Les conditions de l’hypothèque

Les conditions de l’Hypothèque

Définition de L’hypothèque : une sûreté réelle consistant dans l’affectation d’un immeuble du débiteur à la garantie d’une créance, sans que le débiteur soit dessaisi de son immeuble (article 2393 Code Civil).

En principe, l’hypothèque ne peut être constituée que sur un bien immobilier, qu’il s’agisse

  • – d’un immeuble par nature (bâtiment, fonds de terre)
  • – d’un immeuble par destination, mais seulement en même temps que l’immeuble dont il est accessoire – d’un immeuble par l’objet auquel il s’applique : droits réels immobiliers
  • 1°)- les conditions de forme :

La constitution de l’hypothèque est un contrat solennel.

La convention doit être faite devant notaire à peine de nullité.

La protection est due au constituant à raison de la gravité de l’acte, pour attirer son attention.

C’est la protection du créancier à raison de la technicité de l’acte, pour être efficace, l’hypothèque doit être convenablement publiée.

Le notaire garantit la validité des actes mais aussi leur efficacité.

Ces deux justifications explique que le mandat de constituer une hypothèque doit être fait en la forme authentique.

Alors que le mandat d’accepter une hypothèque peut lui être donné sous seing privé.

L’acte notarié doit comporter un certain nombre de mentions :

  • – identification de l’immeuble grevé ;
  • – identification des créances garanties, sauf le cas de l’hypothèque rechargeable ;
  • – et depuis 2006 : le montant de la garantie.
  • 2°)- conditions de fonds :

A)- les parties :

– le créancier hypothécaire :

Aucune condition particulière.

– le constituant de l’hypothèque :

Débiteur ou tiers.

– doit avoir la propriété du bien hypothéqué.

– doit avoir la capacité et le pouvoir d’hypothéquer.

1°)- la propriété :

À défaut nullité absolue.

Le contrat manque d’objet.

La confirmation est exclue : si par la suite le constituant acquiert la propriété de l’immeuble, l’hypothèque ne sera pas consolidée, restera nulle.

a)- le propriétaire conditionnel :

Le propriétaire sous condition suspensive ou résolutoire, peut hypothéquer son bien, mais l’hypothèque qu’il constitue est affectée de la même condition.

b)- le propriétaire indivis :

L’hypothèque consentie par tous les indivisaires ou seul mais autorisé par le juge, ne fait aucune difficulté :

– elle est valable ;

– son efficacité est assurée quelle que soit l’issue du partage, Code civil article 2014, et 883.

– cet immeuble peut être saisi par le créancier avant le partage.

Lorsqu’elle est consentie par un seul indivisaire, distinction :

– cas où l’indivisaire hypothèque seul la chose indivise :

Code civil 2414.

La validité de cette hypothèque est aujourd’hui certaine.

Au regard du droit de l’hypothèque on y voit une hypothèque conditionnelle.

On considère que l’indivisaire a hypothéquer l’immeuble sous la condition d’en être alloti au jour du partage.

Au regard du droit de l’indivision,Code civil 815-13 exige le consentement unanime de tous les indivisaires pour tout acte de disposition est compris comme énonçant une condition d’opposabilité et non de validité.

L’efficacité de cette hypothèque est en revanche très aléatoire, tant que l’indivision dure, le créancier ne peut saisir l’immeubleCode civil 817.

A l’issue du partage, 3 cas (fin indivision) :

– le constituant est alloti de l’immeuble :

L’hypothèque est alors pleinement efficace, conséquence de l’effet déclaratif du partage.

Le constituant est réputé avoir toujours été propriétaire de l’immeuble, dès le début de l’indivision.

– l’immeuble est mis dans le lot d’un autre indivisaire :

L’hypothèque est inefficace.

Il est censé n’avoir jamais appartenu au constituant.

L’hypothèque n’est pas reportée sur les autres biens, mis dans le lot du constituant, ces biens se représentent pas l’immeuble.

– l’immeuble est licité (vente parce qu’on n’arrive pas à le partager) au profit d’un tiers :

Le créancier hypothécaire ne peut exercer son droit de préférence sur le prix de la licitation, que dans la mesure où ce prix est mis dans le lot du constituant.

Ch. Réunies, 5/12/1907.

Important dans le cas où le prix de vente de l’immeuble fait l’objet du partage, le droit de préférence s’exerce partiellement, mais sûrement.

– cas où l’indivisaire hypothèque sa cote- part indivise :

L’indivisaire hypothèque ses droits sur le bien indivis.

La validité de l’hypothèque a toujours été admise, elle est incontestable, l’indivisaire a hypothéquer ses droits.

Mais l’efficacité de l’hypothèque est ici, très relative.

Tant que l’indivision dure, le créancier ne peut saisir l’immeuble, Code civil article 815-17.

A l’issue du partage :

– le constituant ne reçoit rien de l’immeuble :

L’hypothèque est inefficace.

– le constituant est alloti de l’immeuble :

L’hypothèque est pleinement efficace, en ce qu’elle est reportée sur le lot de l’immeuble et depuis l’ordonnance de 2006 elle est reportée sur tout l’immeuble et non sur une cote part de l’immeuble, représentant celle qu’il avait hypothéqué.

Avant jurisprudence : la moitié de l’immeuble.

– l’immeuble est licité au profit d’un tiers :

On transpose la jurisprudence de 1907, l’hypothèque est reportée sur la créance de prix dans la mesure où le constituant en ait alloti, et depuis l’ordonnance de 2006 sur toute la créance.

2°)- capacité et pouvoirs :

Code civil article 2413 exige la capacité d’aliéner un immeuble.

On justifie cette solution, par la menace de saisie que crée l’hypothèque.

S’agissant des pouvoirs :

– le constituant est une société :

Mêmes règles que pour le cautionnement.

– le constituant est marié :

On suit les règles du régime matrimonial, le pouvoir requis est celui d’aliéner un immeuble.

Sous la communauté légale, l’hypothèque d’un immeuble commun, est un acte de cogestion.

Et quel que soit le régime matrimonial, l’hypothèque est aussi un acte de cogestion, si elle porte sur l’immeuble assurant le logement de la famille (++++).

– le constituant est un mandataire :

Le pouvoir requis est celui d’aliéner un immeuble, il faut ici, un mandat spécial.Code civil article 1988al2.

B)- l’assiette :

1°)- Nature :

a)- bien immobilier:

Seul un immeuble peut être hypothéqué, il n’y a pas d’hypothèque portant sur un meuble, notamment sur les parts d’une SCI.

Mais il faut tenir compte pour l’exercice de l’hypothèque, du jeu de la subrogation réelle, l’hypothèque pourra se trouver reportée sur une indemnité d’assurance, d’expropriation, ou sur le prix de vente forcée.

b)- droit réel:

Tout droit réel immobilier peut être hypothéqué :

– la propriété de l’immeuble

– la nue propriété de l’immeuble

– l’usufruit de l’immeuble.

– certains droits de preneur à bail, bail d’habitation, de construction, emphytéotique, de réhabilitation, conférant un droit réel.

La seule condition qui est requise du droit réel est qu’il soit cessible, un droit d’usage et d’habitation peut ne pas être hypothéqué.

c)- immeuble présent :

Code civil 2414, pose le principe que l’hypothèque ne peut porter que sur des biens présents.

Les biens à avenir doivent être compris comme des immeubles sur lesquels le constituant n’a aucun droit ni à terme n conditionnel, sur lesquels il n’a qu’une espérance.

Ex : immeuble d’une succession future ou sur lequel le constituant aurait un pacte de préférence, ou des lots à construire attendus à titre de dation en paiement

Cette prohibition des biens, droits à venir se justifie par la protection du constituant lui-même de gaspiller son crédit à l’avance.

Mais exceptions :

-Code civil 2420: cas où le constituant est propriétaire d’immeubles présents insuffisants pour fournir la garantie requise.

– cas de perte ou de dégradation de l’immeuble hypothéqué, le constituant peut encore fournir un complément d’hypothèque sur les immeubles à venir.

– cas de l’hypothèque sur un immeuble à construire sur le terrain d’autrui, permettant au constructeur futur propriétaire de la construction, par dérogation au principe de l’accession, de financer la construction.

Tempéraments jurisprudentiel :

Hypothèque de bien à venir peut être requalifiée en promesse d’hypothèque.

2°)- étendue :

a)- Le principe de spécialité :

Principe suivant lequel l’immeuble grevé doit être identifié, spécifié (Code civil article 2418), il doit être déclarée spécialement tant à sa nature, et à sa situation.

Ce principe se traduit par deux interdictions :

– directement, il interdit la constitution d’une hypothèque générale qui grèverait indistinctement tous les immeubles présents.

– empêche indirectement, la constitution d’une hypothèque sur des biens futurs, indéterminés.

En somme, ce que ce principe réalise, c’est à la protection du constituant contre les dangers de l’hypothèque flottante, qui grèverait sur tout l’actif immobilier du constituant.

Ce principe n’interdit pas d’hypothéquer tous ses immeubles présents mais il faut que chacun des immeubles soit désigné spécialement quant à sa nature et à sa localisation.

b)- la théorie de l’accessoire :

Code civil article 2397 contient deux dispositions :

– l’hypothèque grève le droit réel et ses accessoires, recouvrant les accessoires au sens strict (servitudes) mais aussi les meubles immobilisés par destinations (matériel agricole).

Mais l’hypothèque ne s’étend nullement aux fruits de l’immeuble.

– l’hypothèque s’étend aux améliorations advenues à l’immeuble hypothéqué :

∙ Amélioration juridique (hypothèque de la nue-propriété s’étend à la pleine propriété lorsque l’usufruit s’éteint)

∙ Amélioration matérielle (hypothèque du terrain nu s’étend aux constructions qui y sont édifiées).

C)- la créance garantie :

Traditionnellement, la créance garantie était, comme l’assiette, soumise au principe de spécialité.

Elle devait être individualisée (source) et son montant devait être déterminé ou déterminable.

L’ordonnance de 2006 n’abandonne pas brutalement le principe de spécialité, mais le tempère en consacrant une hypothèque en garantie de créance future et l’hypothèque rechargeable.

1°)- hypothèque en garantie de créance future :

Code civil article 1421: prévoit expressément que l’hypothèque garantit une ou plusieurs créances présentes ou futures.

Mais la loi exige que si elles sont futures qu’elles soient déterminables.

Et pour toutes, mêmes présentes, que leur cause soit indiquée dans l’acte.

Ex : en garantie d’un prêt déjà octroyé (présente) ;

ou en garantie de la créance de remboursement, consécutive à une ouverture de crédit (créance future, on ne sait pas si le bénéficiaire va tirer sur la ligne de crédit) ;

ou en garantie des créances qui pourraient être de prêt, ouverture de crédit, d’autorisation de découvert, consentis dans l’avenir par le bénéficiaire de l’hypothèque.

L’intérêt de cette hypothèque est surtout pour le créancier qui obtient ainsi une garantie de ses créances à naître et intérêt pour le débiteur auquel elle évite le coût de nouvelle hypothèque.

Le danger est de consentir une nouvelle hypothèque efficace : si 1er créancier, établissement de crédit, débiteur en devient captif ???

Code civil article 2423al3, si cette hypothèque est consentie pour une durée indéterminée, le constituant dispose une faculté de résiliation unilatérale, préavis de 3 mois.

Et ainsi les créances qui naitront après l’expiration de ce délai ne seront plus garanties par l’hypothèque.

2°)- l’hypothèque rechargeable :

Code civil article 2423, innovation ordonnance 2006.

Il s’agit d’une variété d’hypothèque qui suppose une clause particulière dans la convention qui la constitue.

Clause suivant laquelle le constituant pourra par la suite affecter l’hypothèque à la garantie de créances autres que celles visées dans l’acte constitutif.

L’hypothèque pourra ainsi servir à nouveau, être rechargée et cela soit au bénéfice du même créancier, soit au bénéfice d’un autre créancier.

Cette définition montre que l’hypothèque rechargeable ne doit en aucun cas être confondue avec celle en garantie de créances futures :

L’hypothèque rechargeable à vocation à garantir toute créance, alors que celle future ne garantit que les seules créances insérées dans l’acte.

Et l’hypothèque rechargeable est de l’intérêt exclusif du constituant qui peut ainsi utiliser plusieurs fois l’hypothèque.

L’affectation de l’hypothèque à une nouvelle créance se fait par la convention de rechargement passée entre le constituant et le créancier qui peut être le même avec lequel a été constituée l’hypothèque ou un autre.

Cette convention doit être notariée et publiée.

La créance garantie :

La loi n’exige pas que le montant de la créance soit indiqué dans la convention constitutive de l’hypothèque.

La garantie conférée par l’hypothèque s’étend de plein droit aux intérêts et accessoires de la créance ;Code civil article 2423al2.

D)- le montant de la garantie :

C’est une exigence nouvelle, Code civil article 2423 prescrit que l’hypothèque est toujours consentie pour le capital à hauteur d’une somme déterminée, que l’acte notarié mentionne à peine de nullité.

Le montant de la garantie se définie comme le montant à hauteur duquel l’immeuble est affecté à la garantie de la créance, autrement dit, le créancier hypothécaire n’a de droit de préférence sur la valeur de l’immeuble qu’à hauteur de ce montant, au-delà, il se retrouve dans la situation d’un créancier chirographaire.

Ce montant peut être différent de celui de la créance garantie, il lui sera généralement égal dans le cas où l’hypothèque garantit une dette dont le montant est connu (prêt) ou dont le montant maximum est connu (ouverture de crédit)

Mais il est des cas où le montant de la garantie pourra être supérieur, et notamment dans le cas d’une hypothèque rechargeable.