Le régime de l’ordonnance et sa valeur juridique

Les ordonnances : une extension du pouvoir règlementaire

Création de la V ème république, l’ordonnance est un moyen pour le gouvernement de légiférer rapidement, sans passer par l’habituel processus parlementaire. Le Gouvernement peut ainsi mettre en place des mesures très rapidement. Toutefois, le Parlement n’est pas exclu, il intervient en amont et en aval dans le processus, il y a trois grandes étapes :

o Le gouvernement doit d’abord, selon l’article 38 de la Constitution, obtenir l’autorisation préalable du Parlement par le vote d’une loi d’habilitation (ce texte indique les domaines sur lesquels peuvent porter les ordonnances, la durée pendant laquelle le gouvernement pourra procéder par ordonnance et le délai au cours duquel le gouvernement devra déposer un projet de loi afin de ratifier la ou les ordonnances).

o L’ordonnance est ensuite prise en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Le texte doit être signé par le président de la République. Elle entre en vigueur dès sa publication.

o L’Assemblée nationale et le Sénat examinent ensuite un projet de loi destiné à ratifier l’ordonnance.

Plusieurs types d’ordonnances car en 58 la constitution comportait des dispositions transitoires qui autorisaient le gouvernement a prendre par ordonnance les mesures pour mettre en place des institutions. Certaines avaient valeur de loi ordinaire, d’autres de lois organiques.

Certaines continuent d’exister: sur le fonctionnement du parlement, celle relative au Conseil Constitutionnel: elles sont les ordonnances initiales.

Aujourd’hui on utilise celles relatives à l’article 38: pendant un délais limité le gouvernement peut prendre par ordonnance des règlements qui sont normalement du domaine de la loi, si le parlement est d’accord.

Pourquoi ce mécanisme?

Sous la IIIème république existaient les décrets-lois: actes hybrides par lesquels un parlement incapable autorisait périodiquement le gouvernement de les exercer à sa place.

On les a interdits mais ils sont réapparus sous le nom de « pouvoirs spéciaux ».

On avait voulu lutter contre eux, et éliminer la confusion des genres sans succès. Ce constat explique le choix de 58. Ils décident d’autoriser cette pratique sous un cadre stricte.

Il leur a été donné un régime qui pose un problème quant à leur valeur juridique.

Sous-section 1: le régime des ordonnances

Seul le gouvernement peut demander une habilitation au parlement: ça ne peut venir que d’un projet de loi d’habilitation: ça ne peut pas être à l’initiative du parlement.

Le gouvernement peut, «pour l’exécution de son programme« . => cela signifie que le gouvernement doit préciser la matière et l’objectif des ordonnances.

Il faut qu’apparaisse le périmètre précis du domaine des ordonnances, et leur finalité.

Cela force le gouvernement d’exprimer ses intentions au parlement pour que celui-ci accepte en connaissance de cause.

De plus, le délais est limité: la loi d’habilitation doit indiquer précisément la durée.

Le gouvernement n’a plus à se soucier de la frontière règlement – loi lorsqu’il rédige une ordonnance.

N’importe quelle loi peut habiliter le gouvernement à prendre des ordonnances: dans un de leur article.

Les ordonnances sont mises en vigueur après être passées en conseil des ministres, conseil d’Etat, puis signés du Président de la République. Elles entrent en vigueur dès leur publication.

Dedans figurent deux délais: le premier est celui de la durée de l’habilitation. Le deuxième délais est consécutif au premier: projet de loi de ratification des ordonnances. Si ce projet de loi n’est pas déposé les ordonnances deviennent caduques.

Délais:

  • Organisation du retour à l’organisation normale des compétences.
  • Mettre le parlement en mesure de récupérer sa compétence et de se prononcer sur le travail fait par le gouvernement.

On pensait que les ordonnances seraient utiles dans des situations d’urgence ou complexes.

  • 1962: proclamation d’Indépendance d’Algérie: organisation de l’accueil des pieds noirs. Situation difficile, problèmes juridiques. Le parlement ne pouvait pas dans des délais raisonnables faire le tour de la question.

  • Réforme de la sécu par Mitterrand, majorité étroite (1 voie de majorité), et ainsi le gouvernement l’a fait à la place.

Cependant effacement progressif des ordonnances que celles-là se montraient souvent moins efficaces que les lois. Les textes étaient considérés comme de mauvaise qualité. Elles sont réapparues massivement soudainement pour deux raisons:

  • La codification

o Cela a été relancé depuis 20 ans pour rendre digestible le droit foisonnant : il fallait le rendre accessible. Que les textes soient organisés de façon rationnelle. La liste des codes s’est rallongée. Cependant cette entreprise de codification exige un travail minutieux, et c’est un travail législatif. Plutôt que de demander au parlement de perdre son temps à ce travail technique et minutieux, on a conclue que le gouvernement pourrait élaborer par ordonnance tel ou tel code.

  • Domaine de la transposition des directives communautaires

o Il existe plusieurs types de normes : les règlements, mais aussi les directives. En conséquence l’opération de transposition des directives appelle elle aussi un travail minutieux, parfois exclusivement technique, parfois très politique, selon la marge de manœuvre laissée. Lorsque ça pose des problèmes épineux alors le parlement doit en débattre. Mais il est des cas où la transpositions ne posent pas de problème politique et alors de nouveau plutôt que demander au parlement de faire cela, il fait une habilitation.

  • Utilisation paresseuse des lois d’habilitation: le parlement accepte commodément de confier au gouvernement de prendre des ordonnances sur des sujets essentiels, parce que ces sujets ne l’intéresse pas. C’est ainsi que l’on a vu des parties du code civil modifiées par ordonnances. Le parlement se décharge ainsi.

1986: minicrise , 14 juillet, Mitterrand a déclaré qu’il ne signerait pas les ordonnances préparées par Jacques Chirac.

Le président de la république peut-il refuser de signer les ordonnances?

Si elles résultent d’un loi H, et préparées par le gouvernement, pour l’exécution de son programme, et interviennent dans le domaine législatif, ce sont des actes du gouvernement sur laquelle la signature n’est nécessaire que de moyen technique. La crise a fini assez vite car on a transformé les ordonnances en projet de loi.

Sous-section 2: la valeur juridique des ordonnances

Elle se perçoit selon le type de contrôle auquel elle est soumise.

  • Acte administratif (car émane du gouvernement)
  • Donc susceptible de recours devant le Conseil d4etat qui peut annuler une ordonnance (notamment si contraire à la constitution)

Ce n’est pas une délégation du pouvoir législatif (sinon le Conseil d’Etat n’aurait pas compétence). Or il les contrôle ce sont des actes règlementaires, elles sont des extensions provisoires du pouvoir règlementaire.

Ce qu’elles perdent lorsqu’elles sont ratifiées:

Car c’est par le parlement, le législateur.

Ratifiée par une loi, l’ordonnance devient une loi.

=> plus de contrôle possible par le CdE

Cependant le conseil constitutionnel pourra alors contrôler cette ordonnance devenue loi.

La loi qui prétendrait la ratifier serait inconstitutionnelle.

Cependant

Capacité à prendre ou à modifier les ordonnances obéit à des délais différents.

On en revient au premier délai. Tant qu’on est dans le premier délai: le gouvernement a reçu son habilitation, il peut prendre une ordonnance ou ne pas la prendre, qu’il peut laisser telle qu’elle ou la modifier.

En revanche à l’instant où le 1 er délais est passé le gouvernement ne peut plus modifier l’ordonnance dans les domaines qui sont du domaine législatif.

L’acte reste règlementaire mais le gouvernement n’a plus le droit de le modifier.

Le parlement a le droit de le modifier: or le parlement a ainsi le droit de modifier un acte règlementaire.

Clarification en 2008: suppression les ratifications implicites.

À l’expiration du délai d’habilitation commence un deuxième temps pendant lequel l’ordonnance reste un texte règlementaire mais que le gouvernement ne peut plus modifier dans ses dispositions qui ont un caractère législatif.

Dans un troisième temps qui arrive avec la ratification, l’ordonnance cesse d’être un texte règlementaire pour devenir un texte législatif pour ses dispositions qui ont un caractère législatif.

Le parlement peut dont ratifier ou refuser l’ordonnance, voire la modifier.

Avant 2008 existaient les ratifications implicites: théorie construite par le Conseil d’Etat: rien dans la constitution n’impose une ratification explicite, et qu’elle pouvait intervenir de manière implicite: si le législateur a l’occasion d’une loi ultérieure modifiait un article de l’ordonnance, cela signifiait qu’il ne souhaitait pas de modifier le reste de l’ordonnance, on peut en déduire que tout ce qu’il avait choisi de ne pas modifier serait implicitement ratifié.

Cependant cette tolérance a crée des difficultés: des ratifications ont eu lieu par mégarde sans que les autres s’en soient rendu compte, par exemple en séance de nuit.

Or on pourrait exiger un débat plus sérieux sur certaines.

De plus cela créait des problèmes pour les justiciables qui ignoraient la ratification. Pour mettre fin à ces incertitudes, en 2008 on a décidé que les ordonnances ne pouvaient être ratifiées que de manière expresse (modification de l’article 38).

=> caractère hybride des ordonnances qui sont à la fois législatifs et règlementaires.

Il n’en demeure pas moins que cette soupape introduite dans les mécanismes a priori rigide de la répartition des compétences répond à une véritable utilité: plus sage d’encadrer les ordonnances plutôt que de les supprimer.

Tout en limitant la loi au profit du règlement la constitution avait prévue cette extension du pouvoir règlementaire.

Article 37: extension possible par l’article 38 du pouvoir règlementaire: la loi s’est trouvée en partie limitée au profit du règlement.

Les atteintes les plus violentes qu’a subies la loi ne tiennent pas au texte constitutionnel mais à des vices de fabrication de la loi qui fait qu’elle a perdu en qualité: inflation législative qui est devenue délirante. On adopte chaque année plus d’une centaines de lois or conventions internationales. Lorsqu’on consulte le recueil des lois publié par l’Assemblée Nationale, si on prend n’importe quelle année soixante, le recueil avait entre 1 et 2 cm, pour un an, tandis que dans les années 2000, plusieurs volumes de 6 cm d’épaisseur.

Phénomène de plus en plus grave. On légifère à tout propos parce qu’on a le sentiment de « faire quelque chose ».

La loi doit énoncer des normes de caractères général et impersonnel et donc est très utile lorsqu’elle vise à remédier à des problèmes d’autres lois ou à prescrire, à commander, à interdire. Mais lorsque la loi consiste à « bavarder » elle devient inutile.

À un problème économique, social, environnemental, culturel, existent des réponses de même ordre et non pas juridique.

Or on semble nourrir et entretenir l’illusion que chaque loi procurerait une solution.

Avant de faire la loi il vaut mieux la penser. Chaque république a accouché d’un certains nombres de grandes lois qui ont traversé le temps:

  • Liberté de la presse
  • Liberté d’association
  • Etc

Le dénominateur commun est qu’on a pris le temps de les penser, de les rédiger, de les discuter, de les adopter.

Au contraire lorsque l’on légifère dans la précipitation, on fait du mauvais travail, qu’il faut refaire. Une bonne loi doit être adoptée au terme d’un débat dense, loyal, contradictoire, a longtemps existé mais tend à disparaitre parce que se produisent des dérives contemporaines : qui elles mêmes sont venues entraver le mécanisme initial, celui selon lequel l’adoption de la loi est dirigé par le gouvernement.