
  • 2° L’exploitation individuelle
  • B. Œuvre collective face au droit moral
  • Section II. Les régimes applicables à des œuvres particulières ou exploitées dans un cadre particulier
  • §1 Les œuvres objet d’un contrat de production audiovisuelle
  • A. Les droits patrimoniaux sur l’œuvre audiovisuelle
  • 1° Les dispositions favorables aux auteurs
  • 2° Les dispositions plutôt favorables aux exploitants
  • B. Le droit moral sur l’œuvre audiovisuelle
  • 1° Le droit moral des auteurs pendant l’élaboration de la création
  • 2° Le droit moral des auteurs sur l’œuvre achevée
  • §2 Les œuvres logicielles
  • A. Les droits patrimoniaux sur l’œuvre logicielle
  • 1° Les dispositions favorables aux auteurs
  • 2° Les dispositions favorables aux exploitants
  • B. Le droit moral sur l’œuvre logicielle

Chapitre 1 : Le régime de droit commun du droit d’auteur

Le droit d’auteur est la faculté que la loi reconnaît à l’auteur, pendant un temps déterminé, à l’exclusion de tous autre, d’exploiter son œuvre et d’en tirer tous les bénéfices qu’elle comporte. Cette définition est d’Eugène Pouillet. L’application du droit commun du droit d’auteur dispense des prérogatives aux créateurs. Ces droits sont opposables à tous, aux exploitants comme aux simples utilisateurs. Comme le proclamait Le Chapelier dans son rapport à l’assemblée constituante qui a été reproduit dans Le Moniteur universel le 15 janvier 1791, l’œuvre est pour son auteur la propriété la plus personnelle, la plus sacrée. Une telle affirmation est rendue effective par un dispositif juridique, le CPI Code de la propriété intellectuelle, lui-même étant précisé par une jurisprudence abondante et ces deux sources confèrent au créateur un ensemble de pouvoirs. Le droit d’auteur est considéré comme un droit social au sens large autant qu’il est protecteur de la personne humaine. Les œuvres de l’esprit sont protégées à la seule condition qu’elles soient originales, nous l’avons évoqué. Tous les utilisateurs de l’œuvre ou de l’un de ses fragments sont alors soumis au respect des droits patrimoniaux et du droit moral des auteurs. La diversité de la teneur de ces droits donne à la propriété littéraire et artistique un caractère syncrétique. Sa nature est hybride. La suma divisio est affirmé par l’article L112-1 du CPI, il énonce que le droit d’auteur comporte des attributs d’ordre intellectuel ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Notre système dualiste consacre d’abord le droit moral, démontrant ainsi sa primauté, mais c’est en réalité l’application des droits patrimoniaux qui préoccupe au premier chef notre société mercantile. Ce sont donc par ces derniers que nous commencerons l’étude de ces droits.

Plan du cours :

Section 1 : Les droits patrimoniaux

Les droits patrimoniaux aussi appelés droits pécuniaires, sont concrétisés par le monopole d’exploitation détenu par l’auteur sur son œuvre. Ils sont la matérialisation de la vocation de l’auteur à tirer des profits de l’exploitation de la diffusion de son œuvre. Ces droits sont les plus anciens puisque certains d’entre eux étaient reconnus dès la révolution française, nous l’avons vu dans le chapitre introductif. Ils assurent à l’auteur un pouvoir juridique exercé directement sur une chose et permettant de retirer tout ou partie de ses utilités économiques.

Le droit pour l’auteur d’exploiter ou de faire exploiter son œuvre est rendu possible grâce à un monopole étendu, mais ces seules prérogatives sont insuffisantes, le créateur bénéficie d’un pouvoir de négociation restreint en raison de son manque de compétence et de son poids économique négligeable. La loi prévoit en conséquence un cadre strict pour l’exercice des droits patrimoniaux. L’exploitation autorisée est celle de l’œuvre et non celle de l’auteur. Nous allons donc commencer par envisager l’étendue des droits patrimoniaux, dans un paragraphe premier avant de nous attarder sur les conditions de mise en œuvre de ces droits.

§1 L’étendue des droits patrimoniaux (leçon 5)

Le monopole confié à l’auteur est large. D’aucuns s’insurgent contre ces prérogatives. Selon eux, elles entraînent une hausse de prix et une baisse de la disponibilité des produits qui aboutit à une restriction excessive de la diffusion des connaissances. Après l’étude des caractères communs aux droits patrimoniaux, nous les détaillerons dans leur diversité puis nous constaterons que la protection est d’autant plus forte que les droit s‘appliquent quel que soit l’usage de l’œuvre.

Commençons donc par envisager les caractères généraux des droits patrimoniaux. Le monopole de l’auteur s’étend à toute exploitation de l‘œuvre quelle que soit sa forme. Les droits patrimoniaux sont exclusifs. Ils s’apprécient négativement : l’auteur a le droit d’interdire, il a la faculté de s’opposer aux atteintes ; mais ils peuvent aussi être exercés positivement. L’ayant droit a le pouvoir d’utiliser l’œuvre pour son propre compte ou d’autoriser à un ou plusieurs tiers des exploitations selon sa volonté.

L’exclusivité accordée à l’auteur est d’autant plus réelle qu’ils portent sur la plupart des usages de la création et qu’ils sont reconnus quasi universellement. Ils sont d’ailleurs autonomes les uns par rapport aux autres. L’auteur peut déléguer l’exercice de ses droits. Comme nous l’avons évoqué, ils sont non seulement transmissibles à cause de mort, mais aussi transmissibles entre vifs. En revanche, l’exclusivité est limitée dans le temps. Les droits patrimoniaux sont temporaires.

Revenons tout à tour sur chacun de ces caractères.

Tout d’abord le droit exclusif, l’exclusivité des droits ou monopole se manifeste à travers deux constats. D’abord c’est l’auteur qui décide en toute souveraineté des principes et des modalités de l’exploitation de sa création. La première publication n’emporte pas pour conséquence l’autorisation de publications postérieures, l’accord de l’auteur sera à chaque fois nécessaire. D’autre part, c’est à lui que doit revenir en principe le produit de l’exploitation de l’œuvre.

Le premier constat doit cependant être nuancé. Il existe en France et parfois de manière plus marquée dans d’autres pays, une dissociation entre l’exercice du droit et la rémunération. En effet, dans certains cas, la mise en place d’une licence obligatoire ou licence légale permet à quiconque d’exploiter une œuvre divulguée par son auteur. Seul le droit à rémunération lui demeure accordé. Une fois prise la décision de divulguer l’œuvre, l’auteur ne peut plus imposer sa volonté quant à l’étendue de la diffusion. Il peut seulement percevoir des revenus, le plus souvent fixés par les pouvoirs publics ou par des accords collectifs. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces situations dérogatoires au principe général de l’exclusivité.

Second caractère : le droit d’application étendu. En dehors des exceptions aux droits de reproduction pour courte citation, le monopole de l’auteur est atteint quelle que soit la taille ou la durée de sa contribution. La comparaison avec l’importance totale de la création n’est pas efficiente. De surcroît, la situation juridique dans laquelle se trouve le support de la création n’a aucune influence sur le droit d’auteur. Par extension, le mode d’accès à l’œuvre est sans incidence. La disponibilité d’une œuvre ne présume pas d’une autorisation d’utilisation à titre personnel ni a fortiori, d’exploitation de la création. Les réseaux internationaux comme Internet, ne sont pas les décharges de créations librement appropriables. La gratuité d’accès à une œuvre de l’esprit ne dispense pas à l’exploitant de respecter les prérogatives de l’auteur.

Les droits patrimoniaux s’imposent aussi dans le cas des œuvres dérivées. La réalisation d’une œuvre composite mobilise le droit de reproduction de l’œuvre première. A fortiori, la solution s’applique à son exploitation, l’œuvre absorbée est une création dans la création. Les droits patrimoniaux mis en œuvre sont doubles. La mise en œuvre des droits patrimoniaux sur une œuvre seconde met automatiquement en œuvre les mêmes droits sur l’œuvre première.

Troisième caractère : ces droits sont pratiquement universels. En effet, contrairement au droit moral, les droits patrimoniaux sont reconnus par toutes les conventions internationales portant sur le droit d’auteur. Je vous renvoie aux sources du droit d’auteur pour plus de détails. En pratique, la quasi-totalité de la communauté internationale les applique. Même les pays connaissant un régime autoritaire d’extrême droite comme d’extrême gauche se mettent à les respecter. La seule réserve concerne le droit de suite qui, comme nous le verrons, est encore peu développé.

Quatrième caractère, il s’agit de droits autonomes. Ces droits sont indépendant les uns des autres. Chaque prérogative peut être exercée seule. La cession de certains de ces droits n’emporte pas cession des autres. De surcroît toute cession doit être interprétée de façon restrictive, nous reviendrons ultérieurement sur cette notion.

Cinquième caractère, il s’agit de droits cessibles. A la différence des droits moraux, en effet, les droits patrimoniaux peuvent être cédés. L’auteur manifeste alors les droits d’usage exclusif accordé à un cocontractant ; ou simplement concédés : l’auteur accorde au concessionnaire un simple droit d’usage sans exclusivité. La cession est le plus souvent réalisée à titre onéreux, c’est pourquoi on nomme aussi les droits patrimoniaux : droits pécuniaires. Mais le principe de cessibilité connaît des limites. En effet, le droit de suite qui est une prérogative du droit patrimonial est inaliénable. Par ailleurs, les conditions de la cession sont strictement encadrées par la loi. Si l’auteur peut pratiquement faire ce qu’il veut, il ne peut pas le faire comme il veut. Ensuite l’auteur ne peut pas céder globalement ses œuvres futures. Enfin, à sa mort, l’auteur se voit imposer des règles successorales auxquelles il ne peut déroger. Il se voit notamment contraint de respecter les règles relatives à la réserve héréditaire et le principe de prohibition des pactes sur succession future.

Dernier caractère des droits patrimoniaux, il s’agit d’un droit temporaire. En effet, pour éviter que le monopole accordé à l’auteur ne lui confère un avantage exclusif et ne pèse indéfiniment sur la liberté d’accès aux œuvres qui sont des éléments primordiaux du patrimoine culturel, les droits patrimoniaux sont limités dans le temps. Ainsi, passé une certaine durée, on considère que l’œuvre tombe dans le domaine public, c’est à dire que l’usage par les tiers en sera alors libre et gratuit. La durée de cette protection peut varier suivant les pays et les types d’œuvre. Comme nous l’étudierons à la fin de cette leçon, le droit patrimonial dure en principe la vie de l’auteur plus soixante-dix ans après sa mort. Pour cette dernière période les droits sont transmis aux héritiers de l’auteur.

A. La composition des droits patrimoniaux

La loi a décidé de réserver au créateur la pleine maîtrise, tant sur la reproduction de l’œuvre que sur sa représentation. En effet, l’article L122-1 du CPI énonce : « le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. » L’exercice de ces prérogatives est indépendant les une des autres. L’auteur contrôle séparément la reproduction et la représentation de ses créations. Un troisième attribut est énoncé par le texte : le droit de suite qui prévoit la rémunération de l’auteur lors des transferts de propriété successifs du support de l’œuvre. Nous allons successivement envisager ces trois droits.

1° La dichotomie traditionnelle entre droit de représentation et droit de reproduction

Les contenus respectifs des droits de reproduction et de représentation sont distinctement énoncés par le CPI. La reproduction et la représentation sont deux modes essentiels de communication d’une œuvre au public. En dehors des exceptions légales que nous aborderons dans le titre III, la superposition de ces deux droits fondamentaux forme une cloison étanche à travers laquelle aucun contact avec la création n’est possible. Seul l’auteur ou ses ayants droit sont habilités à autoriser le passage en filtrant les accès comme bon leur semble. La réservation totale et exclusive de la création s’exprime par le pouvoir discrétionnaire de l’auteur dans la mise en œuvre ou la conservation de ces deux prérogatives.

Selon les mode d’exploitation des créations, les droits reçoivent une application cumulative ou distributive. Commençons par envisager précisément le cas du droit de reproduction avant de nous attarder sur le droit de représentation.

Le droit de reproduction est défini par l’article L122-3 du CPI. La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tout procédé qui permette de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage ou tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type. Le point commun de tous les procédés cités par le texte est que ces fixations matérielles de l’œuvre mettent le public en contact indirect avec l’œuvre. En cela la reproduction s’oppose à la représentation qui, dans la plupart des cas, comme nous le constaterons, place ce même public en contact direct avec l’objet de la création. La reproduction est donc un acte matériel tourné vers une finalité particulière qui est la communication de l’œuvre au public. La reproduction est donc une forme de copie ou d’imitation d’une œuvre. Elle est apparue avec l’imprimerie. A partir d’une œuvre disponible sur son support originaire, la fabrication d’exemplaires multiples devient possible. Longtemps réservée aux œuvres littéraires, elle couvre aujourd’hui tous les genres de création. Son extension a de tout temps inquiété les auteurs, ils y assimilent un risque de perte de contrôle sur la création. Cette inquiétude n’est pas récente, déjà les orgues de barbarie représentaient un danger. Comme l’exprimait Mérimée à propos de la loi du 16 mai 1866, exonérant les fabricants d’orgues de barbarie du respect des droits d’auteur : « ils tendent à remplacer les artistes au grand préjudice des auteurs, des éditeurs et des amateurs. »

La loi, par l’article L122-3 du CPI définit la reproduction dans son principe. Elle laisse une totale liberté quant au procédé utilisé et à la forme du support en raison de l’emploi du terme notamment dans l’énumération des techniques de reproduction. Le changement de matière ou de support n’empêche pas la reproduction. Il s’agit qu’une œuvre de l’esprit soit matériellement fixée par un procédé quelconque.

Il y a encore reproduction dans le cas où l’œuvre est incorporée à une nouvelle œuvre, dérivée. Sont ainsi des reproductions les photographie d’une statue, la traduction d’un roman ou le passage d’une œuvre écrite à une œuvre orale ou l’adaptation cinématographique d’une œuvre littéraire ou l’enregistrement d’une œuvre musicale à partir d’une partition ou, au contraire, la réalisation d’une partition à partir d’un enregistrement. La fixation d’une œuvre littéraire sur une disquette informatique ou sur un CD ROM est aussi une reproduction. Lorsque plusieurs procédés sont simultanément utilisés, le consentement de l’auteur doit être obtenu pour chacun d’eux.

Le seul fait qu’il y ait reproduction ne suffit pas pour autant à entraîner le paiement d’une redevance. La reproduction doit être aussi destinée à un usage public. A contrario, les reproductions réservées à un usages privé, sous certaines conditions que nous examinerons par la suite avec les limites du droit d’auteur, ne sont pas soumises au droit de reproduction ; il s’agit de copies privées. Deux éléments permettent d’apprécier le caractère public de la reproduction. L’aliénation de la chose, support de l’œuvre et la perception d’un prix. En principe le droit de reproduction est mis en œuvre à partir du moment où l’un de ces deux éléments est présent. Chacun d’entre est suffisant mais pas nécessaire.

L’usage public n’est pas douteux quand la reproduction a pour but l’aliénation à titre onéreux des objets reproduits : cassettes, CD ROM, livres, etc. le commerce de reproduction fait présumer l’usage public. Dans cette situation il y a en effet transfert de propriété et paiement d’un prix. Il peut y avoir mise en œuvre du droit de reproduction malgré la gratuité dont bénéficie le public. De la même façon l’absence d’aliénation ne fait pas disparaître non plus le caractère public de l’usage. Les exemplaires reproduits à des fins de location ou de prêt sont soumis à des droits de reproduction. Il existe même des situations dans lesquelles le droit est mis en œuvre sans qu’aucun des deux éléments ne se vérifie. Il suffit qu’il y ait usage collectif du support. C’est le cas par exemple des entreprises qui photocopies des articles de presse à des fins de diffusion interne.

Le droit de représentation est détaillé par l’article L122-2 du CPI. Il énonce « la représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque et notamment par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée par télédiffusion. » La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature. Est assimilée à une représentation l’émission d’une œuvre vers un satellite. La notion de communication publique s’étend même à celle de communication au public dans une sphère privée. La loi de 1985 a supprimé l’exigence d’une communication directe. L’évolution des pratiques de consommation des œuvres a obligé le législateur à élargir le concept. La représentation s’applique non seulement à la communication directe au public mais aussi à la communication indirecte.

Il existe des cas où il y a représentation avec représentation directe et d’autres cas où la représentation est indirecte. Apparu pour l’art dramatique et la musique, le droit de représentation est particulièrement adapté aux spectacles vivants. La communication directe s’applique aux concerts, représentations théâtrales, spectacles en tous genres. Elle est alors médiate, dans la mesure où l’œuvre est interprétée devant le public. Mais aussi cette représentation directe s’applique en cas d’exposition publique d’une œuvre d’art. Elle est alors immédiate car le public est en contact direct avec l’œuvre. Il existe aussi des cas de représentation indirecte, en effet celle-ci peut s’effectuer par l’intermédiaire d’un support enregistré. Les discothèques, les projections cinématographiques mettent en œuvre le droit de représentation.

Notre législation apparente la télécommunication des œuvres par réseau à la reproduction traditionnelle. En effet, la télédiffusion est une représentation de l’œuvre. La définition donnée par l’article L122-2, deuxièmement du code de la propriété intellectuelle est inspirée par la loi sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982. La communication d’œuvre par l’intermédiaire d’un écran de visualisation est un procédé qui permet au public d’en prendre connaissance.

Le droit de représentation est mise en œuvre dès que l’utilisateur accède aux œuvres par l’intermédiaire d’une source distante. Récepteur de télévision, de radio, terminal télématique de type minitel ou micro-ordinateur relié à Internet. Le public est alors potentiellement très large. On le voit, la définition très extensive de la télédiffusion comme procédé de communication au public permet de couvrir la communication des œuvres par tous les moyens, y compris ceux issus des techniques numériques.

Lorsque l’œuvre est simultanément ou successivement représentée directement ou indirectement, le droit de représentation est doublement mis en œuvre, l’auteur percevra deux rémunérations en contrepartie de deux autorisations distinctes. C’est le cas lorsqu’une pièce de théâtre est télédiffusée. La technique e télécommunication est indifférente, il peut s’agir de transmission par câble ou par faisceau hertzien émis par l’intermédiaire d’un relais terrestre ou même d’un satellite. En effet, la représentation s’apprécie par le contact entre la création et le public, le caractère privé du lieu de communication est indifférent. En revanche, la représentation est une télécommunication à caractère collectif, elle ne s’intéresse pas aux communications privées. Si je téléphone à ma grand-mère pour lui faire écouter la dernière chanson des Poggs, je ne mets pas œuvre le droit de représentation des auteurs. En revanche, si je mets le même morceau de musique en tant que musique d’attente, par exemple, sur mon répondeur téléphonique, le droit de représentation est mis en œuvre.

Le cas de la diffusion d’œuvres musicales ou audiovisuelles par les professionnels et particulièrement dans le milieu de la restauration et de l’hôtellerie, pose des problèmes particuliers. Pour les résoudre, la loi de 1985 a prévu une disposition qui est devenu l’article L132-2 2° du code de la propriété intellectuelle. En effet, ce dernier précise que l’autorisation de télédiffuser l’œuvre ne vaut pas autorisation de communiquer la télédiffusion de cette œuvre dans un lieu accessible au public. La diffusion d’œuvres musicales audiovisuelles dans les salles d’attente, dans les salles de restaurant ou dans les magasins met donc en œuvre le droit de représentation. Le commerçant doit donc obtenir une autorisation et payer une redevance. La jurisprudence et la doctrine considère en effet qu’il y a exécution publique nouvelle de l’œuvre dans la mesure où cette dernière atteint un public nouveau. La même solution doit être tenue en matière de chambre d’hôtel. Cette dernière est bien un lieu accessible au public et le client constitue un public nouveau. Après certaines hésitations les tribunaux semblent s’être rangés depuis 1994 derrière cette conception large du droit de représentation. Il considérait bien par le passé que la diffusion par l’hôtelier de musiques enregistrées par ses soins mettait en œuvre le droit de reproduction alors que la diffusion par l’intermédiaire d’un récepteur central et a fortiori la simple mise à disposition d’appareils récepteurs radio ou de télévision n’était au contraire pas des actes de représentation publique.

En revanche le droit de représentation ne concerne pas les représentations purement privées. Nous en reparlerons dans la leçon consacrée aux limites du droit d’auteur. Ainsi, un médecin qui écoute de la musique en consultant peut le faire librement car il le fait pour son usage personnel. S’il sonorise la salle d’attente, au contraire, la représentation devient publique, l’auteur recouvre son droit.

2° Le droit de suite

L’article L122-8 du CPI énonce : « les auteurs d’œuvres graphiques et plastiques ont, nonobstant toute cession de l’œuvre originale, un droit inaliénable de participation aux produits de toutes ventes de cette œuvre faite aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant. » L’objectif de cette prérogative est de rétablir une certaine équité entre les auteurs d’œuvres plastiques dont la principale source de revenus est la vente de l’exemplaire original, des autres catégories d’auteurs dont les œuvres sont susceptibles d’être exploitées de multiples façons. En effet, en matière d’œuvre d’art, le droit de représentation se limite en pratique à l’exposition publique et la reproduction d’un tableau est assez rare et souvent peu rémunératrice. De surcroît il est fréquent que l’aliénation initiale, la première vente du support matériel unique de l’œuvre soit réalisée pour une bouchée de pain alors que l’acquéreur voit la valeur de revente croître en fonction de l’état du marché et de la cote de l’artiste.

Apparu plus tard que les droits de représentation et de reproduction, puisque son entrée dans notre législation date de 1920, le droit de suite est d’application beaucoup plus restreinte. D’abord il limitait aux œuvres artistiques, ensuite il ne concerne que certaines opérations, enfin il ne constate pas un droit exclusif. L’auteur ne peut autoriser ou interdire, il ne confère qu’un droit à rémunération.

Envisageons tour à tour ces trois questions. D’abord les œuvres concernées. Le droit de suite s’applique aux œuvres graphiques et plastiques. Par cette expression il faut entendre les œuvres d’art au sens strict : peintures, sculptures, dessins, tapisseries, estampes, etc. Aujourd’hui la doctrine française se refuse à appliquer le droit de suite au manuscrit d’une œuvre littéraire ou de tout autre contenu bien qu’il s’agisse d’une œuvre graphique et du support matériel originaire de cette même œuvre. La question n’est pas purement théorique, en 1987, le manuscrit comportant la théorie de la relativité de Einstein s’est vendu sept millions de francs, tandis que l’année suivante, le manuscrit du Procès écrit par Kafka a trouvé preneur à Londres pour onze millions de francs. Pourtant la solution est logique, l’auteur de l’œuvre littéraire est d’abord rémunéré par les produits de l’édition de celle-ci. En revanche, la multiplicité d’exemplaires n’est pas un obstacles, dans les cas des lithographies, des photographies ou des bronzes, par exemple. Le droit positif requiert simplement que le modèle ait été conçu par l’artiste et que les exemplaires soient en nombre limité. C’est ainsi que la Cour de cassation a, en 1986, admis que le droit de suite puisse porter sur trois œuvres en bronze tirées d’un modèle de Rondin. Et cela après la mort de l’artiste.

Voyons maintenant les opérations concernées. En principe le droit de suite s’applique à toutes les œuvres d’art tel que précédemment définies à partir du moment où elles sont réalisées par des professionnels, c’est-à-dire soit par vente aux enchères publiques, soit par l’intermédiaire de commerçants, galeristes, le plus souvent. La revente par un particulier à un autre particulier, en dehors d’enchères publiques, ne bénéficie donc pas de droit de suite. Ce droit n’est pas conditionné par l’intervention à la vente de l’auteur qui n’a pas du tout besoin d’être partie à celle-ci.

Très critiqué par les exploitants, le droit est en réalité peu appliqué, notamment en raison de la faiblesse de sa reconnaissance internationale. Il existe pourtant un projet de directive du Conseil en la matière. Le risque pour les commerçants français est aujourd’hui de voir toutes les ventes d’œuvres se déplacer à l’étranger. Concrètement il n’est appliqué que sur les ventes aux enchères publiques. Le décret d’application qui devait prévoit les modalités de son extension à tous les commerçants n’a jamais été pris.

Voyons enfin les conséquences pour l’auteur de ce droit de suite. L’auteur, comme je l’ai précédemment énoncé n’a pas le droit d’autoriser ou d’interdire la vente, il ne fait que percevoir une rémunération. Le tarif du droit perçu est fixé uniformément et dès le premier franc à 3 %. Il s’applique à partir du moment où le prix de vente est supérieur à 100 francs et ce quel qu’ait été la fluctuation du prix entre les ventes successives. Même si le prix baisse, l’auteur ou ses ayants droit bénéficient de la rémunération. Comme les autres droits patrimoniaux, le droit de suite est limité dans le temps. Il ne s’applique que pendant la durée du monopole. Après la mort de l’auteur, il se transmet aux héritiers de l’auteur même à la seconde génération.

En revanche pour éviter les pressions sur les auteurs aux abois, le législateur a expressément prévu son inaliénabilité. Cette disposition entraîne trois conséquences : l’auteur ne peut le léguer, l’auteur ou ses ayants droit ne peuvent le céder à un tiers, l’auteur ne peut y renoncer au moment de la vente.

Après ces droits patrimoniaux classiques, envisageons la tendance que nous connaissons actuellement à l’émiettement des droits.

3° La tendance à l’émiettement des droits

En effet, les droits patrimoniaux attribués à l’auteur voient leur nombre se multiplier avec dans chaque cas le risque de conditions d’accès et de régimes différenciés. Cette évolution est directement héritée des nouveaux modes d’exploitation des créations et des législations étrangères. La tendance est aussi marquée par l’émergence dans notre système juridique du droit de destination.

D’après la jurisprudence de la première chambre civile du 22 mars 1988, le droit de destination est la faculté pour l’auteur de limiter l’usage que les tiers peuvent faire des exemplaires de son œuvre même s’ils se les sont procurés licitement. L’auteur maîtrise alors les utilisations secondaires de sa création. En effet, dans ce cas précis, la Sacem a été autorisée à percevoir un droit complémentaire de reproduction mécanique de la part des discothèques dans la mesure où celles-ci utilisent des phonogrammes du commerce, non originairement prévus pour cette destination.

Malgré les abus qu’il peut entraîner ce droit de destination, au moins dans son principe est pourtant justifié. Il s’agit de ne pas oublier les intérêts de l’auteur, notamment face au nouveau mode de diffusion des œuvres, ce qui du point de vue du droit communautaire, souvent trop sensible aux simples logiques économiques et industrielles, relègue l’auteur au deuxième rang, et c’est donc un progrès.

§ 2 La mise en œuvre des droits patrimoniaux (leçon 6)

Nous avons, dans la leçon précédente défini ce qu’étaient les droits patrimoniaux, envisageons maintenant dans un paragraphie second la façon dont ils peuvent être mis en œuvres. Le monopole octroyé à l’auteur l’autorise à exercer lui-même l’exploitation de sa création puis à en retirer les fruits. Pourtant la prérogative est rarement employée. Les modes de diffusion des œuvres requièrent des compétences, un financement souvent hors de portée des créateurs. Trop occupé par les tâches de création, l’auteur, le plus souvent passe un contrat avec un exploitant, par exemple, un éditeur ou un entrepreneur de spectacle. C’est ce co-contractant qui prendra en charge la diffusion de l’œuvre et sa communication au public. La conclusion d’un contrat est donc pour l’auteur une nécessité. En conséquence, le processus normal d’exploitation passe par la cession de tout ou partie des droits patrimoniaux de l’auteur au près d’un co-contractant. Ce dernier se voit confié par l’auteur le soin de diffuser sa création.

Mais dans cette relation juridique, il a besoin d’être protégé car l’auteur est souvent profane en la matière et fréquemment dans une situation de fragilité économique. Le CPI est donc très protecteur à son encontre, il défend les intérêts de l’auteur et parfois à tel point, nous le verrons, que l’on peut se demander s’il le considère comme étant sain d’esprit.

Le transfert des droits est donc une opération licite, nous commencerons par envisager ce caractère et sa mise en œuvre droit répondre à des critères précis, nous envisagerons dans un second temps ces différents critères.

A. La licéité du transfert des droits

La cession, le transfert des droits est une opération licite. L’auteur peut librement céder ses droits patrimoniaux. Mais dans notre système juridique, la démarche est rigoureusement encadrée pour préserver le caractère humaniste du droit d’auteur et éviter une éviction pure et simple du créateur. Les contraintes qui en découlent pour l’exploitant sont vivement décriées par ces derniers. Sous des prétextes économiques ils exercent une pression pour condamner le droit d’auteur et amorcer un rapprochement avec les traditions de copyright tel que le connaissent les États Unis qui, selon l’expression consacrée ne perd pas une grande différence entre une symphonie et une paire de baskets.

Le droit moral est assimilé à un droit de la personnalité, il est donc extrapatrimonial par essence, nous le verrons par la suite, il n’est donc pas cessible. Dans le droit d’auteur, seuls les attributs d’ordre patrimoniaux peuvent faire l’objet d’une cession. La cession du droit d’auteur est une opération à géométrie variable. Le législateur n’a pas défini la nature du transfert mais la cession n’est pas un transfert pur et simple. L’auteur reste attaché au sort de l’exploitation de sa création. Pourtant les tribunaux ont reconnu la licéité d’un contrat de vente de logiciel. Le transfert des droits conférait alors une propriété qu’il est possible de démembrer à l’instar de la propriété corporelle ou d’acquérir en pleine propriété. Comme l’énonce aujourd’hui le CPI, l’œuvre elle-même n’est pas cédée, seuls les droits sur cette dernière sont cessibles.

Quelle que soit l’étendue des droits cédés, le créateur doit donner à l’exploitant les moyens matériels de mettre en œuvre ses droits. L’auteur est soumis à une obligation de délivrance d’un support de la création par application de l’article 1604 du Code civil. La délivrance et le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur. Cette obligation procède de l’article L132-9, alinéas 1 et 2 du CPI en matière de contrat d’édition. En revanche et sauf disposition contractuelle contraire, le créateur n’est pas obligé de remettre l’exemplaire original de l’œuvre. D’ailleurs la cession des droits ne s’accompagne pas obligatoirement du transfert de propriété du support initial. Fréquent en cas de commande, le transfert du support initial est au contraire rarement constaté quand l’œuvre est préexistante.

Le transfert des droits patrimoniaux est strictement encadré, il est en effet nécessaire de défendre l’écrivain ou l’artiste souvent mal renseigné ou insoucieux de ses droits contre l’habileté praticienne parfois excessive de certains exploitants.

« L’auteur évolue dans un milieu hostile que certains n’hésitent pas à qualifier de faune marécageuse des arts et des lettres. » Cette expression est de monsieur Péridier, parlementaire de son état.

Le déséquilibre dans le rapport de force entre l’exploitant et le contributeur transformerait en effet rapidement les conventions en contrat d’adhésion, dépouillant définitivement et sans contrepartie consistante les droits de l’auteur. En conséquence, le créateur est surprotégé, il est assimilé à un irresponsable comme un mineur ou un incapable majeur. La liberté contractuelle est donc réduite pour rééquilibrer le rapport de force. L’offre de création est souvent supérieure à la demande, un équilibre par les prix dans le cadre d‘un marché concurrentiel est incompatible avec la conception humaniste du droit d’auteur.

C. Les modalités du transfert des droits

Sauf exception, le transfert des attributs requiert l’aval de l’auteur. La renonciation, même partielle, aux droits privatifs par cette voie impose le plus souvent des obligations réciproques à la charge de l’exploitant, parmi lesquelles la rémunération est la plus conséquente. Voyons d’abord l’autorisation puis nous évoquerons la question de la rémunération et des autres obligations à la charge de l’exploitant.

1° L’autorisation de cession.

Chronologiquement l’autorisation doit exister, être consentie à certaines personnes puis revêtir une certaine forme afin de délimiter son étendue. Examinons tour à tour chaque condition. D’abord la présence de l’autorisation. L’autorisation doit être réelle mais si elle l’est encore est-il nécessaire qu’elle soit valable. L’exploitant d’une œuvre sans autorisation constitue une contrefaçon. La contrefaçon est un délit réprimé par le Code pénal. Si l’auteur refuse de donner son accord, ne donne pas de réponse ou n’est pas identifié, l’exploitant prend le risque d’une action en contrefaçon. La détermination des ayants droits est donc la conditions préalable est sine qua non à toute exploitation. L’exploitant doit connaître la chaîne des droits.

Les conditions de validité de cette autorisation. Il faut tout d’abord un consentement personnel. En effet, le CPI dispose que le consentement personnel et donné par écrit de l’auteur est obligatoire. L’intervention personnelle de l’auteur est donc toujours nécessaire pour la conclusion d’un contrat dès lors que le droit de divulgation est en cause. Un mandataire ne peut représenter l’auteur que pour des questions matérielles qui ne mettent pas en cause le droit moral. Ensuite, il est requis la capacité. Contrairement au droit commun l’incapacité n’est pas totalement reconnue en matière de droit d’auteur. En effet, les représentants légaux du mineur ou du majeur incapable ne peuvent exercer seuls un transfert de droit, l’assentiment de l’auteur est toujours nécessaire. L’exploitant devra donc obtenir à la fois le consentement de l’incapable et celui de son représentant.

D’après la position doctrinale de Miante, le contrat d’exploitation conclu par le seul représentant est nul, car c’est la volonté du créateur qui prime. En revanche, le contrat conclu par le seul incapable peut demeurer valable à condition qu’il ne soit pas lésionnaire et qu’il ne crée pas un préjudice moral pour l’incapable. La solution revêt une importance pratique certaine puisque le cas des auteurs impubères ou dérangés mentalement est fréquent.

Le destinataire de l’autorisation. Dans la plupart des cas les parties au contrat seront, d’un côté le ou les auteurs et, de l’autre, un acteur économique désirant exploiter tout ou partie de la création. Il arrive aussi que le contrat intéresse deux exploitants ou s’adresse directement à l’utilisateur qui est le consommateur de l’œuvre. Ces deux dernières situations méritent quelques précisions. En effet, la détention ou même la propriété du support n’emporte aucune cession des droits sur l’œuvre de l’esprit reproduite. Le principe affirmé par l’article L113-3, alinéa 1 du CPI s’étend à la simple consultation de l’œuvre. La cession ou concession d’un droit d’utilisation ou d’usage appartient aux prérogatives du droit d’auteur. Cependant, à défaut de tout acte de volonté des ayants droit, la détention d’un support confère le droit à un usage privé. Il existe alors une transmission tacite d’un droit d’utilisation illimité de la création. A défaut, personne ne pourrait ni consulter les œuvres littéraires sous forme d’ouvrage ni écouter les œuvres musicales enregistrées sur un phonogramme sans avoir d’autorisation expresse de l’auteur. En revanche, il est loisible de limiter par contrat la marge de manœuvre des utilisateurs dans le cas de certaines œuvres plus dangereuses pour les auteurs, comme les créations multimédias sur CD ROM, les logiciels ou les œuvres diffusés sur Internet. Il est même conseillé aux exploitants d’encadrer la diffusion des produits par une convention dont les termes interdit certaines pratiques, surtout quand l’utilisateur est une collectivité : entreprise, établissement d’enseignement ou association. Les licences d’utilisation existant pour les progiciels sont transposables aux autres créations numériques.

L’exploitant est aussi libre de déterminer la période pendant laquelle l’utilisation non exclusive de la création est autorisée. En aucun cas ce délai ne peut dépasser celui des droits exclusifs sur la création. En effet, nul n’est autorisé à accorder plus de droits qu’il n’en détient. A défaut d’un contrôle possible des utilisations privatives, l’octroi de l’autorisation pour une durée inférieure au monopole est peu efficace. C’est pourquoi en l’absence de précisions contractuelles, l’autorisation est présumée accordée pour tout le temps de la réservation.

En revanche, l’exploitant est libre de mettre en place un dispositif technique de protection physique pour contraindre les usagers au respect de sa volonté. Par exemple utilisation d’un code nécessaire et donné moyennant rémunération ou utilisé par Canal + ou auto blocage des version gratuites d’essai de logiciels après un certain nombre de jours d’installation sur le disque dur. La violation des systèmes de cryptage en matière audiovisuelle est d’ailleurs sanctionnée par une récente directive européenne.

Voyons maintenant la forme que doit prendre cette autorisation.

Aux termes de l’article L131-2 du CPI, la cession des droits patrimoniaux est subordonnée à une condition de forme. Elle doit être constatée par écrit, c’est l’application du principe d’interprétation strict des cessions. L’usage par le législateur du verbe constater est ambigu. Il mélange des considérations de fond et de forme. Une décision de la Cour de cassation du 12 avril 1976 est venue trancher le débat. L’écrit est une règle de preuve, il est requis ad probationem. Son absence ne rend pas la cession nulle de plein droit. Mais le principe posé demeure très théorique puisque si en droit commun d’autres modes de preuve sont admis par les articles 1341, 1347 et 1348 du Code civil : commencement de preuve par écrit, témoignage, présomption etc. ; au contraire, ils sont écartés en droit d’auteur, à l’exception du serment décisoire et de l’aveu judiciaire. En effet, conformément à l’article 1341 du Code civil, la preuve testimoniale n’est pas admise lorsqu’un écrit existe. L’existence d’une cession de droits non expressément prévue par l’acte écrit ne peut être rapportée autrement. Dans la plupart des cas, le cessionnaire ne pourra donc pas prouver le transfert de droit, c’est comme si rien ne s’était passé. En conséquence l’auteur aura toujours gain de cause en cas de litige. C’est une mesure de protection des auteurs.

La condition n’est énoncée par la loi qu’à propos des contrats d’édition, de représentation et de production audiovisuelle. Cette restriction n’est pourtant pas gênante, en effet, l’article L131-3, alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle énonce « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue, quant à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

La loi impose donc un principe général de description des modes d’exploitation autorisés. On voit mal comment un accord verbal pourrait remplir ces conditions. En conséquence la présence d’un écrit est en réalité constamment nécessaire. La présence de mentions distinctes nécessite toujours la présence d’un instrumentum.

C’est donc le formalisme qui prévaut, l’autorisation implicite, sous-entendue, est formellement interdite. La règle imposant un écrit est une disposition protectrice des auteurs. Elle ne s’impose donc qu’aux exploitants et non aux auteurs eux-mêmes. Ces derniers pourront invoquer l’application du droit commun de la preuve. Ce qui signifie concrètement que la preuve de l’accord sera libre pour l’auteur dans la mesure où l’exploitant est un commerçant, ce qui est le cas dans la plupart des situations. Dans ces cas-là, l’auteur pourra invoquer l’article 109 du Code de commerce. Dans les autres situations, l’auteur pourra avoir recours aux articles 1341, 1347 et 1348 du Code civil et utiliser des modes de preuve tels que le commencement de preuve par écrit, dans le cas où il y a impossibilité morale ou matérielle de se préconstituer une preuve.

L’étendue de l’autorisation. L’exigence d’une exploitation précisée est reconnue par l’article L131-3 du CPI que je viens de vous lire. Par sa portée générale, la disposition couvre le principe énoncé par l’article L127-7, alinéa 3, ce dernier perd alors de son importance. Tous les démembrements des prérogatives de droit patrimonial sont possibles. Le transfert peut porter sur un droit scindé à volonté. La seule limite est l’imagination des parties en présence. On peut cependant constater que le rapport de force inclinera plutôt vers une cession élargie. L’étendue des droits transférés par le contrat peut adopter une formulation négative ou positive.

Voyons d’abord les principes généraux en la matière. Avant de détailler l’autorisation accordée, le contrat doit d’abord désigner l’œuvre qui est objet de la convention ; puis le contrat mentionne l’étendue des droits transférés. Au sens large il comprend les différentes exploitations autorisées, leur destination, le lieu où elles s’appliquent et la durée du transfert. L’autorisation d’exploiter commercialement une œuvre par la vente du support ne vaut pas pour le prêt ou la location. L’exploitation de l’œuvre au sein d’une œuvre composite doit être prévue. A défaut, l’auteur de l’œuvre préexistante peut demander le retrait dans la création seconde des parties utilisant les emprunts illicites. Ainsi en a décidé la Cour d’appel de Paris en 1986 à propos de passages empruntés dans une œuvre audiovisuelle.

La cession n’est pas nécessairement exclusive, l’auteur peut se réserver la possibilité d’autoriser un autre exploitant à exercer les mêmes droits postérieurement ou simultanément. L’exclusivité est d’ailleurs rare en matière d’œuvre préexistante. L’exclusivité est aussi exclue quand l’auteur confie l’exploitation de ses droits à un organisme de gestion collective. En revanche, la loi présume l’exclusivité de la cession dans les cas de contrat d’édition ou de production audiovisuelle ; nous reverrons ces différents contrats par la suite.

Concernant la durée, tous les cas de figure sont envisageables. Le plus souvent les droits sont confiés pour la durée du monopole. Quand un terme est fixé, la pratique s’apparente au louage. L’auteur retrouve tous ses droits à l’échéance.

Dans le silence du contrat, les juges considèrent en général que l’autorisation est acquise pour toute la durée du monopole. Cette interprétation est critiquable dans le sens où elle paraît contraire aux principes d’interprétation stricte des droits cédés.

La définition du lieu d’exploitation permet à l’auteur de choisir des cocontractants différents selon la zone géographique desservie. La plupart des contrats prévoient la cession pour le monde entier. Une autorisation limitée à certains pays de l’Union européenne est théoriquement incompatible avec la règle d’épuisement du droit de distribution sur les œuvres logicielles, prévue par la loi du 10 mai 1994. On retrouve d’ailleurs une même règle en matière de brevet.

Envisageons maintenant, après la situation générale, le cas des modes d’exploitation futurs. Par dérogation aux principes énoncés, la loi prévoit la faculté pour l’auteur d’autoriser des exploitations selon des modes aujourd’hui imprévisibles. Le CPI permet aussi, dans une certaine mesure de transférer par anticipation les droits patrimoniaux sur une création inexistante. L’autorisation d’exploitation selon des modes imprévisibles est prévue par l’article L131-6 du CPI. Ce dernier énonce : « la clause d’une cession qui tend à conférer le droit d’exploiter l’œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat, doit être expresse et stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation. » En effet, dans ce cas la description de l’exploitation est alors impossible. La disposition permet de contourner l’exigence légale de la mention distincte des droits cédés. Elle permet le transfert des droits pour des exploitations par des nouveaux moyens, ce sont des formes non prévisibles, ou par des moyens existants mais ignorés des parties, ce sont des formes non prévues.

Potentiellement dangereuse pour l’auteur, la disposition est soumise à deux conditions : d’une part l’éventualité d’une telle exploitation doit être nécessairement prévue expressément par le contrat, d’autre part, la rémunération attenante doit être nécessairement proportionnelle, si un forfait est prévu, l’exploitation selon le nouveau procédé est illicite. N’entrent dans cette catégorie que les modes dont l’exploitation est réellement imprévisible au jour de la conclusion du contrat et non les oublis éventuels. Avec le développement des nouvelles techniques de communication, l’exception accordée à l’exploitant est une quasi-clause de cession en blanc. La référence à une telle possibilité devient alors une clause de style dans la plupart des contrats. Elle représente potentiellement un danger pour les créateurs.

Envisageons maintenant le cas des œuvres futures. Lorsque la cession s’applique à l’ensemble des œuvres futures d’un créateur, la loi la prohibe. L’article L131 du CPI énonce en effet : « la cession globale des œuvres futures est nulle. » La disposition s’applique quel que soit leur nombre. En dehors de ce cas et malgré une tentative d’interdiction légale, le transfert à d’œuvres à venir est toléré sous plusieurs conditions. Une ou plusieurs œuvres non réalisées sont cessibles si elles sont identifiées. La description de l’existant est remplacée par celle de la création à naître. Il suffit de la décrire par un titre ou un exposé général.

Le risque d’inadéquation avec un conflit à la clé est patent. En effet, le créateur pourra toujours arguer que sa nouvelle œuvre ne correspond pas à la description contractuelle. La jurisprudence semble aussi admettre la licéité du transfert de droit quand les œuvres futures cédées sont réalisées dans un délai déterminé. La cession n’est alors plus globale. Cette exigence est difficilement compatible avec la cession des créations de salariés dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminé.

Le principe d’interdiction ne s’applique qu’aux contrats emportant représentation ou reproduction de la création. La vente d’œuvres d’art qui sont cédées avec le support matériel n’entrent pas dans le champ d’application de la disposition. La Convention liant un auteur à un galeriste portant sur les œuvres à venir peut néanmoins être nulle si le rythme de production imposé à l’auteur est susceptible de porter atteinte à sa liberté créatrice en épuisant, par exemple, son inspiration.

En matière d’édition littéraire, le principe est tempéré. En effet, la loi autorise la présence de pacte de préférence selon lesquels l’auteur se lie à un éditeur pour une durée limitée ou un nombre d’œuvres restreintes. Nous reviendrons plus tard sur cette disposition. L’interdiction protectrice des créateurs n’a plus de raison d’être dans les relations entre ces derniers et les sociétés de gestion collective. Ainsi le CPI autorise ce que l’on appelle les contrats généraux de représentation. Lorsqu’un auteur a confié à une société d’auteurs la gestion de son droit de représentation, ce contrat permet à l’organisme collectif de conclure avec des entrepreneurs de spectacles des conventions en vertu desquels l’entrepreneur reçoit le cas de puiser dans le répertoire de la société. Or, ce répertoire est constitué non seulement d’œuvres actuelles mais aussi d’œuvres que les membres de la société créeront pendant la durée du contrat. Dans ces circonstances il y a même double atteinte au principe puisque des œuvres indéterminées sont apportées à la société de gestion collective puis que cette même société en concède l’exploitation à des entrepreneurs de spectacle.

2° La contrepartie de la cession

Après cette autorisation, envisageons la contrepartie de cette autorisation, à savoir, la rémunération. En effet, les droits patrimoniaux sont dits pécuniaires dans le sens où ils génèrent une contrepartie financière. Les créations font partie des informations communicables qui ne seraient pas reproduites sans un encouragement particulier. L’exploitant d’une œuvre est amené dans la plupart des cas à rémunérer les ayants droit. La rémunération n’est pourtant pas la seule obligation à la charge du cessionnaire, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, en dehors même du respect des engagements contractuels qui sont librement négociés, la loi impose d’autres devoirs à l’exploitant.

Mais commençons par envisager le cas de la rémunération. L’auteur est amené à percevoir une partie des fruits de l’exploitation de son œuvre. Ce principe une fois consacré va être appliqué selon un mode dual. Le prix est généralement versé par l’exploitant mais la liberté contractuelle autorise à prévoir une source de financement différente. Le distributeur ou l’utilisateur final sont aptes à rémunérer les créateurs. Le développement de sociétés civiles de perception et de répartition de droits d’auteur tend à étendre cette pratique.

La fonction culturelle de la création donne à la rémunération un caractère singulier. Le paiement des trouvailles artistiques est indispensable pour stimuler l’innovation. La cession à titre gratuit est toléré par le Code de la propriété intellectuelle. En effet, l’article L122-7, alinéa 1 du CPI précise que le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux. Mais comme pour toute libéralité, elle déclenche la méfiance de l’homme de loi. Si la lecture du contrat ne laisse subsister aucun doute quant à la volonté de l’auteur, le comportement suspicieux n’entraîne pas de facto la nullité du contrat. Encore est-il nécessaire de rechercher une autre cause à l’autorisation. D’ailleurs, en dehors des exceptions légales au droit de reproduction, les sociétés de gestion collective refusent d’utiliser une quelconque exploitation de la création sans rémunération. Le contrat se réfère à un prix déterminé ou déterminable. Si le montant de la rémunération fait totalement défaut, la cession est nulle. Lorsque le devenir de la création ne permet pas de fixer le prix, les cocontractants prévoient une fixation future par un tiers ou un expert. L’article 1592 du Code civil énoncé en matière de vente est applicable.

En présence d’une rémunération manifestement sous-évaluée, l’auteur peut agir en récision pour lésion. C’est-à-dire lorsqu’il aura subi un préjudice de plus des sept douzièmes et donc que la rémunération est inférieure au cinq douzièmes. L’action n’est ouverte qu’au profit des créateurs rémunérés forfaitairement. En effet, pour la rémunération proportionnelle, il faudrait attendre l’expiration du monopole pour faire les comptes et les ayants droit auraient bien du mal à prouver le préjudice puisqu’ils perçoivent une cote-part des recettes et sont donc associés au succès de l’œuvre. La lésion est donc particulièrement délicate à appréciée car le forfait est souvent appliqué quand le juste prix est indéterminable. En revanche, en présence de barèmes ou de pratiques professionnelles établies, le caractère lésionnaire est facilement démontré.

Voyons maintenant les différents modes de rémunération. La loi adopte pour principe la rémunération proportionnelle, mais le paiement à forfait est néanmoins admis dans les situations précises. Envisageons d’abord la rémunération proportionnelle. Une participation proportionnelle de l’auteur aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation de son œuvre est prévue par la loi. L’article L131-4, alinéa 1 du CPI énonce : « la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle, elle doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. L’auteur ou ses ayants droit touchent par principe un pourcentage, une cote-part des recettes. La règle est d’ordre public, seules les dérogations légales sont admises. L’absence de rémunération proportionnelle est une cause de nullité de la cession. L’auteur ne peut y renoncer. Cependant la clause écartant la rémunération proportionnelle n’entraîne que la nullité relative du contrat.

Le taux de la rémunération est fixé de gré à gré et mentionné dans le contrat. Les exploitants sont libres de l’adapter en fonction de l’assiette. Pour des raisons psychologiques, l’auteur acceptera plus facilement un taux élevé sur une assiette réduite dont bien souvent il ignore la base que le contraire. En revanche, l’assiette de la rémunération est encadrée par la loi. Elle doit correspondre aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. L’auteur participe à toutes les recettes générées par l’exploitation de l’œuvre. L’assiette prend en compte la recette brute et non le profit dégagé, c’est-à-dire la recette moins tous les frais engagés. L’assiette assise sur le bénéfice est prohibée, la seule exception au principe concerne l’exploitation par un procédé inconnu.

Dans le cas d’un contrat de production audiovisuelle, comme dans celui d’un contrat d’édition, c’est le prix payé par le public ou les produits d’exploitation qui sont retenus. La diversité des expressions utilisées par la loi pourrait laisser à penser que le législateur souhaite abandonner la détermination de l’assiette à la volonté des parties. Il ne semble pas que l’opinion soit partagée par la jurisprudence dominante.

En matière d’ouvrages édités, l’assiette de la rémunération est le prix de vente public hors taxes. Le principe est d’ordre public, il est applicable même dans les cas où une rémunération forfaitaire est légalement permise. L’exploitant a donc intérêt à recourir au forfait quand la loi l’y autorise. En conséquence, la politique commerciale de l’éditeur : tarifs dégressifs, promotions, etc. est sans effet sur la rémunération. La raison tient du bon sens : l’auteur peut contrôler facilement la recette brute. A défaut, il est à la merci de l’exploitant qui pourra imposer des sommes fantaisistes. En effet, les coûts à déduire sont variables, très complexes à définir et souvent difficiles à évaluer. En matière audiovisuelle les tribunaux imposent aussi un contrôle strict sur l’assiette sale. En revanche les auteurs sont associés aux tractations commerciales puisque les remises peuvent venir en déduction de leur rémunération.

Envisageons maintenant les cas dans lesquels la rémunération forfaitaire est autorisée. La rémunération forfaitaire n’est jamais imposée, elle est simplement possible dans certains cas, dans certaines situations. La liberté de choix est offerte à l’exploitant pour les œuvres en général. D’après l’article L131-4, alinéa 2 du CPI, la rémunération de l’auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants :

  • Premièrement, la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée,
  • Deuxièmement, les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut,
  • Troisièmement, les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre,
  • Quatrièmement, la nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit que l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité,
  • Cinquièmement, en cas de cession des droits portants sur un logiciel,
  • Sixièmement, enfin, dans les autres cas prévus au présent code.

L’exception connaît ainsi une application plus large pour les ouvrages édités, nous aurons l’occasion de revenir sur cette disposition.

Concernant l’exception de droit commun, la rémunération forfaitaire est licite lorsque le calcul d’une rémunération proportionnelle est matériellement impossible ou que sa mise en œuvre générerait des coûts prohibitifs. Mais aujourd’hui l’informatisation de la gestion des entreprises ainsi que le développement de logiciels de comptage ou des techniques de mesure d’audience permettent pour des prix raisonnables de connaître la place d’une contribution dans une création plurale ou d’apprécier la répartition des utilisations dans le cas d’une diffusion en ligne.

La loi ouvre sensiblement l’exception lorsque la création est accessoire ou ne constitue pas l’un des éléments essentiels, c’est le cas des préfaces d‘œuvres littéraires, par exemple. La loi autorise aussi le forfait dans les cas du logiciel. L’exploitation d’un programme d’ordinateur résultant de l’exécution d’un contrat de commande ne dispense pas du paiement de la rémunération au titre du droit d’auteur, indépendamment de la rémunération du travail des créateurs.

Envisageons pour terminer les obligations annexes du cessionnaire. L’exploitant ne peut se suffire de la rémunération de l’auteur pour seule contrepartie des droits cédés. Il lui incombe aussi de ne pas rester passif, il est dans l’obligation d’exploiter l’œuvre et par la suite de tenir l’auteur informé. Commençons donc par envisager l’obligation d’exploitation. Le droit commun du droit d’auteur ne prévoit aucune disposition tendant à obliger le cocontractant de l’auteur à exploiter l’objet de la convention. L’exploitant sera simplement autorisé à utiliser la création dans la limite des conditions prévues mais pas contraint de passer à l’action.

Cette interprétation est fausse. En effet, la passivité de l’exploitant engendre un manque à gagner pour l’auteur dans le cas d’une redevance proportionnelle. De plus, elle crée un préjudice moral par le non-respect du droit extrapatrimonial de divulgation du créateur. Comme nous le constaterons dans la leçon suivante. L’atteinte aux droits est renforcée quand les droits cédés le sont à titre exclusif. L’obligation d’exploitation est aussi fondée sur le simple respect des dispositions contractuelles. Le législateur a même prévu des dispositions expresses en présence des contrats d’édition et en présence des contrats de production audiovisuelle. Comme nous le constaterons par la suite, l’éditeur est tenu à une exploitation permanente et suivie de la création. De son côté, le producteur de l’œuvre audiovisuelle est soumis à une exploitation conforme aux usages de la profession. Dans cette situation, la durée et les modalités de l’exploitation sont libres. Le cocontractant peut se contenter d’une simple présentation de la création mais encore est-il nécessaire qu’il conduise la réalisation à son terme.

Enfin, il existe une obligation d’information. Le devoir pour l’exploitant de justifier ses actes en informant l’auteur suit la même organisation que l’obligation d’exploitation. La loi n’impose un tel devoir qu’à l’égard des contrats d’édition et de production audiovisuelle. Il est prévu aux articles L132-13 et L132-28 du Code de la propriété intellectuelle. Une fois n’est pas coutume, le législateur est plus exigeant avec le producteur audiovisuel pour qui l’information est portable alors qu’elle est simple quérable dans le cas de l’édition.

Section II : Le droit moral (leçon 7)

Après avoir évoqué les droits patrimoniaux, nous allons consacrer cette leçon au droit moral.

Les intérêts moraux des auteurs sont protégés par la déclaration universelle des droits de l’homme en France, le principe provient d’une construction prétorienne jusqu’à sa consécration par la loi du 11 mars 1957. Le droit moral possède une place prééminente dans notre système juridique. Il correspond à ne conception idéaliste de la création, miroir de la personnalité de son auteur, que l’on trouve théoriquement dans la définition de l’originalité. En effet, le style c’est l’homme, disait Buffon ou Madame Bovary, c’est moi disait Flaubert. C’est donc au travers de l’œuvre que le public apprendra à connaître l’auteur. C’est grâce à celui-ci qu’il pourra être jugé de ses qualités et de ses défauts. Dès lors il paraît important que l’auteur puisse conserver une certaine maîtrise de l’œuvre. Il paraissait fondamental qu’il puisse en surveiller la carrière. C’est à ce souci que répond la reconnaissance du droit moral et la reconnaissance de sa prééminence sur les droits patrimoniaux.

Contrairement au droit à l’image, autre droit de la personnalité que nous avons évoqué dans l’introduction, le droit moral résiste bien à la tentation de patrimonialisation. Malgré les critiques auxquelles il est exposé, le droit moral revêt des caractères particuliers et véhicule des prérogatives pour l’auteur mais celles-ci ne sont applicables que sous certaines conditions. Nous allons donc tour à tour évoquer les caractères du droit moral, les prérogatives pour l’auteur et les conditions d’application.

§1. Les caractères du droit moral

Le droit moral est considéré comme un droit de la personnalité spécifique, je viens de le dire, par principe il a donc une nature extrapatrimoniale. A ce titre il est opposable erga omnes. C’est un droit unilatéral, absolu et discrétionnaire. L’article L121 du CPI énonce formellement que le droit moral est attaché à la personne de l’auteur. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Quatre caractères peuvent donc être déduits de cette disposition, le caractère de perpétuité, d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité.

A. Le droit moral est perpétuel

Ce caractère a une double conséquence. Première conséquence, il survit à la mort de l’auteur et se transmet aux ayants cause. Deuxième conséquence, mais encore il se prolonge après l’extinction des droits patrimoniaux. Une œuvre ne tombe donc jamais vraiment dans le domaine public. La règle a été formulée précisément pour l’une des prérogatives du droit moral : le droit de divulgation. Elle doit être étendue aux autres prérogatives même si, comme nous l’envisagerons plus tard, l’exercice du droit moral après la mort de l’auteur subit quelques tempéraments.

B. Le droit moral est inaliénable

Comme tous les droits de la personne, le droit moral est un droit extrapatrimonial, il faut corps avec l’auteur. En conséquence il ne peut être cédé par contrat. Seuls les héritiers peuvent l’exercer après la mort de l’auteur et encore comme je viens de l’évoquer ne bénéficie-t-il pas de l’intégralité des prérogatives morales de l’auteur. C’est là une conséquence logique de la nature du droit moral en tant que droit de la personnalité. Ce droit est fait pour défendre l’auteur à travers l’œuvre, l’auteur ne peut y renoncer sous peine de commettre une forme de suicide moral.

C. Le droit moral est imprescriptible

Il n’existe en effet, aucune prescription extinctive ou acquisitive quand l’existence du droit moral. L’auteur pourra saisir la justice d’une atteinte au droit moral même sur une œuvre très ancienne. Il peut toujours agir pour défendre sa personnalité menacée à travers ce qui arrive à l’œuvre. En revanche, la prescription trentenaire s’applique pour l’exercice de l’action. Après trente ans d’atteinte au droit moral sans action de la part de l’auteur ou de ses ayants cause, l’action est éteinte.

D. Le droit moral est insaisissable

Tant qu’un auteur ne divulgue pas sa création, elle n’appartient pas à son patrimoine. Par exemple, les créanciers d’un créateur ne peuvent faire saisir par voie d’huissier les toiles dans l’atelier de l’artiste. De même un propriétaire d’un local ne peut se payer des loyers de retard en vendant les sculptures qu’il trouve dans la cave du locataire. Ce caractère du droit moral exclut aussi la possibilité pour un créancier de faire jouer l’action oblique ou l’action boolienne. En revanche, les produits de l’exploitation de l’œuvre sont saisissables.

§2. L’étendue du droit moral

Le droit moral se décline en plusieurs pouvoirs accordés à l’auteur. L’unité d’esprit et la cohésion des prérogatives permet de parler du droit moral au singulier. Mais depuis la loi de codification, le chapitre premier du titre deux du code de la propriété intellectuelle s’intitule « droits moraux ». La menace d’une telle évolution terminologique est négligeable face aux détractions virulentes que le ou les droits moraux suscitent.

Commençons donc par envisager les différents pouvoirs accordés à l’auteur, les prérogatives du droit moral avant de voir quelles sont ces détractions.

A. Les prérogatives du droit moral

Le droit moral comprend quatre attributs distincts mais fondamentalement unis. Les deux premiers découlent de l’article L121 alinéa 1 du CPI, qui dit : « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. » Les autres prérogatives découlent respectivement de l’article L121-2, alinéa 1 qui énonce : « l’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre sous réserve des dispositions de l’article L132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. » et de l’article L121-4, alinéa 1 qui énonce : « nonobstant la cession de son droit d’exploitation, l’auteur, même postérieurement à la publication de son œuvre jouit d’un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il peut toutefois exercer ce droit qu’à charge d’indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. »

1° Le droit au respect de l’auteur

Le mot respect vient du latin respecire qui signifie veiller sur la chose. Selon les termes mêmes de la loi, le respect de l’auteur porte sur sa paternité à travers la mention de son nom et de sa qualité, mais il porte surtout sur l’intégrité de sa création.

Commençons donc par voir le droit de l’auteur à l’intégrité de son œuvre. Le droit français adopte sur le sujet une position particulièrement stricte. Il se rattache à la philosophie humaniste qui est à l’origine de notre droit d’auteur. L’œuvre est un démembrement de la personne de son créateur, toute atteinte à celle-ci est une atteinte à la personnalité de l’auteur puisque c’est à travers l’œuvre que le public perçoit l’auteur. Le devoir de respect s’impose au public mais avant tout aux exploitants. C’est ainsi que les cessionnaires des droits sont tenus à ne pas modifier l’œuvre. Le CPI le prévoit expressément en matière de contrat d’édition par exemple. L’atteinte est qualifiée lorsqu’elle modifie l’appréciation du public sur la création. La conséquence et vérifiée autant lors d’une altération de la forme que d’une dénaturation de l’esprit de l’œuvre. Commençons donc par voir les cas où il peut y avoir altération de la forme avant de nous pencher sur l’altération de l’esprit de l’œuvre.

L’altération de la forme de l’œuvre est une atteinte objective, elle correspond à la coupure, la suppression ou au contraire à l’adjonction d’éléments à la création. Il peut s’agir de la seule mise en couleur, la colorisation d’un film, par exemple. Elle découle aussi du remontage ou remixage qui modifie l’agencement des séquences, voire du seul cadrage ou de l’adjonction d’un logo lors de la diffusion. En effet, il importe peu que le support original de l’œuvre reste intact, il suffit que le public en ait une vision déformée. L’exploitant ne peut pas non plus modifier l’ordre dans lequel la création a été présentée par son auteur. Par exemple la diffusion autorisée d’un extrait d’une minute d’un film n’autorise pas les coupes, les inversions et l’adjonction d’un commentaire, ainsi en ont décidé les tribunaux. Le droit au respect s’impose au propriétaire du support, les juges ont ainsi considéré que l’acquéreur dans une vente de charité d’un réfrigérateur peint sur les trois côtés par Buffon et celui-ci découpant cette œuvre afin de la revendre par morceaux violait le droit moral de l’artiste peintre. Mais dans certains cas le propriétaire peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant la vocation utilitaire ou la prévisibilité de l’atteinte ou l’état de nécessité ; c’est notamment le cas pour les œuvres d’architecture.

Voyons maintenant les situations où il peut y avoir altération de l’œuvre de l’esprit. L’atteinte à l’esprit de l’œuvre est une dénaturation subjective de la création. Il importe que l’œuvre soit communiquée au public dans l’interprétation la plus proche possible de ce que souhaitaient les créateurs. Il y aura donc atteinte en présence d’un décalage entre l’esprit de l’œuvre et l’esprit véhiculé par sa communication publique. Les juges ont aussi sanctionné l’utilisation du personnage Tintin dans une pièce de théâtre. Ils ont mis fin à une atteinte à l’esprit de l’œuvre originaire, atteinte préjudiciable pour l’auteur dans la mesure où elle venait modifier la perception de sa création dans l’imaginaire du public. Il y aura aussi atteinte à l’esprit si l’éditeur publie l’œuvre avec une préface peu élogieuse pour l’auteur, ou même si un autre ouvrage de la collection polémique sur les qualités de l’auteur. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris en 1984 a sanctionné l’éditeur anglais de Camus, présentant ce dernier comme un piètre philosophe peu écouté et aux idées dépassées. Pourtant l’œuvre n’était pas directement en cause.

L’obligation qui pèse sur l’exploitant étant une obligation de résultat, il suffira à l’auteur de faire constater l’altération pour que la responsabilité de l’exploitant soit engagée.

Envisageons maintenant le droit au respect de la paternité de l’auteur. Le droit au nom et un droit inné, il autorise l’auteur à afficher ou à proclamer sa paternité sur la création. L’utilisateur doit en effet pouvoir identifier le créateur de l’œuvre, relier l’œuvre à une personne. En conséquence l’identité des auteurs apparaît toujours au côté de sa création. Le droit à la paternité peut être exercé néanmoins positivement mais aussi négativement par l’auteur. En effet le créateur peut imposer à l’exploitant l’apposition de son nom, comme nous l’avons vu, ce droit concerne bien évidemment les exemplaires de l’œuvre mais aussi tous les documents publicitaires. Le respect du nom s’accompagne en principe de celui de la qualité de l’auteur et non de la qualité de l’œuvre. Il est en droit de demander la mention de ses titres, grades et distinctions honorifiques.

Le créateur a aussi la possibilité de garder l’anonymat. Dans ce cas il donne mandat à un tiers pour exercer ses droits. L’auteur peut se faire connaître quand il le souhaite et donc renoncer à son anonymat. S’il conserve sa position jusqu’à sa mort, la durée de la protection courra à partir de la publication et non à compter de la date de la mort que l’on ignore par hypothèse. Le créateur peut aussi utiliser un pseudonyme, il s’agit d’un nom de plume ou d’un nom d’emprunt. Ce dernier permet en cas de célébrité de conserve une partie de sa vie privée ou correspondre à une volonté de détachement par rapport à son œuvre ou à une partie de son œuvre. En conséquence, l’exploitant qui révèle le nom de l’auteur pseudonyme viole le droit moral de celui-ci, ainsi en ont décidé les tribunaux.

L’utilisation d’un pseudonyme entraîne les mêmes conséquences que l’anonymat. Attention tous les noms d’artiste ne sont pas des pseudonymes, par exemple Johnny Hallyday ou Eddie Mitchell signent leurs chansons de leur état civil que le public connaît de surcroît. Certains pseudonymes sont transparents.

2° Le droit de divulgation

Divulguer vient de vulgu, c’est à dire foule. Le droit de divulgation correspond à la faculté pour l’auteur de mettre la création en contact avec le public. C’est donc normalement la première prérogative qui est exercée par l’auteur. Comme le droit au nom, le droit de divulgation peut être exercé positivement. L’ayant droit décide de l’opportunité, du moment et des modalités d’une communication publique. C’est la divulgation qui donne naissance aux droits patrimoniaux. Sans la volonté d’un premier contact entre l’œuvre et le public toute exploitation est interdite. Aucun droit patrimonial n’est exercé.

D’aucuns affirment que ces facultés ne s’épuisent pas après la première divulgation. Un tel débat demeure théorique. La volonté légitime de l’auteur de contrôler les utilisations postérieures ou secondaires de sa création est toujours respectée. En effet, tous ces actes mettent en jeu un droit patrimonial. En conséquence, toute forme d’exploitation requiert l’autorisation de l’auteur.

La vigueur du droit de divulgation entraîne deux conséquences : première conséquence, toute œuvre publiée sans son consentement expresse est une contrefaçon ; seconde conséquence, toutes les œuvres que l’auteur n’a pas expressément divulguées sont insaisissables. Le droit pour l’auteur de décider du principe de la mise à disposition du public de sa création est absolu.

La faculté de l’auteur s’étend aux conditions de la divulgation. Il peut choisir le mode de la diffusion de l’œuvre, pièce de théâtre éditée mais non représentée, par exemple ou œuvre littéraire uniquement sur support papier. L’auteur pourra même subordonner l’exploitation à des conditions draconiennes, reproduction d’œuvres graphiques en livre à condition que le papier utilisé soit d’une telle qualité ou diffusion de films en salle équipée de tel matériel de projection. L’auteur choisi aussi le moment de la diffusion.

Le droit de divulgation peut aussi s’exercer négativement. Bien évidemment l’auteur est en droit de refuser toute communication de son œuvre. Mais plus l’œuvre est détachée de son auteur et plus la création revêt pour ce dernier une fonction économique et moins donc le droit de divulgation négatif s’appliquera.

La question de la compatibilité entre la liberté d’exercice du droit de divulgation et la situation de créateur salarié ou de débiteur d’un contrat de commande est importante. Le droit moral étant incessible, l’auteur conserve théoriquement son pouvoir discrétionnaire. Il peut toujours refuser de livrer son œuvre. Le droit de divulgation peut permettre de faire obstacle à l’exécution forcée d’un contrat de commande. Par exemple, le fait pour un peintre d’avoir accepté la commande d’un portrait ne vaut pas exercice du droit de divulgation, fut-il celui de la femme de la personne ayant commandé l’œuvre.

L’exercice du droit de divulgation permet aussi à l’auteur de contraindre son cocontractant au respect de ses engagements. La position des tribunaux a été très sévère à cet égard. Elle a permis à un auteur, partie d’un contrat de commande, d’exiger le maintien de la réalisation d’un projet suivi de l’exploitation réelle de sa création. Dubuffet, créateur du plan d’une fontaine destinée à décorer la cour des locaux appartenant à Renault a pu obliger l’entreprise à concrétiser la commande. Les auteurs sont aptes à demander l’exécution forcée du contrat quand les termes n’en sont pas respectés. Il est nécessaire cependant de nuancer le propos. La jurisprudence évolue. Aujourd’hui, les juges se contentent de condamnation à des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi par l’auteur du fait de l’absence de diffusion de son œuvre.

3° Le droit de repentir et de retrait

Le droit de retrait et de repentir est énoncé par la loi à l’article L121-4 du CPI. Il est justifié par le caractère original de l’œuvre au sens subjectif. Il autorise l’auteur à concrétiser des regrets d’ordre intellectuel. Il suppose donc que l’œuvre ait été divulguée et exploitée et que la conception personnelle ou les circonstances extérieures à la création aient changées. Il entérine les scrupules artistiques mais ne doit pas permettre la fraude.

Le repentir est la faculté de remanier cette œuvre. C’est-à-dire que l’exploitation pourrait être poursuivie mais l’œuvre, objet du contrat, aura été modifiée. En cela, bien que la modification change pour l’exploitant les conditions et l’intérêt du contrat. Le retrait serait la faculté de retirer entièrement l’œuvre du commerce, c’est-à-dire de mettre un terme à son exploitation et cela malgré les droits accordés à l’exploitant. Le retrait est donc la forme ultime du repentir. Ce dernier accorde à l’auteur la possibilité d’apporter des changements à sa création, tandis que la mise en œuvre du premier revient sur la divulgation et stoppe toutes les exploitations commencées. Le droit de retrait et repentir s’applique aux œuvres divulguées. Il ne prend pas en considération l’existence d’une cession de droit.

Ce droit s’applique quel que soit le type de contrat qui lie l’auteur à l’exploitant. Contrat de reproduction, contrat de représentation, etc. En revanche, il n’est pas opposable au propriétaire du support. Si le support matériel de l’œuvre a été cédée à un particulier, l’auteur est démuni, l’expropriation n’est pas autorisée. Par ailleurs, cette prérogative de droit moral n’existe pas en matière de logiciel.

Conscient du préjudice potentiel pour l’exploitant, le législateur soumet l’exercice de ce droit à une indemnisation préalable, c’est-à-dire que l’auteur devra par avance rembourser les pertes occasionnées mais aussi payer le manque à gagner de l’exploitant. Plus le processus de distribution est avancé, plus la compensation financière sera importante. Dans le cas d’une création de salarié ou si la création est réalisé grâce aux moyens techniques mis à disposition par l’exploitant, le préjudice est augmenté d’autant. Pour toutes ces raisons, l’exercice d’une telle prérogative est théorique. Cet attribut du droit moral est vidé de sa substance.

B. La mise en cause du droit moral

Certains affirment que le droit moral n’est pas essentiel à la cohésion du droit d’auteur puisqu’il n’est apparu que tardivement. Lancé par les exploitants, l’accusation trouve un écho mitigé parmi les membres de la doctrine. Les pays de tradition copyright, appliquent ce raisonnement, ils ignorent le droit moral des auteurs. Le droit anglo-américain propose une protection générale et uniforme des œuvres de l’esprit. L’esprit matérialiste est dominant. Il n’est pas concevable que la bonne marche de l’entreprise soit perturbée par les scrupules de l’auteur.

Cependant, sous la pression des créateurs, les États-Unis ont reconnu un droit moral pour certaines œuvres graphiques. Dans le milieu audiovisuel américain, l’avancée vers une protection de l’œuvre personnelle est aussi sensible.

Par ailleurs, le droit moral est absent de la convention universelle de Genève. Elle n’est pas non plus mentionnée dans l’accord concernant les questions de propriété intellectuelle dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce. Son étendue est même réduite dans la Convention de Berne. Le droit à la paternité est établi mais le droit au respect ne défend que les atteintes préjudiciables à l’honneur et à la réputation de l’auteur. L’application de cette disposition aboutit à un droit moral objectif contraire à notre conception subjective. De plus, si l’honneur et la réputation sont proches du respect, ils ne concernent que l’auteur et non l’œuvre en elle-même. En pratique, la disposition revient à protéger la notoriété de l’auteur et non l’intégrité de l’œuvre. Elle consacre l’approche du copyright. L’atteinte est supprimée si le nom de l’auteur apparaît. Le cessionnaire peut alors exploiter l’œuvre sans aucune retenue. De surcroît, l’atteinte est d’autant plus difficile à rapporter qu’il incombe à l’auteur de prouver le préjudice qui en résulte, c’est cette conception qui a été retenue en droit interne pour les œuvres logicielles.

§3. La mise en œuvre du droit moral

La mise en œuvre du droit moral est assez aisée comme nous allons le voir pour commencer, mais les moyens visant à atténuer ou à supprimer ses conséquences ne sont pas négligeables, nous verrons donc par la suite les tempéraments à l’exercice du droit moral.

A. L’application du droit moral

De son vivant, seul l’auteur peut s’opposer à une atteinte à son droit moral. Ni le cessionnaire des droits, ni les sociétés d’auteurs ou les associations de défense ne peuvent agir. Lié au caractère personnel de ses prérogatives, le principe limite le risque de patrimonialisation du droit moral. En cas de pluralité d’auteurs, chaque coauteur bénéficie des attributs du droit moral. Il peut exercer seul une action. Cette règle s’oppose à celle existant en matière de droit d’exploitation des œuvres de collaboration. L’atteinte au droit moral s’apprécie au cas par cas. Le caractère discrétionnaire s’efface devant la balance des intérêts. Il n’est d’ailleurs pas exclu de moduler l’application en fonction de la qualité de l’auteur.

Le préjudice causé par l’atteinte à un droit de la personnalité est difficilement évaluable. Une réparation pécuniaire est en théorie impossible. En revanche l’atteinte doit être effacée. Pourtant la condamnation à des dommages-intérêts possède une valeur prophylactique, elle remplit une fonction dissuasive et sert à crédibiliser le droit moral.

L’avertissement du public n’est pas une solution pour tolérer le maintien de l’atteinte. Toutefois, prévenir que la création ne rend qu’une certaine image de l’œuvre freinera les récriminations de l’auteur. De même, dans le cas où l’atteinte n’est pas retenue, la mention de la désapprobation de l’auteur peut servir d’équitable palliatif.

B. Les tempéraments au droit moral

Le caractère absolu du droit moral est difficilement compatible avec les contrats qui sont des actes de prévision économique. Les exploitants cherchent à en atténuer la portée par des dispositions contractuelles, nous verrons quelles sont ces dispositions. De leur côté les juges sanctionnent les abus. Nous commencerons par voir comment les juges sanctionnent ces abus. Il arrive aussi que la loi prenne les devants en réduisant les prérogatives dans certaines créations que nous étudierons ultérieurement.

1° L’interdiction des détournements du droit moral

En principe, le caractère discrétionnaire s’oppose à la qualification d’abus de droit, mais selon l’adage latin, il est de l’intérêt public que l’on n’use pas de sa chose à mauvais escient. L’abus de droit est théoriquement impossible du vivant de l’auteur, mais comme nous l’examinerons dans quelques instants, la solution est différente après la mort de l’auteur.

Malgré l’absence de nuances émanant de certaines décisions de la Cour de cassation, le droit n’est pourtant pas dépourvu de limites. Le caractère discrétionnaire se heurte au texte même de la loi en présence d’œuvres plurales, c’est-à-dire créées par plusieurs personnes. En effet la mauvaise volonté, la résistance au refus de divulguer de l’un ou l’autre des auteurs peut entraîner la ruine de l’entreprise commune. Le caractère discrétionnaire est aussi mis en cause quand le droit moral est utilisé pour un motif étranger à la finalité de la loi de 1957. Par exemple, l’existence de considérations financières est indéniablement incompatible avec la mobilisation des prérogatives extrapatrimoniales. De même la volonté de nuire à autrui n’est pas admissible, on parle alors de détournement du droit moral. La jurisprudence a tendance à sanctionner de plus en plus durement ces abus même si le contrôle du droit moral doit demeurer marginal, exceptionnel. Par exemple, lorsque la création possède un caractère utilitaire indéniable, le droit pour l’auteur de s’apposer aux atteintes est réduit. Cette remarque de bon sens explique par la vocation de l’œuvre lorsqu’elle prime sur son caractère artistique, ainsi la construction d’un bâtiment doit d’abord servir d’habitation ou de bureau avant d’être une œuvre d’art. En conséquence l’auteur ne pourra s’opposer à certains aménagements, modifications, ravalements, extensions, etc.

Dans le même ordre d’idée, le droit moral de l’auteur disparaît lorsque la création devient dangereuse. Une statue qui se délite en menaçant les passants peut être légitimement détruite.

Dans certains cas il existe une tolérance de certains modes ou de certaines exploitations. Lorsque l’auteur autorise l’exploitation de son œuvre par tel ou tel procédé, il est censé connaître le contraintes techniques inhérentes à ce mode de communication de l’œuvre au public. Le juge sera moins enclin à reconnaître dans ces cas une atteinte au droit moral. La solution est particulièrement valable lors d’une adaptation de l’œuvre. En effet, il est de l’essence de l’adaptation de changer l’œuvre initiale, sinon il n’y aurait pas adaptation mais simple reproduction. De surcroît un décalage est nécessaire, au moins pour des raisons techniques de passage d’un mode d’expression à un autre. La personne qui adapte un roman à l’écran ne peut reprendre mot à mot ce roman. La Cour de cassation a estimé, en 1966, que compte tenu des lois du genre et des modes d’exploitation choisis une adaptation est fidèle lorsqu’elle respecte l’esprit, le caractère et la substance de l’œuvre originaire.

Dans une autre espèce, le fait de situer dans un film d’action les faits en Sicile et non en région parisienne, n’a pas été jugé comme étant une altération du roman, dont l’action se situait originairement au Portugal et à Genève. L’adaptateur jouit donc d’une certaine liberté, mais cette liberté ne peut être absolue. En matière de logiciel, le législateur a d’ailleurs reconnu expressément à l’utilisateur, le droit d’adapter le logiciel pour ses propres besoins.

2° La tolérance de certains aménagements conventionnels

La renonciation même conventionnelle au droit moral est en principe impossible. Il est d’ordre public. Le législateur a pris la peine de le rappeler, ce dernier est indisponible. Les attributs du droit moral sont incessibles. Comme tous les droits de la personnalité, ils sont hors commerce. Autoriser l’aliénation reviendrait à un suicide moral comme je l’ai dit précédemment. En dépit du principe, certaines atténuations sont tolérées. Il existe des conventions qui concernent le droit à l’intégrité de l’œuvre. Le créateur peut en effet approuver un changement dont il connaîtra exactement la portée. Si l’auteur ne peut pas renoncer à l’avance et en blanc aux atteintes que subit l’un ou l’autre des attributs de son droit moral, il lui est au contraire loisible d’approuver, en pleine connaissance de cause, des initiatives dénaturantes. L’accord n’est valable, bien évidemment, que si les modifications sont prévues dans le détail ou que l’auteur les effectue lui-même. Les permissions ponctuelles sont aussi envisageables. Dans ce cas l’auteur renonce à son droit de poursuite, mais la convention est alors révocable unilatéralement ad nutum.

Dans le cas des œuvres résultant d’un contrat de commande, la destination, le processus de création et la nature de l’œuvre modifient l’exercice du droit moral. Le créateur s’engage à respecter les termes de la convention. Il peut contractuellement limiter sa liberté de création. Le droit moral, en effet, ne préexiste pas à la création de l’œuvre. En revanche, les clauses qui laissent toute liberté d’action à l’exploitant sont nulles malgré une décision contraires en matière d’adaptation. En effet, il y aurait là un abandon du droit au respect, or le droit au respect est inaliénable.

Pour éviter d’éventuels litiges, l’exploitant peut demander à l’auteur d’avaliser a posteriori la création telle qu’elle sera présentée au public. Si l’auteur accepte, l’exploitant pourrant lui opposer cette reconnaissance en cas de conflit. Le risque de ce type de pratique est d’aboutir à monnayer les atteintes comme cela fut le cas pour la version américaine du Grand bleu.

Voyons maintenant les conventions concernant le droit de la paternité. Les clauses prévoyant le transfert de paternité sont fréquentes concernant les œuvres littéraires, notamment biographiques. Elles contentent tous les protagonistes. Le faux auteur, celui qui signe l’œuvre, qui est dispensé du travail d’écriture mais récolte gloire et argent ; l’éditeur, aussi, qui est assuré du succès commercial compte tenu de la renommée du faux auteur et qui pourra aussi tester un jeune auteur appartenant à son écurie et enfin le créateur, le véritable rédacteur qui peut ainsi vivre correctement et démontrer son talent. Cette situation existait de tous temps et était encore répandue, Alexandre Dumas avait son nègre, Auguste Moquet, Pol Lou Sulizer a également son nègre, Lou Durant, etc. Pourtant les conventions translatives de paternité sont nulles car comme je l’ai déjà dit, le droit moral est inaliénable. Cela signifie en principe que le véritable auteur pourra toujours faire annuler une telle convention translative, s’il apporte la preuve de sa paternité. Sa demande ne peut normalement être jugée abusive.

3° L’exercice atténué après la mort de l’auteur

Voyons pour terminer les cas où l’exercice du droit moral est atténué après la mort de l’auteur. Comme nous l’avons évoqué, le droit moral est perpétuel. Les héritiers sont donc investis du droit moral selon les règles ordinaires de la dévolution successorale. Les dispositions dérogatoires énoncées par le CPI ne traitent que du droit de divulgation.

Voyons d’abord l’étendue du droit moral après la mort de l’auteur. La transmission du droit moral à cause de mort est d’acception générale, la jurisprudence a opté pour le choix d’une voie simplificatrice. Pourtant, elle est incompatible avec le principe légal selon lequel le droit moral est attaché à la personne de l’auteur. Pour concilier les deux principes, les héritiers ne jouissent que d’un droit moral atténué. En effet, ils n’agissent pas dans leur propre intérêt, ils défendent la personnalité posthume de l’auteur. Les prérogatives morales deviennent un droit fonction. Les ayants cause ont pour rôle d’interpréter la volonté du défunt.

Le droit au respect perdure, sa survie peut être aisément organisée dès lors que l’on envisage l’aspect défensif de ces prérogatives. Il s’agit d’empêcher la mutilation de l’œuvre ou l’omission du nom ainsi qu’une fausse apposition. La doctrine les présente généralement comme des prérogatives négatives, c’est-à-dire ne visant qu’à préserver l’œuvre et au travers de celle-ci son auteur.

Le droit de divulgation perdure aussi mais uniquement dans son exercice positif. Les ayants droit peuvent décider de porter à la connaissance du public une œuvre inconnue du vivant de l’auteur. Mais les héritiers du droit moral n’ont pas autant de prérogatives que l’auteur. Le droit de retrait et de repentir disparaît. Le principe est logique puisque cette prérogative est trop attachée à la personne de l’auteur pour être transmise à quiconque. Il existe néanmoins une exception si l’auteur a expressément prévu et réglementé de son vivant l’exercice de la prérogative.

L’exercice de ce droit, après la mort de l’auteur, est soumis à un contrôle judiciaire. En effet, la loi prévoit de sanctionner les comportements abusifs en matière d’usage ou de non-usage du droit de divulgation de la part de représentants de l’auteur décédé. Théoriquement la porté de cette mesure est limitée ou elle ne concerne que les œuvres qui n’ont pas encore été portées à la connaissance du public. Pourtant la doctrine considère que la sanction des abus peut aussi s’étendre aux autres prérogatives du droit moral comme le droit au respect de l’œuvre ou le droit à la paternité. La disposition ne s’applique qu’aux héritiers ou exécuteurs testamentaires du créateur.

Après la mort du créateur, l’abus est envisageable s’il est notoire. L’abus notoire sera évidemment qualifié lorsque les héritiers ne respectent pas une volonté manifestement exprimée par l’auteur ou qui peut se déduire de son comportement.

Chapitre 2 : Les régimes particuliers (Leçon 8)

Dans le titre II qui s’intitule le contenu de la protection par le droit d’auteur, nous avons évoqué dans un chapitre premier le régime de droit commun du droit d’auteur. Maintenant dans un chapitre second nous allons nous attarder sur quelques régimes particuliers. En effet, il est important d’évoquer cette question parce que, contrairement à certaines législations étrangères, notre droit d’auteur n’est pas uniforme. Les prérogatives accordées aux auteurs, qu’elles soient patrimoniales ou morales sont modulées. Il en découle des régimes particuliers qui se justifient soit par un processus de création spécial, soit parce qu’il s’agit de créations particulières. Notamment nous allons voir ces régimes spéciaux s’appliquent lorsque la création de l’œuvre fait intervenir plusieurs auteurs.

Dans une première section nous allons commencer par envisager ces régimes applicables aux œuvres faisant intervenir plusieurs auteurs et dans une section seconde, nous nous attarderons sur quelques régimes particuliers dus à des œuvres particulières.

Section I. Les régimes applicables aux œuvrees faisant intervenir plusieurs auteurs

Nous retrouvons ici les trois catégories étudiées avec la titularité du droit d’auteur : l’œuvre de collaboration, l’œuvre composite et l’œuvre collective.

§1 L’exercice des droits sur l’œuvre de collaboration

Les droits sur l’œuvre de collaboration sont attribués à la communauté des auteurs, il en résulte des conséquences sur ces modalités d’exploitation, qu’il s’agisse des droit patrimoniaux ou du droit moral.

A. Œuvre de collaboration et droit patrimonial

La propriété indivise de la création entraîne des répercussions sur l’exploitation de la création d’ensemble. Elle engendre aussi des conséquences sur l’exercice des droits attachés aux contributions individuelles. La loi prévoit le partage des droits entre les auteurs. Ils sont coauteurs et leur propriété est indivise. Mais dans le cas où les apports des collaborateurs sont dissociables, l’exploitant peut invoquer le bénéfice d’une disposition légale pour écarter les contraintes de l’indivision lorsque qu’il exploite seul son apport. Nous voyons donc qu’il y a d’un côté l’exploitation de l’ensemble et d’un autre côté la possibilité d’une exploitation individuelle.

1° L’exploitation de l’ensemble

Les décisions concernant l’exploitation de la création sont soumises aux règles de l’indivision. L’œuvre de collaboration est un bien indivis. Cependant elle ne produit pas tous les effets prévus par le droit commun du droit civil. La règle énonçant le caractère précaire de l’indivision, l’adage nul n’est tenu de rester dans l’indivision, n’est pas applicable au coauteur. L’unanimité des consentements est requise pour tous les actes d’exploitation.

En cas de différent entre les coauteurs, le législateur a prévu l’intervention des magistrats. La disposition vise à éviter les situations de blocage ou l’exercice abusif des droits par certains coauteurs fortement préjudiciable aux auteurs. Si l’œuvre est conforme à ce qui était recherché, le tribunal pourra vaincre la résistance du collaborateur récalcitrant. Il y a ici une atteinte à la toute puissance du droit de divulgation. Mais cette décision judiciaire doit être antérieure aux actes d’exploitation. Une demande ultérieure sera jugée irrecevable et les actes commis sans l’accord de l’auteur récalcitrant et sans décision judiciaire supplétive antérieure, doivent être considérés comme des actes de contrefaçon.

Néanmoins, pour limiter les risques de litige, les coauteurs sont invités par contrat à désigner un gérant. Le coauteur d’une œuvre de collaboration qui prend l’initiative d’agir en justice pour défendre ses droits patrimoniaux est tenu, à peine d’irrecevabilité, de mettre en cause les autres coauteurs. Mais chaque coauteur peut exercer les droits propres à assurer le respect de son droit moral sans devoir associer à cette démarche les autres coauteurs, j’ai déjà évoqué cette question dans la leçon précédente.

En principe, la rémunération est partagée égalitairement entre les indivisaires, mais le contrat peut prévoit des différences, peut instituer une hiérarchie entre coauteurs.

2° L’exploitation individuelle des contributions

Le loi énonce que les coauteurs recouvrent une liberté d’exploitation sur leur apport dans la mesure où ce dernier appartient à un genre différent des autres et lorsque la pratique n’est pas préjudiciable à la communauté des auteurs. Cette disposition ne s’applique qu’aux participants reconnus comme coauteurs. Pour les participants écartés de l’indivision, seul le contenu du contrat de cession produit des effets.

L’appréciation de la différence du genre est compliquée. En premier lieu elle requiert que les apports soient dissociables. Dans le cas d’une œuvre fusionnelle, l’octroi d’une telle faculté n’est pas admissible. En second lieu, le contenu de la notion de genre est flou. En pratique, l’exploitation est possible dès lors que la contribution a une existence indépendante et séparée des autres. Le comportement du coauteur n’est alors pas mutilant pour la création commune.

Suivant ce raisonnement, les juges ont interdit l’exploitation séparée de planches de bandes dessinées, considérant que le dessin est tellement lié au scénario qu’il ne peut faire l’objet d’une exploitation individuelle. Par ailleurs, ces observations sont confrontées à une sérieuse limite. La liberté d’exploitation des contributions individuelles découle d’une disposition supplétive, les coauteurs ont la faculté de prévoir des mesures pour réglementer l’exercice de cette faculté. Par exemple, ils peuvent soumettre l’exploitation séparée à un assentiment majoritaire ou unanime des coauteurs. Le cessionnaire peut aussi exiger que les coauteurs renoncent à cette prérogative par une mesure expresse dans le contrat de transfert de droit.

B. Œuvre de collaboration et droit moral

Le droit moral est aussi aménagé, même en l’absence de cession, l’exercice du droit de retrait et de repentir est soumis à l’indemnisation des autres auteurs. Mais la collaboration ne doit pas servir de prétexte pour limite le droit de divulgation des coauteurs en cas de conflit dans l’élaboration de la création. Cependant en cas de différent, les tribunaux exercent leur pouvoir souverain d’appréciation. En pratique, les juges sont tentés de faire prévaloir l’intérêt général. Les coauteurs pourront alors modifier la contribution du récalcitrant sous réserve du respect de l’intégrité de l’œuvre. La collaboration entraînera alors une atténuation, une inflexion mais non l’abolition du droit moral.

Le droit à la paternité subit le même sort. Il est attaché à l’œuvre d’ensemble et non à la contribution personnelle de chaque coauteur. En conséquence, l’exploitation détient une marge de manœuvre plus importante quant à la mise en œuvre de cette prérogative offerte par le droit moral. Par exemple, il est en droit de regrouper la mention des noms sous forme de générique.

En conséquence, seul le droit au respect et le droit à la paternité de l’auteur de l’apport individuel ne pourra être méconnu.

§2 L’exercice des droits sur l’œuvre audiovisuelle

Les droits patrimoniaux sur l’œuvre créée dans le cadre d’un contrat de production audiovisuelle sont présumés cédés au producteur. La présomption s’applique au principe d’une cession mais aussi sur l’étendu de celle-ci. Les droit exclusifs d’exploitation de l’œuvre audiovisuelle sont confiés au producteur. Sauf disposition contractuelle contraire, la cession couvre automatiquement le droit de représentation et de reproduction. La cession en question n’est pas totale, les personnes, comme les prérogatives concernées rencontrent des limites.

A. Les limites quant aux personnes

Voyons les protagonistes concernés par la cession. Le transfert présumé des droits s’effectue entre d’une part les auteurs de la création d’ensemble et d’autre part le producteur. Quels sont donc ces auteurs présumés cessionnaires ? La présomption de cession n’atteint que les coauteurs de l’œuvre audiovisuelle, elle ne s’étend pas aux auteurs des œuvres préexistantes intégrées qui n’auraient pas cette qualité. La présomption est en quelque sorte une contrepartie à la titularité sur la création d’ensemble.

A la suite d’une amendement, la loi de 1957 a prévu expressément l’exclusion de la présomption pour l’auteur de l’œuvre musicale. L’exception à l’exception s’explique surtout pour des raisons historiques, elle procède d’une survivance, d’une tradition remontant au cinéma muet. La musique d’accompagnement était alors représentée simultanément, en toute indépendance, par rapport à l’œuvre cinématographique. Aujourd’hui, la disposition consacre la puissance et l’efficacité du seul organisme de gestion collective en l’espèce : la Sacem. Dans les faits, elle est peu équitable, le succès commercial de la composition musicale exploitée indépendamment est fréquemment redevable à la création audiovisuelle.

Voyons maintenant qui est ce producteur cessionnaire des droits. Le code de la propriété intellectuelle définit le producteur comme étant la personne, physique ou morale, qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre. Celui-ci a pour devoir de financer le coût de fabrication de l’œuvre, conformément au budget de production élaboré par ses soins. Mais l’apport financier seul est insuffisant, le producteur joue aussi obligatoirement un rôle de coordination et d’impulsion. Le producteur passif, simple bailleur de fonds, n’entre pas dans la définition légale.

B. Le contenu de la cession.

Le code de la propriété intellectuelle prévoit la cession implicite des droits exclusifs d’exploitation au producteur. La loi de 1957 n’envisageait que l’exploitation cinématographique, depuis 1985, la cession de tous les droits d’exploitation est présumée. La présomption couvre, en tant que démembrement du droit de reproduction, le droit de location et de prêt.

Contrairement au droit commun, le cessionnaire n’a plus à rapporter la preuve de l’étendue de la cession. La présomption s’applique en présence d’un contrat de production, elle ne dispense pas de la rédaction d’un contrat écrit. Le droit commun du droit d’auteur s’applique en la matière. La présomption concerne le contenu de la cession et non la convention en elle-même. Or, en l’absence d’instrumentum, la preuve du contrat est délicate. De plus la présomption ne s’applique que si une contrepartie est prévue et acceptée. En pratique, l’obligation de prévoir les différentes rémunérations en fonction des exploitations ôte en partie l’intérêt de la présomption.

La cession présumée des droits patrimoniaux est exclusive et définitive, elle joue pour toute la durée du monopole. Elle offre à l’exploitant toutes les prérogatives du cessionnaire, il a la possibilité d’agir en contrefaçon contre les utilisations illicites.

§3 L’exercice des droits sur l’œuvre composite

L’œuvre composite n’a en réalité qu’un seul auteur, il s’agit du créateur de l’œuvre seconde. Celui-ci jouit de toutes les prérogatives du droit d’auteur. Mais l’œuvre seconde doit beaucoup à l’œuvre première de telle sorte que les droits du créateur de l’œuvre première doivent être respectés. Ces obligations concernent tant les droits patrimoniaux que le droit moral.

A. Œuvre composite et droits patrimoniaux

L’auteur, puis l’exploitant de l’œuvre seconde sont contraints au respect des droits du créateur de l’œuvre première. Selon l’article L113-4 du CPI, le monopole sur l’œuvre composite est exercé sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante. Les prérogatives de ce dernier s’exercent en deux temps. Il accorde d’abord une autorisation pour l’incorporation puis il contrôle le devenir de sa contribution après la réalisation de l’œuvre composite au titre du droit moral. En principe l’autorisation doit précéder la création de l’œuvre seconde. Il est entendu que l’exploitation d’une œuvre composite requiert sauf volonté de l’auteur de l’œuvre incorporée la rémunération de ce dernier. Celle-ci s’effectue dans les conditions du droit commun.

Le pouvoir de l’auteur de l’œuvre première est discrétionnaire. Il peut avoir d’excellentes raisons pour réprouver l’adaptation de son œuvre. Toutes les formes d’art ne sont pas capables d’exprimer les nuances de sa création. Pour les œuvres dont l’exploitation dérivée est une vocation, comme par exemple les photographies dont les droits sont détenus par les agences de presse, l’affirmation est théorique, l’autorisation est, dans la plupart des cas, accordée systématiquement.

B. Œuvre composite et droit moral

Le respect de l’œuvre première est prééminent. L’auteur de l’œuvre préexistante peut invoquer son droit moral si l’œuvre composite porte atteinte au respect de l’œuvre originaire. Mais adapter vient de adaptare qui signifie ajuster. Autoriser une adaptation revient donc à céder une partie de son droit moral. Le conflit entre la liberté de l’auteur de l’œuvre seconde et le respect de l’œuvre première est tranché avec mansuétude à l’égard du premier. L’adaptation suppose une liberté d’action qui limite le droit moral de l’auteur. Cette liberté s’exerce à chaque fois qu’il y a changement de genre. L’exploitant est libre de procéder à des modifications de la lettre de l’œuvre dès l’instant où il en respecte l’esprit.

L’auteur de l’œuvre première conserve néanmoins intégralement certaines prérogatives de droit moral. Il conserve le droit à la paternité, l’auteur de l’œuvre seconde doit indiquer le nom de l’auteur de l’œuvre première. Il conserve aussi le droit de retrait ou de repentir. Il peut donc mettre indirectement un terme à la carrière de l’œuvre seconde, mais pour des raisons économiques déjà évoquées, la mise en œuvre de ces prérogatives est encore moins probable que pour celle des œuvres classiques.

§4 Exercice des droits sur l’œuvre collective

A. Œuvre collective et droits patrimoniaux

L’article L113-5 du CPI attribue la propriété de l’œuvre collective à la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. L’œuvre collective, comme je l’ai déjà énoncé, est le seul cas en droit français où une personne morale peut être investie des droits d’auteur à titre originaire. L’œuvre est réalisée grâce à la participation de plusieurs personnes mais elle n’appartient qu’à une seule. C’est une fiction car un groupement est une abstraction qui ne peut effectuer aucun acte créatif. La création émane de personnes physiques mais les droits sont attribués aux entreprises auxquelles elles appartiennent ou pour lesquelles elles travaillent. Le divulgateur est propriétaire de l’œuvre sans être réellement auteur. Comme le confirme la jurisprudence, l’attribution à la société de la qualité d’auteur est impropre.

1° L’exploitation de l’ensemble des contributions participant à l’œuvre collective

L’œuvre collective offre au contributeur une situation encore moins enviable que celle des auteurs salariés spéciaux. En effet, le titulaire de tous les droits d’auteur est la personne physique ou morale qui divulgue l’œuvre sous son nom. Les auteurs des différents apports, les contributeurs, n’ont aucun droit sur la création d’ensemble.

2° L’exploitation individuelle

En revanche, en l’absence de disposition contraire, les différents protagonistes, les différents contributeurs seront autorisés à exploiter individuellement leur contribution. A défaut de cession réelle, il est impossible d’envisager une cession exclusive. Le principe expressément énoncé par la loi à propos des créations de presse, s’étend à l’ensemble des œuvres collectives.

Mais l’exploitation séparée est aussi limitée par la condition d’absence de dommages pour l’ensemble. En effet, le contributeur peut causer préjudice à la personne morale détentrice des droits. L’exploitation individuelle est licite dans la mesure où elle n’est pas concurrente à l’exploitation de l’œuvre collective. La règle posée par le législateur est identique à celle qui prévaut en matière d’œuvre de collaboration.

Pour prévenir l’exercice de cette liberté qui peut s’avérer dangereux, l’exploitant est incité à prévoir une disposition expresse qui s’apparentera à une clause de non concurrence avec toutes les limites jurisprudentielles entourant cette notion. Par voie de conséquence, la personne bénéficiant de la titularité des droits sur l’œuvre collective, ne peut, sans autorisation exprimée dans les conditions du droit commun, exploiter séparément les contributions des auteurs.

B. Œuvre collective face au droit moral

Le contributeur, comme on l’a vu, est dépossédé des droits patrimoniaux, il est aussi dépossédé de son droit moral sur l’œuvre collective d’ensemble. La confusion des apports, même relative, empêche l’application de ce dernier. L’exploitant est donc libre de mentionner ou non le droit des contributeurs. Ceux-ci ne peuvent s’opposer aux modifications justifiées par la cohésion de l’ensemble. Le droit moral sur les apports respectifs est limité par la nécessaire harmonisation de l’œuvre. Le titulaire des droits est en droit d’apporter aux contributions des différents auteurs des modifications.

Le droit moral est en principe accordé au divulgateur personne morale. La disposition légale utilise des termes très larges : cette personne est investie des droits d’auteur ; mais en pratique, les tribunaux manifestent une grande circonspection en la matière. En effet, comment apprécier les scrupules intellectuels d’une entreprise ? En revanche, chaque auteur d’un apport est investi sur cet apport dans le cas d’une exploitation individuelle du droit moral classiquement admis par le Code de la propriété intellectuelle.

Section II. Les régimes applicables à des œuvres particulières ou exploitées dans un cadre particulier

La loi prévoit un régime spécifique pour les œuvres appartenant à certains genres. Il s’agit surtout de l’œuvre audiovisuelle, nous avons déjà évoqué la situation à propos de la titularité des droits, mais d’autres mesures sont applicables. Il s’agit aussi de l’œuvre logicielle ou de l’œuvre littéraire éditée. Il faut savoir que, dans une moindre mesure, les créations à vocation publicitaire ainsi que les créations de presse bénéficient de régimes particuliers.

§1 Les œuvres objet d’un contrat de production audiovisuelle

L’œuvre audiovisuelle est le plus souvent le résultat d’une activité d’entreprise et d’une activité artistique. C’est pourquoi, lorsqu’elle est élaborée par l’intermédiaire d’un contrat de production, elle est soumise à régime spécial défini par le Code de la propriété individuelle. Elle est considérée, nous avons déjà évoqué la situation, comme une œuvre de collaboration spécifique.

Comme pour toutes les œuvres l’exploitation de l’œuvre audiovisuelle n’est licite que dans le respect du droit moral et des droits patrimoniaux des auteurs. Envisageons d’abord les droits patrimoniaux spécifiques à l’œuvre audiovisuelle avant de voir le droit moral.

A. Les droits patrimoniaux sur l’œuvre audiovisuelle

Le droit positif affecte, dans une proportion importante le statut d’œuvre de collaboration à la création audiovisuelle. En dehors des dispositions qui découlent de cette qualité, la loi énonce un régime propre à cette catégorie de création. Nous allons d’abord voir les dispositions particulières qui sont favorables aux auteurs, avant de voir celles qui sont favorables aux exploitants.

1° Les dispositions favorables aux auteurs

Le producteur est contraint de rémunérer les créateurs en proportion du prix payé par le public lorsque celui-ci paye son accès à une création définie, c’est-à-dire une création déterminée et individualisable. La présomption de cession, que nous avons évoquée, n’écarte pas l’application de l’article L131-4 du CPI. Mais en étudiant les débats parlementaires, on constate que le législateur réservait cette disposition à la distribution de films en salle, le principe énoncé serait donc à écarter pour les autres modes d’exploitation.

Autre disposition favorable aux auteurs, comme les éditeurs, le producteur a une obligation d’exploitation de l’œuvre, mais dans leur cas l’exploitation n‘a pas à être permanente est suivie dans la mesure où une telle situation n’est pas compatible avec les usages, notamment cinématographiques. Pourtant avec les cassettes vidéo et autres DVD, les pratiques d’exploitation sont en train d’évoluer.

Est également à la charge du producteur une obligation de conservation des éléments de l’œuvre afin de préserver le patrimoine audiovisuel. Un accord devra intervenir entre auteur et producteur pour savoir ce qui devra être conservé. Les travaux parlementaires ont montré qu’il n’était pas question de lui imposer la conservation de tous les décors ou les accessoires de l’œuvre audiovisuelle.

Autre disposition favorable aux auteurs, en cas de défaillance du producteur, l’auteur est un créancier privilégié pour toutes es sommes dues par celui-ci. Calqué sur le modèle de la disposition réservée aux contrats d’édition, cette obligation a été étendue aux contrats de production audiovisuelle en 1985. Aujourd’hui ces mesures sont regroupées en un seul article du CPI. Mais la situation des auteurs demeure cependant moins favorable que celle des salariés qui bénéficient d’un super privilège.

Le producteur est aussi débiteur d’une obligation d’information à l’égard des coauteurs de la création d’ensemble. Il est redevable de la communication des comptes. Une disposition prévoit la fourniture obligatoire des recettes annuelles et la fourniture sur demande de toute pièce justificative de l’exploitation. Et notamment la copie des contrats par lesquels il cède à des tiers tout ou partie des droits dont il dispose. L’obligation n’est pas limitée aux auteurs percevant des rémunérations.

Dernier avantage consenti aux auteurs, dans le cas de l’exploitation d’une œuvre audiovisuelle, chaque nouveau mode d’exploitation génère une rémunération nouvelle et définie par avance. Chaque nouveau public auquel l’œuvre est communiqué emporte donc une rémunération supplémentaire. En revanche l’élargissement des procédés de communication n’entraîne pas l’application de cette disposition.

2° Les dispositions plutôt favorables aux exploitants

Comme nous l’avons vu, le producteur de l’œuvre bénéficie d’une présomption de cession à son égard. Par ailleurs, chaque coauteur assure au producteur une jouissance paisible des droits transmis. En tant que cessionnaire, le producteur est habilité à agir contre toute personne, y compris les auteurs venant troubler la jouissance des prérogatives transférées. La disposition est proche de celle prévue pour le contrat d’édition, son exercice est majoritairement considéré comme similaire.

La garantie porte sur tout trouble de droit. Il peut s’agir de l’existence d’une cession antérieure ou ultérieure, de la similitude avec des œuvres d’autres auteurs ou du même auteur et déjà cédées. La garantie comprend aussi les troubles de fait émanant de la personne de l’auteur pendant la réalisation de la création ou pendant la phase d’exploitation. Le contrat doit cependant être précis sur les obligations de faire régies par le droit commun des obligations.

B. Le droit moral sur l’œuvre audiovisuelle

Le droit moral des coauteurs est régi par une disposition particulière du CPI. Le législateur impose à l’œuvre audiovisuelle réalisée en exécution d’un contrat de production un régime de droit moral dual. Les dispositions applicables le sont aussi aux œuvres radiophoniques. Elles varient entre la période de conception de l’œuvre et celle d’exploitation. Commençons par envisager le sort du droit moral pendant l’élaboration de la création avant de voir quel est son sort après cette élaboration.

1° Le droit moral des auteurs pendant l’élaboration de la création

Le droit moral des auteurs est gelé pendant la phase d’élaboration. Il en résulte une paralysie du droit de divulgation. Cette mesure d’exception par rapport au droit commun du droit d’auteur bénéficie au producteur et à la communauté des coauteurs. Elle évite de bloquer la création en cours de réalisation et d’empêcher son exploitation. A défaut les caprices d’un coauteur pourraient ruiner l’entreprise.

Deux interprétations sont possibles de cette disposition. Soit l’on considère que toutes les prérogatives sont paralysées, sont l’on considère que la retenue ne porte que sur l’exercice des droits susceptibles de perturber l’achèvement de la création. La seconde solution accorde au créateur une possible négociation de la version définitive. Elle lui offre aussi la possibilité d’empêcher toute atteinte sur sa contribution. C’est cette interprétation que semble retenir la jurisprudence.

La doctrine s’est interrogée sur l’essence de l’exception. Le droit moral est-il purement supprimé pendant la période ou son exercice est-il simplement retenu ? Certains penchent pour la seconde branche de l’alternative mais le risque de cette thèse est d’assister impuissant au report de toutes les revendications après l’achèvement. L’effet recherché par le législateur est alors annihilé. Les prérogatives de droit moral peuvent aboutir à empêcher l’exploitation de l’œuvre. Il est donc rationnel de tendre vers la solution d’une privation totale du droit de divulgation. Les atteintes réalisées pendant la phase d’élaboration ne peuvent être opposées au producteur. L’auteur n’est autorisé qu’à alléguer des atteintes réalisées postérieurement à l’achèvement de l’œuvre.

La mesure législative est complétée par une disposition visant à empêcher le collaborateur mécontent d’interdire l’exploitation de sa contribution. Par déduction le producteur est en droit de faire achever la contribution par un autre. En cas de conflit, les auteurs sont donc substituables. L’exploitant est autorisé à remplacer un membre de l’équipe. Cette possibilité, avant d’être consacrée par la loi de 1957 était déjà acquise, notamment par la jurisprudence dite « la bergère et le ramoneur », déboutant Prévert et Grimaud de leurs prétentions sur le dessin animé.

Mais le producteur ou les autres collaborateurs doivent respecter l’apport inachevé et celui-ci peut être achevé par un tiers mais non dénaturé.

2° Le droit moral des auteurs sur l’œuvre achevée

Pendant l’exploitation de la création, les auteurs recouvrent leurs droits. Ces derniers sont cependant atténués. L’exploitant, comme on l’a vu, peut modifier la substance de la création par addition, suppression, changement d’un élément quelconque. L’exercice de cette faculté requiert l’accord expresse des auteurs principaux. Cette mesure dérogatoire revient à une cession du droit au respect par les auteurs principaux et à une suppression de cet attribut pour les autres auteurs. Mais la disposition pose des difficultés d’interprétation sur la forme du consentement, sur la détermination des auteurs dont il est requis et sur la délimitation des atteintes consenties.

L’exploitant peut changer le support de l’œuvre après simple avis consultatif du réalisateur de l’œuvre, mais dans le cas où la translation porte atteinte à l’œuvre, aucune disposition n’interdit alors aux autres auteurs d’agir. En revanche les coauteurs peuvent en principe exploiter séparément leur apport dès lors que cette exploitation ne nuit pas à la carrière de l’œuvre audiovisuelle. Ils ont ainsi un droit de divulgation personnel.

§2 Les œuvres logicielles

L’application de la réservation accordée par le droit d’auteur aux programmes d’ordinateurs s’est effectuée dans la douleur. La doctrine classique considère à juste titre que le logiciel est un cheval de Troie ou un virus dans la propriété littéraire artistique. Les solutions légales en matière de logiciel apparaissent donc comme un droit bricolé. En général, c’est un droit d’auteur amoindri et on trouver parfois, ici ou là, une protection plus forte que le droit d’auteur ordinaire. Les spécificités du régime visent à faciliter l’exercice des droits par l’exploitant ou par les utilisateurs. Elle confère aussi aux ayants droit une position particulière.

A. Les droits patrimoniaux sur l’œuvre logicielle

1° Les dispositions favorables aux auteurs

Eu égard, aux caractéristiques du logiciel, le droit positif a été dans l’obligation d’abaisser le seuil d’exigence de l’originalité. En amont, l’ayant droit est donc favorisé puisque dans la plupart des cas, la création ne pourrait se prévaloir du monopole. Le titulaire des droits sur le logiciel bénéficie aussi d’une protection expresse sur le matériel de conception préparatoire. L’avantage n’est pas décisif, en effet, cette prérogative est en partie la traduction du principe classique de protection de l’œuvre non achevée. La documentation accessoire n’est pas considérée comme du matériel de conception préparatoire, elle est soumise au régime de droit commun.

La copie privée du logiciel est interdite. Les exceptions au droit de reproduction sont limitées à la copie de sauvegarde. La définition de cette dernière est appréciée strictement afin d’éviter toute dérive vers la copie privée. L’exception à l’exception est justifiée par la facilité du piratage et le préjudice qu’il génère pour les ayants droit. Elle exprime aussi la volonté du législateur de maintenir pour le logiciel un régime dérogatoire aux autres œuvres.

2° Les dispositions favorables aux exploitants

Comme nous l’avons déjà énoncé, le logiciel réalisé par un salarié appartient à son employeur. De surcroît, en cas de recours à une cession classique, la rémunération forfaitaire de l’auteur est toujours possible. Cette mesure est justifiée dans les rapports entre employeur personne morale. En revanche, elle est difficilement admissible pour les créateurs personne physique. Elle ne présente pas un caractère d’ordre public. De plus, comme dans les autres cas de rémunération forfaitaire, l’action en récision pour lésion est maintenue en faveur du créateur.

B. Le droit moral sur l’œuvre logicielle

L’auteur d’un logiciel est soumis à un droit moral réduit, le législateur a décidé d’asseoir les prérogatives de celui-ci sur celles énoncées par la Convention de Berne qui, nous l’avons vu, sont très réduite. L’auteur est protégé simplement contre les atteintes à son honneur et à sa réputation. De plus, le CPI prévoit qu’en l’absence de clauses contraires, l’utilisateur a le pouvoir de modifier le logiciel, c’est-à-dire de l’adapter pour optimiser les utilisations prévues. Cette exception au droit commun du droit d’auteur est limité par l’usage personnel. Elle ne s’étend pas, bien évidemment, aux exploitations commerciales de la création. De plus la présomption est simple : l’auteur peut se réserver le droit d’intervenir.

Par ailleurs, l’utilisateur légitime est en droit d’étudier le logiciel et de le décompiler à des fins d’interopérabilité, c’est-à-dire de le démonter pour comprendre comment il fonctionne. Nous pensons que les prérogatives morales autres que le droit au nom n’ont aucun fondement dans le domaine des programmes d’ordinateurs. Le logiciel est un outil, il requiert une mise à jour et une adaptation aux besoins de l’utilisateur, incompatible avec le droit au respect. Un tel raisonnement n’est bien évidemment acceptable que dans la mesure où la catégorie logicielle est définie très strictement. En aucun cas la dérogation ne s’étend à toutes les créations numériques et ne particulier aux créations multimédias.