Le fonctionnement et le contrôle des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales : fonctionnement

Les collectivités territoriales sont des administrations décentralisées, dirigées par une assemblée délibérante élue. Il en existe trois en France : la commune, le département et la Région. Le territoire de la France comprend :

  • 36 791 communes;
  • 96départements (2 en Corse et 94 en métropole) ;
  • 12Régions de métropole (la Corse n’est plus une Région, mais une collectivité territoriale à statut particulier, laquelle exerce cependant les compétences de la Région) ;
  • 5départements et Régions d’outre-mer (DROM): Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion ;
  • 5collectivités d’outre-mer (COM): la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;
  • la Nouvelle-Calédonie, dotée d’un gouvernement autonome, dispose d’un statut particulier ;
  • les terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Comment fonctionnent ces collectivités? Comment sont-elles contrôlées?

Section 1: Le fonctionnement des collectivités territoriales

I) La démocratie locale

Pendant longtemps, on a fonctionné sur la loi du 6 février 1992 qui instituait uniquement pour les communes une possibilité de consultation de la pop appelée référendum: ce n’était qu’un simple avis non obligatoire.

Ce mécanisme a été abrogé en 2004 et désormais, il y a deux instruments.

1) Les consultations locales

La loi du 13 août 2004 instaure les articles L1112-15 et suivant du CGCT. Cette consultation vaut pour toutes les collectivités territoriales. La consultation peut porter sur les affaires relevant de la compétence de la collectivité, ce qui signifie que la pop ne peut pas être consultée sur les affaires nationales.

La consultation peut être faite sur demande d’1/5ème des électeurs inscrits. On a une consultation d’initiative populaire. La décision d’organiser la consultation relève de l’assemblée délibérante.

La décision d’organiser une consultation peut se prendre par l’exécutif et l’assemblée délibérante.

La consultation n’est qu’une demande d’avis, ce qui signifie que l’autorité compétente doit arrêter sa décision sur l’affaire qui a fait l’objet de la consultation.

La délibération qui décide d’organiser la consultation est transmise au préfet qui peut la déférer au juge administratif. Le juge contrôle la clarté de la question posée.

2) Les référendums locaux

Ils sont prévus par la révision constitutionnelle de 2003. Ils se retrouvent à l’article 72-1 al 2 de la const. Les projets de délibération d’actes relevant des compétences de la collectivité peuvent être soumis par référendum à la pop de la collectivité.

les articles LO1112-1 et suiv. du CGCT précisent les modalités de ce référendum:

– c’est un référendum facultatif.

– Il peut intervenir à propos de tout projet de délibération intervenant dans les affaires de la compétences de la collectivité: c’est l’assemblée délibérante qui demande le référendum. Le référendum peut intervenir sur tout projet d’acte relevant de la compétence de l’exécutif sauf pour les actes individuels: c’est l’exécutif qui demande le référendum.

On ne peut pas organiser un référendum sur les compétences de l’Etat.

– Le champ d’application temporel: les référendums sont interdit dans les 6 mois précédant les élections locales, pendant les référendum nationaux ou pendant la campagne d’élections nationales.

– L’organisation du référendum: l’initiative appartient à l’assemblée ou l’exécutif. La décision d’organisation du référendum appartient à l’assemblée délibérante qui fixe les modalités d’organisation et l’acte soumis.

– Si le référendum est organisé par un département ou une région, les communes de ce département ou de cette région sont informées. Le projet ne peut être adopté que si la moitié des électeurs inscrits a voté et s’il y a la majorité des votes exprimés. L’acte adopté par référendum est soumis au même régime juridique que les autres actes de la collectivité.

II) Le partage des attributions au sein des collectivités territoriales

Au sein de la collectivité territoriale, l’assemblée délibérante a une compétence de principe puisqu’elle règle par ses délibérations les affaires de la collectivité. L’exécutif a deux types compétence et le maire a des compétences particulières:

– Ils ont une compétence d’exécution des décisions de l’assemblée (exécuter le budget). L’exécutif prépare aussi les délibérations: il doit agir dans le cadre de la délibération.

– Ils peuvent agir sur délégation de l’assemblée délibérante. Cela signifie que l’exécutif va intervenir dans le cas d’une délégation générale mais les compétences qui peuvent être déléguées sont limitativement énumérées. Pour le maire, par exemple, il peut réaliser des emprunts et passer certains marchés publiques, il peut créer des classes, passer des contrats d’assurance.

Le maire est à la fois agent de l’Etat de et la collectivité territoriale. Lorsqu’il est agent de la collectivité, il peut agir selon trois modalités:

– Exécuter les délibérations.

– Il peut agir sur délégation.

– Le maire dispose de pouvoirs propres. Le maire peut agir en dehors des délibérations du conseil: ce sont des pouvoirs qui lui appartiennent en propre. Il en existe trois: la délivrance des autorisation d’urbanisme, la compétence de police et il est supérieur hiérarchique de tous les agents municipaux.

Section 2: Le principe de libre administration

La liberté des collectivités territoriales est contrebalancée d’une part parce qu’elle s’exerce dans les conditions prévues par la loi et d’autre part sous le contrôle du préfet.

C’est le Conseil constitutionnel qui a placé le curseur. Au nom de la libre administration, il a décidé que l’organe délibérant dispose d’attributions effectives. En matière d’autonomie financière, le Conseil constitutionnel a interdit que la libre administration soit entravée mais il a largement admis l’encadrement des dépenses et que des impôts soient transformés en subventions.

Le Conseil constitutionnel a posé limite à la libre administration des collectivités: cette limite est liée au statut homogène des libertés publiques sur le territoire. Une collectivité ne peut pas avoir ses propres libertés publiques.

Sont sanctionnées les lois qui portent atteintes de manière injustifiée ou disproportionnée à la libre administration.

Section 3 : Le contrôle des collectivités territoriales

Avant 1982, le préfet avait un pouvoir de tutelle. Il avait la possibilité d’annuler lui-même les actes. Il pouvait les annuler aussi bien pour illégalité que pour inopportunité.

Cette tutelle a été réformée par la loi du 2 mars 1982 et dans cette première version, la tutelle a été remplacée par un système extrêmement favorable aux collectivités. Dans une décision du 25 février 1982, le conseil constitutionnel a censuré cette première version de la loi.

Avec la loi du 22 juillet 1982, il y a un pouvoir de contrôle a posteriori du préfet. Il n’a qu’un pvr de contrôle de la légalité de l’acte. Certains actes sont obligatoirement transmissibles. Le préfet peut obtenir la suspension de l’acte par référé avec des conditions moins restrictives que celles opposées aux justiciables.

I) Le champ d’application du déféré préfectoral

Ce champ d’application repose sur la distinction entre des actes obligatoirement transmissibles et des actes non obligatoirement transmissibles. La liste des premiers est fixée par le CGCT. Il s’agit des actes les plus importants. Doivent être obligatoirement transmises toutes les décisions prises par le maire en matière de police, tous les actes à caractère réglementaire, toutes les délibérations de l’assemblée délibérante, tous les marchés publics sauf les plus petits, toutes les conventions de service public, toutes les décisions individuelles relatives aux agents, tous les permis de construire et autres autorisations du sol.

A) Les actes obligatoirement transmissibles

La transmission conditionne le caractère exécutoire de l’acte. L’acte est exécutoire si deux formalités sont remplies: la transmission au préfet et la publicité de l’acte.

Le préfet peut déférer un acte au juge administratif pour excès de pouvoir. Le préfet peut déférer un contrat. L’arrêt du conseil d’Etat du 2 novembre 1988 « préfet des Hauts-de-Seine »: normalement on ne peut pas déférer un contrat au juge administratif mais le préfet peut déroger à cette règles.

B) Les actes non obligatoirement transmissibles

Ils sont exécutoires dès leur publicité. La question qui s’est posée a été de savoir si le préfet peut les déférer. La réponse est oui: le préfet peut déférer tous les actes des collectivités territoriales et bénéficier des facilités qui lui sont offertes par le déféré. On a l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 janvier 1988 « mutuelle générale des personnels des collectivités territoriales », l’arrêt du 4 novembre 1994 selon lequel le préfet peut exercer une déféré contre un contrat non soumis à transmission et l’arrêt du 16 décembre 1994 « préfet du Haut-Rhin » selon lequel l’octroi du sursis à exécution bénéficie des mêmes conditions de facilité pour les actes non obligatoirement transmissibles.

La loi du 13 août 2004 a amélioré le régime des actes non transmissibles car il est admis que le préfet peut en demander communication à tout moment. Le préfet dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la communication de l’acte pour déférer.

La transmission doit porter sur le texte intégral de l’acte et surtout être accompagnée des documents annexes nécessaires. Par exemple, si une collectivité est obligée de transmettre une délibération approuvant un contrat, il faut transmettre le contrat avec la délibération l’approuvant.

Cela résulte de l’arrêt du Conseil d’Etat 13 janvier 1988 « mutuelle générale des personnels des collectivités locales » : le refus de transmission est susceptible de recours et le préfet peut demander l’ensemble des documents complémentaires qui lui semblent nécessaires pour apprécier l’acte.

Le déféré préfectoral a été qualifié par le juge de recours pour excès de pouvoir. Le recours pour excès de pouvoir est le recours classique et le juge a voulu donc inclure le déféré préfectoral comme un recours classique. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 février 1987 « commune de grand bourg de Marie-Galante ».

II) L’exercice du déféré

On se pose trois questions :

– Il s’agit d’une faculté ou d’une obligation ? Dans un premier temps, on a estimé qu’il s’agissait d’une simple faculté : c’est l’arrêt du 25 janvier 1991 « Brasseur » où le Conseil d’Etat a jugé que le refus de déféré du préfet n’est pas susceptible de recours par les administré car le justiciable dispose lui-même de la faculté d’exercer un recours. En effet, cet arrêt dit qu’un déféré sur demande d’un justiciable s’appelle un déféré provoqué. Si le préfet refuse, le justiciable dispose d’un délai de deux mois pour attaquer l’acte à compter du refus du préfet.

Le seul qui s’est prononcé sur une faculté de l’obligation de déféré est le conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi portant divers disposition en matière d’urbanisme et de construction qu’on appelle aussi la loi « Besson » (décision du 21 janvier 1993). Le conseil constitutionnel a dit qu’il y avait une obligation de déférer car l’exercice d’un déféré est lié à l’obligation constitutionnelle de contrôle sur les collectivités territoriales.

– Qui a la qualité pur déférer ? En théorie c’est le préfet mais on admis qu’il pouvait déléguer sa signature. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat ass. Du 15 octobre 1999 « commune de Savigny le temple ». Cette possibilité est expressément prévue dans le décret du 29 avril 2004 mais le préfet ne peut déléguer qu’au secrétaire général de préfecture qui a le grade de sous-préfet et les chargés de mission.

– Le responsabilité : un déféré irrégulier ou l’absence de déféré lorsqu’un acte est illégal entraîne la responsabilité de l’Etat. On a maintenu un régime de responsabilité pour faute lourde, ce qui signifie que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée qu’en cas de faute grave du préfet. C’est l’arrêt du 21 juin 2000 du Conseil d’Etat sur la faute lourde.

III) Les délais

Le préfet dispose d’un délai de deux mois à compter de la transmission (il faut toujours préciser le délai et le point de départ du délai) pour déférer l’acte. Le délai commence à courir que si la transmission est complète.

Le préfet peut prolonger son délai dans deux possibilités :

– Du fait d’un recours gracieux auprès de la collectivité. Cette faculté a été admise dans un arrêt du Conseil d’Etat du 18 avril 1986 « CORRET d’île et vilaine ». Il ne peut y avoir prorogation que si le recours gracieux est lui-même effectué dans le délai du déféré et la prorogation signifie que le délai de deux mois recommence à courir.

Par exemple, le préfet reçoit l’acte en préfecture un 2 mars. Il a jusqu’au 2 mai pour exercer son déféré. S’il fait un recours gracieux le 4 avril, il attend la réponse de la collectivité. Si le 6 mai, la collectivité répond négativement à la demande du préfet, celui-ci a alors deux mois à partir de 6 mai pour exercer son déféré.

– Le préfet peut proroger son délai s’il forme une demande de documents complémentaires si cette demande est justifiée. Elle est justifiée dans deux cas : lorsque le document que le préfet a reçu ne comporte pas le texte intégrale de l’acte ou si le document reçu ne comporte l’ensemble des documents annexes qui permettent au préfet d’approuver la délibération de l’acte. La demande doit intervenir dans le délai initial. Cette seconde faculté de prorogation est affirmée dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 janvier 1988.

Une double prorogation est possible : arrêt du 4 novembre 1996 du Conseil d’Etat.

IV) Le régime de la suspension de l’acte

La particularité d’un acte administratif est d’être immédiatement exécutoire. Le recours contre l’acte n’est normalement pas suspensif. L’exception, c’est le référé suspension qui peut être demandé par tout justiciable à condition de réunir deux conditions :

– Il faut que le justiciable invoque un moyen sérieux. Il faut que le justiciable invoque contre l’acte un moyen de droit de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’acte.

– L’urgence : elle est considérée comme acquise si l’exécution de l’acte peut causer un préjudice difficilement réparable au justiciable lui-même ou à un intérêt public. Si une administration prend un acte irrégulier qui est dangereux pour l’écologie, on le suspend.

Le juge dispose d’une libre appréciation même si les deux conditions sont réunies.

A) Référé suspension demandé par le préfet

Lorsque le préfet défère un acte, il peut assortir sa demande de déféré d’un référé suspension. Il dispose de deux avantages par rapport à un requérant lambda :

– Le préfet n’a à invoqué qu’un moyen sérieux : il échappe à la condition de l’urgence.

– Le juge doit lui accorder de plein droit le référé suspension si le moyen est sérieux.

L’exécution e l’acte est suspendue jusqu’à ce que le juge statut sur le fond.

Le préfet dispose de deux autres types de référé.

B) Référé « libertés publiques »

Lorsqu’un acte d’une collectivité est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, le Président du tribunal administratif en prononce la suspension dans les 48 heures. L’appel peut se faire devant le Conseil d’Etat dans les 15 jours qui statue sous 48 heures.

Ce mécanisme a été utilisé avec succès pour les actes instituant des couvres feu pour les mineures. Un tel acte est irrégulier s’il prévoit le raccompagnent forcé d’un mineur chez ses parents. C’est un arrêt du 17 juillet 1997 du Conseil d’Etat car l’administration ne peut pas faire exécuter ses actes de manière forcée.

C) Le référé suspension en matière d’urbanisme, de marchés publics et délégations de service public

Pour tous les actes touchant l’un de ces trois domaines, il suffit que le préfet demande la suspension de l’acte pour que le juge lui accorde de plein de droit la suspension pour un délai d’un mois maximum et dans ce délai le juge doit statuer au fond.

La seule condition est que le préfet doit effectuer sa demande dans les 10 jours de la réception de l’acte.