Le recrutement des fonctionnaires : conditions, discrimination

Le recrutement des agents de la fonction publique : conditions d’admission et discrimination

Un fonctionnaire désigne, au sens large, l’ensemble du personnel de l’administration. Un fonctionnaire est une personne employée et nommée par une personne publique dans un emploi permanent et titularisée à son poste dans un grade de la hiérarchie administrative.

Il existe trois catégories de fonctionnaires correspondant aux trois fonctions publiques – les fonctionnaires de l’État, territoriaux et hospitaliers –, mais leur statut repose sur des critères communs.

  • 1) conditions d’admission des agents de la fonction publique
    A – Les conditions légales d’admission.

> Article 5 Titre 1 du statut général. 5 conditions.

1 – La possession de la nationalité française.

Principe.
> Article 5 Titre 1. « Nul ne peux avoir la qualité de fonctionnaire s’il ne possède la nationalité française ».
 → Spécificité de la mission de l’administration : nécessaire de la part du fonctionnaire un certain loyalisme. Justifiait l’exclusion des étrangers de la Fonction Publique. Moyen de préserver l’indépendance de la nation.

  • · Exception : ne concerne pas traditionnellement certains corps de la Fonction Publique. Ex enseignement du supérieur ou chercheurs.
  • · Exception 2 : n’a pas été étendu aux agents non titulaires.
  • Exception 3 : Ouverture de la Fonction Publique aux citoyens de l’UE.

Ouverture de la Fonction Publique aux citoyens UE.

Evolution du droit :
→ Condamnation de la France par la CJCE en 86 pour manquement à ses obligations pour avoir réserver à ses nationaux l’accès aux emplois permanents d’infirmiers dans les hôpitaux publics. Mise en œuvre du Principe de libre circulation des travailleurs. Principe « qui ne peut être écarté que dans une hypothèse : emplois qui impliquent l’exercice de la puissance publique et la contribution à la responsabilité pour la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat. »
→ Loi 26 juillet 91 introduit un Article 5 bis au Titre 1 « Les citoyens Européens ont accès aux corps, cadres d’emplois et emplois dont les attributions soit sont séparables de l’exercice de la souveraineté soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’Etat ou des autres collectivités publiques. »
→ Loi 26 juillet 2005 pose le Principe que les citoyens Européens ont accès à l’ensemble des corps, cadres d’emplois et emplois sauf emplois de souveraineté.

Implication de l’ouverture :
→ Depuis loi 2005, l’accès des ressortissants Européen à la Fonction Publique devient le Principe. La possession de la nationalité Française apparaît comme l’exception.
→ Il est nécessaire de prévoir des modalités permettant la mise en œuvre concrète du Principe. Pour les professions subordonnées à la possession d’un diplôme, il faut une équivalence des diplômes obtenus à l’étranger.
 → Mise en place de commissions d’équivalences des titres et diplômes, pour l’ensemble de la Fonction Publique.
→ Cela vaut pour l’entrée dans la Fonction Publique ainsi que l’entrée en cours en de carrière. Arrêt CJCE 2003, il est contraire au droit Européen d’exiger de la requérante qu’elle passe le concours en de l’ENSP en France car elle a suivis une formation à l’ENSP à Lisbonne. Les deux sont équivalents.

2 – La jouissance des droits civiques.

> Cette exigence vaut également pour les agents non titulaires et les ressortissants communautaires.
> pour un fonctionnaire en activité, la déchéance des droits civiques entraine de plein droit la perte de qualité de fonctionnaire.
3 – Les antécédents pénaux.

> Les mentions portées au bulletin n°2 du casier judiciaire ne doivent pas être incompatibles avec l’exercice des fonctions.

> L’administration dispose d’une marge d’appréciation (sous le contrôle du juge) dans l’étude de cette condition.

4 – La position régulière au regard du code du service national.

> Recensement et journée JAPD (journée d’appel à la défense nationale).

5 – L’aptitude physique.

L’appréciation de cette condition d’aptitude physique.
> Aucune infection ni aucun handicape n’est en soi un obstacle à l’exercice d’un emploi public.
> pour autant, toujours possible de refuser cet accès à la Fonction Publique en raison d’une infection/handicape incompatible avec les fonctions, mais uniquement dans des cas particuliers.
 → Refus au cas par cas. Par ex, l’absence d’odorat est incompatible avec le métier d’inspecteur de police.
 → Certains textes (statuts particuliers par exemple) peuvent prévoir les conditions d’aptitude physique nécessaires pour pouvoir se présenter à tel ou tel concours. Ex. 1m60 pour les femmes et 1m68 pour les hommes si fonction dans la police nationale.

L’accès à la Fonction Publique des personnes handicapées.
> Depuis loi 87, les employeurs publics sont soumis à une obligation d’employer au moins 6% d’agents handicapés lorsqu’ils emplois plus de 20 personnes !
> Voie d’accès spécifique à la Fonction Publique pour les handicapés : signature d’un contrat d’un an renouvelable à l’issu duquel la personne pourra être titularisée en tant que fonctionnaire.
> Obligation pour l’administration de prévoir des aménagements spécifiques en faveur des handicapés :
 → au stade du recrutement : aménagement dans le déroulement des épreuves.
 → au stade de l’exercice des fonctions : postes de travail pour les agents handicapés. Loi 11 février 2005.
> « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s’il ne rempli les conditions d’aptitude physique exigés pour la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicape »

B – L’examen des « garanties requises » par l’administration.

1 – La nature des garanties requises de la part du candidat.

> L’administration peut exiger de la part des candidats qu’ils présentent les garanties d’impartialité, de neutralité, de réserve dans la manifestation de leurs opinions que l’on peut attendre de la part de fonctionnaires.
 → Si elle estime que le candidat ne présente pas de telles garanties, elle peut lui refuser de se présenter à un concours de la Fonction Publique (CE 10 mai 1912 Abbé Bouteyre)

2 – Le fondement du pouvoir d’appréciation de l’administration.

> Fondement incertain. Plus large que celui de l’Article 5 Titre 1 du statut et plus large que l’exigence légale relative aux antécédents pénaux. En effet, il est possible à l’administration de refuser l’inscription d’un candidat même pour un acte non mentionné sur le casier n° 2.
> Jurisprudence invoque la notion d’intérêt du service.
> On peut penser que cela correspond à une exigence de moralité pour les personnes décidant d’accéder à la Fonction Publique. Mais cette exigence a été supprimée dans le statut de 1983.
3 – Le contrôle du juge.

> Juge contrôle le principe d’égal accès aux emplois publics. En contrôlant ce Principe, cela implique que l’administration ne saurait écarter un candidat en se fondant uniquement sur ses opinions philosophiques, politiques ou religieuses.

> Il s’agit ici d’un contrôle Normal, c à dire d’un contrôle sur la qualification juridique des faits ( et son exactitude matérielle ). Il contrôle si les faits invoqués par l’administration sont bien de nature à exclure le candidat.

> Sur la condition de bonne moralité des candidats à l’ENM, le juge effectue un contrôle restreint, c’est à dire l’exactitude matérielle des faits et l’inexistence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’administration..

> En matière de preuve, Arrêt Conseil d’Etat Barel 28 mai 1854. S’agissait du refus de 5 candidatures à l’entrée à l’ENA sans que l’administration ne précise les motifs du refus. On a soupçonné que le refus était motivé par les convictions communistes des candidats. Conseil d’Etat a sommé l’administration de s’expliquer. Devant son silence, Conseil d’Etat en a conclu que la requête était fondée et la décision de refus illégal.

  • 2) Les discriminations illicites
    A) Fondements juridiques

1) La transposition des directives communautaires

Droit de la non discrimination est un droit récent. Ce droit est issue des directives européennes qui sont intervenues. Directive du 29 juin 2000 relative à l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique. Directive 27 novembre 2000 sur égalité traitement en matière d’emploi et de travail. Ces deux directives fixent un cadre général, elles ont été transposées par loi 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. L’objet de la non-discrimination est qu’il y a application au stade du recrutement mais aussi en cours de carrière.

2) L’articulation du droit de la non discrimination avec le principe de l’égal accès aux emplois publics.

Pas réelle distinction entre les deux principes. Tout deux visent à assurer une égalité de traitement et ils procèdent d’une même logique. Il semble qu’il soit possible de faire une distinction. Une situation de discrimination implique nécessairement un jugement de comparaison, loi 27 mai 2008, article 1 définit discrimination comme une situation où une personne est traité de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. Dans une perspective différente le principe d’égal accès aux emplois publique n’exige pas de comparaison car certaines questions sont exclues des critères de sélection (ex : opinion politique).

B) Les distinctions prohibées

1) Les types de distinction prohibés

Article 6 titre I, « Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophique ou religieuse, de leur origine, orientation sexuelle, patronyme, état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée à une ethnie ou une race ».
 -Avant loi de 2001, article 6 faisait référence qu’aux distinctions sur l’état de santé, le handicap et l’appartenance ethnique.
 -Sont reconnues les discriminations directes ou indirectes. Notion discrimination indirecte, définie par loi 27 mai 2008, c’est une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d’entrainer un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes. Jurisprudence Griesmar de 2001 de la CJCE, modification par loi française avec exigence de l’interruption activité pendant deux mois lorsqu’une naissance est intervenue, en pratique ce critère (qui semble neutre) abouti à favoriser les femmes (durée du congés maternité).

2) L’exemple des discriminations à raison de l’âge et du sexe
a) La suppression progressive des discriminations à raison de l’âge

Auparavant, de nombreuses limite d’âge étaient imposées. Ce principe apparaissait comme la conséquence du système de la carrière car dans ce système agents ont vocation à poursuivre toute leur carrière au sein de l’administration. Cependant, sous l’influence du droit communautaire, ce principe et ses limites d’âge sont apparus comme discriminatoire, une ordonnance du 2 aout 2005 a modifié article 6 titre I est intervenue et l’ article prévoit toujours des conditions d’âge possible ais dans des conditions plus restrictives (ex : lorsque le concours donne lieu à une période de formation et scolarité d’au moins deux ans, pour amortir coût de la formation présentation non possible à une certaine limite d’âge).
Arrêt 2006 Conseil d’Etat a fixé la limite d’âge de 35 ans pour passer le concours interne de l’ENA.

b) Suppression progressive des discriminations à raison du sexe Article 6 bis titre I, prohibe cela. Traditionnellement des restrictions étaient imposées aux femmes et étaient admises très largement. Limite accès à un corps de la Fonction Publique ou encore limite possibilité d’avancement lorsqu’elles avaient intégré un corps de la Fonction Publique. Arrêt Conseil d’Etat Bobard 13 juillet 1936, Conseil d’Etat reconnaît l’aptitude légale des femmes à occuper des emplois publiques, mais autorise restrictions à l’égard des femmes en matière d’avancement par le gouvernement, échelons les plus élevés de la hiérarchie administrative de la guerre qui étaient réservés aux seuls hommes. Motif était l’intérêt du service, ou les exigences spéciales du service (même si emploi purement administratif car rendement des femmes était considéré comme trop faible).
Loi de 1975, interdit toute distinction entre les sexes pour le déroulement de la carrière. Maintien distinction pour l’accès à a Fonction Publique. Puis loi 1982, pris en application d’une directive de 1976 :
 -Supprime principe des recrutements exclusifs d’hommes dans certains corps de la Fonction Publique. Demeure aujourd’hui certains corps inaccessibles aux femmes (ex : armée de la légion étrangère, ou agents qui ont mission dans les sous-marins).
 -Possibilité d’opérer un recrutement distinct selon sexe si cet élément constitue une condition déterminante pour l’exercice les fonctions (d’où instauration de quotas). Dans Fonction Publique civil cela est toujours possible mais liste des corps restreinte sous influence droit communautaire (arrêt CJCE 1990 où France condamnée) : service extérieur de l’administration pénitentiaire et service attaché aux maisons d’éducation de la légion d’honneur.
Arrêt 11 mai 1998 Aldige CE, candidate au concours de commissaire de l’armée de terre, qui à l’issue du concours n’avait pas été recrutée alors que des hommes moins bien placés qu’elles l’avaient été. Mais décret disait que 20% femmes recrutées chaque année au sein de ce corps et comme quotas dépassé refus. Conseil d’Etat décide que quotas contraire au principe de l’égalité entre hommes et femmes et principe d’égal accès aux emplois publiques.

 Plus de femmes fonctionnaires que d’hommes aujourd’hui mais elles sont largement minoritaire dans les postes supérieurs (ex : Fonction Publique d’Etat femmes 27%).