Le droit de propriété : définition, évolution, composantes

Le droit de propriété : évolution, définition, composantes.

Le droit de propriété est le droit réel par l’excellence car il est à la fois le plus complet et celui qui renferme tous les autres (ex. usufruit).

Le droit de propriété n’est visé que par les dispositions précises, notamment par les articles 544 à 597 du Code civil.

La propriété est définie par l’article 544 du code civil comme le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.

Section I. L’évolution du droit de propriété.

Deux grandes périodes doivent être distinguées. La première période va jusqu’au code civil et la deuxième à partir du code civil.

Paragraphe I. Jusqu’au Code civil.

Le droit de propriété n’a pas été perçu de la même manière par le droit romain sous l’ancien droit puis sous la révolution française.

En droit romain le droit de propriété, pater familias est le seul titulaire du droit individuel et absolu. Par conséquence, les atteintes au droit de propriété étaient exceptionnellement admises.

Sous l’ancien droit (la période de féodalité) la perception du droit de propriété est différente de la perception romaine. Le régime de la propriété mobilière différait de beaucoup de celui de la propriété immobilière. Les meubles sont considérés comme ayants peu des valeurs et il était facile de faire circuler les meubles. A l’égard des meubles le droit de propriété était individuel et absolu. Le système de la propriété immobilière était différent, beaucoup plus complexe. Ce droit de propriété connaissait toujours à l’époque de féodalité de nombreuses limites dans l’intérêt des voisins, c’est brèche dans l’absolutisme du droit de propriété. On s’éloigne du droit de propriété individuel et absolu.

Le droit issu de la révolution 1789 va renouer avec la conception romaine du droit de propriété. En effet la révolution française donne à la propriété immobilière les mêmes caractères absolus et individuels et perpétuels qui avaient été reconnus de tout temps à la propriété mobilière.

Paragraphe II. Depuis le Code civil.

Le droit de propriété est l’un des plus importants droits réels, il est au cœur du code civil, lequel a fait du droit de propriété un droit individuel, absolu et perpétuel.

Depuis 1804 deux phénomènes principaux ont bouleversé la conception du droit de propriété du code civil, une première transformation du droit de propriété sous les effets conjugués de l’évolution de la société et de l’économie. Cette transformation est marquée par l’accroissement quantitatif et qualitatif de la propriété immobilière avec un recul de la propriété immobilière.

En XIXème siècle sont apparus les biens incorporels dont la valeur n’a pas censé augmenter. L’adage resmobilisresvilis n’est plus conforme à la réalité. Avec le développement des techniques des arts et des lettres la propriété intellectuelle a connu un essor particulier conférant des droits à forte valeur économique à leurs titulaires. Les propriétés incorporelles échappent au droit des biens.

La seconde transformation de la propriété est due au contexte dans lequel elle s’exerce. La propriété s’exerce au sein des rapports sociaux ce qui se traduit par un certain nombre des limites tenants pour certaines d’entre elles à la reconnaissance d’autres droits individuels (ex. droit au logement) pour d’autres au souci de protéger la propriété d’autrui, pout d’autres au plaisir de préserver l’intérêt de la collectivité (ex. expropriation pour les causes d’intérêt public, les règles de la protection de l’environnement).

Le droit de propriété est un droit fondamental de valeur constitutionnelle (décision du 16 janvier 1982). La protection du droit de propriété est assurée au plan du droit international. Le protocole numéro 1 de CEDH édicte que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et des principes généraux du droit international.

Section II. Les composantes du droit de propriété.

Le droit de propriété est un droit total, complet car le propriétaire a tous les pouvoirs sur la chose. L’article 544 du code civil l’atteste mais la réalité n’y correspond pas toujours. Cet ensemble de pouvoir peut les décomposer en trois catégories : le droit d’user de la chose, le droit de jouir de la chose, le droit d’en disposer. Usus fructus abusus

Paragraphe I. Le droit d’user de la chose.

Le droit d’user correspond d’abord au droit de se servir de la chose. En théorie cet usage est libre mais il faut tenir compte de la jurisprudence relative à l’abus du droit de propriété (affaire Clément Bayar) et il faut tenir compte des restrictions d’intérêt public ou privé apportées à l’exercice du droit de propriété.

Ces restrictions vont être multiples, par exemple : les restrictions liées à la sécurité ou à l’hygiène publique imposantes au propriétaire les obligations relatives à la réparation ou à la démolition des bâtiments menaçants de ruine ; les lois qui tendent à assurer la sauvegarde du patrimoine national, cela correspond au classement des monuments historiques.

Le droit d’user de la chose correspond également au droit de ne pas s’en servir. Exemple : le droit de ne pas habiter la maison, de ne pas exploiter le terrain. Cette attitude peut se heurter à des préoccupations d’intérêt général liées par exemple à une situation de pénurie de logement.

Ainsi s’explique la possibilité de procéder à la réquisition de locaux dans certaines conditions à usage d’habitation, des locaux vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés. La procédure est prévue dans le code de l’habitation et de la construction. Le code rural interdit de laisser des terres en friche, permet leur mise en culture contre les grés de propriétaire et permet de prendre des dispositions pour imposer le reboisement.

Paragraphe II. Le droit de jouir de la chose.

C’est le droit pour le propriétaire de percevoir les fruits de cette chose.

Le propriétaire bénéficie d’un choix de faire fructifier son bien ou au contraire de le laisser improductif.

Si le propriétaire décide de fructifier son bien, il peut ensuite procéder à l’acte matériel de récolte ou procéder à un acte juridique d’encaissement des revenus.

Le propriétaire peut également exploiter son bien sous la forme d’image mais il ne dispose pas pour autant d’un droit exclusif sur l’image de son bien. Il ne peut en effet interdire l’utilisation par des tiers de l’image de son bien sauf à démonter l’existence d’un trouble anormal tel qu’une atteinte à sa tranquillité, à son intimité ou à sa sécurité ce qui ressort de l’arrêt de l’assemblé plénière du 7 mai 2004.

Paragraphe III. Le droit de disposer de la chose.

Le droit de disposer de la chose est une composante essentielle du droit de propriété. Le propriétaire peut disposer physiquement de la chose et surtout juridiquement.

A) La disposition physique de la chose.

Le propriétaire peut accomplir ou faire accomplir sur son bien tous les actes matériels qu’il juge bon. Il peut le consommer, le transformer ou le détruire sauf à tenir compte de certaines contraintes légales (les monuments historiques ou les cités classés ne peuvent être ni détruites ni modifiés dans leur état).

La faculté de disposer matériellement de la chose montre bien la supériorité du droit de propriété sur tous les autres droits réels. Seul le propriétaire peut épuiser la substance de la chose, alors que les titulaires des autres droits réels comme usufruitiers doivent conserver la substance de cette chose parce qu’elle ne leur appartient pas.

B) La disposition juridique de la chose.

Par disposition juridique de la chose il faut entendre la faculté d’agir sur le droit de propriété lui-même et non plus sur la chose. Le propriétaire peut exercer son pouvoir de disposition en abandonnant son droit de propriété ou en l’aliénant.

  1. L’abandon du droit de propriété.

L’abandon peut être un moyen pour le propriétaire de se libérer des droits réels grevant la chose. On parle alors du déguerpissement possible en matière de servitude, d’usufruit et d’hypothèque.

Exemple tiré des règles relatives à la mitoyenneté, c’est la dire la copropriété des clôtures, constituant pour les copropriétaires un ensemble de droits comme le droit de prendre appuie sur la clôture et de charges soumis au régime spécial contenu dans les articles 653 et suivants du code civil. Parmi ces règles on retiendra l’article 655 qui dispose que la réparation et la restauration du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit et proportionnellement au droit de chacun. Au terme de l’article 656 tout copropriétaire du mur mitoyen peut se dispenser de contribuer au réparation en abandonnant le droit de mitoyenneté pourvue que le mur mitoyen ne soutient un bâtiment qui lui appartient. En abandonnant son droit le copropriétaire échappe à la charge correspondante. Le propriétaire voisin bénéficiaire de la dénonciation devient alors seul propriétaire du mur mitoyen, s’il a lui-même réalisé les réparations nécessaires.

  1. L’aliénation du droit de propriété.

Le propriétaire peut aliéner son droit aux conditions qui lui conviennent à titre onéreux ou à titre gratuit, à cause de mort par le testament ou entre vifs.

Dans l’aliénation entre vifs le propriétaire peut ne transférer qu’un droit de jouissance sur sa chose (ex. usufruit) ou transmettre la totalité de son droit. On parlera d’un acte translatif de propriété.

Le droit d’aliéner la chose peut se heurter à son inaliénabilité c’est-à-dire à l’interdiction faite au propriétaire de vendre ou d’échanger le bien ou encore d’en disposer à titre gratuit.

Certains biens sont en effet inaliénables soit en vertu de la loi, soit en vertu d’un jugement, soit en vertu d’une convention. L’inaliénabilité est parfois imposée par la loi pour des raisons d’intérêt général tenante à l’hygiène, à la sécurité ou à la moralité publique. C’est ainsi par exemple la vente des stupéfiants est interdite. Des raisons d’intérêt privé peuvent également justifier l’inaliénabilité. Il en est par exemple des souvenirs de famille qui sont des biens meubles corporels présentant un lien étroit avec la famille déterminée et ayant une valeur morale pour l’ensemble des membres d’une même famille. Ils ne peuvent donc être transmis qu’à titre de dépôt à un membre de famille au décès du précèdent gardien dépositaire. On considère que les droits conférés à un gardien dépositaire sont exclusifs de toute appropriation individuelle. L’intérêt de la famille explique de certains biens échappent à la libre disposition.

L’aliénabilité judiciaire s’illustre en matière de procédure collective. Dans ce cadre-là, le tribunal peut décider que les biens qu’il estime indispensables à la poursuite de l’activité ne pourront être aliénés, pour une durée qu’il fixe, sans son autorisation.

Une convention ou un acte unilatéral comme un testament peuvent également prescrire une aliénabilité temporaire des biens. On parle d’une clause d’inaliénabilité qui est valable dès lors qu’elle respecte deux conditions : elle doit être justifiée par un intérêt sérieux et légitime et elles doivent être temporaires. Ces conditions figurent à l’article 900-1 du code civil. Ces clauses peuvent se justifier lorsque par exemple le disposant s’est réservé l’usufruit d’un bien et souhaite traiter avec le même propriétaire. Ces clauses sont étroitement contrôlées par le juge et peuvent être sanctionnées quand elles ne répondent pas à un motif sérieux et légitime. Le juge peut autoriser le propriétaire à disposer du bien inaliénable lorsque l’intérêt à l’origine de l’inaliénabilité a disparu ou si un intérêt plus important l’exige.

La liberté de propriétaire de disposer de ses biens peut encore être affectée lorsqu’il se trouve obligé de vendre ou contraindre d’accepter un acquéreur qu’il n’a pas choisi. Les hypothèses d’aliénation forcée peuvent être justifiées soit par des causes d’utilité publique (ex. l’expropriation) soit par des causes d’intérêt privé (ex. la saisie : le bien est vendu à la demande du créancier saisissant). Le propriétaire peut également voir son droit de vendre à qui lui plait restreint par l’exercice d’un droit de préemption accordé par le législateur. Le droit de préemption permet à son bénéficiaire de se substituer à l’acquéreur choisi par le vendeur, le prix est en cas de désaccord fixé par le juge. De telles facultés se rencontrent en droit rural (les communes se sont vu reconnaitre un droit de préemption pour préserver les commerces de proximité), en droit de l’urbanisme et également au profit des locataires d’immeubles.