Le pouvoir, moyen d’action d’État : origine, organisation, légitimité

Le pouvoir, moyen d’action d’État : origine, organisation et légitimité

Le pouvoir politique peut être regardé comme le moyen d’action essentiel de l’Etat. C’est comme ça qu’il se manifeste.

Le pouvoir dans les sociétés humaines est un phénomène général.

  • I. Spécificité du pouvoir politique

D’une manière générale, le pouvoir est :

Définition : la capacité d’un individu à obtenir d’un autre un comportement donné qu’il n’aurait pas spontanément adopté (G. Burdeau).

=> Tous les actes de la vie sociale sont concernés par cette définition. Ex : la famille, le sport, les loisirs, l’enseignement.

Si l’on veut parler du pouvoir politique, il faut distinguer :

  • l’influence
  • le pouvoir au travers de sa force, c’est-à-dire un aspect normatif : une règle qui permet d’exiger un comportement.

Il y a deux façons d’envisager la spécificité du pouvoir :

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

A) Spécificité par sa globalité

Dans le langage courant, on parle de plusieurs pouvoirs (militaire, politique, sportif, etc.)

Définition : le pouvoir politique est celui qui s’exerce sur :

  • l’ensemble de la collectivité
  • l’ensemble du groupe humain

… par opposition au pouvoir parcellaire des groupes humains.

Puisque le pouvoir s’exerce sur l’ensemble du groupe, il est souverain. Il décide librement, il n’est pas limité par un autre. La souveraineté du pouvoir politique découle de celle de l’Etat.

Le pouvoir politique, supérieur aux autres, est donc civil. Le pouvoir militaire lui est subordonné et n’a capacité d’action que dans des secteurs précis. Le pouvoir politique nomme les chefs de l’autorité militaire, il détermine ses objectifs et ses moyens.

Le pouvoir politique est un pouvoir temporel : c’est le principe de séparation des pouvoirs de l’Eglise et de l’Etat. Ceci n’a pas été toujours le cas, les deux furent longtemps liés. Il reste des cas où l’influence religieuse a une importance considérable : les théocraties.

Ex : l’Iran : nous ne sommes pas dans l’hypothèse du pouvoir temporel.

Le pouvoir économique

Dans la théorie classique, l’Etat ne s’occupe pas de l’économie, il joue au pire un rôle d’Arbitre. Il s’assure que l’activité économique respecte les principes fondamentaux, comme par exemple la libre concurrence des marchés.

L’Etat fait de plus en plus souvent de l’Economie son activité principale. L’impact au moment des élections est fort, et les performances de l’Etat sur l’emploi, le développement et l’économie sont très regardées.

Au-delà du simple arbitrage, il y a la manifestation d’un pouvoir en principe justifié par l’intérêt général. L’intérêt général ne cache-t-il pas des intérêts particuliers ? L’Etat à donc un rôle d’unification des intérêts.

Il faut retenir l’idée d’indépendance et de supériorité du pouvoir politique. Une décision de l’Etat est impérative. En l’absence de respect, il y a possibilité de sanction.

B) Spécificité par l’éventuel recourt à la force

En cas de non-respect : sanctions.

Cette règle ne fonctionne que si l’individu l’accepte. Un individu ne peut pas sortir du groupe face (se soustraire) à un pouvoir politique, mais celui-ci seul peut exercer une contrainte sur les droits fondamentaux de l’individu (vie, liberté, biens, etc.). Exemple :

  • la peine de mort
  • les peines de prison
  • les peines d’amende

L’Etat dispose de possibilités de répression, de l’amende à la prison, voire la mort. Note : la peine de mort a été supprimée en France en 1981.

Pour cela, l’Etat a la possibilité de faire appel à la force pour maintenir l’ordre public. Il peut exercer la coercition : force de police.

L’Etat dispose d’un monopole, il est le « monopoleur de la contrainte ». Weber : « l’Etat a le monopole de l’usage légitime de la violence ».

Légitimité : le caractère exorbitant de ce pouvoir sur la vie et la liberté est accepté. Pourquoi ?

  • II. Origine et légitimité du pouvoir

Tout Etat connaît un pouvoir politique avec sa spécificité. Comment le groupe voit-il ce pouvoir ?

A) Le problème de l’origine

Deux grandes conceptions, très foisonnantes :

  1. L’origine divine

Tout groupe a une idée de sa propre origine. Elle peut être un mythe qui lui permet de se glorifier par exemple. L’idée, donc, est que le pouvoir est rattaché à cet ancêtre mystique. Celui qui a le pouvoir est le représentant de Dieu sur terre et exerce l’autorité sur terre au nom de ce dernier.

Longtemps la religion a été une sorte de pilier de la politique, et inversement. Chaque Etat a voulu contenir sa religion, d’où des schismes religieux.

Cette conception a beaucoup régressé aujourd’hui. En France, la séparation s’est faite en 1905, alors que l’Eglise n’a reconnu la 3ème République qu’en 1892.

Il existe des liens forts entre politique et religion, notamment dans les comportements électoraux. Même si le lien institutionnel entre politique et religion est tranché, il reste un lien instinctif. En fait, l’un et l’autre sont la représentation de deux futurs possibles. Ex : un avenir terrestre et un avenir supraterrestre.

=> Tentation permanente d’associer l’un et l’autre et de justifier l’un par l’autre.

  1. L’origine populaire

Apparaît en réaction au 18ème siècle par Rousseau. Elle consiste en l’abandon d’une partie de leur autonomie et le fait d’admettre que dans ces domaines-là, c’est l’Etat qui gèrera. L’origine du pouvoir est donc dans le peuple, par sa volonté.

L’idée du pouvoir dans le peuple n’est plus discutée aujourd’hui.

B) La notion de légitimité

Etre légitime, est être considéré comme tel. C’est l’acceptation ou le consentement des gouvernés qui donne le pouvoir. L’acceptation rend normal ce pouvoir. C’est possible quelque soit l’origine du pouvoir (divine ou populaire). La légitimité est le fait de croire en cette origine du pouvoir.

Il existe trois types de légitimité selon WEBER :

  1. La légitimité traditionnelle: c’est l’idée du gouvernement du prince, du roi, fondée sur les traditions, l’hérédité, et l’origine divine.
  2. La légitimité charismatique: le gouvernement d’un chef qualifié par son prestige, son pouvoir sera reconnu même en l’absence de règles.
  3. La légitimité rationnelle: c’est la légitimité d’autorité investie par l’établissement de règles de droit choisies par tous. Elle se traduit par les élections.

Ces distinctions sont canoniques et recevables, ce sont des « idéaux-types » (WEBER) qui en fait interfèrent entre eux. Exemples :

  • De Gaulle, sa légitimité est charismatique et rationnelle
  • Juan Carlos : sa légitimité est rationnelle (par Franco) et aussi traditionnelle (monarchie)

Tout gouvernant rationnel tente de conforter les règles qui le soutiennent en choisissant un appui auprès des masses en suscitant une relation de type charismatique pour conforter leur légitimité rationnelle. Ex : importance des sondages de popularité. Par extension, le culte de la personnalité vient à l’appui de cette légitimité.

Le consensus vient de l’adhésion massive de la Nation. S’il n’y a pas de consensus, cela provoque une rupture, qui peut se traduire par une révolution dans sa forme la plus extrême. Le problème du consentement au pouvoir est une question d’accord des forces collectives. L’accord des grandes forces entre elles accorde l’accord de l’opinion, qui fait qu’elle accepte le régime en place. Ces forces politiques s’intègrent pour critique ou approuver le pouvoir.

III. Le statut du pouvoir dans l’Etat

Si le pouvoir n’est plus une prérogative personnelle exercée par la force mais distinct de la personne, il est donc institutionnalisé. Comment se fait cette institutionnalisation ?

A) Souverain et gouvernants

Il faut faire une distinction entre Etat et gouvernant.

C’est-à-dire qu’il faut faire une distinction entre celui à la source du pouvoir et celui qui l’exerce, autrement dit ce sont des différences entre souverain et gouvernant.

  1. Le souverain

Le souverain est à la source même du pouvoir. Le pouvoir est en lui. Il détermine l’ordre social désirable, c’est-à-dire le but à atteindre. Il est celui qui établi/approuve les règles qui déterminent le pouvoir dans l’Etat. Pendant la royauté, c’était « les lois fondamentales du royaume ». Depuis le 18ème siècle, il s’agit de la Constitution. On dit que le souverain détient le pouvoir constituant.

Ce souverain peut être :

  • un monarque (le roi, le prince souverain, etc.). Cf. « L’Etat, c’est moi »
  • le peuple
  1. Les gouvernants

Les gouvernants sont les individus désignés par le souverain chargés d’exercer le pouvoir, ce qui équivaut à gérer les affaires publiques. Ils mettent en œuvre la puissance de l’Etat, ils sont les délégués du souverain, ils mettent en œuvre sa volonté. Ils sont passagers, en cela qu’ils sont temporaires et en place pour une durée donnée. Ainsi ceci s’oppose à la permanence de l’Etat. L’exercice du pouvoir est confié aux gouvernants, mais non le pouvoir lui-même.

Définition des gouvernants :

Agents passagers de l’exercice du pouvoir, lequel leur est confié. Leur volonté, en tant que valeur personnelle, n’a pas d’existence juridique. Ce n’est que leur volonté d’agent de l’Etat qui compte.

B) L’exercice du pouvoir

La grande question de la répartition du pouvoir de l’Etat sera vue ultérieurement. Ici, il s’agit des notions de :

  1. compétence
  2. légalité
  3. responsabilité
  1. La compétence

Les gouvernants n’ont pas un pouvoir absolu en et sur les choses. Ils ont des compétences : il leur est reconnu des capacités d’agir. Hors de ce domaine, ils n’ont pas de possibilité d’agir. Ces compétences sont définies par la Constitution pour tous les agents du pouvoir ou par les lois qui l’accompagnent.

Deux expressions latines caractérisent ces compétences.

  1. rationae materiae: en raison de la matière
  2. ratione loci: en raison du lieu

Ces compétences sont limitées à une matière particulière (ex : l’éducation, l’économie, la défense, etc.) et le périmètre (ex : l’ensemble du territoire, la région, le département). L’agent est défini par la matière qui lui revient et en fonction de la circonscription d’action qui lui est reconnue.

Il faut distinguer la compétence au sens juridique du terme et la compétence en tant que qualité intellectuelles. => La compétence est la délégation de l’Etat pour agir en son nom.

  1. La légalité

Le pouvoir doit respecter lui-même la règle de droit qu’il a posé. L’Etat (les gouvernants) peuvent modifier les règles mais ne peuvent pas les transgresser. => L’action que l’Etat mène doit être conforme à la légalité.

Les gouvernements doivent respecter l’ensemble des lois, que ce soit la loi elle-même ou d’autres sources de droit. Sans ça, il y a un recourt possible du citoyen pour faire annuler un texte de l’exécutif. Tous ces contrôles qui amènent les gouvernements à agir selon le droit deviennent l’expression d’ « Etat de droit ».

La distinction avec les pouvoirs de fait ou bien autoritaires se fait d’elle-même.

  1. La responsabilité.

Les gouvernants agissent au nom du souverain et doivent donc lui rendre des comptes.

Article 15 de la DDHC : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

=> Les gouvernants sont responsables de ce qu’ils font devant celui qui les a nommé (= l’Etat).

Les élections sont un des moyens d’avouer ou de désavouer.

Il y a aussi une responsabilité générale au sens plus étroitement juridique du terme. Si un acte est à l’origine de dommage, son auteur (généralement l’Etat) est responsable de ce dommage et a l’obligation de le réparer (remettre en état ou indemniser).

L’essentiel est la responsabilité politique, c’est-à-dire le contrôle de l’exercice du pouvoir par le peuple (élections) ou bien l’idée de la responsabilité devant le parlement.

Dans le passé, le gouvernement était amené à justifier de son activité devant le parlement et pouvait être renversé par celui-ci. En anglais, on utilise le terme d’ «accountability», qui est « le fait de devoir rendre des comptes ». Intraduisible directement en français.

L’exercice du pouvoir s’inscrit dans ces limites autour de ces notions de compétence.

Ces limites sont faites pour que ce pouvoir reste acceptable. S’il est acceptable, il est donc accepté, et sa légitimité n’est plus remise en cause.