Les comptables publics

Les comptes des comptables publics

Art. 27 à 31 de la loi organique précisent le régime juridique des comptes des comptables publics. Il ne s’agit pas des comptes des ordonnateurs (administrateur qui déclenche un payement). Les comptables publics sont ceux, qui, juridiquement sont les seuls habilités à effectuer des mouvements de caisse (recette ou dépense). Bien avant la loi organique, il a existé des comptables publics à partir de l’existence de l’argent public, c’est-à-dire pour faire entrer ces sommes matériellement dans ce qui était bien une caisse au sens physique du terme, un coffre. Pour schématiser, le comptable public dispose de la clef du coffre. La question est de savoir comment contrôler le comptable public ? Cela signifie :

– Exercer une maîtrise sur son activité (piloter son activité, exercer un contrôle hiérarchique),

– Être en mesure en permanence de vérifier que les mouvements qu’il opère sont réguliers, en obligeant le comptable à tenir une comptabilité.

Matériellement, la comptabilité est une inscription avec des règles particulière de tous les mouvements opérés.

Le système comptable est un système d’ordre.

« L’ordre & la lumière » est une formule de Charles Louis Gaston d’Audiffrey (directeur de la comptabilité publique sous la Restauration). Dès la Restauration, on envisage que la comptabilité est un système de rigueur, faites de vérifications.

La comptabilité est un système de lumière, ce qui signifie que la comptabilité doit éclairer aux yeux des décideurs ce qu’est la réalité administrative. La comptabilité est donc un outil du pouvoir (en ce sens qu’elle permet à celui qui prescrit une action de voir comment elle est mise en oeuvre, exécutée, à travers sa matérialisation, mais aussi à travers son inscription comptable). La problématique consiste à trouver ce que seront les meilleures techniques pour faire cohabiter ces 2 impératifs d’ordre et de lumière.

  • A) Les différents comptes d’exécution

Il existe différents comptes d’exécution prévus aux art. 27 à 30. Art. 27 précise ce que sont ces différents comptes. On distingue : – Une comptabilité des recettes et des dépenses que la loi organique appelle comptabilité budgétaire. Ce sont bien les recettes/dépenses autorisées, évaluées, prévues par le budget. – Une comptabilité générale de l’Etat ou Compte Général de l’Etat (CGE), décrit comme une « comptabilité générale de l’ensemble de ces opérations ». FLUX FLUX Recettes Dépenses CGE CGAF Droit constaté Compte d’analyse des coûts Nouveauté de la loi organique de 2001 – Une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes. C’est une comptabilité analytique. Il s’agit d’analyser la « performance » de l’exécution du budget. Comment en est-on arrivé là ?

1) Des comptes du royaume au compte de la Couronne : vers l’unité de caisse

Tout commence par le désir du pouvoir de contrôler les mouvements financiers. Dès l’origine, on sait que la richesse, c’est la Terre. À l’origine, il y a une production primaire. Le pouvoir va donc exiger que ces administrateurs tiennent un compte de ce qui est produit sur leurs terres. Charlemagne exige des fiches descriptives des productions de ces terres (grains, bois, gibier) appelées brevia exempla, mais on finit par les appeler fisc. Ces fiches détaillent la production brute, elles soustraient ce qui a été consommé ou donné comme salaire, et laisse apparaître un solde destiné à la Cour et au Roi. Dès l’origine, il y a cette volonté d’inscrire des mouvements. L’économie est en lieu et place, car tout cela se monétarise : de l’argent circule. À partir de là, ce sont bien des fonds qui vont entrer et sortir des caisses. Les entrées et sorties sont alors peu à peu comptabilisées. Dans un premier temps, les caisses sont spécialisées. Il existe donc un administrateur qui est chargé généralement du recouvrement d’une recette, du maniement des deniers, et c’est à lui qu’incomberont les dépenses affectées à cette caisse (cf. règle de la non affectation). Les dépenses sont affectées à une recette dès l’origine. L’intérêt de l’affectation, à l’origine, est double : – Il s’agit de limiter la dépense au montant contenu dans la caisse. – Tout se déroule au niveau local, ce qui évite les mouvements de fonds coûteux et périlleux. Rapidement, le pouvoir comprend que certains fonds stagnent dans des caisses, certaines dégageant un excédent, d’autres étant en déficit. Là où il y a de l’excédent, les 57 fonds stagnent ; là où il y a du déficit, l’administrateur fait des avances rémunérées. On comprend donc toute l’utilité pour le pouvoir d’opérer comptablement l’unification des caisses et à introduire une forme de « solidarité » entre les différentes caisses locales. L’unification des caisses correspond à une grande avancée en matière de gestion des fonds de l’Etat, unification passant par l’élaboration d’un système comptable. Pratiquement, l’unification des caisses est pensée par l’ordonnance du 28 décembre 1523, créant le Trésor de l’Epargne qui est une caisse centrale. Réellement, l’unification de caisse n’est toujours pas réalisée. C’est sous la Restauration que l’on commence à avoir une réelle unification des caisses, et l’on peut espérer que la loi organique de 2001 va finir de concrétiser cette unification des caisses

2) Du compte général de l’administration des finances au compte général de l’Etat

Le Trésor de l’Epargne devient progressivement le Trésor Public (caisse de l’Etat). Les impôts sont payés au Trésor Public, dans une comptabilité des recettes budgétaires. L’unification passe matériellement par le Trésor Public, réellement par le compte général. Ce compte général est appelé dès 1822 le Compte Général de l’Administration des finances. Il est tenu par le Ministère des Finances. La tâche du ministère des finances consiste à l’origine en la tenue de ces comptes. En 2001, ce compte est rebaptisé Compte Général de l’Etat (CGE) par la loi organique, il s’agit bien de montrer 2 choses : – À travers la notion de généralité, il s’agit de réaliser cette unité de caisse comptablement (tous les mouvements sont retranscrits dans un document), – À travers la personne du compte (c’est-à-dire l’Etat), on tente bien de convaincre l’ensemble des acteurs publics de l’Etat de l’utilité d’une comptabilité. Qui sont les acteurs ? – Le Parlement, un des destinataires d’un des retraitements du CGE. – L’ensemble des ordonnateurs qui grâce au CGE doit pouvoir être en mesure de connaître la réalité des opérations financières.

  • B) Présentation de la technique comptable

Comment écrire en comptabilité ? Quel type d’opération inscrire ?

  • 1) Comment inscrit-on les mouvements financiers

La partie double :

C’est l’obstination de tous les administrateurs, financiers, que l’on doit la mise en place de la partie double dans la comptabilité de l’Etat, et en particulier à Sully, Colbert, Necker, Audiffrey. Cette partie double vient de la comptabilité des marchands. Ils l’inventent dès le XV-XVI siècle. Quel est l’intérêt de la partie double ? Le solde est envoyé au niveau central qui se débrouille avec les différents comptes pour les agréger. C’est la partie simple, qui fonctionne très bien. Cela convient pour décrire des mouvements à peu près univoque/unilatéraux (en entrée, et en sortie). Pour les marchands ou pour l’Etat, les mouvements financiers ne vont pas dans un seul sens : ils peuvent s’opérer entre le teneur de la caisse et les acheteurs, des bénéficiaires et des débiteurs… ou entre les caisses.

L’idée de la partie double consiste bien à mettre en relation les comptes les uns avec les autres, au niveau des opérations qui y sont inscrites, et plus particulièrement au niveau du solde.

Cette prescription de tenue des comptes en partie double est évidemment prescrite par le décret du 29 déc. 1962 à l’article 52. Les pièces justificatives : tout mouvement doit être justifié !

La justification prend la forme d’actes juridiques s’agissant des engagements ou des ordonnancements. L’acte permet de vérifier la régularité en amont du paiement. C’est un acte d’engagement, un acte d’ordonnancement. En qui concerne les paiements, donc les mouvements financiers, le justificatif prendra plusieurs formes : – Soit il s’agira d’un bon à payer : les services le transmettent au comptable. – Soit un récépissé, un reçu. Un des problèmes majeurs consiste en l’unification de ces pièces justificatives. L’unification ne pourra être pratiquement imposée qu’en 1816. Avant 1816, le comptable envoyait un simple papier. À partir de 1816, des pièces justificatives communes apparaissent (talon, visa, reçu…).

La nomenclature comptable : C’est le pendant des pièces justificatives. À partir du moment où l’on tente d’unifier les procédures d’inscription, on va tenter d’unifier les modalités de cette inscription de ces pièces. La nomenclature comptable fonctionne suivant un système très particulier que l’on appelle la décimalisation. Chaque mouvement, chaque réalité pratique va être rangée dans des catégories de plus en plus fines de comptes qui prendront chacun un numéro de 1 à 9. 211 1 21 Corporelles 212 2 Immobilisations (d’un bien patrimonial par ex.) 22 213 3 23 Construction 4 5 6 7 8 9 Chaque type d’opération trouvera un numéro d’ordre comptable auquel se rattacher. L’ensemble de ces numéros est exposé au sein du Plan Comptable Général de l’Etat (PCGE). C’est la nomenclature comptable de l’Etat. Ces différences sont liées aux différences d’activités. Le 213 est commun au PCGE et au PCG. C’est le décret du 29 déc. 62 prescrit l’obligation de tenir les comptes de l’Etat conformément au PCGE. Pour autant, la comptabilité admet que toutes les activités de l’Etat ne correspondent pas forcément au PCGE (par. Les budgets annexes, activités de type industrielles et commerciales s’accommodent mal du PCGE, donc pour les budgets annexes, on appliquera le PCG, celui des entreprises). ATT. Ne pas confondre la nomenclature comptable et la description effectuée par le compte. Ainsi, les établissements publics administratifs tiennent une comptabilité autonome, mais qui correspond à la nomenclature du PCGE. À l’inverse, les EPIC tiennent une comptabilité autonome, mais qui est conforme au PCG des entreprises.

  • 2) Qu’est-ce que l’on inscrit ?

Ici, on se demande si l’on inscrit un mouvement ou si l’on inscrit la certitude d’un mouvement ?

La comptabilité de flux (ou la réalité des mouvements) : Cette comptabilité de flux est vraiment la comptabilité originelle. On inscrivait des mouvements (récolte opérée, les paiements du Trésorier Payer Général TPG), tout ce qui a été effectué (entrées, sorties). L’intérêt de cette comptabilité de flux consiste bien en l’établissement rapide des disponibilités. Comptablement, un solde peut être effectué. 59 Connaître cette disponibilité est doublement intéressant et répond à la problématique financière : – Cela permet de connaître les marges de manoeuvres financières, – Cela permet de vérifier l’honnêteté du caissier inopinément. La limite de cette comptabilité de flux est la complexité du système financier. Tant que le système est simple, et les mouvements peu nombreux, la comptabilité de flux suffit. À partir du moment où les choses se compliquent singulièrement (par ex. des opérations qui sont engagées bien avant leur paiement), la comptabilité de flux n’est plus suffisante. Pourquoi ? L’acte juridique d’engagement de dépense fait naître une créance. Or, cette créance n’est pas prise en compte par la comptabilité de flux. On dépasse alors cette comptabilité.

La comptabilité de droit constaté : L’article 30 de la loi organique prévoit que la comptabilité générale de l’Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. L’article 28, lui, prévoit que la comptabilité des recettes et des dépenses repose bien sur les encaissements et les paiements. Il s’agit de tenir compte des flux, des créances de l’Etat vis-à-vis de ses débiteurs, mais aussi des dettes de l’Etat vis-à-vis de ses créanciers. L’inscription se fait à partir du moment où le droit est constaté, c’est-à-dire que la créance ou la dette devient certaine ! Ce moment est l’ordonnancement ou l’engagement, suivant les cas. Le droit constaté est le flux + les créances + les dettes. La créance : à partir du moment où le rôle d’imposition est émis, l’Etat dispose d’une créance sur le contribuable. Pourtant, le flux n’est pas observé en recette, l’impôt n’est pas payé matériellement. Le CGE inscrit cette différence, mais que cette différence entre dans le cadre des créances de l’Etat. Idem pour la dette : l’ordonnancement est reçu, mais on inscrit la dépense au sein du CGE car elle est certaine, bien qu’elle n’est pas réalisée techniquement.