Le témoin assisté : bénéficiaire, statut, audition

Les auditions du témoin assisté 

 Cette qualité de « témoin assisté » est nouvelle, puisqu’elle a été introduite en 1987. On voulait créer un statut intermédiaire entre celui de l’inculpé et celui du témoin. Le témoin assisté est plus qu’un témoin mais moins qu’une personne mise en examen. En conférant cette qualité à une personne, on lui permet de bénéficier de certains des droits qui appartiennent à une personne mise en examen. Par des réformes successives, les droits des témoins assistés n’ont cessé de s’accroître de telle sorte que le statut du témoin assisté se rapproche de plus en plus de celui d’une personne mise en examen.

La véritable différence est aujourd’hui que la personne mise en examen est partie à la procédure, contrairement au témoin assisté. Ainsi, il ne peut pas exercer les voies de recours et ne peut pas faire appel des ordonnances du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention.

 C’est l’inconvénient de cette qualité, mais on y trouve des avantages. En effet, le témoin assisté ne peut pas être l’objet de mesures comme la détention provisoire, le contrôle judiciaire ou l’assignation à résidence. Il reste que l’on est en présence d’une situation juridique monstrueuse.

 

Section 1 : Les bénéficiaires du statut de témoin assisté 

 Le témoin assisté a été mis en cause au cours de l’instruction. Il est mis en cause car on le soupçonne d’être l’auteur ou le complice des faits dont le juge est saisi. C’est la différence avec un témoin et l’élément de rapprochement avec la personne mise en examen. Cette mise en cause peut émaner du juge d’instruction ou d’une autre personne.

 

  • 1. La mise en cause par le juge d’instruction

 La qualité de témoin assisté va être attribuée à certaines personnes car elle est mise en cause par diverses manières.

 

   Cela peut se faire lorsqu’un juge d’instruction veut procéder à la mise en examen d’une personne, il procède à une première comparution. On peut envisager qu’à cause de cette première comparution, le juge renonce à ce projet. Il est alors possible de conférer à l’intéressé la qualité de témoin assisté selon l’article 116. 

 

La règle s’explique de la manière suivante : le législateur a voulu de ces deux qualités, privilégier celle de témoin assisté et non celle de mis en examen. Cela n’est donc qu’à titre exceptionnel que l’on met en examen, qui fait figure de mesure subsidiaire. En effet, le législateur veut éviter que l’on confère à l’intéressé, une qualité que l’opinion considère comme trop accusatrice. Pour l’opinion, un inculpé est un coupable, et il a fallu trouver une nouvelle terminologie.

 

L’article 80-1 du Code de Procédure Pénale le dit expressément en affirmant que lorsque les indices nécessaires à la mise en examen sont réunis, indices graves ou concordant qui rendent vraisemblable que la personne est l’auteur des faits dont le juge est saisi, il est préconisé de faire de l’intéressé un témoin assisté, la mise en examen ne devant être décidée que si la qualité de témoin assisté ne paraît pas suffisante. (« Le juge d’instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s’il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. »)

 

Inversement, si le juge d’instruction a décidé de mettre en examen une personne, elle peut demander à ce que l’on revienne sur cette décision pour lui conférer le statut de témoin assisté. Cela vient de l’article 80-1-1. Une demande en ce sens ne lie pas le juge, mais un appel est possible devant la chambre de l’instruction. En tout cas, si le juge d’instruction refuse, il doit, dans sa motivation, indiquer quels sont les indices graves ou concordants qui rendent compte de ce que l’intéressé est responsable des faits pour lesquels le juge est saisi. L’intéressé peut formuler cette demande dans les 6 mois de sa première comparution.

 

  On trouve aussi l’hypothèse où le juge d’instruction a demandé contre quelqu’un un mandat de comparution, d’arrêt ou de dépôt. Si la personne concernée par le mandat n’est pas mise en examen par le juge, elle sera alors témoin assisté.

 

   On trouve aussi l’hypothèse où le juge d’instruction a placé une personne en examen. On a possibilité d’un recours devant la chambre de l’instruction qui peut annuler cette mise en examen, pour conférer le statut de témoin assisté.

  • 2. Les autres hypothèses de mise en cause

 Dans ces hypothèses, la mise en cause n’est donc pas le fait du juge d’instruction. De sorte que cette mise en cause ne suffit pas à faire acquérir le statut de témoin assisté.

 

Encore faut-il, en effet, pour que la personne devienne témoin assisté, que le juge d’instruction prenne l’initiative d’entendre cette personne mise en cause. Dans ce cas, le juge d’instruction maîtrise finalement le mécanisme. Il lui suffit de ne pas entendre la personne mise en cause pour qu’elle n’acquière pas le statut de témoin assisté. Si l’audition se produit, l’acquisition de la qualité de témoin assisté est obligatoire ou facultative selon les cas.

 

Le premier cas se présente dans deux hypothèses :

 

  « Toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif ou par un réquisitoire supplétif et qui n’est pas mise en examen ne peut être entendue que comme témoin assisté. » (article 113-1 Code de Procédure Pénale)

 

   On a aussi l’hypothèse où la personne a été nommément mise en cause dans une plainte ou encore lorsqu’elle a été nominativement mise en cause par la victime au cours d’une audition ou d’une confrontation. Cela signifie que, dans la plainte ou la procédure, la partie civile a désigné une personne comme ayant commis l’infraction. La procédure est plus compliquée ici : lorsque le juge d’instruction va entendre cette personne nommée par la partie civile, il a la possibilité de l’entendre comme témoin mais il doit dire à cette personne qu’elle a été nominativement mise en cause par la partie civile et qu’elle peut demander le statut de témoin assisté. Si la personne dit au juge qu’elle veut être témoin assisté, alors cette qualité lui est obligatoirement donnée. (article 113-2)

 

Parfois, la mise en cause ne débouchera que facultativement à l’acquisition de qualité de témoin assisté. Cela se retrouve lorsque la mise en cause émane d’un témoin. Le Code de procédure pénal assimile à cette mise en cause par un témoin, l’hypothèse où il existe contre la personne des indices qui rendent vraisemblable qu’elle est l’auteur des faits. Ainsi, le juge d’instruction peut décider de confier à l’intéressé la qualité de témoin assisté et doit l’informer des droits qui lui sont conférés, comme pour la personne mise en examen.

 Section 2 : Le statut du témoin assisté 

 Le témoin assisté n’est pas un témoin. En effet, un témoin prête serment lorsqu’on l’entend, et pas le témoin assisté. Ce témoin assisté peut donc mentir sans encourir les peines du faux témoignage. Il n’est pas non plus un témoin qui n’a que des devoirs à porter son aide à l’œuvre de justice. Le témoin assisté a des droits, et en a beaucoup. Ce qui accentue la parenté entre ces deux qualités est le fait que leurs droits sont similaires. Un témoin assisté peut facilement être mis en examen.

 

  • 1. Les droits du témoin assisté

 Le premier et principal droit est celui à l’assistance d’un avocat. Par conséquent, comme l’avocat de la personne mise en examen, cet avocat est avisé des futures auditions de son client et peut accéder au dossier de la procédure avant cette audition. On voit donc le paradoxe de la situation, car normalement seule une partie accède au dossier de la procédure. En cours d’information, le témoin assisté peut demander à être confronté à la personne qui le met en cause à l’exclusion du procureur de la république. Comme la personne mise en examen, il peut refuser une confrontation collective et peut exiger une confrontation individuelle. Comme une personne mise en examen, il ne peut être entendu que par un magistrat. Ici, on lui accorde la possibilité d’accepter d’être entendu par un OPJ.

 

Il a aussi la possibilité d’introduire une requête en annulation contre des actes de la procédure qu’il considèrerait comme nuls . C’est donc souligner encore le caractère ambigu de sa qualité. Il introduit donc une requête en nullité devant la chambre de l’instruction qui va se prononcer dans un arrêt. Contre l’arrêt de la chambre de l’instruction, il est difficilement concevable que le témoin assisté ne puisse former un pourvoi, et la chambre criminelle a estimé que c’était possible, mais pour former une voie de recours, il faut être une partie. C’est incohérent juridiquement.

 

Il ne peut pas demander au juge d’instruction de demander les preuves nécessaires à l’établissement de la vérité. Cela n’est pas vrai des expertises : lorsqu’une expertise a eu lieu, le juge d’instruction peut, selon le texte, lui notifier les conclusions d’une expertise. Il peut donc demander un complément ou supplément d’expertise. À la différence de ce qui se passe pour les parties, si le juge d’instruction refuse, il n’y a pas d’appel possible.

 

On est en présence d’une construction juridique baroque. À l’issue de l’instruction, le témoin assisté et son avocat seront avisés par le juge d’instruction de l’ordonnance de règlement.

 

  • 2. La mise en examen du témoin assisté

 Le témoin assisté peut, à tout moment de la procédure, réclamer sa mise en examen . C’est ainsi consacrer un droit à être mis en examen. On voit quel peut être l’intérêt de cette demande : c’est d’avoir la totalité des droits d’un mis en examen et pas seulement certains d’entre eux. C’est la possibilité pour lui, de devenir partie à la procédure. Si la qualité lui est conférée, il peut être mis en examen, placé en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire.

 Pour que ce passage d’une qualité à l’autre s’opère, les procédés sont simples. « À tout moment de la procédure, le témoin assisté peut, à l’occasion de son audition ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, demander au juge d’instruction à être mis en examen ; la personne est alors considérée comme mise en examen et elle bénéficie de l’ensemble des droits de la défense dès sa demande ou l’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception » (article 113-6 du Code de Procédure Pénale). Dès le moment où il formule cette demande, il est considéré être mis en examen. Ainsi, le juge d’instruction n’est pas tenu de le mettre en examen pour que la personne le soit.

 

Toute décision du juge d’instruction (de renvoi devant une juridiction de jugement, de mise en accusation devant une cour d’assise) postule obligatoirement la mise en examen du témoin assisté, ce qui lui permettra de contester sa mise en examen, ainsi que son accusation.