Le Second Empire : un régime autoritaire puis libéral

LE SECOND EMPIRE

Le Second Empire est la période pendant laquelle Napoléon III régna en tant qu’empereur, de 1852 à 1870, entre les Deuxième et Troisième Républiques.

Le Second empire est un régime dictatorial où la plus grande partie du pouvoir est entre les mains de Napoléon III: il dispose du pouvoir executif et de la partie la plus importante du pouvoir législatif (le droit d’initiative des lois). Les députés, élus au suffrage universel, n’ont que peu de pouvoir. L’opinion est bâillonnée et la population surveillée.

L’imitation du premier Bonaparte est évidente. Comme le 18 brumaire, le 2 décembre a pour but de sauvegarder la république dont la forme est initialement conservée. La tentation autoritaire apparaît vite et derrière la façade autoritaire s’installe un pouvoir absolu mis en place avec l’appui théorique du peuple consulté de temps à autres par plébiscite. On verra d’abord l’empire autoritaire et l’empire libéral le tout assez rapidement.

  • I. La mise en place du régime

Après le succès du plébiscite, Louis-Napoléon Bonaparte confie la rédaction de la constitution, qu’il a donc le pouvoir de faire, à une commission de 5 membres qui lui sont tous dévoués, le principal d’entre eux étant Ruher. Cette constitution doit respecter les bases du 2 décembre. Le texte est promulgué par une proclamation du 14 janvier de celui qui est encore prince président. Le texte rappelle déjà l’héritage napoléonien.

L’essentiel est dit dès l’article 2 : « le gouvernement de la République française est confié pour 10 ans au prince LNB actuel président de la république française ». L’article 3 poursuit : « le Président de la République gouverne au moyen des ministres, du conseil d’Etat, du Sénat, et du corps législatif ». Les termes de sénat et de corps législatifs sont les corps du premier empire : ce retour à la terminologie du 1er empire montre donc la politique qui va être menée.

Le président, en attendant, a la totalité de l’exécutif, et il joue un rôle essentiel dans le processus législatif puisqu’il a seul l’initiative de la loi, il a le droit de veto, et peut accepter ou refuser les modifications constitutionnelles que le Sénat peut lui proposer par l’intermédiaire d’un texte qui s’appelle « sénatus-consulte ». Retour à l’astuce napoléonienne et le sophisme (cf. supra). Les autres organes du pouvoir sont également sous sa dépendance (le conseil d’Etat dont il nomme et révoque les membres) qui assiste le Président de la République pour écrire les lois et décrets et qui peut s’opposer aux amendements du corps législatifs. Le sénat est composé de membres de droits qui sont les solutés des différents structures sociales (cardinaux, chefs militaires, et citoyens nommés à vie par le président et inamovibles : on aura donc des fidèles). Entre 80 et 150 membres selon les périodes. Le Sénat exerce le contrôle de constitutionnalité, et il exerce le pouvoir constituant puisqu’il peut prendre des senatus consulte qui modifient la constitution mais soumis à l’approbation du président. En réalité c’est le président qui modifie la constitution puisqu’il domine tout.

Le seul organe un peu autonome est le corps législatif qui contrairement au 1er empire est élu au suffrage universel direct, mais on est passé au scrutin uninominal (on a abandonné le scrutin départemental) et ce n’est pas un détail : on revient à un scrutin de petite circonscription, ce qui va permettre d’enraciner un personnel rallié au second empire, les notables locaux, en évitant le coté trop politique du vote au niveau départemental.

Et donc scrutin uninominal pour localiser le débat et département pour l’élection de l’assemblée pour 6 ans. Elle vote la loi et l’impôt, mais il ne peut pas mettre en cause la responsabilité du gouvernement. Le corps législatif peut être dissout par le président en cas de désaccord.

Il ne manque aux institutions de l’empire que l’empereur. Justement, ce Sénat chargé de garder la constitution et donc de la modifier le 7 novembre 1852 a l’unanimité moins une voix adopte un senatus consulte rétablissant la dignité impériale au profit de Louis-Napoléon Bonaparte sous le nom de Napoléon III avec succession héréditaire. L’empire est effectivement établi avec hérédité là ou Napoléon III avait échoué. Et bien sur, plébiscite les 21 et 22 novembre 1852 avec un succès massif. 7,8M de « pour », 250k « contre ». L’empire est établi le 2 décembre 1852, date doublement symbolique : victoire d’Austerlitz, et date du coup d’Etat du 2 décembre 1851 au nom du suffrage universel qui about un an après à l’établissement du second empire.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

Les choses sont assez simples et peuvent être dites rapidement. Le senatus consulte a renforcé les pouvoirs de l’empereur en lui donnant notamment le droit de présider le sénat qui, comme sous le premier empire, devient l’instrument institutionnel de la domination. Tout revient au sénat mais le sénat est dans les mains de l’empereur. 25 décembre 1852 : un senatus consulte limite les pouvoirs du corps législatif qui déjà n’était pas considérable. En réalité, tout ce qui échappait encore à l’empereur se trouve réduit.

En fait sur cette période, pas grand-chose à dire. Un pouvoir absolu qui ne s’encombre guère de détails, et finalement ce qui reste de cette période est l’apprentissage des élections car le suffrage universel n’est pas remis en cause, les élections interviennent à intervalle régulier et font apparaître une possibilité d’expression très limitée mais une possibilité d’expression de l’opposition.

Apparaît une sorte de contradiction entre élection comme manifestation de mécontentement et élection comme contestation de l’autorité. En réalité ça ne pose pas grand problème pendant cette période et c’est résolu par le contrôle des élections par le pouvoir. Le scrutin est organisé par des décrets du 2 février 1952 qui organise un scrutin uninominal dans une circonscription relativement grande. Il y a 35 000 électeurs (le double aujourd’hui), un scrutin à 2 tours. Au premier tour l’exigence est le quart au moins des électeurs inscrits pour être élu, c’est-à-dire les conditions que nous avons toujours aujourd’hui et qui trouvent leur origine dans cette législation électorale du second empire. Mais surtout l’opération électorale est entièrement sous le contrôle. Il y a un candidat officiel qui est le candidat soutenu par le pouvoir, aidé par le préfet du département et les maires avec des pressions de toutes sortes sur les électeurs. Ce candidat officiel est le seul à avoir le droit à une affiche blanche (différente des autres, et indique quel est le bon choix) et une fois ce candidat élu (et généralement c’est le candidat officiel) il doit prêter un serment de fidélité à l’empereur, faute de quoi il est déchu de son mandat. Bien sur il peut y avoir de faux serments, mais a priori tous les élus seront fidèles à l’empereur.

Donc l’opposition est très muselée, elle fait élire quelques députés notamment dans les arrondissements parisiens assez frondeurs et où les pressions sont plus difficiles. Jusqu’en 1860 environ, sur 260 députés environ il y en a de 6 à 10 de l’opposition. Du coup, ces élections intéressent peu car elles sont sans objets. Elles se caractérisent par une abstention croissante mais pour autant les notables se rallient et notamment le personnel parlementaire de la monarchie de juillet contre laquelle s’était faite la révolution de 1848. Tout cela devient donc de bons notables bonapartistes (pour l’heure, car le vent souffle de leur cote).

Le régime s’installe s’en véritablement s’enraciner : il ne suscite pas une large approbation populaire. Napoléon comprend qu’il faut desserrer l’étaux d’autant qu’au bout d’une dizaine d’année la présence de l’empereur n’est pas vraiment contestée mais davantage la manière dont il gouverne. On rentre dans une libéralisation un peu hésitante qui ne sera confirmée que tout à la fin du régime et sans doute trop tard

  • III. L’empire libéral

La libéralisation est voulue par l’empereur pas forcément tout à fait spontanément mais il comprend que dans les 1860s il lui faut retrouver un soutien populaire qui lui fait défaut au moment où il y a un certain nombre de difficultés extérieures. C’est par exemple la guerre d’Italie 1859-60, le traité de libre échange avec l’Angleterre en 1860 qui pèse très lourd sur l’industrie française, et puis il y a plus tard les menaces de confrontation avec une puissance (qui jusque là était relativement discrète sur la scène européenne mais qui devient très forte) : la Prusse lorsqu’elle sort victorieuse de sa confrontation avec l’Autriche). A chacune de ses difficultés correspond un moment de libéralisation de façon à s’assurer un soutien plus large, d’autant que l’opposition même muselée progresse en terme de voix d’élection en élection. Ça change peu au nombre de siège, mais le nombre de voix obtenues par les candidats de l’opposition augmente.

Les principales étapes de cette libéralisation sont :

  • le décret du 24 novembre 1860 qui rétabli un début de dialogue entre les ministres et le corps législatifs et un début de contrôle parlementaire, c’est-à-dire que le corps législatif il est admis qu’il puisse contrôler et poser des question au gouvernement, avec la restauration d’une formule inventée par la monarchie de juillet qui était l’adresse (autrefois adresse au roi, aujourd’hui adresse à l’empereur). L’adresse consiste à dire au souverain qu’il faut changer sa politique sur tel ou tel point. On ira jusqu’à l’interpellation (grande technique parlementaire du 19ème siècle) pour lui demander des explications sur tel ou tel point de sa politique, et éventuellement à voter derrière. Le vote de l’interpellation pourra amener plus tard à la démission du gouvernement. Cette interpellation, sans cet effet (bien qu’elle soit solennelle) est instaurée par un décret du 19 janvier 1867.
  • entre temps un sénatus-consulte du 18 juillet 1866 avait amélioré les possibilités de discussion au sein du corps législatif, avait reconnu un droit d’amendement au corps législatif des projets déposés au nom de l’empereur. Dans ce décret de 1866, un veto suspensif du Sénat dont le rôle n’est plus seulement constitutionnel mais aussi politique puisqu’il peut mettre son veto pour suspendre une loi, et donc apprécier son opportunité. Ce sont les prémisses d’une transformation possible du Sénat en seconde chambre, ce qui se fera un peu plus tard

Tout cela en effet va être très accentué à partir de 1869 quand il devient nécessaire de rallier une opposition, au moins une partie de l’opposition, qui est désormais très élargie. Si aux élections parlementaires de 1863 l’opposition n’a pu faire élire que 32 députés sur 283 (c’est déjà mieux que les 6 ou 10 du début de la période), en 1869 elle en fait élire 93 sur 292 (c’est-à-dire que l’on est avec une opposition qui représente 1/3 du corps législatif ce qui n’est pas entièrement négligeable). Si l’on regarde en terme de voix, malgré les pressions, les candidats officiels ont obtenu 4,4M de suffrage et les candidats de l’opposition 3,4M, c’est-à-dire qu’on n’est plus très loin du basculement pour que les groupes politique se retrouvent à égalité.

Ceci donne une vigueur nouvelle à l’opposition. Le 6 juillet 1869, 116 députés (dont 93 opposants, donc 23 candidats majoritaires les soutiennent) interpellent le gouvernement pour demander que le corps législatif soit davantage associé à l’exercice du pouvoir. On est là dans la continuité de ce mouvement qui traverse le 19ème siècle, c’est-à-dire le passage progressif du pouvoir du souverain à l’assemblée. L’empereur comprend qu’il faut céder, et il y a un sénatus-consulte du 8 septembre 1869 qui marque une évolution considérable. Texte très intéressant : le corps législatif se voit reconnaître l’initiative de la loi, c’est-à-dire qu’il n’a plus seulement à la voter mais peu aussi la proposer. Ses pouvoirs en matière d’amendement augmentent ainsi que ses pouvoirs pour le vote du budget. On est quasiment dans la situation qu’a un parlement dans un régime parlementaire avec une capacité autonome de faire la loi.

Le sénat devient une chambre haute qui doit elle aussi approuver la loi, mais cette approbation désormais est une approbation politique, ce n’est plus une approbation constitutionnelle, c’est-à-dire que là aussi on est dans les dispositions d’un régime parlementaire bicamérale avec une chambre basse populaire et une chambre basse plus aristocratique. Bref, ça ressemble à la monarchie britannique.

Troisième ensemble de disposition essentielle : les ministres peuvent être issus des chambres, peuvent être choisis parmi les parlementaires, et sont soumis à l’interpellation par les chambres, c’est-à-dire qu’il y a un contrôle pour le gouvernement. On n’écrit pas encore qu’il y a responsabilité du gouvernement, mais c’est en marche. Effectivement en 1870 l’évolution se produit (l’année suivante).

Le 2 janvier 1970, Napoléon III nomme un opposant libéral (Emile Ollivier) à la tête du conseil des ministres, sans pour autant lui donner le titre de président du conseil mais en lui donnant pratiquement le rôle. C’est ce président du conseil des ministres qui choisi ses ministres et les propose à l’empereur, et tout ça conforte l’orientation vers un régime parlementaire qui semble désormais à peu près acquis et dont les règles sont fixées par le senatus consulte du 20 avril 1870, ratifié par un plébiscite du 8 mai 1870 qui est un succès. 7,4M de « oui » contre 1,6M de « non ». Et le 21 mai 1870, est promulgué ce senatus consulte fixant la constitution de l’empire telle qu’elle résulte des différentes réformes que l’on vient d’exposer rapidement. C’est un « texte consolidé », c’est-à-dire le texte initial mais avec les modifications.

Cette constitution telle qu’elle résulte du senatus consulte et telle qu’elle est promulguée après le plébiscite donne un « empire parlementaire » comme on parle d’une « monarchie parlementaire ». Au sommet de l’empire il y a l’empereur héréditaire, et puis ensuite il y a 2 chambres (le bicamérisme). Le sénat devenu totalement une vraie chambre haute avec l’initiative et le vote de la loi mais n’ayant plus de pouvoirs constituants. La procédure du senatus consulte est supprimée, c’est-à-dire que le sénat n’a plus ce rôle de modifier la constitution au grès des demandes de l’empereur. Les ministres sont responsables devant les assemblées c’est-à-dire qu’ils peuvent être renversés. L’empereur est dit responsable devant le peuple sans qu’on sache très bien ce que veut dire, mais toute modification constitutionnelle qu’il proposerait doit être ratifiée par le peuple. Finalement, c’est assez peu différent du système d’aujourd’hui.

Ceci dit, cette première tentative de régime parlementaire n’a pas le temps de fonctionner. On l’a dit, le texte est promulgué le 21 mai 1870, mais dès le 19 juillet il y a une malencontreuse déclaration de guerre à la Prusse : les armées entrent en campagne, et la campagne devant la Prusse se passe mal. Le 2 septembre, l’armée française capitule à Sedan. L’empereur est fait prisonnier, et même s’il y a quelques places qui résistent, il n’y a plus d’autorité puisque l’empereur sur qui tout repose est désormais prisonnier de la prusse. Le 4 septembre est proclamé à Paris la déchéance de l’Empire et à sa place la République et on sort ainsi de cette longue phase d’instabilité de 1789 jusqu’à 1870 pendant laquelle on a tout essayé pour entrer avec la proclamation de la République dans une seconde grande partie de cette histoire, c’est-à-dire la construction progressive de la République parlementaire qui va être le modèle des 80 années qui vont suivre.