Le principe de la contradiction au procès

Le principe de la contradiction (ou du contradictoire).

Les textes parlent du principe du contradictoire. Les deux expressions sont synonymes. Ce principe de la contradiction est le plus important des trois principes directeurs du procès (avec le principe dispositif et le principe accusatoire).

En vérité, dans un procès contentieux, la contradiction est le procès lui-même, ni plus, ni moins. Ce principe est fondamental au sens où l’entend la Cour européenne des Droits de l’Homme. On ne l’a pas attendu pour le comprendre.

Dès le XIXe siècle, la Cour de Cassation estimait que le principe de la contradiction était un principe de droit naturel, invariable, attaché par essence au procès. Ce principe fut repris par Henry Motulsky à la veille du Code de Procédure Civile.

Simplement, Henry Motulsky généralisait et parlait des droits de la défense. Le principe de la contradiction n’est rien que la manifestation d’un principe plus large, le respect des droits de la défense, employer la langue française.

Encore en matière contentieuse, cette contradiction s’impose aux parties, au juge, et au législateur.

  • A) La contradiction et les parties.

C’est l’article 14 du Code de Procédure Civile qui énonce que « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. »

Autrement dit, à chaque fois qu’une partie est entendue par le juge, celui-ci doit entendre l’autre également, tout du moins l’appeler pour qu’elle puisse faire entendre ses prétentions.

Techniquement, cette obligation s’impose aussi avant tout aux parties dans l’organisation ordinaire de l’instance.

Dans l’assignation, le demandeur appelle l’adversaire à l’instance. Si l’adversaire n’a pas été appelé convenablement, le jugement n’a pas été rendu valablement.

La jurisprudence a prévu une voie de recours sans texte, en annulation, un appel nullité, un pourvoi nullité.

De la même façon, lorsque le juge ordonne une mesure d’expertise, d’instruction et qu’il le fait à la demande d’une partie, l’autre partie doit être présente à l’expertise ou représentée pour pouvoir, le cas échéant, soulever des objections ensuite.

En somme, dans le procès, chaque partie a l’obligation d’informer son adversaire et de le faire en temps utile, l’informer des moyens de fait sur lesquels elle fonde ses prétentions, l’informer des moyens de preuve qu’elle produit et l’informer encore des moyens de droit qu’elle invoque.

C’est ce que dit précisément l’article 15 du Code de Procédure Civile. Tout, en somme, doit être fait dans la plus grande transparence. Tout se fait par voie de notification à l’adversaire des pièces, des conclusions, des actes de la procédure.

Si cette communication n’avait pas eu lieu, le juge pourrait purement et simplement rejeter ce qui n’a pas été soumis à la contradiction.

Il doit encore vérifier que cette communication a été faite en temps utile. Pour y veiller, le législateur impose souvent des délais et le juge de la mise en état peut imposer des délais pour la communication.

Un arrêt récent de la Cour de Cassation a rappelé que l’appréciation du délai utile relève du pouvoir souverain des juges du fond.

L’arrêt ne dit toutefois pas que le juge a renoncé à tout contrôle. Un revirement de jurisprudence n’est pas à exclure.

  • B) La contradiction s’impose au juge.

Par exemple, le juge de la mise en état, lorsqu’il impose des délais aux parties, doit veiller à ce que chacune ait matériellement le temps de répondre effectivement à l’autre partie.

Le principe de la contradiction s’impose également au juge. Le juge doit en toute circonstance observer lui-même le principe de la contradiction.

De la même façon, la formation de jugement devra veiller au respect de la contradiction par les parties, selon l’article 16 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, « le juge dans sa décision ne peut retenir des moyens qui n’ont pas pu être contradictoirement débattus. »

Si le contradictoire n’a pas eu lieu, le juge peu écarter du débat les pièces en question.

Le juge doit observer lui-même, personnellement le principe. Il ne peut rendre jugement qu’après un débat contradictoire. Même lorsqu’il sollicite les observations complémentaires des parties, il doit respecter la contradiction, même lorsqu’il soulève un moyen de pur droit d’office, il doit inviter les parties à faire valoir leurs observations, selon l’article 16 du Code de Procédure Civile.

  • C) La contradiction et le législateur.

Cette contradiction s’impose a législateur à plusieurs titres. D’abord, le principe de la contradiction emporte valeur constitutionnelle, il est aussi garanti par la Cour européenne des Droits de l’Homme. C’est l’une des manifestations les plus importantes d’un procès équitable.

Pour conclure, il existe des procédures unilatérales, des ordonnances sur requêtes, non contradictoires. Mais ces procédures font l’objet de voies de recours qui permettent de respecter l’exigence fondamentale du principe du contradictoire. Une absence de ce principe n’aurait pas lieu d’exister en procédure civile.