Le règlement non juridictionnel des différends internationaux

Règlement non juridictionnel des différends en droit international public (ONU, diplomatie, intervention de tiers)

C’est le règlement le plus ancien, le plus classique, et qui a subi l’évolution de la société internationale. Subsiste les moyens non juridictionnels interétatiques, auxquels s’est ajouté le modes institutionnalisé : de plus en plus, des Organisations Internationales interviennent pour régler un différend. Hormis dans les cas d’intervention du Conseil de Sécurité, la solution n’est jamais obligatoire.

  • 1 Les modes interétatiques

L’article 33 de la charte des Nations Unies liste certains modes de règlements.

  1. La négociation diplomatique

Deux parties à un différend qui se rencontrent, entament des pourparlers, en vue de trouver une solution au différend qui les oppose. Ce qui pose davantage de difficultés est de savoir s’il y a une obligation de négociation. Les auteurs sont partagés, notamment sur le principe de règlement des différends, mais qui ne consiste en rien en une obligation. Ce sont les Etats qui décident de régler leur différend, mais s’ils décident de ne pas le régler, pas d’obligation de négocier.

Cette question s’est posée devant des instances juridictionnelles, devant un arbitre ou devant la CIJ : deux hypothèses : on est dans le cadre d’un règlement obligatoire des différends, existait-il un recours préalable ? Là encore, divers points de vue, mais qui sont intiment liés à la clause de règlement des différends. On arrive devant la CIJ en vertu d’une clause inscrite dans un traité. La plupart du temps, les clauses de règlement des différends contiennent toujours une obligation de négociation. La question de la négociation préalable est réglée, car elle est conventionnelle, inscrite dans un délai –> La négociation est obligatoire.

Le problème ne s’arrête pas là. Une fois que le caractère obligatoire de la négociation est posé, on doit examiner si les parties se sont livrées à cette négociation. En Droit International, en raison du principe du consentement, la compétence des juridictions est très souvent discutée. L’Etat défendeur va parfois contester la compétence de la Cour. L’Etat défendeur va parfois invoquer le fait que les discussions préalables n’ont pas été tenues. La Cour a souvent été amenée à poser le contenu de l’obligation de négocier.

De manière évidente, ce n’est pas une obligation de résultat, mais de moyens. Les Etats doivent tenter de parvenir à une solution par la discussion, mais ne sont pas tenues de parvenir à un résultat. C’est une évidence car si elles étaient parvenues à un résultat, la Cour n’aurait pas été saisie. Parce que c’est une obligation de moyens, se pose la question de la teneur des obligations. La jurisprudence est constante, qui dit que les négociations doivent être menées de bonne foi(arrêt trafic ferroviaires, Lituanie c. Pologne). Dans l’arrêt de 1969, Plateau continental en mer du Nord, la Cour avait précisé ce qu’était entendue par la bonne foi : les négociations doivent être tenues en vue d’aboutir à un accord. La Cour a précisé dans ce dernier arrêt que la négociation doit avoir un sens, ce qui n’est pas le cas lorsqu’une des parties insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification.

  1. L’intervention de tiers

Dans certains cas, quand les négociations n’arrivent pas à se tenir, des tiers peuvent intervenir pour faciliter les discussions, apaiser les tensions entre les parties. Il y a une gradation dans l’intervention d’un tiers, avec certaines difficultés pour distinguer les catégories. De manière très empirique, le rôle du tiers est susceptible d’évoluer, sans que l’on arrive précisément à déterminer à partir de quand son rôle évolue.

Les catégories sont principalement doctrinales. L’article 33 se termine par « ou tout autre moyen qui convient aux parties ».

  1. L’enquête internationale

Elle est présentée davantage comme un soutien au règlement des différends, un moyen complémentaire, mais pas un moyen de règlement des différends en tant que tel.

Lorsqu’il y a un différend entre Etats, des faits sont à son origine, pouvant être contestés. L’établissement des faits se fait sans aucune conclusion. Toutefois, dans certaines situations, on peut imaginer que le simple établissement des faits puisse régler un différend.

Ex d’un différend qui a opposé le Rwanda à la France, à propos d’une enquête menée par le juge d’instruction en France à propos de la destruction d’un appareil du président rwandais. Le fait déclencheur a été le fait que l’avion présidentiel s’est écrasé, ayant tué le président, et déclenchant le génocide. L’avion avait été touché en fait par un missile provenant des forces présidentielles –> Puisque l’établissement des faits était établi, il n’y avait plus de différend entre la France et le Rwanda.

Comment recourt-on à une enquête internationale ? L’évolution de la société internationale a modifié le raisonnement. Ce sont les parties elles-mêmes, lors de leur négociation et constatant un désaccord sur les faits, qui mettaient en place un organe collégial pour enquêter. De plus en plus souvent, des institutions (en particulier l’ONU) s’emparent de situations susceptibles de mettre en péril la paix et la sécurité internationales, et mettent en place une commission d’enquête, procédant à l’établissement des faits. On recourt aux parties mais principalement dans un cadre institutionnel, garant d’une certaine neutralité. Les discussions vont pouvoir par la suite reprendre, sur des faits qui ne sont plus discutés.

  1. Les bons offices

Degré le moins élevé d’intervention d’un tiers. Les bons offices interviennent lorsqu’un tiers se propose pour établir un contact, faciliter l’organisation matérielle. Ce sont lorsque les deux parties ne discutent plus. Le tiers n’est pas sollicité mais se propose d’intervenir. Le consentement des parties existe toujours. L’objet de la proposition est simplement de remettre en contact. La plupart du temps, celui qui propose ses bons offices va assez rapidement passer à une autre catégorie : la médiation.

  1. La médiation

Le tiers offrant ses bons offices peut passer dans cette catégorie, mais la médiation peut être aussi sollicitée par les Etats. Le médiateur a un rôle plus important, puisqu’il organise la négociation, proposant des bases de négociation. Mais le médiateur reste en dehors, il ne propose pas de solution.

L’institutionnalisation du monde fait qu’une Organisation Internationale va pouvoir proposer quelqu’un pour soit mettre en contact les parties, soit essayer de rapprocher les points de vue (président du Conseil de Sécurité, secrétaire général des Nations-Unies).

  1. La conciliation

Le rôle du conciliateur est de proposer une solution. Soit les parties demandent à un tiers d’intervenir pour proposer une solution directement, soit c’est l’évolution du tiers qui va passer petit à petit d’un rôle de médiateur à conciliateur.

Iran/Etats-Unis, 1979: étudiants iraniens ont envahi les locaux diplomatiques des EU, prise en otage du personnel diplomatique –> Rupture des relations diplomatiques entre les deux Etats. L’Algérie s’était proposée dans un premier temps pour mettre en contact les deux Etats. L’Algérie est passée au rôle de médiateur, pour finalement être un conciliateur, ayant proposé une solution non contraignante en soi. Elle l’est devenue, les deux Etats l’ayant acceptée et formalisée dans un accord d’Alger de 1981.

La conciliation peut parfois être prévue par les traités comme mode de règlement des différends, en particulier dans la Convention de Vienne de 1969 (des différends peuvent intervenir concernant la suspension, extinction d’un traité). En cas d’absence de solution, une commission est mise en place.

Les parties peuvent choisir tout autre mode de règlement. Contrairement au mode juridictionnel, le règlement ne repose pas exclusivement sur les règles de droit (mais également des éléments d’opportunité), et il n’est pas obligatoire. Des Etats peuvent tout mêler, ce qui avait été le cas de la France et de la Nouvelle-Zelande à propos de l’affaire du Rainbow Warrior: explosion d’un navire de Green Peace à Auckland. Les 2 Etats ont été d’accord pour confier leur différend au secrétaire général de l’ONU, qui devait proposer une solution. Mais, les Etats s’engageaient au préalable à rendre la solution obligatoire (normalement, consentement après la décision).

–> Les Etats sont libres de trouver d’autre mode de leur choix, l’essentiel étant que ce mode soit pacifique.

  • 2 L’intervention de l’ONU

Le règlement pacifique des différends trouve son origine dans la SDN de 1920. Mais le système était très rigide et surtout très respectueuse de la souveraineté des Etats, le règlement ne pouvant être acquis qu’à l’unanimité.

La Charte de SF apporte plus de souplesse au règlement des différends en consacrant deux chapitres : chapitre 6 sur le règlement pacifique des différends et le chapitre 7, non traité ici, s’appliquant aux hypothèses où il y a menace ou rupture de la paix et de la sécurité internationales.

A l’organisation des Nations Unies, deux organes : l’Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité, qui peuvent connaître de situations ou de différends (pas de distinction très nette entre ces deux termes ; une situation est sans doute plus objective, le différend supposant dans le langage courant une opposition de points de vue). La notion de situation a permis à l’ONU de se saisir de cas qui n’étaient pas des différends internationaux (Libye, Syrie, Rwanda).

  1. Le rôle de l’Assemblée générale

Les articles 11, 12 et 14 sont consacrés à son rôle. Elle peut se saisir de toute question se rattachant au maintien de la paix.

  • Elle doit être saisie: l’Assemblée Générale peut l’être par tout Etat, membre ou non de l’ONU.
  • Elle peut discuter, attirer l’attention du Conseil de sécurité sur la question si les discussions au sein de l’Assemblée Générale ne sont pas suffisantes, et vice-versa (l’Assemblée Générale sera organe plénier).

L’article 14 prévoit que l’Assemblée Générale a une force de proposition, pouvant « recommander les mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation » –> Pouvoir de recommandation. Ce pouvoir ne lui est pas attribué de manière générale, en raison de l’article 12, prévoyant que l’Assemblée Générale ne peut faire aucune recommandation dès lors que le Conseil de sécurité est saisi de la question (il peut se saisir automatiquement). Ce rôle subsidiaire ne doit pas occulter une réalité : la responsabilité du maintien de la paix internationale incombe principalement au Conseil de Sécurité, mais pas exclusivement. l’Assemblée Générale peut jouer un rôle, notamment autour de l’interprétation de l’article 12: dès qu’une situation intéressant la paix est inscrite à l’ordre du jour du Conseil de Sécurité, et se saisit de la question, l’Assemblée Générale est paralysée.

Mais, le Conseil de sécurité peut être lui aussi paralysé par le droit de veto. L’ONU est alors impuissante : la situation s’est réglée assez rapidement lors de la guerre de Corée de 1950 : le Conseil de sécurité était saisi, mais toute proposition d’action était automatiquement bloquée, soit par le veto US, soit par le veto russe. L’Assemblée Générale a alors voté la résolution 377 (V) Acheson du 3 novembre 1950, union pour le maintien de la paix: elle prévoit que l’Assemblée Générale retrouve ses pouvoirs lorsque le Conseil de sécurité ne peut accomplir sa mission « du fait que l’unanimité n’a pas pu se réaliser parmi ses membres permanents ». Cela vise une seule situation : lorsqu’il y a inaction du Conseil de sécurité du fait du droit de veto, l’Assemblée Générale peut intervenir.

  1. Le rôle du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité, en vertu de l’article 24§1, a une responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité, mais non exclusive ; c’est ce qu’avait dit la Cour dans un avis du 20 juillet 1962 sur le financement des OMP : certains Etats (URSS) contestaient que ces OMP soient financées par le budget de l’ONU, mais que ça devait être financé par les Etats volontaires. La CIJ a dit que le Conseil de sécurité a la responsabilité principale mais non exclusive du maintien de la paix et de la sécurité, et donc que les OMP peuvent être financées par le budget ordinaire.

Dans le cadre du chapitre 6, le Conseil de sécurité d’abord peut être saisi par tout Etat, membre ou non, partie au différend ou non, par l’Assemblée Générale ou par le secrétaire général. Il peut être simplement saisi, on attire son attention sur une situation. Le Conseil de sécurité décide librement de l’inscription de l’affaire à son ordre du jour. Il peut y avoir derrière des enjeux politiques : dans l’affaire libyenne, on savait qu’il y avait possibilité d’action. Dans l’affaire syrienne, cela a été beaucoup plus long, car on savait très bien que le Conseil de sécurité serait bloqué ; il valait donc peut-être mieux que cette question ne soit pas inscrite à l’ordre du jour. Elle le fut tout de même, afin que la Russie et la Chine prennent position.

Suite à l’intervention du Koweït, première fois que le Conseil de sécurité intervient véritablement. On constate toute de même qu’avant 1990, les Etats permanents du Conseil de sécurité n’avaient aucun scrupule à opposer leur veto. Aujourd’hui, l’usage du droit de veto a un sens beaucoup plus lourd. Ce qui était considérée comme une prérogative des Etats Membres de 1945 à 1990, fait aujourd’hui l’objet d’une appréciation beaucoup plus critique –> Avancée du Droit International, même si pas suffisante (c’est la même chose devant la CIJ, où l’Etat se retranche soit devant un droit souverain, non contrôlable, soit se justifie).

Moyens dont dispose le Conseil de sécurité sont discrétionnaires : il choisit ou non de faire usage des moyens du chapitre 7. Au titre du chapitre 6, le Conseil de sécurité est dans une optique de diplomatie multilatérale : c’est là qu’il ordonne des commissions d’enquête, propose des solutions. Le plus souvent, il supervise le travail soit d’une commission qu’il désigne, soit une mission confiée au secrétaire général (bons offices, médiation).