Le régime de la Troisième République

LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE ET SON RÉGIME

La Troisième république a été instaurées par les lois constitutionnelles de 1875 votées par l’Assemblée nationale entre février et juillet 1875 qui instaurent définitivement la Troisième République (auparavant, elle n’avait été qu’ébauchée par des lois qui répondaient à des problèmes ponctuels, comme la loi Rivet, ou encore la loi du 20 novembre 1873).

80 ans se sont donc écoulés depuis 1789 pendant lesquels tout ou presque a été essayé. Il y a eu deux républiques, deux monarchies, deux empires, et tout a finalement échoué. Les républiques ont conduit à des régimes autoritaires, lesquels ont été emportés par des révoltes populaires (les monarchies en 1830 et 1848). Les empires fondés sur la puissance des armes tombent à Waterloo comme à Sedan.

Dans cette instabilité, sont cependant apparues à un certain nombre de tendances lourdes qu’on ne peut ignorer en 1870 à la fin de la période lorsqu’on se prépare à faire une nouvelle constitution. D’abord, et c’est probablement le plus important, la question centrale de la légitimité a définitivement basculé en faveur du peuple ou de la nation, c’est-à-dire en faveur de l’origine populaire du pouvoir. En témoigne le suffrage universel : certes encore masculin, mais irréversible depuis 1848, et l’emprise, s’il s’en est accommodé, l’a maintenu. Même l’empire à la fin de la période a compris qu’un régime politique, fut-il autoritaire, ne pouvait survivre qu’en s’appuyant sur le suffrage. Et du coup cette question de la légitimité font que les monarchistes et dans une moindre mesure les bonapartistes sont disqualifiés par leur échec et que finalement ce qui ressort le mieux c’est qu’il y ait un pouvoir sur le suffrage. Ils sont disqualifiés aussi par leurs divisions notamment du coté des monarchistes.

Du coup, la chambre des députés apparaît comme l’institution la plus liée, la plus représentative, de cette légitimité organisée pour le peuple et organisée par le suffrage. Pourquoi ? Parce que cette chambre des députés a été le lieu de l’espoir : elle a été le lieu de l’opposition libérale sous la monarchie de juillet comme sous le second empire, et notamment là se trouvait l’expression de quelques républicains. Parce que (mais c’est un peu la même idée), la demande de démocratie, si elle s’est traduite par l’accroissement du suffrage sous la monarchie (c’était la grande affaire, cf. la campagne des banquets de 1847 et 1848) s’est traduite pendant l’empire par la demande d’accroissement du pouvoir de la chambre. Ce qu’il fallait maintenant c’est que ceux qui soient élus par le suffrage universel ait plus de pouvoir, autrement dit que la chambre des députés ait plus de pouvoir.

Aussi, et c’est un peu plus prosaïque, parce que finalement (et c’est très important), l’élection a montré, contrairement à ce qu’on pouvait craindre, que le suffrage universel est loin d’être révolutionnaire comme on pouvait le penser (rendez vous compte, des ouvriers vont voter !) étant en réalité conservateur. A quoi bon faire la révolution puisqu’on peut poser par le bulletin de vote sur le cours des élections ? Ce vote étant conservateur, il évite la mise en cause du système social. Ce suffrage universel suffit finalement à répondre à la demande d’égalité selon le vieux sophisme républicain « tout le monde est égal puisque tout le monde a une voix ».

3eme série d’observation sur un plan plus que technique qu’institutionnel : les mécanismes de collaboration entre l’exécutif et le législatif ont commencé à apparaître. Dans leur évolution, la monarchie (au moins la monarchie de juillet) et l’empire ont été contraint de rechercher des compromis entre deux pouvoirs : celui du roi ou de l’empereur mais aussi celui de la chambre. Il fallait s’entendre, trouver une solution. Apparaît aussi l’idée d’un ministère s’autonomisant par rapport au chef de l’Etat, avec la distinction qui a été théorisée par des penseurs de l’époque (Benjamin Constant) distinction bien connue entre le pouvoir royal et le pouvoir ministériel : l’idée qu’il y a 2 parties de l’exécutif chargées de deux parties différentes. Sur le plan technique : mise en cause du gouvernement par le mécanisme de la responsabilité même si elle est imparfaitement reconnue sauf à la fin de la période. Finalement cette responsabilité du gouvernement devant les chambres est apparue dans la pratique.

Et puis plus prosaïquement, que reste t il dans ce champ de ruine en 1870 ? Il n’y a plus de formule miracle pour l’exécutif. Le roi on a vu, l’empereur on a vu, l’opposant élu au suffrage universel on a vu aussi : tout ça n’a pas marché. Il reste une république fondée autour de l’assemblée avec cette autonomie du pouvoir gouvernemental : ça c’est le régime parlementaire pour lequel la voie est libre et qui apparaît avec les lois de 1875 même si ça sera difficile à établir. Ces lois constituent la constitution de la troisième République. Lois imparfaites, provisoires, et qui vont durer 65 ans. La troisième République de 1875 à 1840 va durer 65 ans en évoluant plutôt bien d’abord, moins bien ensuite (instabilité), d’où l’effondrement de 1940 (la troisième République se suicide en remettant son pouvoir au maréchal Pétain). De cette effondrement surgira une la quatrième République qui ressemble fortement à la 3eme mais montrera encore ses défauts notamment l’instabilité. Au bout de tout ça, la cinquième République dont la naissance doit beaucoup au poids de l’histoire et à ce qu’on appellera les leçons tirées de l’héritage, héritage dont il faut faire l’inventaire.

Quatre sections :

  1. Les lois de 1875
  2. L’évolution du régime

Section 1 – Les lois de 1875

Comme le montre cette simple date, le processus de gestation de ce qui va devenir la troisième République est long. Nous nous sommes arrêtés il y a quelques instants en 1870 lorsque le régime s’écroule, c’est-à-dire qu’il faudra 5 ans. Pourquoi est-ce aussi long ? Il y a d’abord une période transitoire marquée par la fin de la guerre et l’écrasement de la dernière tentative révolutionnaire que l’on ait connue en France, c’est-à-dire la commune. La peur que al commune provoque engendre une réaction monarchiste entravée par le choix de la République en 1873, mais choix encore fragile. Il faudra attendre le vote effectif des lois de 1875 pour que ce choix en faveur de la république soit confirmée, alors qu’il ne le sera définitivement qu’en 1879

Cours de mercredi prochain déplacé le lundi de 11h30 à 13h00 dans l’amphi du II.

  • I. La défense nationale et l’écrasement de la commune

La capitulation de Sedan amène une effervescence parisienne qui semble annoncer une insurrection. Il ne faut pas oublier que Paris avait un tempérament révolutionnaire manifesté en 1789, 1791, 1830, 1848. on s’attend à quelque chose, et pour prévenir cette insurrection les députés républicains de paris (c’est-à-dire les opposants au second empire) proclament le 4 septembre à l’hôtel de ville la déchéance de l’empire, la République, et l’installation d’un gouvernement provisoire (parce qu’évidemment le gouvernement autour de l’empereur a volé en éclat autour de la captivité de l’empereur). Un gouvernement de défense national car la guerre avec la Prusse continue. Mais comme c’est un gouvernement de défense, il est dirigé par le général Trochu (dont on disait que le nom était le participe passé du verbe « trop choir »…). Dès le 8 septembre, ce gouvernement provisoire prend un décret convoquant les électeurs pour désigner l’Assemblée Nationale constituante, et on voit combien est ancré maintenant le réflexe démocratique et constitutionnel : puisque le régime est par terre, il faut faire un autre régime, il faut une autre régime, et pour faire une autre constitution, il faut une autre assemblée élue par le peuple. Le 16 octobre on prévoie la réunion de l’assemblée mais on l’avance au 2 octobre car entre temps la situation militaire s’est dégradée. Les prussiens avancent, menace Paris. Le gouvernement de défense nationale se replie sur tour et le siège de Paris commencera le 19. Gambetta s’échappera de Paris en ballon.

Et donc les élections sont reportées sine die et même si paris résiste au siège dans des conditions très difficiles (bombardement et famine), la recherche de la paix devient l’essentiel. Il y a une convention d’armistice signée le 28 janvier 1871 et Paris capitule le même jour. La convention d’armistice (et dans le langage international, convention d’armistice veut dire que l’on suspend les hostilités et que c’est provisoire et que l’on attend de voir ce qu’on va faire par la suite, reprise des combats ou paix). La convention prévoit dans son article 2 l’élection d’une Assemblée Nationale qui se réunira à Bordeaux puisque Paris est occupée par les prussiens et c’est cette Assemblée Nationale qui décidera de la continuation de la guerre ou de la paix.

Tout ceci se met en place avec un peu de temps, mais dès le lendemain 29 janvier un décret établi un nouveau système électoral. On a rejeté le scrutin impérial, d’abord parce que c’était celui de l’empire et ensuite parce qu’il désignait des notables. On revient au scrutin de 18848, c’est-à-dire le scrutin majoritaire par département avec l’idée d’un département est un vote politique et non pas un vote « pour ou contre telle ou telle personnalité ». La question est : faut-il la paix ou la guerre ? Evidemment la position qui a le plus de faveur dans l’opinion est la recherche de la paix à tous prix. Sur ce thème, il y a une large coalition conservatrice (pour parler vite, disons que c’est toute la droite) pour la paix tout de suite quel qu’en soit le prix (aussi bien les monarchistes qui pensent que leur heure va revenir, que les bonapartistes qui ne se remettent pas de la captivité de l’empereur, et les républicains). Les libéraux (gauche) emmené par Gambetta sont pour la reprise de la guerre. Les élections sont sans appel : 675 élus (sur 750 membres car des circonscription sont occupées par les prussiens et les élections n’ont pas pu s’y tenir). Les monarchistes sont 400, avec une division entre eux et il y a d’ailleurs un peu plus d’orléanistes que de légitimistes, c’est-à-dire que les partisans des Orléans (Monarchie de juillet, Louis-Philippe) sont un peu plus nombreux que les partisans des Bourbons (Charles X). Les républicains sont 250, surtout des républicains modérés, et il y a une 20aine de bonapartistes, qui évidemment payent au prix fort l’échec de l’empire.

Derrière cette division il y a la question du régime : une majorité monarchiste peut entraîner au rétablissement de la monarchie. Une autre question se pose : celle de la paix. Et donc l’idée générale est que ce n’est pas le moment d’aller discuter sur la nature du régime, ce qui importe c’est les conditions de la paix et faire en sorte qu’elles ne soient pas trop catastrophiques. Il est prévu qu’on emploiera le terme général de « République » mais que celle-ci n’a qu’un sens très général, le sens latin de « chose publique », de « chose commune ». Le 17 février 1871, Thiers est élu par l’assemblée « chef du pouvoir exécutif de la République française ». Il y a un pouvoir exécutif, c’est Thiers, il y a un pouvoir législatif, c’est l’assemblée qui vient d’être élue. Thiers renvoie la question du régime à plus tard, c’est ce qu’on appelle le pacte de bordeaux (février/mars 1871 puisque l’assemblée siège à Bordeaux). Cette négociation de paix est le traité de Francfort qui sera signé le 10 mai 1871 qui abouti à la paix au prix de conditions lourdes (réparations à la Prusse, cession de l’alsace et de la Moselle, partie de Lorraine, à l’Allemagne).

Même si ceci est douloureux et en particulier aux députés de ces départements qui étaient pour la guerre, il s’est passé autre chose. L’assemblée a majorité monarchie, puisque la paix est là, peut rentrer à paris, mais se méfiant des précédents et ne voulant pas être à paris sous la menace d’une insurrection populaire décide de s’installer à versailles. Provocation ou maladresse ? Même Charles X n’avait pas songé à s’installer à Versailles. Fureur du peuple, qui voit cette assemblée loin. Le 18 mars il y a la proclamation de la commune de Paris, réunion assez spontanée des différents courants socialistes qui jusque là étaient très occupés à se taper les uns sur les autres et de ceux qu’on appelle les « résistants » et qui dans le vocabulaire de l’époque sont ceux qui veulent continuer la guerre.

Apparaît un autre pouvoir politique, une autre république, pour continuer la guerre. Cette commune de paris indique le 19 avril 1871 dans une déclaration au peuple avis ses intentions. Elle propose une organisation politique très novatrice dans laquelle la commune aura une place essentielle (démocratie à l’échelon communal) : un système très souple et très décentralisé. En même temps, une tonalité sociale et anti-capitaliste avec la dénonciation « des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la patrie, ses malheurs et ses désastres ». Ainsi avec la commuent et plus encore avec sa fin tragique on va voir le début d’un mythe qui a une très grande importance puisqu’il inspirera le socialisme révolutionnaire du tournant du siècle, et il inspirera aussi fortement la révolution bolchevique de 1917. On dit que Lénine est né enroulé dans le drapeau rouge de la commune pour marquer cette filiation.

C’est le début d’une conception très différente du pouvoir avec un pouvoir populaire décentralisé, fédératif (les communes s’associant les unes aux autres pour un échelon supplémentaire de gouvernement) et ceci qui est très en avance pour l’époque est aux antipodes des conceptions très conservatrices des assemblées de Versailles et de Thiers (qui a été libéral sous la monarchie de juillet) et qui pourrait bien être républicain (surtout s’il est Président de la République) mais qui du point de vue social ne veut pas changer grand-chose. Et donc le gouvernement de Versailles est versaillais. La reprise militaire de Paris, une répression féroce : la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai (il y aura à peu près 30 000 morts dont la plupart fusillé). Les derniers sont fusillés au cimetière du père Lachaise devant le mur des fédérés, des emprisonnés, et des déportés (dont la Nouvelle-Calédonie qu’il s’agit de peupler).

C’est donc une décimation massive au sens presque romain du terme (un sur 10). Paris sera à partir de là plus jamais révolutionnaire. Dès le lendemain de la commune, paris va devenir une ville de droite ce qui sera vrai jusqu’à ces toutes dernières années. Et donc la république de Versailles (incarnée par M. Thiers) montre qu’elle est conservatrice puisque qu’elle vient de réprimer durement un mouvement populaire d’inspiration progressiste et socialiste, et donc cette république si elle est conservatrice devient à peu près acceptable par une assemblée qui certes est monarchiste mais qui est surtout monarchiste parce qu’elle est conservatrice (et jusque là les deux termes étaient à peu près synonymes).

  • II. Le choix de la république

Cette république provisoire, celle du pacte de Bordeaux, rassure finalement un corps électoral conservateur. Elle a écrasé la commune, a fait la paix (au prix regrettable de l’Alsace-Lorraine), donc on peut lui faire confiance. Les élections partielles de juillet 1871 sont un succès pour les républicains conservateurs (ceux de Thiers). Ils gagnent 99 des 112 disputés, ce qui modifie les équilibres de l’assemblée puisque les républicains se renforcent. L’assemblée donne à Thiers le titre de Président de la République et la loi Rivet du 31 août 1871 fait de lui le Président de la République. Mais il est toujours sous l’autorité de l’Assemblée Nationale en attendant une hypothétique restauration qui est l’idée dominante puisque l’assemblée est à majorité monarchique. Simplement l’idée est compliquée par la déclaration du comte de Chambord, aussi abruti que son grand père Charles X, qui déclare qu’il accepte être roi à condition qu’on rétablisse le drapeau blanc de ses ancêtres et qui refuse d’être roi sous le drapeau tricolore. L’idée d’enlever le drapeau BBR ne plait pas du tout.

On est dans la situation ou Thiers gouverne avec une assemblée de plus en plus impatience et qui se sent armée pour lutter contre lui, puisque la loi rivet tout en donnant le titre de Président de la République a établi la responsabilité ministérielle. Ils sont nommés par le Président de la République mais sont responsables devant l’assemblée. Ceci confirmée par une loi de Broglie du 13 mars 1873 qui interdit pratiquement au Président de la République de s’exprimer devant l’assemblée. C’est un « cérémonial chinois » dira Thiers (on se méfiait de la capacité oratoire de Thiers). Cette loi Broglie confirme la responsabilité ministérielle. Seulement cette responsabilité ministérielle est délicate car une autre loi fait de Thiers le Président de la République.

Qui est responsable ? Les ministres, mais pas Thiers ? finalement les ministres ne sont que de bas exécutant de la politique de Thiers, et finalement cette responsabilité ministérielle que l’assemblée appelle de ses voux ne peut pleinement jouer que si le gouvernement est détaché du président, si ce sont 2 choses différentes. A l’époque à l’assemblée il y a encore une majorité monarchique qui après la désignation d’une équipe de républicains modérés le 18 mai 1873 vote l’interpellation, c’est-à-dire la procédure de responsabilité mise en place par la loi de Broglie. Elle vote l’interpellation par 360 voie contre 344 et aussitôt le président de la chambre des députés (qui a fait partie de ce complot monarchiste/parlementaire) fait voter une motion indiquant qu’il y a lieu de procéder à l’élection d’un nouveau Président de la République. Situation assez cocasse de voir un Président de la République renversé par un vote de l’Assemblée Nationale.

Le nouveau est aussitôt élu, c’est le maréchal de Mac-Mahon, qui est un monarchiste. Il est élu par 390 voix sur 721 présents. Les républicains s’abstenant en refusant de prendre part à ce qu’ils considèrent être un coup de force inconstitutionnel. Le maréchal constitue le 25 mai 1873 un gouvernement dirigé par M. de Broglie qui avait l’auteur de l’interpellation qui fait tomber thiers. Broglie est un monarchiste, Mac-Mahon aussi : on semble callé sur la restauration, mais le comte de Chambord s’obstine sur le drapeau blanc. La chambre fait savoir qu’il n’en est pas question, et les orléanistes disent que c’est inacceptable. Comment faire ?

Par chance, le Comte de Chambord n’a pas d’héritier, et donc il y a après un pacte entre les légitimistes et les orléanistes. Les orléanistes acceptent de considérer que Chambord soient le prétendant au trône, mais il est prévu qu’à la mort de Chambord ce sera le prétendant orléaniste qui soit reconnu par les légitimistes. L’orléaniste accepte le drapeau tricolore. Comme on dit à l’époque, il « suffit d’attendre » que Dieu veuille ouvrir les yeux du comte de Chambord ou les lui fermer définitivement. Il faut donc attendre, attendre que Chambord comprenne ou disparaisse. En attendant, cet inoffensif maréchal pourrait être chef de l’Etat en attendant. Combien de temps ? De Broglie propose 10 ans (nous sommes en 1873), ce qui est pas mal vu puisque Chambord mourra en 1883. L’assemblée propose 5. Mac-Mahon, qui est un polytechnicien, propose 7 ans devant ces deux propositions et trouve le compromis. C’est bien pour lui car il a 65 ans, et 7 ans parait acceptable. C’est la loi du septennat du 20 novembre 1873 ainsi rédigée : « le pouvoir exécutif est confié pour 7 ans au maréchal de Mac-Mahon qui l’exercera avec le titre de Président de la République ».

C’est là qu’est l’origine de la durée du mandat de 7 ans du Président de la République. Ce Président de la République n’est pas révocable, désormais la responsabilité n’est plus que ministérielle. La République st donc une république parlementaire avec un chef de l’Etat et un gouvernement différent responsable devant l’assemblée. La république est cependant encore liée à un homme, car le mot République n’est prononcé que dans le titre du Président de la République. Et finalement, si on veut passer plus définitivement à la République, c’est ça qu’il faut surmonter/dépasser en organisant la république permanente et non pas provisoire et transitoire. C’est le sens d’un projet constitutionnel élaboré par la commission des trente qui commence à être discuté le 21 juillet 1875.

Au départ, cette commission des trente qui émane d’une assemblée qui est encore en majorité monarchiste se préoccupe de la question du régime. Article 1 du projet : « le pouvoir législatif s’exerce par deux assemblées : la chambre des députés et le sénat ». Il y a sur cette question le rejet d’un amendement d’un des députés libéraux, l’amendement Laboulaye. C’était le gouvernement de la République composé de 2 chambres et d’un président. Cet amendement est rejeté par 359 contre 336 le 23 juillet 1874. L’écart est faible, ceci étant avant la discussion du projet de la commission des trente qui commence en 1875. Cet écart faible va encore se réduire. Le pas est franchi avec un texte extrêmement célèbre, l’amendement Wallon (professeur en Sorbonne) : « le Président de la République de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la chambre des députés réunis en Assemblée Nationale ». Cet amendement est voté le 30 janvier 1875 par 353 voix « pour » et 352 « contre ». Autrement dit, à une voix de majorité, la République est fondée, car le titre et la durée n’appartiennent plus à un homme mais à une institution (passage du pouvoir individualisé au pouvoir institutionnalisé). Maintenant une fois l’amendement Wallon voté, si le maréchal de Mac-Mahon disparaît, l’Assemblée Nationale se réuni et elle vote à la majorité absolue pour un nouveau Président de la République, autrement dit la République peut être organisée de façon permanente.

C’est ainsi que l’assemblée monarchiste, à vrai dire rééquilibrée par de nombreuses réélections partielles, établi la République et le point essentiel étant tranché, le reste sera beaucoup plus facile à faire. Le reste, c’est le compromis de 1875.

  • III. Le compromis de 1875

C’est donc la république, mais une République qui soit acceptable par les monarchistes, et finalement c’est la question assez bizarre qu’on se pose en 1875 : comment faire une constitution républicaine votée par une assemblée monarchiste ? Cela amène à un compromis. On peut se mettre d’accord, d’autant plus qu’on pourra faire qu’elle ressemble à une monarchie parlementaire. Et à la concession faites aux républicains, on va mettre une autre concession aux monarchistes, un Sénat dont il prévoit qu’il sera conservateur et qui tempèrera l’assemblée. Les républicains attachés à l’idée d’une assemblée unique (débat qui dure depuis la Révolution française) ne veulent pas de se sénat mais finalement si c’est le prix à payer ce sera le compromis. Le compromis se fait, la République naît autour de 2 institutions fortes : le Président de la République et le Sénat, et bien sûr l’assemblée avec une légitimité populaire mais des pouvoirs qui peuvent être limités tant par le parlement que par le sénat.

Tout cela (l’esprit du compromis) va être réglé par trois lois, les lois de 1875, et qui constituent la constitution de la troisième République. Un ensemble de trois lois de 1875 :

  1. la loi du 24 février 1875 : Organisation du Sénat
  2. la loi du 25 février 1875 : Organisation des pouvoirs publics
  3. la loi du 16 juillet 1875 : Rapports entre les pouvoirs publics

C’est cet ensemble de lois qui constitue la constitution de la troisième République, même si cette appellation est impropre. On ne peut parler réellement de constitution.

Ces trois lois, 34 articles, n’ont ni préambule, ni déclaration, ni grand principes : simplement la définition des pouvoirs et de leurs rapports. C’est un mode d’emploi beaucoup plus qu’un texte programmatique. Ces mécaniques du pouvoir, quelles sont elles ? Ce sont celles d’une monarchie parlementaire évoluée avec l’idée qu’il pourrait y avoir un jour une restauration. C’est la charte de 1830 aboutie avec un roi, sauf l’hérédité comme le notera un des auteurs socialistes et républicains de l’époque : Louis blanc.

En 1875 il y a d’abord le Président de la République et ensuite les assemblées. Ce président est élu pour 7 ans mais n’est plus élu au suffrage universel. La leçon de 1848 a suffit. Il est élu par les 2 chambre à la majorité absolue des 2 chambre réunies. Ce président est rééligible sans limitation. Il n’est pas responsable politiquement (ne peut être renversé par là ou les assemblées), il est éventuellement renversable en cas de haute trahison.

Ce Président de la République a l’initiative de la loi, il a le pouvoir réglementaire (il prend les décrets), il nomme aux emplois civils et militaires, nomme les ministre. Au départ, il n’y a pas de président du conseil mais il apparaît assez vite avec un décret du 9 mars 1876. Ceci dit, il n’y a pas de structure « président du conseil », c’est un des ministres avec un portefeuille qui a le titre et le rôle du président du conseil. Le Président de la République peut dissoudre la chambre des députés, c’est-à-dire que c’est un pouvoir très fort qui permet éventuellement de s’opposer à une majorité par le peuple. Il ne peut le faire qu’avec l’avis du sénat (on voit bien là la conception monarchiste du Sénat).

Le Président de la République a donc des pouvoirs très forts finalement un peu comparables à ceux de notre Président de la République actuel.

Le Sénat. Organisé par la loi du 24 février 1875, il est organisé de manière fort conservatrice. Il faut pour être sénateur avoir au moins 40 ans (réminiscence de l’idée des anciens, idée qu’il y a déjà de l’expérience, moins d’aventurisme). Il est renouvelable par tiers tous les trois ans (formule qui a été abandonné il y a 2 ans seulement), et les sénateurs (ça dure toujours) sont élus au suffrage universel indirect rétabli pour cette circonstance, c’est-à-dire qu’ils sont élus par les élus avec notamment un délégué par commune quelque soit la taille de la commune. Il y a l’époque quelque chose comme 38 000 communes en France. La plupart sont très rurales, leurs représentants vont être très majoritaires : le sénat sera rural et conservateur. Et il est prévu pour cela pour être monarchiste. De plus, précaution supplémentaire, sur les 300 membres que doit compter le sénat il n’y aura que 225 élus auxquels s’adjoindront 75 sénateurs inamovibles à vie et qui seront désignés par l’Assemblée Nationale sortante. L’Assemblée Nationale sortante est réputée être à majorité monarchiste, donc l’idée c’est qu’il y aura ce bloc de 75 sénateurs plutôt monarchistes.

De plus, ce sénat a des prérogatives égales à celles de la chambre des députés. On est dans un des rares exemples de bicamérisme intégral, c’est-à-dire que les 2 chambres ont les mêmes pouvoirs. Le sénat a les pouvoirs en matière de vote de la loi, vote du budget. Il a lui aussi la possibilité de renverser le gouvernement comme la chambre des députés et de plus c’est lui qui peut émettre un avis conforme pour la dissolution de la chambre des députés. Lui sénat ne peut être dissout : autrement dit, c’est une enclave monarchiste pour laquelle toutes les protections sont prises. Point d’appui du Président de la République monarchiste, et ne peut être dissout.

Finalement il reste ce qui va devenir le plus important : la chambre des députés n’est traité que de manière secondaires dans les 3 lois de 1875. Elle sera organisé un peu plus tard par la loi du 30 novembre 1875 (4ème loi constitutionnelle de la troisième République) qui donne à cette chambre des députés une durée de vie assez courte, 4 ans (et c’est bien, on consulte le peuple régulièrement) ; elle est intégralement renouvelée (ce qui lui donne une force politique), mais on est revenu au scrutin d’arrondissement (uninominal par petite circonscription), scrutin majoritaire, ceci pour enraciner le nouveau personnel politique qui s’installe.

La chambre des députés a bien sûr tout de même l’initiative et le vote de la loi, elle vote le budget, et elle peut mettre en jeu la responsabilité du gouvernement, c’est-à-dire renverser le gouvernement ; cette responsabilité est enfin consacrée pour le gouvernement dans son ensemble et pas seulement pour un ministre. Cette question qui existe dans le débat institutionnel depuis la Restauration se trouve enfin réglé, il aura fallu 60 ans pour y arriver. Il n’y a pas pour la responsabilité de procédure précise d’où une facilité à renverser le gouvernement qui se révélera plus tard funeste.

Donc un chef de l’Etat fort, et un gouvernement responsable devant lui, et devant la (et même les) chambres. Principe affirmé en 1875, sera discuté, mais mis en œuvre en 1876. LE sénat renverse le gouvernement et celui-ci démissionne.

Et puis la dissolution donnée au Président de la République (sous la seule condition de l’avis conforme du sénat). Système orléaniste, parlementariste dualiste où le gouvernement a la confiance du Président de la République et de l’assemblée. Au bout de 4 ans, la renonciation au droit de dissolution va changer totalement l’équilibre du système.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

Section 2 – L’évolution du régime

La troisième République est celui de nos régimes politiques qui a le plus duré (65 ans), même si la cinquième République pourrait se rapprocher. Si les textes sont inchangés, l’évolution est totale, et à l’arrivée ce n’est plus du tout le régime de départ. On part de la puissance tempérée du chef de l’Etat (c’était au départ un Président de la République puissant tempéré par l’existence des chambres) pour arriver à la toute puissance non tempérée des assemblée, et ceci est le résultat de la crise fondatrice de 1877 qui place le chef de l’Etat en situation très diminuée avec l’abandon qu’il est amené à faire du droit de dissolution. C’est ce qu’on appellera la Constitution Grévy du nom du Président de la République qui inaugurera cette pratique.

Après cette crise, une longue période d’enracinement de la République qui triomphe en 1918 en ramenant les provinces que l’empire avait perdues mais qui au lendemain de la guerre s’enfonce dans une instabilité qui l’amènera à sa perte au début de la guerre suivante.

  • I. La crise de 1877 et la Constitution Grévy

Le compromis de 1875 va être très vite dépassé, et en courte période (4 ans) selon une formule célèbre : « Ce sera la république aux républicains » (ce qui n’était pas le cas en 1875 où elle était aux monarchistes). Ces 75 sénateurs inamovibles devaient être monarchistes, mais il y a un jeu fort habile de Gambetta avec les légitimistes et les républicains obtiennent 55 des 75 siècles prévus pour les monarchistes. L’élection du 30 janvier 1876 pour le Sénat rétabli une majorité monarchiste très courte : 154 monarchistes contre 146 républicains au total sur les 300 membres du Sénat, c’est-à-dire que ce point d’appui commence déjà à être fragilisé.

Les élections du 20 février et 5 mars 1876 pour la chambre des députés donnent elles, malgré (ou à cause) du scrutin uninominal, une nette majorité républicaine : 360 républicains contre 75 royalistes et 75 bonapartistes.

Une assemblée très républicaine, un sénat moitié/moitié, finalement dans l’état des forces politiques seul le Président de la République est fondamentalement monarchiste et conservateur. Il commence alors une formule qu’on appellera plus tard une sorte de cohabitation entre le Président de la République épaulé par le sénat et la majorité de la chambre qui est républicaine. On trouve un compromis, qui est d’abord le ministère Dufaure nommé le 9 mars 1876, mais Dufaure est considéré comme trop modéré par les républicains. La responsabilité existe, et Dufaure est contraint à la démission en décembre 1876 et Mac-Mahon appelle un des dirigeants républicains, Jules Simon, chef respecté des républicains, qui forme son gouvernement.

Et il y a en mai 1877 un grand débat sur ce qu’on appelle à l’époque « la question cléricale ». Débat musclé d’autant que l’Eglise s’obstine à ne pas reconnaître la République ce qui n’est pas du goût des républicains. Gambetta : « le cléricalisme, voilà l’ennemi » (ça fait du bruit dans une assemblée monarchiste conservatrice). Mac-Mahon adresse le 16 mai 1877 une lettre de blâme à Jules Simon qui démissionne aussitôt, ce qui illustre l’idée de la double confiance (le chef du gouvernement doit avoir la confiance ET du Président de la République ET de l’assemblée, et si le président le blâme c’est qu’il ne lui fait pas confiance).

Mac-Mahon forme un cabinet, on retrouve le grand réactionnaire de l’époque (De Broglie, monarchiste, qui avait déjà fait tomber Thiers) et qui constitue un ministère dit de « combat » pour restaurer « l’ordre moral » et commence à faire signé à Mac-Mahon un décret d’ajournement des chambres pour un mois, ceci le 18 mai 1877. Cette procédure, il va sans dire qu’elle n’est aucunement prévue par la constitution, mais on a vu qu’on pouvait prendre des libertés avec elle. L’assemblée le prend mal, la chambre refuse d’accepter cet ajournement, et adopte le 30 mai 1877 un manifeste signé par 363 de ses membres (c’est-à-dire tous les républicains et même un peu plus) dénonçant le pouvoir personnel et refusant de reconnaître le nouveau gouvernement. Blocage. Le 25 juin, après avoir obtenu l’avis conforme du sénat (qui est donné à 149 contre 130 voix), Mac-Mahon dissout la chambre des députés et des élections sont organisées pour le mois d’octobre, après l’été.

La campagne électorale est violence, entre d’un coté l’ordre moral (les monarchistes) et de l’autre les républicains animé par Gambetta sur le thème du pouvoir perso, du coup de force, du césarisme, et du nécessaire respect de la volonté du peuple. Gambetta : « quand le pays aura parlé, il faudra se soumettre ou se démettre ». Au terme de cette campagne, les républicains perdent 40 sièges aux élections de 14 et 28 octobre, mais il restent majoritaire et assez largement (323 contre 208 conservateurs, 104 bonapartistes, et à part égal une 50aine de légitimiste et une 50aine d’orléanistes). Donc l’assemblée reste hostile au maréchal Président de la République. Mac-Mahon hésite à une nouvelle dissolution, mais là ça ferait vraiment désordre (la révolution 1830 est née de la double dissolution voulue par Charles X). Cette fois-ci le sénat refuse, et alors Mac-Mahon essaye de tenter un « ministère d’affaire » ou ministère pour expédier les affaires courantes, ministère Rochebouët, que la chambre refuse de reconnaître. Mac-Mahon cède et rappelle Dufaure que la chambre accepte pour sortir de la crise, c’est un républicain. Et le jour même où il nomme Dufaure le 13 décembre, Mac-Mahon affirme sa fidélité au régime parlementaire.

En 1878, se joue dans cette cohabitation sans drame majeur jusqu’au 5 janvier 1879 où il y a lieu le premier renouvellement partiel du sénat. Il est important, puisqu’il donne une forte majorité républicains : 179 vs 121. Ce qui veut dire que Mac-Mahon n’a plus d’appui au sénat et qu’il ne trouvera plus d’appui plus dissoudre. Dès le premier conflit avec Dufaure, Mac-Mahon démissionne le 30 janvier 1879. Il y a donc lieu d’élire un nouveau Président de la République, ce sera Jules Grévy (très républicain). Il est élu par 563 voix sur 705 votants. Dans son message de remerciement aux chambres, cette phrase : «Je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels».

Cela veut dire que le Président de la République s’engage à ne pas entrer en lutte contre la volonté nationale, la volonté générale, et cette volonté générale est exprimée par les représentants de la nation, c’est-à-dire la chambre des députés. Autrement dit, cela veut dire que Grévy s’engage à ne pas utiliser son droit de dissolution. Cette phrase est fondamentale : c’est l’abandon du droit de dissolution du Président de la République. Cela va devenir une convention de la constitution, c’est-à-dire une manière de lire la constitution qui reçoit l’assentiment de tous les acteurs et qui est une interprétation devenant obligatoire. Le droit de dissolution tombe en désuétude et ne sera pas utilisé jusqu’en 1955.

Autrement dit, c’est la fin d’un régime parlementaire dualiste où il y a d’un coté un chef de l’Etat et de l’autre la chambre, dans lequel le gouvernement doit avoir la confiance des dieux. C’est l’établissement d’un régime parlementaire moniste au profit de l’assemblée même s’il y a encore la nuance de l’importance du Sénat. C’est ce qu’on appelle la « Constitution Grévy ». La république est passée aux républicains et la république parlementaire est installée. Il lui reste à s’enraciner :

  • II. L’enracinement (1879-1918)

A partir de là, la question du régime n’est plus posée. Même après la mort attendue (et heureusement un peu tardive) du comte de Chambord en 1883 (Broglie avait bien vu le coup en 1873), la république est installée. Elle vit désormais une vie politique mais la question des institutions n’est plus vraiment posée. Le rythme est celui des élections à la chambre des députés qui ont lieu tous les 4 ans, qui donnent toujours une nette majorité républicaine (la question monarchiste ne se pose plus, ils disparaissent à partir des années 1900 environ). Les républicains peuvent se diviser sur d’autres clivages, et ce camp républicain se divise progressivement en ce qu’on appelle les opportunistes (non péjoratif à l’époque, c’est-à-dire ceux qui gouvernent selon l’opportunité du moment, c’est-à-dire des modérés qui font ce qu’il est possible de faire) et les radicaux, plus à gauche, plus volontaristes, partisans de réformes radicales (c’est-à-dire changements importants). Les radicaux sont épaulés par les socialistes qui commencent à devenir une force parlementaire importante au tournant du siècle.

Le débat n’est plus entre républicains et monarchistes mais entre droite républicaine et gauche républicaine.

Dans les années 1880 commence la grande ouvre républicaine. L’éducation (Jules ferry, école obligatoire en 1882), les grandes libertés publiques établies par une série de lois (loi sur la liberté de réunion en 1881, sur la liberté de la presse en 1881, la liberté syndicale en 1884, un peu plus tard en 1901 la liberté d’association). Et les débuts de ce qui sera la grande affaire de cette période : la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui aboutira en 1905, projet élaboré sous le ministère Combes et voté sous le ministère Rouvier sur un rapport d’Aristide Briand en décembre 1905.

On ajoutera, dans les grandes lois votées, une révision constitutionnelle en 1884 qui a finalement peu de portée : elle supprime les sénateurs inamovibles (qui étaient en train de disparaîtres) et modifie le corps électoral du sénat en modifiant la part des grandes villes par rapport aux petites : on déruralise ce corps électoral.

Tout va bien, mais les crises sont assez bien surmontées :

La première est assez curieuse : le boulangisme. Boulanger est un général républicain, ce qui est rare à l’époque, donc monte très vite dans la hiérarchie et on en fait le ministre de la guerre dès 1886. Il réorganise l’armée et devient très populaire d’autant qu’il a une bonne prestance. Il bénéficie du surnom flatteur de « général revanche » (allusion à la reprise de l’Alsace-Lorraine), Alsace-Lorraine que l’épopée coloniale n’a pas fait oublier.

La grande affaire coloniale en Indochine et en Afrique est voulue par les républicains et en particulier par Jules Ferry. Ferry a des idées discutables aujourd’hui, mais il veut apporter la mission civilisatrice et aussi l’économie. Cette colonisation ne fait pas oublier la question de l’Alsace-Lorraine. A la suite de sa fermeté dans un incident de frontière avec le douanier Schnaebele, il devient une sorte de porte drapeau du nationalisme. On a derrière lui un mouvement de caractère un peu néo bonapartiste et ceci se développe d’autant plus facilement que la république traverse une crise de valeur. Elle est jugée faible, corrompue. Grévy a été obligé de démissionner en 1887 après un scandale : son gendre Wilson vendait des légions d’honneurs (ça finit par se savoir et ça fait très vilain, et Grévy démissionne, Wilson est réélu sénateur, la prime à la casserole existait déjà).

Devant la popularité croissante de Boulanger, le gouvernement le met à la retraite en mars 1888. Erreur, puisqu’il devient libre politiquement : il se présente à une série d’élection partielle. En janvier 1889, après une victoire retentissante à Paris, sa Ligue des patriotes qu’il a fondé hésite à marcher sur l’Elysée. Finalement elle ne le fait pas : cette hésitation est fatale, le gouvernement dissout la ligue, et Boulanger s’enfui à Bruxelles puis se suicide sur la tombe de sa maîtresse.

Boulanger est écrasé aux élections d’octobre novembre 1889, les républicains ont changé le scrutin pour revenir au scrutin majoritaire départemental. Les candidatures multiples sont interdites, donc Boulanger ne peut plus être tête de liste à plusieurs endroits. C’est la fin de l’alerte boulangiste, la république en sort renforcée.

La deuxième affaire est l’affaire Dreyfus, qui ébranlera aussi la République pendant 12 ans de 1894 à 1906. C’est la découverte d’une affaire d’espionnage : un officier de l’Etat-major a passé les plans du canon de 75 mm. L’accusation contre Dreyfus qui révèlera bientôt un montage invraisemblable jusqu’à la réhabilitation définitive de Dreyfus en 1906 devant la cours de cassation qui casse les derniers arrêts des tribunaux militaires, déclarant qu’il n’y avait rien contre Dreyfus et dont l’innocence était évidente. L’affaire a des conséquences immenses. Elle bascule dès 1896 avec le célèbre j’« Accuse » de Zola publié dans le journal de Clemenceau, l’Aurore, qui accuse l’Etat-major d’avoir fait des faux. Zola est condamné, doit s’enfuir, et sera réhabilité.

L’affaire a des conséquences politiques considérables et notamment sur une question qui reste présente sur le débat politique français, c’est l’antisémitisme. L’antisémitisme qui, il faut bien le dire, était jusque là plutôt de gauche (contre les riches banquiers juifs) et qui devient avec l’affaire Dreyfus un sentiment récupéré par la droite nationaliste et qui ne la quittera plus, avec les conséquence tragiques que cela aura plus tard, notamment avec Vichy.

La république sort renforcée. L’Eglise reconnaît la république en 1892. C’est aussi le ralliement des socialistes qui étaient révolutionnaires mais qui devant les succès électoraux deviennent parlementaires. C’est la naissance du PS unifié, la SFIO, en 1905. Le PS participera d’ailleurs à l’union sacrée, c’est-à-dire au gouvernement pendant la Première Guerre Mondiale.

La Première Guerre Mondiale est la dernière épreuve, la plus douloureuse et la plus glorieuse. La victoire au bout de 4 ans de guerre, quelques millions de morts, et le retour de l’Alsace-Lorraine. Autrement dit, malgré ses faiblesses et son instabilité, la république a réussi là où les régimes autoritaires avaient échoué. Elle a ramené les provinces perdues. Désormais il n’y a plus rien à lui reprocher. Pourtant ce triomphe va être le début des années difficiles.

  • III. L’instabilité et la chute (1918-1940)

Cette première période, si elle se caractérise par cet enracinement des institutions républicaines, a vu aussi naître et se développer un phénomène avec des conséquence considérables : l’émergence des partis politique. L’organisation de l’opinion en partis politique se passe un peu partout entre 1875 (naissance du PS allemand) et disons 1900/1905. En 30 ans, la forme d’organisation politique, ce sont les partis.

C’est-à-dire que la représentation n’est plus une affaire d’individus plus ou moins indépendants les uns par rapport aux autres, elle est désormais structurée/canalisée autour des partis. L’assemblée qui recherche l’expression de la volonté générale devient en réalité le lieu de confrontation entre plusieurs courants politique, chacun ayant son importance en fonction du nombre de membres.

Le Règlement de la chambre de 1910 reconnaît pour la première fois l’existence de groupes parlementaires. Ces groupes existent et sont à l’époque assez nombreux/imprécis. Cette imprécision et cette faible structuration est camouflée par la domination du parti radical qui s’est organisé en 1901 et qui est le grand parti dominant de la période : tous les ministères ou presque sont radicaux et cette domination sera ainsi jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale.

Il y a certes malgré cette domination une grande instabilité. Les gouvernement ne durent jamais bien longtemps, en général un an, mais pourtant c’est en gros la même orientation politique, et donc finalement cette instabilité n’a pas de conséquences bien tragiques.

Après la Première Guerre Mondiale, les choses changent. D’abord, victoire massive de la droite aux élections de 1919 avec une loi électorale nouvelle, à la fois majoritaire et proportionnelle. C’est la victoire du bloc national derrière Clemenceau (il avait gagné la guerre, et l’argument a son poids). Les radicaux affaiblis se rallient à cette alliance de la droite, la SFIO (seule opposition) est très esseulée. En 1920, congrès de Tours et scission de la SFIO. Une partie rejoint l’internationale communiste.

Pourtant il commence à y avoir un début de bipolarisation, c’est-à-dire une alliance à gauche et une alliance à droite, et il y a la constitution d’un cartel des gauches (socialistes et radicaux sans les communistes) qui écrase le peuple national aux élections de 1924 avec pourtant la même loi électorale. Le Président de la République, Millerand, qui avait été socialiste puis socialiste indépendant, devenu bien modéré, essaye de résister à cette majorité de gauche. La chambre des députés fait la grève des ministres en refusant de reconnaître tout ministre nommé par Millerand, et celui-ci est obligé de démissionner comme en 1879. En 1924, cette tentative pourtant extrêmement timide de renouer avec un rôle un peu plus actif du Président de la République, échoue piteusement. La nouvelle élection présidentielle amène Doumergue à la présidence. Herriot, chef du cartel des gauches, gouverne, mais gouverne difficilement car s’il y a une chambre des députés de gauche (incertaine d’ailleurs car certains radicaux ont des état d’âmes), il y a un sénat de droite (républicain depuis longtemps, mais de droite). En avril 1925, il renverse Herriot. Une assemblée de gauche, un sénat de droit : que faire ?

La solution est l’union nationale derrière Poincaré en 1926 qui gagne les élections de 1928, mais elle ne tient que sur la personnalité de Poincaré. Et lorsque celui-ci se retire en juillet 1929, tout se disloque. On aura de 1928 à 1932 neufs ministères pour une législature de 4 ans. En 1932 les élections donnent la victoire au bloc des gauches : un nouveau ministère Herriot tombe après 6 mois, et jusqu’au 6 février 1934 : cinq ministères.

6 février 1934 : moment grave, on renoue avec une grande crise de la république. Crise financière des suites du Krach de 1929 aux Etats-Unis. Crise internationale (Hitler est en pleine ascension et devient chancelier en janvier 1933). Crise morale à nouveau avec des affaires de scandale, corruption : affaire Stavisky.

Il y a des émeutes, des ligues (c’est-à-dire des milices paramilitaires antiparlementaire sen février 1934). La police s’oppose à ce que les ligues prennent l’assaut. Il y a des contre manifestations le 12 février contre le péril fasciste, et une situation extrêmement compliquée. Le régime vacille, semble sur le point de s’écrouler, est sauvé par un nouveau gouvernement d’union nationale. On rappelle Doumergue qui avait sauvé la donne en 1924. Il le fait fort bien, s’essaye à la réforme de l’Etat, utilise massivement la technique des décrets-lois (idée importante sur le plan de la technique juridique, fort utilisée fin la troisième République et sous la quatrième République, correspond aux ordonnances). Les décrets-lois sont créés par la loi du 22 mars 1924. Il commence à s’adresse à la nation par la radio naissante. Tout cela déplait souverainement au parlement (décrets-lois et radio, le parlement se voulant l’interlocuteur entre l’exécutif et la nation). Doumergue est obligé de se retirer devant l’hostilité parlementaire en novembre 1934 sans avoir pu renforcer le pouvoir. Il songeait à des modifications constitutionnelles, une commission avait même été créée pour ça, et une idée était le rétablissement du droit de dissolution qui avait disparu depuis 1879.

Mais pendant ce temps là a commencé à s’organiser le Front Populaire, c’est-à-dire une alliance de tous les partis gauches, avec un revirement tactique du PC qui n’avait que le PS comme adversaire mais qui choisi clairement à partir de 1935 (en raison de la tension international et de la pression URSS) une stratégie d’union. 1936 : victoire de l’alliance de Front Populaire. Arrive au pouvoir le gouvernement Léon Blum avec le soutien sans participation du Parti Communiste.

Il y a des débuts prometteurs, un certain nombre de réforme (congés payés, les accords Matignon sur les salaires) mais il y a l’opposition du Sénat (toujours de droite), des difficultés économiques (le célèbre mur d’argent) et Blum est obligé en février 1937 de décider la pause, et il est invité à démissionner le 21 juin 1937 devant l’opposition du Sénat.

Il y a des ministères radicaux qu’on considère comme plus acceptable mais ça ne marche pas très bien. Le retour de Blum, mais les divisions sont fortes, et notamment une nouvelle division : la guerre d’Espagne. La France doit elle ou non intervenir ? Les communistes disent que si le gouvernement ils ne soutiendront plus le gouvernement, les socialistes disent que si le gouvernement le fait ils ne le soutiendront plus. Le gouvernement Blum tombe à nouveau en avril 1938.

On revient à un ministère radical (Daladier, « le taureau du Vaucluse ») qui va négocier les accords de Munich (« figure inédite de la tauromachie », copyright Colliard). La majorité de front populaire a vécu, les radicaux sont désormais clairement de l’autre côté. A coup de pleins pouvoirs, Daladier tient quelques temps jusqu’à la violation des accords de Munich en mars 1939. Le pacte germano-soviétique (en août 1939, coup de tonnerre, jusque là l’Allemagne nazie et l’URSS étaient opposés, et se rapprochent par un pacte de non agression). Ce pacte amène à proclamer la déchéance des parlementaires communistes au moment de la déclaration de guerre le 3 septembre 1939.

Le gouvernement Daladier tient encore quelques mois pendant la drôle de guerre, mais en mars 1940 il démissionne et cède la place à un autre, Paul Reynaud, qu’on retrouvera avec un rôle important après. L’offensive allemande amène la dislocation des armées et du pouvoir. Même si le gouvernement a été symboliquement renforcé le 18 mai 1940 par la nomination, comme vice-président du conseil, du maréchal Pétain considéré comme le vainqueur de Verdun dont la présence au gouvernement devrait galvaniser l’esprit français. Charles De Gaulle rentre au gouvernement comme sous secrétaire d’Etat à la guerre.

Malgré cela le désastre est évident, dès le 10 juin le gouvernement se replie à Bordeaux (lieu de naissance de la troisième République d’ailleurs, et c’est là même où elle mourra) et le 16 juin le gouvernement Paul Reynaud démissionne. Lebrun appelle comme président du conseil le maréchal Pétain qui dès le 17 juin demande l’armistice (c’est un remake de 1870) pendant que De Gaulle quitte bordeaux pour Londres où après avoir lancé son célèbre appel du 18 juin demandant aux français qui veulent rester libre de le rejoindre, il fonde le 22 juin le comité de la France libre le jour même où l’armistice est signée : « la France a perdu une bataille mais n’a pas perdu la guerre »).

Dès ce 18 juin 1940, il y a deux incarnations institutionnelles différentes de la France ; l’une officielle (vieille querelle entre légalité et légitimité) : Pétain reçoit tous les pouvoirs par la loi constitutionnel du 10 juillet 1940 qui transmet les pouvoirs du parlement au maréchal Pétain et notamment le pouvoir constituant. Ce vote est massif : 569 « pour », 80 « contre », 17 abstentions. La chambre du front populaire amputée des parlementaires communistes a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. S’installe donc une sorte de dictature du maréchal Pétain tempéré par le grand âge et la lucidité parfois limitée du personnage. Celui qui gouverne est surtout Laval, son chef du gouvernement, qui prône une politique de collaboration avec l’Allemagne. Tout cela se fait derrière une vague façade constitutionnelle qui n’a pas beaucoup de réalité. Il y a bien un projet de Constitution qui sera rédigé mais qui ne sera jamais promulgué. Il est intéressant à lire car on y trouve un certain nombre de débat qu’on retrouvera plus tard, notamment en 1958.

De l’autre coté s’organise la résistance. Extérieure, avec De Gaulle, auquel se rallie l’empire. Intérieure, à partir du milieu de l’année 1941. L’unification entre ces 2 mouvements se fera à partir de janvier 1942 sous l’impulsion de Jean Moulin, préfet, rallié à De Gaulle, et envoyé en France. Juin 1943 : création du CFLN (comité française de libération nationale) puis en septembre 1943 d’une assemblée consultative provisoire où sont représentés les partis politique.

Le sort de armes évolue au détriment français, le CFLN devient le 3 juin 1944, juste avant le débarquement de Normandie, le gouvernement provisoire de la république française (GPRF). Effectivement, devant le débarquement et l’avance des armées alliées, les forces allemandes se replient. Vichy, Pétain et Laval sont amenés en Allemagne le 20 août 1944, et le GPRF qui a proclamé le 9 août le rétablissement de la république s’installe à Paris dès le lendemain de la libération de Paris. Et la question qui est à l’ordre du jour, pendant que la guerre se poursuit puisqu’elle ne se terminera qu’en mai 1945, mais là la France est entièrement libérée, la question est donc de refaire un régime politique, de reconstruire la république, et ce sera la quatrième.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :