La règle « l’accessoire suit le principal »

LES ACCESSOIRES EN DROIT DES BIENS

Règle : « l’accessoire suit le principal ». L’article 546 du Code civil dispose « La propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit et sur ce qui s’y unit accessoirement, naturellement ou artificiellement ». Article 546 al. 2 : « ce droit s’appelle droit d’accession ». Il y a deux types d’accessoire :



Ce que produit la chose : les fruits et les produits
Fruits : loyer, récolte.
Produits : éléments qui épuisent la substance de la chose principale (matériaux extraits d’une carrière).

Ce qui s’unit à la chose (incorporation). On peut dans une convention contraire prévoir une dissociation.

Dissociation mobilière (la chose principale est un meuble) : article 565 à 577 du Code civil. Le sort de la chose mobilière accessoire est réglé par un contrat ou par le jeu de l’article 2279 al. Ier : celui qui a un accessoire entre les mains en est propriétaire.

Dissociation immobilière (la chose principale est un immeuble) : les phénomènes naturels d’accession sont pris en compte par le droit : les animaux sauvages qui arrivent naturellement sur le terrain d’un propriétaire, sont la propriété de ce propriétaire (article 564). Les alluvions sont considérées comme appartenant au propriétaire du terrain. La chose installée par la main de l’homme sur un terrain (plantations, constructions, ouvrages) sont considérées comme appartenant au propriétaire du sol, sauf preuve contraire.
Il peut arriver que le propriétaire utilise des matériaux qui appartiennent à un tiers. L’article 554 prévoit le remboursement ou même des dommages-intérêts en cas de préjudice.
Le droit de propriété appartient au seul propriétaire du sol, le propriétaire des matériaux n’a pas le droit de revendiquer ses matériaux, quand ils font partie du sol du propriétaire du sol.
Il peut arriver qu’un tiers fasse des constructions sur le terrain d’autrui. C’est l’article 555 du Code civil qui prévoit les solutions.


1 – Domaine d’application de l’article 555 du Code civil

Qui est le tiers de l’article 555 du Code civil ?

Au sens étroit, les tiers sont ceux qui n’ont aucun lien contractuel avec le propriétaire du terrain. Sont tiers tous ceux qui ne sont pas propriétaires du terrain.

Au sens large (retenu par la jurisprudence) selon le droit commun général qui donne une large portée à l’article 555 du Code civil : sont tiers, tous ceux qui ne sont pas propriétaires du terrain (possesseur à titre de propriétaire, détenteur réel…).

Selon le droit commun supplétif, l’article 555 sera écarté chaque fois qu’un texte ou une convention aura réglé la question. Ainsi l’article 555 du code civil ne s’applique pas pour le contrat d’emphytéose, le bail commercial qui sont desEx: conventions qui règlent expressément le sort des constructions ou des plantations qui seraient faites par un non propriétaire sur le sol du propriétaire (les parties anticipent le problème).


Problème : que se passe-t-il quand on n’a pas anticipé ?

Le propriétaire et le planteur sont liés par un contrat, mais ils ne prévoient pas le sort d’éventuelles constructions ou plantations. Deux présentations possibles du phénomène. En jurisprudence : on considère que l’article 555 s’appliquait chaque fois qu’il n’y a pas de solution.

Le constructeur n’est pas un tiers, donc on ne peut pas lui appliquer l’article 555 du Code civil. Il faut trouver une solution équilibrée en s’inspirant du principe de l’article 555.
Le cocontractant est un tiers parce qu’on retient une conception large de la notion de tiers. Donc, ici, si le contractant est un tiers, il y aura application de l’article 555.



2. Mécanisme de l’article 555 du Code civil

Par le phénomène de l’accession, la propriété du terrain va s’étendre sur les constructions ou plantations faites par quelqu’un d’autre => c’est une sorte de phénomène d’aspiration.
Mais ces accessoires n’ayant pas été mis par le propriétaire, celui-ci peut refuser le jeu de l’accession :

1ère possibilité : garder la construction :
Le propriétaire laisse l’accession se faire. Il doit dès lors rembourser le prix des accessoires. Il a un choix sur la somme à rembourser (article 555 al.3) il peut :
– rembourser la plus value procurée au fond par implantation de l’accessoire,
– rembourser le coût des matériaux et de la main d’œuvre (à la date de remboursement).
Il y a un souci d’équité. L’indemnité suit le mécanisme de la dette de valeur : on va regarder quelle valeur cela représente et on va actualiser cette valeur. Mais on donne l’avantage au propriétaire, on lui permet de choisir entre ces 2 sommes (la + faible normalement).


2e possibilité : refuser l’accession
La loi lui permet d’exiger l’enlèvement par celui qui a implanté ces accessoires, au frais du constructeur/planteur. Ce dernier ne peut demander aucune indemnité. Le constructeur pourra même demander réparation du préjudice qui en découle.
-> cela semble injuste si le constructeur/planteur était de bonne foi (s’il croyait être propriétaire du sol, s’il a acquis a non domino, si le titre vient à être annulé ou résolu).
-> mais l’alinéa 4 de 555 envisage cette solution : on enlève au propriétaire le droit d’exiger l’enlèvement des constructions si le constructeur/planteur était de bonne foi. Cela montre que le législateur tente un équilibre.
On peut en déduire que la possibilité d’exiger l’enlèvement des accessoires est une sanction que le propriétaire peut infliger au constructeur/planteur qui n’est pas de bonne foi.

Cette notion de bonne foi, selon ce texte, vise un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits. Cela renvoi à d’autres textes : 550 et 549 du Code civil. « Peut garder les fruits celui qui est possesseur de bonne foi, c’est-à-dire celui qui possède comme un propriétaire, en vertu d’un texte translatif dont il ignore les vices »
L’article 555 retient la conception large de la notion de tiers. L’alinéa 4 devrait pouvoir s’appliquer largement aux tiers et également à celui qui est locataire du terrain. Mais il y a un problème d’englober le locataire dans ces tiers. Le locataire sait qu’il n’est pas propriétaire, donc il ne peut pas être de bonne foi au sens de 555 al.4.


Peut-on améliorer le sort du locataire en retenant une conception plus contractuelle de la bonne foi ?

Normalement le locataire ne peut pas bénéficier de l’alinéa 4 de 555, il se verra sanctionner par le propriétaire à la fin du bail.
Quelle valeur a cette solution ?
à On peut faire une distinction :
– dire qu’elle est sévère mais logique et équitable, si le locataire a planté/construit sans demander la permission au propriétaire ;
– penser que la solution est choquante si la plantation/construction a été faite avec l’autorisation du propriétaire. Le bailleur aurait pu donner des conditions (par ex remettre tout en l’état à la fin du bail) mais il y a un problème s’il n’y a pas de condition. On pourrait retenir la conception plus contractuelle en se référant à la loyauté du preneur à bail (si de bonne foi, car il a demandé l’avis du propriétaire).

Cassation 3e Civile 3 octobre 1990 a pris en compte l’accord du bailleur pour considérer que l’article 555 du Code civil va jouer au bénéfice du preneur. En conséquence, le bailleur ne peut exiger l’enlèvement des constructions par le preneur. Cette jurisprudence n’est pas majoritaire, puisque les arrêts récents considèrent que la bonne foi du preneur ne peut s’apprécier qu’en référence à l’article 550 du Code civil et donc le preneur ne possédant pas comme un propriétaire n’est pas de bonne foi (Civil 3ème, 12 juillet 2000)



À quel moment se produit accession ?

L’accession se fait au fur et à mesure de l’incorporation aux constructions, plantations ou ouvrages.

Le locataire, pendant le bail, est propriétaire de ses constructions. Ce différé a été introduit par la jurisprudence :
1ere chambre civile, 1er décembre 1964. En l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé par l’expiration du bail par l’article 555, al 1er et 2, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur. Cette jurisprudence s’est établie petit à petit.
La 3e chambre civile du 4 avril 2002 : réaffirme la jurisprudence 1964 : « le preneur restait propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il avait édifié sur le terrain». Ces arrêts s’appuient sur l’article 555 du Code civil. Or l’article 555 ne semble pas pertinent car, à aucun moment, cet article ne parle du moment de l’accession.

Cette règle de propriété temporaire du preneur constitue une création purement prétorienne. Le propriétaire n’acquiert pas la propriété des constructions, il reste propriétaire de ses constructions. Il reste propriétaire des matériaux, alors même qu’ils sont incorporés à l’immeuble. Le preneur dispose d’un droit de superficie temporaire.


À qui revient l’indemnité relative aux constructions ?

Cette indemnité revient au preneur (conséquences du différé de l’accession). Il peut aussi décider de détruire ces constructions.