Le principe de subsidiarité en droit de l’Union Européenne

Le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité est consacré par l’article 5 du traité sur l’UE. Il figure aux côtés de 2 autres principes eux-aussi considérés comme essentiel à la prise de décision européenne: les principes d’attribution et de proportionnalité

Le principe de subsidiarité pour objectif de répondre à la question : qui s’occupe de quoi? l’UE ou les Etats membres

Ce principe permet donc de déterminer quand l’UE est compétente pour légiférer, et contribue à ce que les décisions soient prises le plus près possible des citoyens. En effet, dans le cadre des compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres, ce principe permet de déterminer le niveau d’intervention le plus pertinent pour la réalisation des objectifs de l’action envisagée.

l’article 5 du Traité dispose : En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union.

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1. La définition du principe de subsidiarité

L’origine du principe de subsidiarité réside dans deux idées :

• la première est le fait que l’on trouve injuste et inefficace de priver du pouvoir d’action une collectivité inférieure pour le conférer à la collectivité supérieure ;

• la seconde se trouve dans les Etats fédéraux, dans lequel le principe de subsidiarité va de pair avec le principe de suppléance qui vise à garantir un espace d’action suffisant aux entités fédérées tant que les problèmes n’excèdent pas leurs capacités, au besoin alors d’être soutenues par l’Etat fédéral dans les limites du principe de subsidiarité.

a) L’affirmation tardive du principe

Pendant longtemps, le principe de subsidiarité n’a pas été formulé dans les traités. La logique même de l’Union européenne est fondée sur ce principe.

Il a fait sa première entrée dans les traités avec l’Acte unique européen qui en a fait une première application en matière d’environnement, en considérant que la Communauté pouvait agir chaque fois que les objectifs environnementaux à atteindre semblaient plus à sa portée qu’à celle des Etats.

La véritable consécration réside dans le traité de Maastricht et plus particulièrement par l’achèvement du grand marché intérieur au début de l’année 1993. C’est de cette époque que date la prolifération normative de la Communauté européenne. C’est précisément en raison de cet épisode qu’en 1992, certains Etats ont eu peur de voir cet activisme normatif se prolongeait dans le temps : consacrer le principe de subsidiarité est apparu comme un moyen de tempérer cette extension.

Le préambule du traité UE évoque le lien toujours plus étroit entre les institutions et les citoyens, conformément au principe de subsidiarité. L’article 2 l’évoquait en disant que les objectifs de l’Union étaient atteints dans le respect du principe de subsidiarité.

Pour connaître sa définition, il fallait se reporter à l’article 5 du traité CE, qui a donné lieu en 1997 à un protocole relatif à l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le principe est régi par l’article 5§3 du traité UE, et aussi par un nouveau protocole qui abroge celui de 1997.

Le nouveau libellé du principe de subsidiarité est le suivant : «en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée au niveau de l’Union».

• Le principe de subsidiarité ne peut jouer qu’en dehors du champ de compétences exclusives : c’est logique car il invite à comparer les mérites respectifs de l’action de l’Union et de l’action des Etats. Si celle-ci est la plus efficace, le principe commande à l’Union de s’abstenir, et inversement.

• L’Union intervient “seulement si et dans la mesure où” : ce principe revêt donc deux aspects :

■ il commande le déclenchement de l’action de l’Union,

■ il commande l’intensité de l’action de l’Union. Le principe comporte donc une dimension qui l’apparente au principe de proportionnalité.

b) La porté ambivalente du principe

Ce principe part du postulat selon lequel, dans les matières où l’Union et les Etats sont habilités à agir, les Etats sont à priori réputés les mieux placés pour agir. Cette présomption pourra être renversée s’il s’avère, au terme de la comparaison des mérites respectifs des actions de l’Union et des Etats, que c’est bien l’Union qui est la mieux placée pour remplir les objectifs de l’action. Il y a une part de subjectivité dans cette comparaison.

Ce principe évoque à la fois l’efficacité insuffisante de l’action des Etats et la meilleure performance de l’action de l’Union. Il y a là une ambiguité inhérente au libellé même de la disposition qui tient à la question de savoir si le traité impose une ou deux conditions pour qu’en vertu de la subsidiarité, l’action de l’Union soit justifiée.

• Pour justifier l’action de l’Union, il ne suffit que d’une condition : c’est une lecture de nature à rendre plus fréquentes les actions de l’Union. Cette thèse a pu se prévaloir pendant un temps d’un certain nombre d’arguments :

– le premier était tiré du protocole de 1997 puisqu’il mentionnait clairement «la condition susmentionnée» ;

– le second voulait qu’il soit logique de considérer la corrélation étroite entre l’action insuffisante des Etats et les meilleures performances de l’Union ; le traité CE, dans son article 5, exprime ce lien de causalité et de corrélation.

• Pour justifier l’action de l’Union, il faut deux conditions cumulatives : c’est une lecture de nature à restreindre la fréquence des actions de l’Union. Cette thèse a pu se prévaloir de plusieurs arguments, notamment tirés du protocole de 1997 et d’autres dispositions :

– il était question de faire référence «aux conditions» ;

– on peut imaginer que l’action des Etats soit insuffisante, sans pour autant que cela signifie que l’Union pourrait faire mieux, et vice versa.

Il était difficile de trancher entre ces deux thèses. Le traité de Lisbonne clarifie la situation en faveur de la deuxième thèse. Pour autant, l’ambiguité perdure un peu, la lettre du traité de Lisbonne ne permet pas de la lever complètement ; en revanche, la volonté des rédacteurs du traité va clairement dans le durcissement de l’utilisation des actions de l’Union, c’est-à-dire dans le sens de la deuxième thèse.

Tout porte à croire que les auteurs du traité ont voulu que l’évaluation de l’efficacité de l’action des Etats soit prise en compte de la façon la plus exhaustive possible, ce qui est de nature à souligner que l’action des Etats peut se suffire à elle-même.

Ce principe de subsidiarité est un principe à double tranchant : il a été conçu et défini comme une digue contre la prolifération des interventions de l’Union, mais selon l’usage qui en est fait, le principe de subsidiarité pourra conduire à justifier ces actions.

Le protocole de 1997 constatait explicitement ce double sens, puisqu’il soulignait que le principe de subsidiarité pouvait étendre et restreindre l’action de l’Union.

La pratique du recours à ce principe s’est traduit par un bilan plutôt positif, qui montre que ce principe a eu tendance à modérer la fréquence des interventions de l’Union.

2. La garantie du principe de subsidiarité

Cette garantie peut d’abord résulter de l’auto-limitation des institutions. En 1993, elles ont adopté un accord inter-institutionnel qui a débouché sur le protocole de 1997 annexé au traité d’Amsterdam, qui prévoyait un certain nombre de mécanismes d’autorégulation pour éviter que le Conseil seul ou avec le Parlement européen adopte(nt) des actes qui ne se justifiaient pas vraiment, au regard du principe de subsidiarité par exemple.

Le contenu de cet accord a été repris dans le nouveau protocole annexé au traité de Lisbonne, ce qui souligne que la première des garanties est la vigilance des autorités elles-mêmes.

Par ailleurs, le traité de Lisbonne prévoit deux sortes de garanties, une juridictionnelle et une politique.

a) La garantie juridictionnelle du principe

1) Une extension matérielle

Il faut observer que le domaine du contrôle juridictionnel du respect du principe de subsidiarité s’est étendu. Sous l’empire des traités antérieurs au traité de Lisbonne, le principe était défini à l’article 5 du traité CE, et était applicable, sous le contrôle de la Cour de justice, dans le cadre du pilier communautaire. Il était aussi évoqué dans le préambule et dans son article 2. En conséquence, il était aussi supposé applicable dans le champ des piliers intergouvernementaux. Mais cette affirmation méritait d’être largement nuancée pour deux raisons :

• dans le cadre du pilier relatif à la PESC, la Cour de justice n’avait aucun titre à statuer, ni pour protéger le principe de subsidiarité, ni pour garantir le respect de toute autre règle de droit ;

• dans le cadre du pilier III, le principe de subsidiarité était applicable, mais il n’était pas certain qu’il soit justiciable de la Cour, qu’il soit garanti par celle-ci. Cela tenait à une particularité du traité UE qui restreignait la justiciabilité de ses propres dispositions. Il comportait un article 46 qui dressait la liste limitative des dispositions qui étaient susceptibles d’être justiciables, et l’article 2 n’y figurait pas.

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ces incertitudes sont levées car le traité nouveau a pour dessein d’étendre l’application du principe aux matières relevant du pilier communautaire et du pilier III (coopération pénale). Ce qui concerne la PESC reste exclu.

2) Les modalités de contrôle

Selon quelles modalités le contrôle juridictionnel exercé par la Cour de justice du respect du principe se produit-il ? À priori, essentiellement par les recours directs :

• recours en annulation contre un acte émis par l’Union réputé illicite car le principe de subsidiarité aurait exigé que l’Union n’agisse pas ;

• recours en carence contre une abstention de l’Union réputée illicite car le principe de subsidiarité aurait exigé que l’Union agisse ;

• recours en responsabilité de l’Union pour l’astreindre à réparer les conséquences dommageables de son action ou de son abstention lorsque celle-ci a causé un préjudice.

Ces recours pourront être exercés par les Etats ou les institutions, mais cela semble plus incertain pour les personnes physiques et morales. Cela tient au fait que ce principe régit l’exercice des compétences entre l’Union et les Etats.

Pour la même raison, il est probable que la Cour de justice n’ait pas à remplir son office de garantie juridictionnelle du principe par la voie du renvoi préjudiciel.

3) L’intensité du contrôle

Puisque la Cour de justice est amenée à contrôler le recours au principe de subsidiarité, se pose la question de savoir quels sont les termes de ce contrôle. Elle semblait s’en tenir à un contrôle assez formel : elle vérifiait simplement que l’acte adopté avait été dûment motivé au regard du principe de subsidiarité. La jurisprudence a resserré son contrôle puisqu’elle est passée d’un contrôle portant sur la forme à un contrôle portant sur la nécessité de l’action.

b) La garantie politique du principe

C’est une avancée considérable du traité de Lisbonne, une audace déjà évoquée dans le traité constitutionnel (jamais adopté). Cette garantie politique se fait en amont et en aval.

1) La garantie politique en amont

Les parlements nationaux peuvent intervenir en amont : en vertu d’un double protocole, ils sont destinataires de toutes les propositions d’actes législatifs européens, c’est-à-dire ceux qui seront adoptés par le Conseil et le Parlement ensemble, ou bien par l’un ou l’autre avec la collaboration de l’autre. Cela permet que chacune des chambres puissent se saisir de ces projets et émettent à leur égard un avis motivé en ce qui concerne le respect du principe de subsidiarité. Les institutions tiennent compte de ces avis.

Le traité de Lisbonne va plus loin puisqu’il organise un système de droit de vote des parlements : chaque parlement dispose de deux voix ; si la somme des avis motivés négatifs atteint le tiers et même, en matière de coopération pénale, le quart des voix distribuées entre les vingt-sept parlements nationaux, le projet doit être réexaminé par la Commission.

Le traité prévoit en ce qui concerne les projets d’actes législatifs appelés à être adoptés selon la procédure législative ordinaire que si la Commission, après réexamen du projet, maintient son projet initial, soit ce maintien a lieu dans son droit, soit il a lieu dans une hostilité franche, et dans ce cas, le conflit doit être arbitré par le législateur européen, c’est-à-dire le Conseil et le Parlement. Chacune de ces institutions peut donner raison soit à la Commission soit aux parlements nationaux. Si le Conseil, à une majorité de 55% de ses membres, ou si le Parlement européen, à la majorité des suffrages exprimés, donnent raison aux parlements nationaux, l’examen du projet ne peut être poursuivi.

2) La garantie politique en aval

Les parlements nationaux peuvent aussi intervenir en aval : chaque parlement national dispose d’un recours en annulation fondé sur la violation par un acte législatif du principe de subsidiarité.

En ce qui concerne la France, s’est posée la question de savoir si le traité de Lisbonne pouvait être ratifié sans révision constitutionnelle préalable. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 décembre 2007, selon laquelle il fallait à plusieurs titres réviser au préalable la Constitution.

Le Conseil a conclu qu’il était nécessaire de la réviser pour assurer la mise en oeuvre en droit interne des avis motivés et du recours à la Cour de justice. C’est ainsi que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a instauré l’article 88-6 qui permet au parlement français de voter des résolutions pour l’émission des avis motivés dans le cadre du contrôle préventif de conformité des actes au principe de subsidiarité, mais également pour former un recours devant la Cour de justice contre un acte législatif qui méconnaîtrait le principe de subsidiarité selon le parlement requérant.

L’expression «former un recours» répond à la question de savoir quel est le rôle que remplit le Parlement : c’est un rôle de transmission des recours du Parlement français au Parlement européen.