Le principe de légalité

Le principe de légalité : la portée du principe

Il signifie que l’administration doit se conformer à l’ensemble des règles et principes qui forment les sources de la légalité administrative. Il s’agit à présent de préciser la portée de cette soumission de l’administration aux normes supérieures. Il est en quelque sorte synonyme de la soumission de l’administration au droit. Son respect est assuré principalement par le juge administratif qui est compétent pour annuler les actes de l’administration contraires à la légalité.

Ce principe de légalité n’a pas une portée uniforme. Pas toujours la même portée en période normale, il impose à l’administration des obligation d’intensité variable. En période exceptionnelle, il connaît des assouplissements sensibles . On parle de légalité d’exception alors. Ce principe de légalité connaît des limites car certains actes de l’administration connaît une immunité juridictionnelle: ils ne peuvent faire l‘objet de recours devant le juge administratif. Il existe des limites à ce principe constituées par des actes de l’administration échappant au contrôle du juge (immunité juridictionnelle).

Elle peut être précisée à 2 égards. Il s’agit de savoir quelle est la nature des Obligations que le principe de légalité impose à l’administration (obligation d’action ou d’abstention) et ensuite il s’agit d’apprécier le degré de contrainte que ce principe fait peser sur l’administration et corrélativement le degré de liberté qu’il lui laisse. C’est à ces questions que réponde la distinction entre Obligation d’abstention et d’agir et la distinction entre pouvoir discrétionnaire et compétence liée.

  • 1: Obligation d’abstention et obligation d’action de l’administration

Ce principe de légalité s’impose à l’administration dans deux types d’obligation:

Respect d’une obligation négative qui consiste à s’abstenir de toute méconnaissance des normes supérieures (obligation générale). Interdiction de méconnaître les règles de formes comme les règles de fond que pose la C, la loi.. Celle de ne pas méconnaître la légalité c’est à dire toutes les normes supérieures.

Dans certains cas, le principe de légalité impose à l’administration une obligation d’agir positivement (positif) quand le texte le prévoit de manière express. Il s’agit de prendre des mesures, d’agir positivement, il en va ainsi chaque fois qu’un texte prescrit à l’administration une telle obligation.

Mais en dehors d’un texte express, l’administration est alors libre d’agir ou de ne pas agir. Mais c’est un principe connaissant des exceptions:

L’administration a l’obligation générale de prendre les mesures nécessaires à l’exécution des lois. Certaines de leur disposions ne sont pas applicables sans décret de mise en œuvre. L’abstention de l’administration à prendre des mesures d’exécution des lois constitue une illégalité et elle est susceptible d’engager sa responsabilité si elle excède un délai raisonnable compte tenu de la complexité de la mesure à prendre. Si cette absence de mesure d’application de la loi cause un dommage a un groupe de personne : responsabilité de l’administration. Ex: absence de mesures d’application 4 ans après la loi relative aux ostéopathes : arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 1962 Dame Kevers-Pascalis: le Conseil d’Etat estime qu’il s’agit d’une modalité obligatoire du pouvoir règlementaire et que l’administration ne pouvait dispenser de prendre des mesures d’exécution des lois que si des engagements internationaux de la France y faisait obstacle.

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat a précisé récemment que l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’impliquent nécessairement l’application de la loi. Il n’en va autrement que dans le cas où les engagements internationaux de la France y feraient obstacle : arrêt du 28 juillet 2000 (P. 322) Association France nature environnement. Puisque les conventions internationales priment sur la loi.

  • L’administration dans le cadre de ses pouvoirs de police (assurer l’ordre public), l’autorité compétente a l’obligation de prendre les mesures indispensables pour faire cesser les périls graves qui menacent l’ordre public. Si elle ne le fait pas elle commet une illégalité et peut engager sa responsabilité. Arrêt DOULET de 1959 et 1962 qui consacre cette solution.
  • L’administration est parfois tenue d’agir pour faire cesser une situation illégale. Illustration de cette situation constitué par l’obligation qui est imposé à l’administration d’abroger les règlements illégaux sur demande d’un administré. Arrêt de 1992: Solution étendue à l’abrogation des décisions individuelles non créatrices de droit. Décret du 28 novembre 1983. Il a renversé la jurisprudence et consacré l’obligation d’abroger tout les règlements illégaux depuis l’origine ou non. CE Alitalia est venu consacrer la même obligation sans citer le décret de 1983 et en faisant de cette obligation un PGD. le Conseil d’Etat a assumé qu’un simple décret émanant de l’administration ne pouvait renverser sa jurisprudence. Fait comme si le décret n’est jamais intervenu.
  • L’administration est tenue de poursuivre les occupants sans titre du domaine public.
  • 2 : Pouvoir discrétionnaire et compétence liée

La soumission de l’administration au principe de légalité ne signifie pas que l’administration se trouve privée de toute marge de manœuvre d’appréciation. Le principe de légalité ne signifie pas que l’adm est pieds et poings liés.

Ce principe à pour but de préserver les administrés contre l’arbitraire adm et non pas de priver l’administration de toutes libertés de son action, d’imprimer à l’action adm un caractère mécanique.

C’est à cet équilibre entre le respect du droit, de la légalité et le respect de la liberté nécessaire à l’action administrative que répond précisément la distinction entre compétence liée et pouvoirs discrétionnaires. Toute la légalité en période normale repose sur une tentative de conciliation entre ces deux respects. Le bon accomplissement des missions impliquent que celles-ci disposent de la liberté suffisante pour adapter ces décisions aux réalité concrètes auxquelles elles se trouvent confronter et quelle est le mieux à même de connaître. C’est à ce besoin de liberté que répond la distinction entre pouvoir discrétionnaire et compétence liée.

A) La compétence liée

Il y a compétence liée lorsqu’en présence de circonstances ou de faits déterminés, les textes imposent à l’administration de prendre une décision bien précise. Elle n’a pas le choix de sa décision mais est au contraire obligée de prendre telle décision ou telle partie bien précise. Elle lui est imposée. Elle ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation en opportunité quant au sens ou au contenu de la décision à prendre, celle-ci lui est dictée.

Ex: Lorsqu’un fonctionnaire atteint l’âge de la retraite, l’administration est obligée de le radier des cadres. L’administration ne peut apprécier si il est bon ou pas, et s’il est possible de le garder.

Si perte de la totalité des points du permis Ž adm doit retirer le permis.

La compétence liée peut concerner la décision dans sa totalité ou n’affecter que certains aspects.

Les textes peuvent imposer à l’adm de prendre une décision déterminée dans certaines circonstances et en même temps lui laisser le choix du moment de prendre cette décision.

Ex: Les textes peuvent fixer les conditions auxquelles l’administration peut accorder une autorisation mais ils peuvent aussi ne pas lui imposer de la délivrer si les conditions sont remplies.

Le texte peut lui laisser le choix de ne pas accorder l’autorisation. La compétence liée se combine avec le pouvoir discrétionnaire.

B) Le pouvoir discrétionnaire

Il s’oppose à la compétence liée en ce qu’il laisse à l’adm une certaine liberté d’appréciation dans l‘adoption ou l‘édiction de ces décisions. Il est susceptible de varier en fonction du contrôle du juge.

  1. Définition du pouvoir discrétionnaire

Il y a pouvoir discrétionnaire lorsqu’en présence de circonstances données, l’administration est laissée libre d’agir ou de ne pas agir, la faculté de prendre telle décision plutôt que telle autre.

Ex: dans le domaine de la fonction publique: un fonctionnaire commet une faute disciplinaire, l’autorité hiérarchique est libre d’engager des poursuites a son encontre ou de ne pas le faire compte tenu de la manière générale de servir du fonctionnaire. Supposons que l’administration engage des poursuites et que la faute soit avérée, les textes prévoient dans ce cas toute une gamme de sanction possible. Mais ces textes laissent l’administration libre de choisir la sanction la plus adéquate.

  1. L’objet du pouvoir discrétionnaire

Sur quoi porte le pouvoir discrétionnaire?

Il résulte que ce pouvoir concerne un aspect particulier des décisions à prendre, en l’occurrence l’appréciation sur l’opportunité de la décision ou les motifs susceptibles de la justifier.

En revanche, le pouvoir discrétionnaire est sans incidence sur les autres aspects de la légalité de la décision.Même investi d’un pouvoir discrétionnaire l’adm devra respecter toute une série de règles de forme, de procédure qui s’impose. L’administration ne devra pas non plus commettre d’erreur de droit et se méprendre sur la signification des textes. Il faut veiller à ne pas commettre d’erreur de faits ou de qualification des faits (Pas de sanction pour des faits non commis pour le fonctionnaire; sanction à condition que les faits soient une faute disciplinaire).

  1. L’étendue du pouvoir discrétionnaire

Le pouvoir discrétionnaire a une étendue variable. Il ne possède pas toujours la même étendue. La liberté d’appréciation peut être plus ou moins grande, large.

Qu’est-ce qui conditionne l’étendue du pouvoir discrétionnaire, de cette liberté? La manière dont les textes encadre son action et le degré de contrôle que le juge exerce sur les décisions de l’administration.

L’étendue de cette liberté va dépendre de facteurs:

L’étendue dépend des textes eux-mêmes qui peuvent faire varier la liberté d‘appréciation de l‘administration.

Elle dépend également du contrôle que le juge va décider d’exercer sur les décisions de l’administration: alors même que les textes laissent à l’administration une liberté d’interprétation, le juge peut faire varier l’étendue de cette liberté en soumettant l’adm à un contrôle plus ou moins étroit.

L’intensité de ce contrôle dépend de la volonté du juge qui dépend elle-même du degré de protection que le juge entend assurer aux administrés en fonction de la nature des décisions prises par l’adm et des libertés qu’elles sont susceptibles d’affecter. C’est un compromis entre les deux. Le contrôle du juge est pas uniforme.

L’évolution générale de la jurisrpudence va dans le sens d’un renforcement constant du contrôle du juge et donc d’une limitation corrélative du pouvoir discrétionnaire de l’adm.

En réalité, la conséquence de cette évolution est qu’il n’existe pas de séparation entre compétence liée et le pouvoir discrétionnaire mais d’une certaine gradation allant d’un pouvoir totalement discrétionnaire jusqu’à la compétence totalement liée:

– Il est des décisions sur l’opportunité desquelles le juge n’exerce aucun contrôle, ne s’estime pas le droit de porter une quelconque appréciation. Ce sont « des décisions insusceptibles d’être discutées au contentieux ». Ce sont le cas des appréciations portées par les jurys de concours sur les mérites des candidats sont purement discrétionnaires sauf irrégularité.

Ex: gestion directe ou délégation des Service Public à des entreprises comme pour les services de l’eau : choix discrétionnaire ; aménagement du territoire. Le choix entre la régie et la délégation de service public est un choix purement discrétionnaire. Ce type de décisions est en très nette régression car renforcement du contrôle du juge. Lorsque les textes laisse à l’administration un pouvoir de choix, le juge n’en exerce pas moins ce que l’on appelle un contrôle restreint. Ces décisions sont en voie de régression au profit d’un autre type de contrôle: le contrôle restreint.

Certaines décisions font l’objet de la part du juge d’un contrôle restreint. Du fait de la régression des décisions purement discrétionnaires, le contrôle restreint du juge sur l’opportunité des décisions est même devenu le principe en matière de pouvoir discrétionnaire.

A une époque, quand les textes laissaient l’adm libre de choisir les décisions, le juge se refusait à les contrôler. Désormais, dans un tel cas, le juge exerce un contrôle restreint c’est à dire un contrôle de l’erreur manifeste de d’appréciation. Le juge ne supprime pas la liberté de l’administration mais il la limite en sanctionnant ce que le juge appelle les erreurs manifestes d‘appréciation. Introduit dans les années 60. L’administration conserve sa liberté mais dans une certaine limite: sous réserve d’erreur grossière. C’est devenu le principe en matière de pouvoir discrétionnaire.

Ex: faute disciplinaire du fonctionnaire : sanction au choix de l’administration.

Pendant longtemps le juge refusait de contrôler le type de sanction car ce choix relevait d’un pouvoir discrétionnaire. Il se contentait de vérifier qu’il y avait bien faute disciplinaire. Il n’acceptait pas de contrôler si la faute commise était de nature à justifier la sanction.

Il a fallu attendre les années 70 pour que le juge accepte d’effectuer un contrôle manifeste de l’erreur d’appréciation limitant ainsi le pouvoir discrétionnaire de l‘administration. La liberté de l’administration ne disparaît pas mais elle se trouve encadrée. Situation anormale car il pouvait y avoir disproportion mais cette situation a perduré jusqu’en 1978.

Arrêt Lebon, CE, 9 juin 1978: le Conseil d’Etat a décidé que le choix de la sanction disciplinaire serait soumis à un contrôle manifeste de l’erreur d’appréciation : censure de l’administration en cas d’inadéquation. L’administration conserve le pouvoir discrétionnaire, mais conserve la possibilité de choisir la sanction. Il imposait à l’Administration une Obligation d’abstention de toute illégalité et que dans certains cas elle devait agir positivement. L’administration devait dans toutes hypothèses se conformer à un certains nombres de règles.

Il arrive que dans un domaine où les textes laisse à l’Administration, un pouvoir discrétionnaire, le juge abandonne le contrôle restreint pour passer à un contrôle dit normal dans le cadre duquel il ne censure plus uniquement les erreurs manifestes mais toutes les erreurs commises par l‘Administration. Il existe un exemple tout à fait caractéristique exemplaire de cette évolution jurisprudentielle qui est le droit de se présenter à un contrôle administratif. Ce n’est pas le principe. Mais le juge peut considérer que dans l’intérêt des administrés certaines décisions doivent faire l’objet d’un contrôle plus strict alors même que les textes ne limitent pas les facultés d’appréciation de l’administration. La présentation à un contrôle administratif est précédé par une autorisation de l’administration que celle-ci peut refuser dans l’intérêt du service. Pendant longtemps, le juge administratif s’est contenté d’exercer sur ces décisions du contrôle des erreurs manifestes d’appréciation. Il a considéré qu’elles relevaient d’un choix discrétionnaire et qu’il ne pouvait sanctionner que les erreurs manifestes.

La jurisprudence a connu un revirement dans deux arrêts section de 1983: du 18 mars 1983 et du 10 juin 1983 : arrêt Mulsant et arrêt Rault commenté par le président Valine à la RDP p 1404. le Conseil d’Etat a refusé d’exercer un contrôle normal. Autre exemple qui concerne les sanctions des fonctionnaires coupables de fautes disciplinaires. Ce pouvoir discrétionnaire s’est trouvé limité par l’accroissement du contrôle du juge administratif. En 1978 contrôle sur la gravité des sanctions : il est possible qu’un jour il passe à un contrôle normal.

– Le juge accepte d’exercer sur ces décisions un contrôle encore plus intense, plus étroit : le contrôle maximum ou de proportionnalité. Il se caractérise par le fait que quasiment le juge se substitue à l’administration pour déterminer quelle était la bonne décision à prendre.

Illustration la plus classique de ce contrôle est celui du contrôle du juge en matière de police administrative : Le juge va se mettre à la place de l’Administration. Le juge s’y reconnaît le pouvoir de vérifier si les mesures prises étaient nécessaires et qu’elles étaient exactement proportionné au but de maintien de l’ordre poursuivi. Il se substitue à l’Administration. On dit dans ces hypothèses que le juge n’est plus juge de la légalité mais de l’opportunité de la décision. Le juge sort de son rôle et devient juge de l’opportunité mais il est plus exact de dire que l’opportunité devient un élément de la légalité. Cela montre l’étendu de ces deux principes.