Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire

Les principes du droit de la défense englobent plusieurs obligations dont le principe du contradictoire est le plus important. C’est un principe général du droit affirmé par toutes les hautes juridictions que ce soit le conseil constitutionnel, le conseil d’Etat ou l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans un arrêt du 30 juin 1995 sans oublier les arrêts de la cour européenne des droits de l’homme et de la cour de justice des communautés européennes.

Le sens de ce principe est simple : chaque partie doit avoir le même pouvoir de discuter les prétentions, les arguments et les preuves de l’adversaire. C’est donc un principe qui va structurer le débat puisque le jugement n’est rendu qu’après une libre discussion sur les arguments de chaque partie. La contradiction s’adresse donc aux parties mais aussi au juge qui en est le garant.

A) le principe du contradictoire s’impose aux parties :

Le premier devoir des parties évoqué à l’article 14 est celui d’être présent et le second invoqué à l’article 15 est celui d’être en mesure de défendre ses intérêts en se faisant mutuellement connaître les moyens de droit de fait et de preuve. Chaque adversaire est à la fois créancier et débiteur de la contradiction. Cette contradiction se manifeste au début de l’instance et postule un face à face des parties ou de leurs représentants devant le juge. Ainsi, avant d’être jugées, les parties doivent être entendues, pour cela, il faut que le demandeur ait régulièrement appelé son adversaire et que ce dernier ne se soit pas dérobé. La contradiction va naître de la comparution des adversaires. Le terme de comparution est susceptible de deux interprétations, il a un sens technique devant les juridictions où la représentation est obligatoire, elle consiste à constituer avocat ou avoué ; elle a un sens usuel devant les juridictions devant lesquelles la représentation n’est pas obligatoire, elle consiste dans la simple présence à l’audience. Cependant, si la contradiction est un impératif, ce n’est pas un absolu, en effet, l’article 14 dispose que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. Autrement dit, cet article n’exige pas que la contradiction soit effective, il faut seulement qu’elle soit rendue possible. L’intéressé doit avoir été mis en mesure de s’exprimer. Par conséquent, si une personne a été régulièrement appelée et qu’elle est donc informée de cette procédure mais qu’elle ne vient pas pour être entendue, elle pourra tout de même être jugée. Son défaut, même s’il est gênant parce qu’on va l’avoir condamné sans l’avoir entendue n’est pas un obstacle au cours de la justice. Ce serait trop facile de ne pas venir pour échapper au jugement. Ce défaut a suscité la réflexion des rédacteurs du nouveau code de procédure civile et on a plus précisément envisagé deux types de défaut :

Le défaut de comparution : c’est-à-dire que la partie ne comparait pas au sens technique ou usuel ou bien alors, après avoir comparu, la partie n’accomplit pas les actes de la procédure dans les délais. On parle alors de défaut faute de diligence.

Le défaut de comparution peut émaner du demandeur, ce défaut n’est valable que quand la comparution a un sens usuel, elle n’est pas concevable dans les domaines dans lesquels la comparution a un sens technique, le demandeur lance une procédure et pense que l’action va suffisamment impressionner son adversaire pour que celui-ci s’exécute. Il arrive donc que le demandeur ne se présente pas à l’audience. Il arrive aussi qu’il soit empêché physiquement de comparaître. L’article 468 prévoit une possibilité pour le défendeur d’obtenir un jugement sur le fond qui sera dit contradictoire avec toutes les conséquences qui en découlent mais pour cela, il faut deux conditions : il suffit que le défendeur fasse une demande en ce sens et il faut que le défaut de comparution du demandeur ne soit pas justifié par un motif légitime. En cas de motif légitime, tel que par exemple, une hospitalisation, le juge peut renvoyer l’affaire. Le défendeur a également la possibilité de demander au juge qu’il prononce la caducité de la citation prévue à l’alinéa 2 de l’article 468. Cette solution sera en général préférée par le défendeur qui estimera que le jugement sur le fond risque de lui être défavorable.

Ce défaut de comparution peut également être celui du défendeur et c’est le cas le plus fréquent. Il suffit que le défendeur reste passif face au demandeur en ne constituant pas avocat ou en ne se présentant pas à l’audience ; l’article 471 prévoit la possibilité d’une nouvelle citation si la première n’a pas été délivrée en personne mais ce n’est qu’une possibilité. L’article 472 autorise aussi le juge à statuer sur le fond après avoir vérifié que le défendeur n’est plus dans les délais pour comparaître et après avoir vérifié que la demande est régulière, recevable et bien fondé ; ce jugement va être qualifié différemment selon les circonstances. Il sera réputé contradictoire s’il est susceptible d’appel ou si la citation a été délivrée à la personne du défendeur. Ce jugement sera rendu par défaut s’il est en dernier ressort ou si la citation n’a pas été remise à la personne du défendeur.

Autre type de défaut, c’est le défaut d’accomplissement des actes de la procédure, il peut être le fait d’une seule partie, l’article 469 condamne cette inertie procédurale en autorisant le juge à statuer au vu des seuls éléments dont il dispose et son jugement sera contradictoire. Néanmoins, la jurisprudence considère que cette sanction est sévère et ne doit pas conduire à une condamnation par surprise. Le juge demande donc en général d’abord à la partie négligente de s’exécuter. De même, lorsque le défaut émane du demandeur, le défendeur peut avoir intérêt à éviter un jugement sur le fond et il est autorisé à demander au juge qu’il prononce simplement la caducité de la citation. Lorsque la carence émane des deux parties, l’article 470 prévoit que le juge peut d’office radier l’affaire après avoir adressé un dernier avis aux parties ou à leurs mandataires ; cette radiation qui est une sanction va suspendre l’instance qui ne reprendra que sur justification de l’accomplissement d’un acte de procédure de l’une des deux parties.

En cas de défaut, l’exigence de contradiction est tout de même largement écornée pourtant, elle n’est absolument pas réduite à néant, d’une part parce qu’avant d’en arriver au jugement, le juge a la possibilité de renvoyer l’affaire si le demandeur ne comparait pas ou d’inviter le défendeur à comparaître si il fait défaut. D’autre part, lorsque le jugement est rendu, on laisse une chance à la contradiction de s’instaurer mais sur recours. Il faut savoir que l’appel ou le pourvoi est possible si le jugement est réputé contradictoire et l’opposition est possible si le jugement est rendu par défaut. On aura donc une contradiction mais différée. Ce n’est en fait que dans des circonstances exceptionnelles que la loi peut autoriser un demandeur à ne pas appeler le défendeur. En effet, l’article 17 admet que dans certaines circonstances exceptionnelles, un mesure puisse être prise à l’insu de l’adversaire mais cette possibilité n’est offerte que lorsque la loi le permet ou lorsque la nécessité le commande. En outre, les mesures qui seraient prises dans le cadre d’une telle procédure en sont que provisoires ce qui implique qu’en référé, l’adversaire non prévenu pourrait demander au juge de se rétracter. A ce stade, on a encore une contradiction décalée.

Cette contradiction se manifeste sinon tout au cours de l’instance. Au cours de l’instance, on va assister à une discussion contradictoire entre les parties, l’article 15 organise cette contradiction en prévoyant que les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de preuve, les moyens de faits et les moyens de droit afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. Cet article impose en fait une obligation de communication entre les parties. Communication qui doit réunir plusieurs qualités, tout d’abord, elle est mutuelle, chaque partie la supporte, elle doit s’effectuer en temps utile, c’est-à-dire que chaque partie doit disposer d’un laps de temps suffisant pour prendre connaissance des éléments communiqués et préparer la discussion. Cette mesure de temps utile sera affaire de circonstances, c’est une question de fait appréciée par le juge mais c’est sur ce fondement que le juge pourra rejeter du débat des pièces tardivement communiquées à moins qu’il décide de révoquer par exemple l’ordonnance de clôture afin de permettre une réponse à ces pièces fournies en extrême limite. Cette communication doit ensuite être spontanée, si ce n’est pas le cas, il y a deux solutions possibles : l’adversaire peut ne pas réagir immédiatement et demander au moment des débats que le juge écarte ces pièces qui n’ont pas fait l’objet d’une communication. Il est aussi possible que l’adversaire décide immédiatement de réagir en provoquant un incident de procédure et en demandant au juge qu’il ordonne la communication forcée d’une pièce qui a été évoquée mais n’a pas été fournie. Cette communication est fondamentale puisqu’elle est à la base même de la contradiction, on considère que cette communication est présumée régulière, cette régularité est facilement prouvée dans la procédure écrite grâce aux bordereaux de communication des pièces, dans la procédure orale, on considère que tant qu’il n’y a pas de contestation, cela veut dire que les pièces ont été régulièrement soumise au débat jusqu’à preuve du contraire.

B) La contradiction s’impose au juge :

Le juge est en dehors de cette contradiction mais il n’est pas en dessous d’elle ; l’article 16 précise que le juge en toutes circonstances doit faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. Il découle de ce texte que le juge est garant de la contradiction à deux titres, d’une part, il doit faire observer la contradiction, il exerce donc un contrôle sur la bonne exécution par les parties de leurs obligations et ce contrôle peut s’exercer en toutes circonstances. L’efficacité de ce contrôle va tenir tout d’abord en ce que le juge peut ordonner une communication ou une restitution et en ce qu’il peut écarter des pièces non communiquées. D’autre part, le juge doit lui-même respecter la contradiction et l’article 16 nous explique dans quelles circonstances, dans son alinéa 2, il est précisé que le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, explications ou documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Autrement dit, il est fait interdiction au juge de retenir au soutien de sa décision des éléments qui n’ont pas été soumis à la contradiction, en aucun cas, il ne pourra fonder sa décision dessus. Mais cette obligation n’est pas absolue puisque la loi n’exige pas que tout est été discuté entre les parties, il suffi que la discussion ait été possible. En outre, il est tout à fait possible pour le juge de réintégrer dans le débat des éléments qui n’ont pas été débattus contradictoirement afin de pouvoir prendre sa décision. Dans son alinéa 3, l’article 16 nous précise aussi que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Le juge a donc l’obligation de se soumettre à la contradiction lorsqu’il relève d’office des moyens de droit, il peut au cours des débats solliciter l’avis des parties, ou même, rouvrir les débats afin que les parties lui adressent des notes sur ces moyens. Certaines initiatives du juge pourtant ne sont pas soumises à la contradiction, le juge n‘est pas tenu de provoquer la contradiction lorsque les moyens qu’il relève ne le sont pas d’office, lorsqu’il ne s’agit pas de moyens de droit et surtout lorsque les moyens sont tirés de la violation des droits de la défense.