Le règlement des conflits collectifs (médiation, conciliation…)

LE RÈGLEMENT DES CONFLITS COLLECTIFS

Le législateur est intervenu pour permettre aux partenaires sociaux d’utiliser des instruments juridiques de sortie de grève. On peut citer la loi du 31 décembre 1936 et la loi du 4 mars 1938 qui instituent une procédure de conciliation et une procédure d’arbitrage qui devaient intervenir obligatoirement avant le déclenchement de la grève. Les conventions collectives devaient comporter des clauses de règlement, organisant la conciliation préalable et si la conciliation n’aboutissait pas, chaque partie devait désigner un arbitre. La sentence arbitrale était contrôlée dans sa légalité par la cour supérieure d’arbitrage.

Il a fallu attendre la loi du 11 février 1950 qui repose sur plusieurs axes importants :

Tout d’abord, le législateur veut privilégier les solutions pacifiques, ensuite il est conscient de la difficulté à faire intervenir un arbitre dans les conflits collectifs du travail. L’arbitre tranche en prenant lui-même la décision, c’est pourquoi avec cette loi du 11 février 1950, la conciliation reste obligatoire, alors que l’arbitrage devient facultatif.

Autre idée du législateur : il entend concrétiser le lien entre le règlement des conflits collectifs et la négociation collective dans les entreprises. Celui-ci doit favoriser l’aboutissement à des conventions collectives et permettre leur application effective. Il se peut très bien qu’il ait une convention de branche mais qui ne soit pas respectée par l’employeur.

On a ensuite constaté que la conciliation était une procédure qui n’était pas d’une grande efficacité. La question portait sur le rétablissement de l’arbitrage obligatoire. C’est une solution intermédiaire qui a été choisie dans le décret du 5 mai 1955 qui institue la médiation. Il s’agissait d’importer en droit français un système déjà très pratiqué en Amérique du Nord.

Il s’agit de l’intervention d’un tiers (comme pour l’arbitrage), qui ne tranche pas (différence avec l’arbitre), mais tente de rapprocher les parties pour aboutir à un accord.

Le résultat des ces rois modes de règlement des conflits (médiation, arbitrage, conciliation) s’est avéré décevant. Bien qu’obligatoire que la conciliation, a été délaissée. C’est avec la loi du 13 novembre 1982 que le caractère obligatoire de ces dispositions a été abrogé. Aujourd’hui encore, ces procédures sont assez peu pratiquées.

Le cours complet de Conflit et contentieux en droit du travail est divisé en plusieurs chapitres :

§1 – Les modes de règlements prévus par la loi

a) La conciliation

La conciliation vise à obtenir un accord qui comportera des engagements, c’est donc une négociation de type contractuelle. On ne cherche pas à juger les positions de chacune des parties, on ne cherche pas non plus à imposer aux parties des solutions. Ce sont les parties qui forgent elles-mêmes leurs propres solutions par la négociation. Cette négociation peut être accompagnée par un conciliateur, un tiers qui ne fait que discuter avec les parties et facilite leur expression, leurs points d’accord et de désaccord. Le rôle de ce conciliateur et ces modalités d’intervention ne sont pas définies par la loi, ce qui pose un certain nombre de problèmes.

Si un accord est trouvé, la loi prévoit qu’un PV de conciliation enregistre l’accord (écrit). En cas d’échec de la négociation, on dresse un PV de non-conciliation. Cette procédure est facultative. La loi permet aux conventions collectives de définir les modalités de la conciliation mais si la convention collective ne prévoir rien sur ce point, on applique à titre subsidiaire, la procédure réglementaire (qui elle aussi est facultative, les parties doivent vouloir l’engager). Cette procédure règlementaire est subsidiaire et facultative, et prévoit que le préfet peut, réunir les parties et tenter de les concilier. Puis, une commission tripartite sera réunie pour tenter la conciliation (DRH – DS – inspecteur du travail). Si la conciliation réussit et le PV de conciliation est signé dans ce cadre, l’accord a le même effet qu’une convention collective. Dans la pratique, cette procédure est rarement utilisée (il faut que les parties veulent entrer en négociation).

b) La médiation

Le médiateur est soit choisi par les parties, soit choisi par le ministre sur des listes de personnalités (impartiales et compétentes). Rien n’interdit aux parties de choisir le médiateur en dehors de ces listes ou en s’inspirant de ces listes. Le médiateur joue d’abord un rôle d’enquêteur-expert en réunissant des informations sur le conflit, d’autant que le médiateur est un tiers qui n’a a priori aucune connaissance de l’entreprise. Dans cette première phase, le médiateur dispose de pouvoirs d’investigation, il va recueillir des renseignements, il peut auditionner des témoins, aller voir toute personne qui peut lui fournir des infos.

Puis la médiateur réunit les parties et recherche avec elles une solution négociée. À cet effet, le médiateur émet une recommandation écrite qui suggère une ou des solutions. Il soumet sa recommandation aux parties qui peuvent donner leur accord ou non, si elles ne le font pas, le médiateur remet son rapport et sa recommandation au ministre qui peut décider de rendre public ce rapport. Cette technique de la médiation a parfois été utilisée, mais elle reste rare : les parties ne souhaitent pas toujours qu’il y ait un médiateur qui vienne dans l’entreprise et qui les guide. Les raisons à cette réticence sont stratégiques et juridiques : le rapport du médiateur peut être instrumentalisé, l’employeur est réticent, certaines pratiques illégales peuvent se retourner contre lui ; les syndicats peuvent ne pas avoir confiance en la personnalité du médiateur. Cette procédure est rare.

c) L’arbitrage

L’arbitre est amené à trancher un différend, sa sentence s’impose aux parties. C’est la raison pour laquelle le code prévoit que les parties doivent décider d’un commun accord le recours à un arbitre. Elles rédigent alors un compromis d’arbitrage pour définir la mission de l’arbitre.

Une fois la sentence rendue, elle est obligatoire, mais au départ, l’arbitrage est facultatif. L’arbitre statue en droit, il remplace le juge, mais en matière de conflits collectifs de travail, le différend repose souvent sur des éléments non juridiques. C’est la raison pour laquelle la loi prévoit que la loi prévoit que l’arbitre statue en droit s’agissant des litiges juridiques et en équité s’agissent des aspects économiques du conflit. L’arbitre doit motiver sa sentence dont les effets sont ceux d’une convention collective, c’est aussi une différence avec le droit commun (en principe, la sentence n’a force exécutoire que lorsque le juge la valide : exequatur ; ici, la sentence n’a pas a proprement parler force exécutoire mais plutôt force obligatoire comme une convention collective ). L’arbitrage est très rarement utilisé.

§2 – Les modes de règlements pratiqués par les parties (informels)

a) Les raisons de la négociation directe

La plupart des conflits de travail sont de nature économique. Il s’agit de présenter des revendications, il ne s’agit pas de litiges juridiques reposant sur l’application correcte des droits reconnus aux salariés. S’agissant de conflits économiques, les procédures de règlement prévues par la loi sont peu adaptées. Souvent, la fin de conflit se fera sur la base de concessions réciproques. Or, il est inconcevable de faire une concession sur l’application du droit surtout en droit du travail ou pratiquement toutes les règles sont d’ordre public .

Il s’agit de processus qui ne sont pas règlementés en eux-mêmes mais qui existent réellement. À ce titre, on parle de négociation informelle. Il est parfois nécessaire de recourir à des textes ou des mécanismes juridiques qui n’ont pourtant pas été créés spécialement pout le règlement des conflits collectifs ; d’où un sentiment de bricolage juridique. Les pratiques sont assez diverses ; il faut bien reconnaitre que les grévistes eux-mêmes s’autolimitent dans la revendication et dans la cessation de leur travail à l’occasion d’une grève. Dans certaines entreprises (SP mais pas toujours), certains travailleurs se déclarent en grève tout en travaillant.

Légiférer sur ces questions est difficile. De plus, une solution imposée est rarement acceptée, adéquate, appropriée. Il est préférable que les partenaires sociaux recherchent eux-mêmes le règlement qui mettra fin au conflit. Politiquement c’est difficile et même concrètement.

Les habitudes des partenaires sociaux consistent en France à privilégier le rapport de force qu’à négocier pendant le conflit. D’ailleurs, lorsque le législateur en 1982 a institué l’obligation annuelle de négocier dans les entreprises sur les salaires et les conditions de travail, il a déconnecté cette négociation, de la notion de conflit. Or, cette obligation de négocier n’existe pas dans les conflits, sauf dans les services publics pendant le préavis de cinq jours. De plus, l’obligation de négocier ne constitue pas l’obligation de conclure un accord.

On peut considérer que la négociation directe entre les parties est le mode privilégié de résolution des conflits (ça se passe dans l’entreprise, dans l’établissement, dans le bureau du DRH). Tout au plus, le juge peut jouer un rôle ponctuel (encore faut-il qu’il soit saisi), ça arrive que le juge soit saisi : par exemple lors de conflits portant sur un plan de licenciement. Ou par exemple le Comité d’Entreprise ou un syndicat demande au TGI d’annuler la procédure de licenciement collectif. Ou de demander à l’employeur de respecter ces obligations procédurales.

L’employeur présente son plan de licenciement collectif au Comité d’Entreprise et aux syndicats. Ces derniers peuvent agir devant le juge et demander l’annulation du PSE. C’est le TGI qui est compétent, car on est dans le domaine des rapports collectifs de travail. Comme on est un peu dans l’urgence, c’est le juge des référés qui sera saisi. S’il est saisi, le président du TGI peut faire application de l’article 145 du code de procédure civile. Si au contraire, le TGI est saisi au fond, il peut faire application de l’article 131-1 du code de procédure civile. Ces dispositions permettent éventuellement au juge de désigner un tiers qui entendra les parties et s’efforcera de rapprocher les points de vue. Ce qui pourra éventuellement aboutir à un accord.

Si les parties trouvent un accord, elles se désistent de meurs demandent pendantes devant le tribunal et le juge n’a plus qu’à constater le désistement et ne prend aucune décision. Ainsi, le juge se trouve instrumentalisé dans une négociation qui reste une négociation directe dont les parties conservent le contrôle. Si les parties ne trouve pas d’accord, le juge tranchera, mais souvent sur un point mineur du conflit. Recourir au juge ne dessaisit pas les parties du conflit qui est le leur. Parfois, le juge se contente de débouter le demandeur au fond et même sur la base d’une irrecevabilité de sa demande qui n’a été formulée que pour permettre au juge de désigner un tiers facilitateur.

b) La nature juridique de l’accord de fin de conflit

L’accord de fin de conflit est largement ignoré par le code du travail et lorsque la Cour de cassation s’est prononcée, ce fut toujours sur des points mineurs. L’accord de fin de conflit est rarement signé (les accords de Grenelle ont été négociés mais pas signés) ; lorsqu’ils sont signés, on peut les considérer comme des accords collectifs d’entreprise ou d’établissement. Encore faut-il que les conditions de validité soient remplis (représentativité des syndicats). Si ces conditions sont remplies, on doit pouvoir considérer que l’ensemble du droit collectif s’y applique.

Si l’accord n’est pas signé (le plus souvent), on peut éventuellement le considérer comme un engagement unilatéral de l’employeur, encore faut-il une déclaration claire de sa part. Ce n’est pas évident car dans la pratique, à la fin d’un conflit, l’employeur va manifester de la réticence, les syndicats vont essayer de valoriser la victoire des grévistes. On voit parfois le syndicat se mettre d’accord avec l’employeur mais ne pas parvenir pour autant à faire cesser la grève (les salariés se sentent trahis par le syndicat).

À défaut d’engagement clair de l’employeur, on va banaliser son comportement et on appliquera le régime juridique correspondant. Il a accepté de verser une prime de semestre fin juin et il la verse ; l’année suivante, il va verse encore (usage d’entreprise, l’employeur ne peut pas revenir en arrière sauf dénonciation en respectant la procédure).

Autre exemple, l’employeur s’est engagé à augmenter les salaires ; on constate cette augmentation sur le bulletin suivant (modification du contrat de travail, l’employeur ne peut pas revenir en arrière).

Une question consiste à se demander si l’accord de fin de conflit purge vraiment le conflit. Il s’agit souvent de conflits qui reposent sur l’application d’une règle de droit (les salariés revendiquent l’application d’une convention collective). Si la revendication porte sur le versement d’une prime que l’employeur a omis de verser ; l’accord prévoit, que l’employeur paye uniquement la prime de l’année, pas celle des années précédentes et mêmes celles des années pas prescrites. Cet accord est-il valable ? Est-ce que l’accord de fin de conflit peut avoir une nature transactionnelle qui rend irrecevable les réclamations ultérieures ? La Cour de cassation n’a pas beaucoup eu l’occasion de répondre à cette question : elle a admis dans certains arrêts qui sont restés des arrêts d’espèce (arrêt de 1978 plaquette TD3). Dans la plupart des ouvrages, on considère que l’accord de fin de conflit a une nature transactionnelle sauf que c’est discutable. On peut discuter dans la mesure où le syndicat qui signe l’accord de fin de grève n’a pas mandat reçu par chaque salarié individuellement qui lui permettrait d’intervenir dans la relation individuelle de travail.

c) Les questions posées par la médiation informelle

Lorsque le juge désigne un médiateur (tiers facilitateur), c’est bien souvent un juriste du travail. C’est parfois un professeur d’université, parfois un avocat, parfois un inspecteur du travail. L’inspecteur du travail est celui qui intervient le plus souvent ; d’ailleurs l’administration du travail elle-même cherche à développer depuis plusieurs années, dans le cadre de ce que l’on appelle le dialogue social des pratiques expérimentales. On a des inspecteurs du travail qui interviennent pour aider à la négociation. Ex : au ministère du travail, on a des commissions mixtes paritaires.

L’inspecteur du travail est avant tout agent de contrôle : sa mission première est de faire respecter le droit du travail. Or, l’article 3 de la convention 81 de l’OIT dispose que si d’autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, elles ne doivent pas faire obstacle à l’exercice des fonctions principales. Des solutions sont essentiellement pratiques : par exemple, on peut constater que les inspecteurs qui acceptent d’être médiateurs le font en dehors de leurs sections ou de leur direction régionale, c’est à dire dans des entreprises qu’ils n’ont pas de mission de contrôler. On constate que les inspecteurs refusent systématiquement d’être rémunérés (souci d’indépendance).

D’autres problèmes sont difficiles à résoudre : la question de la compétence technique du médiateur ; il s’agit d’être charismatique, d’avoir de l’autorité, de comprendre habilement et rapidement les problèmes qui se posent. Or, rien n’existe pour contrôler la compétence de ces personnes. Parfois les juges vont chercher sur des listes de médiateurs qui, selon les ministres du travail. En pratique, aucun contrôle réel n’est fait sur les compétences des médiateurs ou conciliateurs. Sauf que s’ils sont mauvais ils peuvent mener à mal le conflit.

Rien n’est prévu sur l’indépendance ou la rémunération du médiateur. On peut admettre que l’employeur paye le médiateur mais qu’il reste indépendant de l’employeur (exemple de l’expert-comptable). Rien n’est dit sur la responsabilité civile de l’employeur ou du conciliateur. Quid de l’erreur du mériter dans son conseil ? Le régime d’assurance obligatoire des avocats couvrira les éventuels dommages… mais pour les autres il vaut mieux s’assurer…

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