Le pourvoi en cassation : procédures et conséquences

La procédure et les effets du pourvoi en cassation

En réalité, il faut distinguer selon que la procédure est avec ou sans représentation obligatoire par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation. Le point commun de ces procédures est leur caractère essentiellement écrit, ce qui oblige à accomplir les actes de procédure dans les formes et dans les délais requis à peine d’irrecevabilité du recours.

&1) La procédure du pourvoi :

  • a) La procédure avec représentation obligatoire :

Elle forme en réalité le cadre ordinaire du pourvoi, la procédure de droit commun impose en effet la représentation par constitution d’un avocat au conseil qui dispose d’un monopole de la représentation et don le ministère est obligatoire sauf dérogation expresse (légale). La cour européenne des droits de l’homme a précisé que cette représentation de l’avocat spécialisé devant les cours suprêmes n’était pas contraire à l’article 6§1 compte tenu du rôle particulier que jouait ses cours dans l’élaboration du droit. Affaire Voisine contre France du 8 février 2000 et un arrêt du 26 juillet 2002 Meftah contre France.

La déclaration du pourvoi signé par l’avocat au conseil et doit contenir un certain nombre de mentions relatives à l’identification des parties à l’indication de la décision attaquée et éventuellement à l’état de la procédure d’exécution. Cette déclaration est remise au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de défendeurs au pourvoi et l’exécution de cette formalité est constatée par visa du secrétariat au greffe de la Cour de Cassation. La deuxième étape consiste à notifier au défendeur cette déclaration, le défendeur est averti par le greffier qui lui adresse un exemplaire de la déclaration avec l’indication qu’il doit constituer avocat au conseil s’il entend se défend. Simultanément, le greffier se fait transmettre le dossier de l’affaire.

Le dépôt et la signification des mémoires : le demandeur doit dans les 5 mois à compter de la déclaration du pourvoi remettre au greffe et signifier au défendeur son mémoire. L’article 978 indique que ce mémoire doit contenir les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée sachant que le non-respect de ces exigences est sanctionné par l’irrecevabilité du pourvoi. De même, l’article 979 impose au demandeur de joindre au mémoire un certain nombre de documents et de pièces sous peine là encore d’une irrecevabilité du pourvoi qui peut d’ailleurs être prononcée d’office.

Ensuite, c’est au tour du défendeur qui dispose d’un délai de trois mois à compter de la signification du mémoire du demandeur pour remettre au greffe un mémoire en réponse et le notifier au demandeur.

A partir de là, selon la difficulté du pourvoi, l’affaire peut être distribuée de différentes façons : l’affaire peut être distribuée à une formation restreinte de trois juges lorsque la solution parait s’imposer d’elle-même. Concernant cette formation, il est important de souligner que selon la loi du 25 juin 2001, cette formation a le pouvoir de déclarer non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ce qui fait d’elle une chambre des requêtes.

Le président désigne alors un rapporteur, transmet le dossier au ministère public et fixe une date d’audience. Devant cette formation, il faut tout d’abord souligner que l’avocat général émet seulement un avis, il est dispensé de conclure et d’autre part, le rapport du conseiller se fait oralement.

L’affaire peut également être distribuée à une formation normale de 5 juges. Là encore, le président va désigner un rapporteur. La procédure est ici plus formaliste ; à partir du moment où le rapporteur dépose son rapport au greffe, les parties ne peuvent plus déposer aucune observation écrite, on considère que l’affaire est en état avec une soupape de sécurité prévue à l’article 1025 qui permet au président d’avertir les parties de certains moyens de cassation qui peuvent être relevés d’office pour que les parties puissent présenter leurs observations. Devant cette formation, le dossier est communiqué au ministère public qui doit préparer des conclusions dans le plus bref délai et qui doit proposer une inscription au rôle de l’affaire. A partir de là, les débats sont publics, sauf si la cour en dispose autrement, les avocats peuvent être entendus sur leur demande après le rapport. Les parties peuvent l’être aussi si elles y sont autorisées par le président. La cour statuera nécessairement après l’avis du ministère public qui désormais doit être communiqué aux parties avant l’audience, dans tous les cas, ces parties doivent pouvoir être mises à même d’y répondre.

Enfin, la distribution peut se faire à une chambre mixte ou à une assemblée plénière ce qui implique une décision d’une plus grande importance ce qui est assez exceptionnel sachant que devant ces formations il n’y a pas de règles propres à suivre.

  • b) La procédure sans représentation obligatoire :

Lorsqu’une disposition spéciale dispense les parties du ministère d’avocat au conseil, le pourvoi est formé par déclaration qui émane soit de la partie soit d’un mandataire muni d’un mandat spécial. Cette déclaration qui prend la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception doit contenir un certain nombre de mentions usuelles, le greffier enregistre alors le pourvoi et bien entendu accuse réception en mentionnant surtout la date de ce pourvoi. Il adresse ensuite une copie de la déclaration au défendeur et demande à la juridiction qui a rendu la décision attaquée la transmission du dossier. La suite de la procédure est plus simplifiée et plus rapide car le demandeur dispose d’un délai de trois mois pour faire parvenir son mémoire énonçant les moyens de cassation, ce mémoire est notifié par le greffier au défendeur qui a deux mois pour adresser un mémoire en réponse. Le dossier est là aussi confié à un conseiller rapporteur ainsi qu’à un avocat général qui doit donner son avis. A l’audience, on entendra successivement le rapporteur, les parties et l’avocat général.

  • c) La portée des arrêts de la Cour de Cassation :

En réalité, cette portée varie selon la nature de la décision émanant de la Cour de Cassation. On peut avoir tout d’abord un arrêt de rejet du pourvoi qui rend alors la décision attaquée irrévocable. Cependant, il faut quand même tenir compte de l’existence de certaines procédures qui permettent de réparer d’éventuelles erreurs matérielles ou qui permettent d’interpréter un arrêt confus de même la Cour de Cassation a créé un appel prétorien que l’on appelle le rabat d’arrêt qui permet à un plaideur victime d’une erreur de procédure imputable à la Cour de Cassation ou à ses services d’obtenir une nouvelle décision.

L’arrêt de cassation a une portée plus ou moins étendue selon que la cassation est partielle ou totale, elle peut s’effectuer sans renvoi lorsqu’il n’y a plus rien à juger sur le fond. L’arrêt de cassation peut aussi renvoyer les parties devant les juges du fond, dans cette hypothèse, il revient aux parties de saisir dans un délai de 4 mois, à compter de la notification de l’arrêt de cassation la juridiction de renvoi désignée. Devant cette juridiction, l’affaire est rejugée en fait et en droit dans tous les points cassés et à ce stade, les tous peuvent invoquer de nouveaux moyens.

&2) Les effets du pourvoi en cassation :

Le pourvoi, en principe, n’a ni d’effet suspensif ni d’effet dévolutif. Par conséquent, la saisine de la Cour de Cassation est limitée.

  • a) L’absence d’effet suspensif :

En ce qui concerne tout d’abord l’absence d’effet suspensif, il convient de rappeler que la mise en œuvre du pourvoi en cassation n’interdit pas l’exécution de la décision frappée du pourvoi ce qui implique que quand cette décision est cassée, il y a lieu à restitution mais celle-ci ne pourra être imputée à faute et les intérêts des sommes restituables ne courront qu’à compter de la mise en demeure du débiteur qui résulte tout simplement de la notification de l’arrêt de cassation.

LE pourvoi n’est pas un obstacle à l’exécution de la décision critiquée, bien au contraire, si l’on se réfère à l’article 1009-1 du nouveau code de procédure civile, cette exécution est même une condition du pourvoi, en effet, cet article dispose qu’hors les matières ou le pourvoi empêche l’exécution de la décision attaquée, le premier président peut décider à la demande du défendeur et après avis du procureur général et observations des parties, le retrait du rôle d’une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée du pourvoi.

Exceptionnellement, des dispos particulières peuvent conférer au pourvoi un effet suspensif, c’est le cas en matière d’état des personnes, de nationalité, de divorce ou de séparation de biens.

  • b) L’absence d’effet dévolutif :

Le pourvoi n’est pas une voie de dévolution car la chose jugée n’est pas remise en cause pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit, le pourvoi ne vise qu’à permettre l’annulation de décisions contraires aux règles de droit. La Cour de Cassation ne connaît donc que des questions de droit et dans la limite des moyens de cassation qui lui sont proposés. Ce qui veut dire que l’étendue de la saisine de la Cour de Cassation est délimitée par les moyens de cassation qui lui sont soumis. Néanmoins, il ne faut pas oublier que la saisine de la Cour de Cassation au regard des questions de droit peut s’étendre naturellement. Ne serait-ce que tout d’abord parce que le défendeur peut étendre la saisine à d’autres chefs que ceux invoqués par le demandeur, en outre, la Cour de Cassation a le pouvoir de soulever d’office les moyens de cassation, moyens de pur droit ou d’ordre public, qui sont par hypothèse des moyens de droit à condition qu’elle ait invité les parties à présenter leurs observations.

Cette Cour de Cassation est juge du jugement critiqué et non de l’affaire, c’est ce qui explique la règle de l’article 619 alinéa 1 qui déclare les moyens nouveaux irrecevables. Le moyen nouveau est défini comme celui que la partie aurait pu soulever devant les juges du fond mais qui ne l’a pas été. Cette règle connaît cependant deux exceptions, tout d’abord, des moyens nouveaux peuvent être invoqués pour la première fois devant la Cour de Cassation s’il s’agit de moyens de pur droit ou de moyens nouveaux touchant à l’ordre public dès lors qu’il résulte de pièces déjà produites devant les premiers juges.

Des moyens nouveaux tirés de la décision elle-même peuvent invoqués pour la première fois devant la Cour de Cassation. Il en résulte en fait que le litige n’est pas aussi figé qu’on le croit devant la Cour de Cassation, qu’il peut évoluer à l’initiative de la cour mais seulement sur les éléments de droit.