Le préjudice lié à la naissance et l’affaire Perruche

LE PRÉJUDICE DE NAISSANCE

En France nul, désormais, «ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance». C’est la fin de la jurisprudence Perruche.

Un enfant né à la suite de l’échec d’une IVG ou d’un traitement de stérilisation : une femme enceinte décide de ne pas avoir d’enfant mais l’acte du médecin ne permet pas d’empêcher la naissance de l’enfant. Un enfant naît, parfaitement sain.

La mère peut-elle demander réparation du préjudice subi par la faute du médecin ? La faute du médecin est incontestable mais celle-ci entraîne-t-elle un préjudice réparable ? La Cour de cassation, par un arrêt du 25 juin 1991, pose par principe que l’existence d’un enfant ne peut à elle seule constituer pour sa mère un préjudice réparable, même si la naissance est survenue à la suite d’une IVG. La même solution avait été dégagée par le Conseil d’Etat par un arrêt du 2 juillet 1982.

Il existe cependant des exceptions à ce principe de non réparation lorsque l’enfant a été conçu dans des circonstances particulières, à savoir en cas de viol ou inceste où le préjudice n’est pas dans la naissance de l’enfant lui-même mais dans les circonstances ayant entouré la naissance de l’enfant.

Un enfant peut-il s’associer lors de l’instance pénale à la demande en partie civile de la mère à l’encontre de celui qui était à la fois son grand-père et son père ? La Crim, en 1998, a admis une telle constitution de partie civile.

Ce domaine n’est cependant absolument pas traité dans la loi du 4 mars 2002.

– Enfant né à la suite de l’échec d’une IVG ou d’une stérilisation et qui ne naît pas sain à cause de l’intervention : la faute du médecin entraîne la réparation d’un préjudice totalement réparable.

Le préjudice réparé est celui de l’enfant lui-même ainsi que celui des parents.

Enfant né handicapé à cause d’un handicap congénital (le médecin ne peut préventivement y remédier) qui n’a pas été repéré par un médecin : il y a aujourd’hui les moyens scientifiques de savoir si un enfant est atteint d’un handicap congénital. Arrêt Perruche: amiosynthèse destinée à vérifier si un enfant était porteur de certaines maladies. Préalablement, un arrêt de la 1ère civ du 26 mars 1996 a retenu qu’en cas de manquement du médecin à son obligation d’information sur la révélation du handicap congénital d’un enfant, lequel n’a pas permis aux parents de choisir entre un IVG et la naissance, est constitutif d’un préjudice de l’enfant et des parents. Cela est confirmé par l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000: le problème se posant est le lien de causalité entre la faute du médecin (manquement à l’obligation d’information) et le préjudice subi (enfant né handicapé) car même si le médecin avait informé, l’enfant serait né quand même. Le second point porte sur les conséquences pour les parents de la naissance de l’enfant dans leur vie quotidienne.

Cette solution est d’opportunité. Elle sera rappelée par trois arrêts de la 1ère civ du 13 juillet 2001 et deux arrêts de l’ass plèn du 28 novembre 2001.

La loi du 4 mars 2002 est alors intervenue et pose alors comme principe que nul ne peut se prévaloir comme préjudice le seule fait de sa naissance. Cela avait pour seul but de casser la jurisprudence Perruche.

Deux situations visées :

  • handicap causé ou aggravé suite à une faute médicale : ce n’est pas la naissance qui cause un préjudice mais le handicap dû à la faute du médecin. Celui-ci voit alors sa responsabilité maintenue.
  • handicap congénital et manquement du médecin à son obligation d’information n’ayant pas permis aux parents de choisir. Il est clairement refusé l’indemnisation du préjudice subi par l’enfant. En revanche, le préjudice des parents est confirmé, mais avec une distinction :
    • seul le préjudice moral découlant de la naissance de cet enfant sera réparé au titre de la responsabilité civile
    • le préjudice matériel lié aux dépenses des parents dues au handicap de leur enfant, la solidarité nationale s’applique (ONIAM)

Application dans le temps de cette loi

L’article 2 du Code civil pose comme principe la non-rétrocativité de la loi. Il en découle le principe de l’application immédiate de la loi nouvelle et le principe de survie de la loi ancienne en cas de reconduction.

Désormais, il est rare qu’une loi ne comporte pas de dispositions transitoires.

La loi du 4 mars 2002 est applicable aux instances en cours. Par conséquent, cela implique une rupture d’égalité des armes. La 1ère civ, dans un arrêt du 24 janvier 2006, dit qu’il n’y pas lieu d’appliquer cette loi aux instances en cours (rupture de l’égalité des armes). Cela vient en application d’un arrêt de la CEDH Draon c/ France du 6 octobre 2005.

Cette décision a été reprise par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 24 février 2006.