Le paiement de la lettre de change et le recours en cas de défaut

Le paiement de la lettre de change et les recours en cas de défaut de paiement

Le paiement de la lettre de change est l’exécution de l’obligation cambiaire par le débiteur au profit du porteur. Le droit cambiaire impose au porteur de réclamer le paiement à bonne date et oblige le débiteur à payer sans délai. En cas d’incident de paiement, des recours peuvent être exercés parfois avant l’échéance même (V. n° 236). Mais les recours sont strictement encadrés et précédés par des procédures obligatoires

Section I : le processus de paiement :

§1°)- la présentation au paiement :

A)- auteur de la présentation :

C’est le dernier endossataire, le porteur qui présente la traite au paiement.

Il est obligé à cette présentation, sous peine de voir sa responsabilité engagée, sauf dans deux cas :

– procédure collective ouverte contre le tiré.

– protêt faute d’acceptation a été dressé.

B)- lieu de présentation :

C’est au lieu indiqué sur la traite, en principe.

Si cette mention fait défaut, c’est au lieu indiqué à coté du nom du tiré.

Toutefois, en pratique, avec la généralisation de l’escompte, le porteur est généralement toujours un banquier, escompteur, et la présentation au paiement se fait sous forme dématérialisée dans le système de télécompensation.

C)- moment de la présentation :

C’est à l’échéance : qui n’est pas le moment à partir duquel on peut présenter la traite au paiement, mais le moment à partir duquel, on a le droit de réclamer le paiement.

La règle a été assouplie par :

Code de Commerce ; L511-26 qui dispose que lorsque la traite est payable à jour fixe ou à un certain délai de date ou à vue, elle peut être présentée soit au jour de son échéance soit les 2 jours ouvrables suivant l’échéance.

Décret du 29/10/1940 : disposition prise en temps de guerre qui devait être temporaire, mais elle a survécu. Il prévoit que la présentation peut valablement être effectuée dans le délai de 10 jours à compter de l’échéance.

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§2°)- le paiement effectif :

A)- les modalités de paiement :

Deux spécificités par rapport au droit commun du paiement :

admission du paiement partiel, puisque le tiré peut imposer au porteur un paiement partiel alors le porteur fera dresser protêt pour la partie impayée.

interdiction de toute opposition au paiement : interdiction de la révocation de l’ordre de paiement, sauf cas énoncés dans Code de Commerce ; L511-31 : perte, vol, ouverture procédure collective contre le porteur.

B)- la preuve du paiement :

Code de Commerce ; L511-27 dispose que le tiré peut exiger, en payant la lettre de change, qu’elle lui soit remise acquittée par le porteur.

La preuve du paiement résulte donc de la considération de deux éléments :

– remise de la traite,

– avec la mention « acquittée » dessus.

Si un des deux fait défaut, la seule mention « acquittée » ne fait pas preuve du paiement.

Si remise du titre sans mention, il s’agit d’une présomption de paiement. Simple ? Irréfragable ?

Cour de cassation ; 1852 : présomption simple.

Com ; 6/05/1991 : renverse cette jurisprudence, posant le caractère irréfragable de la présomption lorsque la remise de la traite au tiré est une remise volontaire.

II – Les recours en cas de défaut de paiement :

Si la présentation au paiement échoue, le porteur peut alors exercer des recours cambiaires et fondamentaux.

§1°)- les recours cambiaires :

A)- les recours cambiaires du porteur diligent :

1°)- les conditions d’exercice des recours :

– il faut que le recours soit ouvert.

Le recours s’ouvre normalement à l’échéance, si le tiré ne paye pas à 1ère présentation.

Aucun délai de grâce ne peut être obtenu (rigueur de l’obligation cambiaire).

Les recours s’ouvrent par anticipation dans certaines hypothèses :

∙ en cas de refus d’acceptation par le tiré ;

∙ en cas d’insolvabilité du tiré-accepteur ou non, établi par l’une des circonstances énumérées par Code de Commerce ; L511-38 : ouverture d’un redressement judiciaire ou liquidation de bien, cessation de paiement, non constatée par un jugement et saisie des biens demeurée infructueuse.

– il faut que le non paiement ait été constaté par un protêt.

Code de Commerce ; L511-39 pose le principe selon lequel le protêt est la condition d’existence du recours cambiaire.

Ce principe est toutefois assorti d’exceptions :

exceptions légales :

Le protêt n’est pas requis dans trois hypothèses :

– redressement ou liquidation judiciaire du tiré ou du tireur d’une traite non acceptable.

– protêt, faute d’acceptation, a été dressé.

Code de Commerce ; L511-50 : le protêt est rendu impossible par un obstacle de force majeure, pendant plus de 30 jours, les recours cambiaires pourront quand même être exercés.

exceptions conventionnelles :

Code de Commerce ; L511-43 beaucoup plus souvent mises en œuvre, lorsqu’une clause sans frais ou de retour sans frais ou sans protêt figure sur la traite, elle dispense le porteur de faire dresser protêt.

Ce sont les deux seules conditions d’exercice de recours cambiaire.

Code de Commerce ; L511-42 prévoit une autre formalité, mais pas condition d’exercice : obligation pour le porteur s’il s’est heurté à un refus de paiement d’en donner avis à son endosseur, dans les 4 jours qui suivent le jour du protêt.

A son tour, l’endosseur, dans les 2 jours de la réception de l’avis, doit prévenir son propre endosseur.

Et cela jusqu’au tireur.

Si le porteur ne fait pas cette notification, il pourra simplement voir sa responsabilité engagée, si l’endosseur arrive à prouver un préjudice né du défaut d’avis.

2°)- l’exercice des recours :

a)- L’action principale du porteur :

– contre qui le porteur exerce-t-il ses recours cambiaires ?

Code de Commerce ; L511-44 : contre tous ceux qui ont tiré (tireur), accepté (tiré-accepteur), avalisé ou endossé la lettre de change.

Ces débiteurs cambiaires sont tenus solidairement, pouvant être actionnés indifféremment en paiement.

– montant : Le montant de la traite + les intérêts au taux légal, depuis l’échéance, + tous les frais (comme pour le chèque).

– forme: Comme pour le chèque, le recours peut être :

  • – amiable ;
  • – par la contrepassation, lorsque le porteur est un banquier escompteur ;
  • – recours judiciaire.

– délai : Prescription cambiaire, abrégée, Code de Commerce ; L511-78 pose plusieurs prescriptions :

  • contre le tiré-accepteur : 3 ans à compter de l’échéance.
  • contre le tiré et les endosseurs : 10 ans à compter du protêt ou de l’échéance s’il existe une clause dispensant de protêt.
  • contre le donneur d’aval : 1 an ou 3 ans, même prescription que pour l’action contre l’avalisé.

b)- l’action récursoire du signataire ayant payé :

Code de Commerce ; L511-44al3 prévoit que le même recours, que celui ouvert au porteur impayé, est ouvert à tout signataire de la traite qui a payé celle-ci.

– contre qui le débiteur ayant payé se retourne-t-il ?

Si c’est un endosseur, qui a payé, il se retourne contre :

  • ∙ les endosseurs antérieurs ;
  • ∙ le tireur ;
  • ∙ éventuellement contre le tiré s’il est accepteur.

Si c’est le tireur, qui a payé, il n’a de recours cambiaires que contre le tiré si le tiré a accepté la traite.

– montant, forme :

Le montant de la traite + les intérêts au taux légal, depuis l’échéance, + tous les frais (comme pour le chèque).

Comme pour le chèque, le recours peut être :

  • – amiable ;
  • – par la contrepassation, lorsque le porteur est un banquier escompteur ;
  • – recours judiciaire.

– délais :

  • ∙ 6 mois à compter du jour où il a payé, si le recours a été amiable à son encontre.
  • ∙ 6 mois à compter du jour où il a été actionné en paiement si le recours était judiciaire.

B)- la sanction du porteur négligent :

Porteur négligent, Code de Commerce ; L511-49, c’est celui qui n’a pas respecté les délais fixés par le droit cambiaire :

– il n’a pas présenté la traite au paiement dans les délais

– ou n’a pas fait dresser protêt en temps utile.

Sanction : le porteur est déchu de ses actions cambiaires contre les endosseurs, le tireur et les autres coobligés, à l’exception du tiré-accepteur.

Le porteur négligent garde deux recours cambiaires :

  • – un recours contres le tiré-accepteur (Code de Commerce ; L511-49).
  • – un recours contre le tireur ne justifiant pas qu’il a fait provision.

Le recours contre l’endosseur qui s’est enrichi injustement n’existe pas comme en matière de chèque.

En matière de traite, il n’existe pas au bénéfice du porteur négligent, un recours cambiaire contre l’endosseur qui se serait enrichi injustement.

En matière de chèque, l’enrichissement s’entend du gain réalisé comme de la perte évitée. L’endosseur qui s’est enrichi est celui qui a été crédité du montant du chèque alors que le chèque s’est avéré sans valeur.

Injustement signifie que doit être caractérisée à l’encontre de l’endosseur une fraude, une faute, voire une négligence ou imprudence pour que le porteur puisse garder ce recours cambiaire à son encontre.

§2°)- les recours fondamentaux :

Ces recours sont de deux sortes comme pour le chèque :

un recours contre le tiré : c’est l’action née de la provision ;

un recours contre le précédent endosseur : c’est l’action née de la valeur fournie, du contrat qui lie l’endosseur et le porteur.

Ces actions sont soumises au droit commun en tout point.