Les conditions de la possession

Les conditions d’ efficacité de la possession

Il convient de distinguer la possession et la propriété. La propriété des biens meubles s’acquière soit par voie successorale, soit par vente ou soit par donation. Mais il existe également une forme originale d’acquisition de leur propriété. C’est la possession, objet de l’article 2279 du Code civil.

La possession est le fait, la propriété est le droit

L’article 544 du Code civil définit la propriété comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » La propriété d’un bien comprend le droit pour son titulaire de l’utiliser (usus), d’en percevoir les fruits (fructus) et d’en disposer (abusus), c’est à dire de le détruire ou de l’aliéner.

Le propriétaire dispose ainsi d’un pouvoir de droit sur la chose mais peut très bien en réalité, n’exercer sur elle aucun acte effectif au contraire du possesseur, qui lui en exerce.

Afin de garantir une certaine sécurité juridique en matière de meuble, la loi accorde sous certaines conditions le statut de propriétaire au simple possesseur.

La possession comporte deux éléments : un élément matériel, le fait de réaliser des actes sur la chose (corpus) et un élément intentionnel, le fait que le possesseur s’identifie à un véritable propriétaire (animus). Ainsi, le locataire d’un bien meuble (par exemple, celui qui loue un camion pour un déménagement), un emprunteur ou un dépositaire, s’il a bien le corpus n’a, par contre, pas l’animus puisqu’il sait qu’à terme, il devrait rendre la chose. On dit de lui qu’il est un détenteur précaire.

  • 1 : qualités indispensables de la possession


S’il manque une qualité à la possession, elle est viciée et cesse d’être utile. A priori, on présume que la possession n’est pas viciée, ce n’est qu’une présomption simple. L’adversaire peut donc la renverser.
L’article 2229 du Code civil énumère un certain nombre de qualités qui sont nécessaires pour obtenir l’acquisition par prescription : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. ». Elles sont nécessaires pour que la possession remplisse tous ses effets et bénéficient des actions possessoires.


A. Caractère continu

La possession doit être continue. Cela veut dire que le possesseur doit accomplir les actes correspondant au droit auquel il prétend sur la chose, sans intervalle anormal, comme le ferait un titulaire véritable du droit prétendu. (Civile, 3 mai 1960)
On n’exige donc pas du possesseur un contact permanent avec la chose, mais on veut qu’il se comporte comme le ferait le titulaire véritable du droit eu égard à la nature de la chose.

La jurisprudence a précisé que si la possession se conserve parfois solo animo (mais seulement quand il n’y a pas de discontinuité), il est normal selon l’usage des choses de ne pas avoir accompli d’actes matériels depuis un certain temps. La règle solo animo cède devant l’exigence de discontinuité mais souplement : il faut avoir basculé d’un intervalle normal de non intervention à une véritable lacune dans le corpus.

Ainsi, n’a pas une possession continue la personne qui s’empare d’un fonds, en perçoit les fruits, puis l’abandonne, au lieu de le cultiver régulièrement; au contraire, on reconnaîtra la continuité de la possession de celui qui n’utilise un pâturage situé en haute montagne que quelques mois de l’année, parce que sa possession correspondra suffisamment au droit de propriété auquel elle s’applique par hypothèse.


B. Caractère paisible

La possession doit être paisible (art. 2233, al. 1er du Code Civil); elle ne doit pas être obtenue en usant de violence, de voies de fait ou même de simples menaces contre celui qui possédait auparavant.

La conservation du bien avec violence constitue-t-il un vice de possession ? « Viole l’article 2229 du Code civil la cour d’appel qui, pourront rejeter une action en revendication fondée sur l’usucapion trentenaire, retient l’absence de possession paisible, sans constater que le demandeur avait conservé la possession des terres qu’il revendiquait au moyen de voies de fait accompagnés de violences matérielles ou morales. » (Civile, 15 février 1995)
Selon la cour de cassation on ne peut avoir qu’une résistance passive, il ne peut pas y avoir de conservation violente sauf en cas d’exception d’inexécution. Selon Aubry et Rault, riposter par violence n’est pas constitutif d’un acte de violence. Selon Savigny, la possession a une fonction de police civile.

Le vice de violence est-il pris en compte uniquement au moment de l’entrée en possession ? En principe, la violence détruit la possession utile lors de l’entrée en possession, soit en cours de possession. La seule exception étant le cas de matière de réintégrante (action intentée par le propriétaire dépouillé par violence.) (Civile 18 février 1968.)

En principe, c’est donc seulement la violence exercée lors de l’entrée en possession qui vicie celle-ci; les voies de fait dirigées contre le possesseur au cours de sa possession et qu’il se trouverait dans l’obligation de repousser ne sont pas à prendre en considération.

La violence est un vice temporaire: la violence venant à cesser, la possession redevient saine, utile (art. 2233, al. 2 du Code Civil). Elle ne vicie la possession qu’à l’égard de la victime de cette violence; les tiers ne peuvent s’en prévaloir.


C. Caractère Public

La possession doit être connue de tous. Si le possesseur cache les actes matériels aux personnes qui doivent la connaître, on dit que la possession est clandestine. Par exemple, un voisin creuse un souterrain sous mon fonds; un des héritiers recèle des meubles qui ont appartenu au défunt. Elle n’est opposable que par ceux qui ont été empêchés de connaître. Par ailleurs, cette clandestinité est temporaire, la possession peut redevenir publique.


D. Caractère non équivoque

Il y a équivoque quand les actes accomplis par le prétendu possesseur ne manifestent pas clairement son animus et qu’ils peuvent s’expliquer autrement que par la prétention à un droit sur la chose. La possession ne doit laisser planer aucun doute sur la volonté du possesseur. Lorsqu’ il y a plusieurs personnes qui accomplissent des actes de maîtrise sur une même chose, laquelle est possesseur ?

– la cohabitation : l’un des conjoints décède, à quel titre le survivant possède le bien ? En possesseur au détenteur ? Pour deux conjoints ou concubins : propriété à titre exclusif ou copropriété.

– actes de pures facultés ou de simple tolérance. Article 2232 du Code civil : « les actes de pure faculté ou de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. »

Actes de tolérance : c’est une permission gracieuse, gratuite qui n’est pas passée par son auteur. Les actes de passage en cas de silence du voisin sont considérés comme équivoque.
Actes de pure faculté : c’est un acte que le propriétaire est entièrement libre de faire ou de ne pas faire équivoque pour profiter de la faculté de vue ou bien pour poser un acte matériel de possession qui révèle son intention de posséder une servitude de vue.

Le vice d’équivoque est un vice absolu, invocable par tous. Il est temporaire, c’est-à-dire que dès lors que les actes du possesseur vont révéler clairement son intention de posséder, la possession va revenir utile.

  • 2 : la bonne foi du possesseur

A) L’établissement de la bonne foi

La bonne foi est présumée : la règle générale est posée à l’article 2268 du Code civil : « La bonne foi est présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ». La preuve de l’absence de bonne foi peut être faite par tout moyen.


B. Définition de la bonne foi

C’est la croyance par le possesseur qu’il est titulaire du droit réel qu’il exerce. La personne croit qu’elle a un titre régulier or ce titre a peut-être été détruit, annulé, révoqué au entaché d’un vice. Mais ce possesseur ne sait pas que son titre n’existe plus ou est entaché d’un vice.
Ex : le voleur sait qu’il est un usurpateur du titre