Les conditions de la responsabilité du médecin

Les conditions de la responsabilité du médecin

Depuis l’arrêt Mercier du 20/05/1936, la responsabilité du médecin repose sur la faute. Le médecin n’est tenu à l’égard de son patient que d’ une simple obligation de moyens.

Il convient donc de prouver à son encontre une faute, puis un préjudice, et enfin un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi. C’est l’application du droit commun, celui de l’article 1147 du code civil régissant la responsabilité contractuelle.

Cette obligation de moyens a été réaffirmée par la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé.

Le débiteur de l’obligation de moyens, le médecin, peut tenter d’ échapper à cette responsabilité en prouvant l’absence de faute grâce, par exemple, ) une expertise démontrant que les règles de l’art de la science médicale ont été respectées. Évidemment,il y a des cas exonératoires de responsabilité : c’est le cas de la faute de la victime. Mais il existe des cas exonératoires de responsabilité : la faute de la victime

En résumé, la preuve d’une faute n’est pas toujours nécessaire pour engager la Responsabilité de médecin. La loi de 2002 a posé le principe de Responsabilité pour faute du médecin et a apporté des tempéraments à ce principe.

  1. La responsabilité pour faute

La Victime doit rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

  1. Faute imputable au médecin

L’étude de la jurisprudence permet d’identifier 3 types de fautes:

1.A.a. La faute technique

On la relie à l’obligation de soin : depuis l’arrêt Mercier le médecin est tenu de conférer des soins consciencieux, conformes à la science.

Cette obligation était de moyen, ça signifie que l’obligation du médecin est de tout mettre en œuvre pour tenter de guérir son patient. Il faut identifier donc le référentiel de donnés acquises de la science. Les juges ont précisés que les sources peuvent être diverses, les données acquises de la science on les trouve dans les traités médicaux récents, articles de revues spécialisées, références médicales opposables, recommandations de bonne pratique=>ont pour objet de déterminer les soins et prescriptions dangereux, sont élaborés par la Haute Autorité de Santé (HAS) ou l’agence française de sécurité sanitaire des médicaments.

Le médecin doit aussi conférer des soins attentifs. La Cour de cassation a précisé 2 choses :

– prodiguer des soins attentifs ce n’est pas soumette le patient à tous les examens, c’est le soumettre seulement aux examens nécessaires au vu de la situation du patient. Prodiguer des soins attentifs peut impliquer de faire appel à des tiers compétents, d’ailleurs ça figure dans le code de déontologie médicale.

– Le fait qu’il s’agit d’une obligation de moyen, ça signifie que c’est au patient de rapporter la preuve de la faute du médecin, lorsqu’il n’y parvient pas on considère que le dommage est la conséquence d’un aléa thérapeutique. La conséquence est que le médécine n’a pas à réparer le dommage. En effet, le dommage résulte de la réalisation d’un risque inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait pas être maitrisé.

1.A.b. La faute éthique

Lorsque le médecin commet une faute qui n’a pas trait à la technique médicale mais à la relation que le médecin noue avec son patient. Le médecin doit à son patient une information loyale, claire et approprié sur son état. Il doit l’informer des traitements qu’il envisage, des risques inhérents au traitement envisagé. Ce n’est qu’en connaissant les différents risques que le patient pourra consentir en pleine connaissance de cause.

L’obligation d’information n’a cessé de s’élargir.

  • Traditionnellement le médecin ne devait informer que des risques graves.
  • Puis, dans un arrêt de 1998, la Cour de cassation considère que le médecin n’est pas exonéré de son obligation d’information par le seul fait que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement.
  • Suite à l’adoption de la loi de 2002, la question s’est posée de savoir si la jurisprudence sur les risques exceptionnels allait perdurer. Le Médecin doit informer sur les risques fréquents, graves et prévisibles. La référence au « risque normalement prévisible » pourrait renvoyer à l’exigence de risque connu. Dans ce cas un risque exceptionnel serait un risque normalement prévisible. Une autre tendance est de dire que les « risques normalement prévisibles » sont entre les risques fréquents et exceptionnels. La Cour de cassation a récemment tranché cette question dans un arrêt 12/10/2016 qui indique qu’un risque grave scientifiquement connu à la date des soins constitue même s’il ne se réalise qu’exceptionnellement un risque normalement prévisible. Qu’est ce qu’un Risque exceptionnel ? c’est un risque normalement prévisible, conception large.
  • D’autre part ; le Médecin est tenu de se renseigner sur l’état de son patient pour bien l’informer : arrêt 1ère civ 5/03/2015 «l’obligation, pour le médecin, de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé, afin d’évaluer les risques encourus et de lui permettre de donner un consentement éclairé». ».

Charge de la preuve :

– pour la faute technique c’est le patient qui supporte la charge de la preuve=il devait rapporter la preuve qu’il n’avait pas été informé (probatio diabolica=preuve négative). – Arrêt Hedreul 25/02/1997 Cour de cassation a énoncé que c’est celui qui légalement ou contractuellement tenu d’une obligation d’information qui doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation, c’est le médecin qui doit prouver par tout moyen qu’il a rempli son obligation d’information.

– Le législateur en 2002 a consacré cette jurisprudence sur la charge de la preuve et sur les moyens de preuve= article L1111-2 al 7précise que la charge de la preuve pèse sur le médecin et que le médecin peut rapporter cette preuve par tout moyen.

1.A.c. L’acte illicite

– Le médecin engage sa Responsabilité lorsqu’il pratique un acte encadré par des conditions

– Si les conditions ne sont pas remplies, il engage sa Responsabilité pénale (hypothèse de l’IVG pratiqué hors délai).

  1. L’imputabilité de la faute : Le responsable

– Le médecin libéral est considéré responsable s’il commet une faute

– La situation est plus délicate quand le médecin est salarié = La loi distingue selon que l’établissement dont il est salarié est public ou privé :

  • Pour le médecin hospitalier (donc un établissement public) qui sera à l’origine des faits dommageables il bénéficie d’une immunité de principe, il va engager sa Responsabilité seulement s’il a commis une faute d’une gravité exceptionnelle qui ne peut pas être rattaché au fonctionnement du service. S’il n’y a pas de faute détachable, le patient va se tourner vers l’établissement qui assume la Responsabilité de la faute de son agent depuis une loi de 1983.
  • Lorsque le médecin est salarié d’un établissement privé, il bénéficie lui aussi d’une immunité, on retrouve le droit commun de la Responsabilité des commettants du fait de leurs préposés.

Comment réparer un préjudice qui n’est dû qu’en partie à la faute d’un médecin ? Existe-t-il toujours un préjudice en cas de manquement du médecin à son obligation d’information ? Par exemple, lorsque la faute du médecin résulte d’un retard de diagnostic, y aurait-il eu les même conséquences s’il l’avait fait plus tôt ? La Cour de cassation va recourir à la notion de perte de chance, elle va être révélée par comparaison des chances de guérison entre le moment ou le diagnostic a été fait et où il aurait dû être fait.

Est-ce qu’une victime, mal informée, subit elle nécessairement un préjudice ? Existe-t-il toujours un préjudice en cas de manquement du médecin à son obligation d’information ? Réponse pourra être négative dans des cas résiduels. Il y aura réparation lorsqu’un risque dont le patient n’a pas été informé s’est réalisé.

– Cour de cassation c’est d’abord tourné vers la perte de chance et estime que le patient mal informé a perdu une chance d’échapper au risque qui s’est réalisé. Mais la perte de chance pour être un préjudice réparable doit être certaine (réelle et sérieuse), en matière médicale pour que la chance perdue soit réelle et sérieuse il faut qu’il existe une alternative thérapeutique, un autre protocole de soin qui lui aurait permis d’en préférer un qu’un autre. Absence d’alternative thérapeutique=pas de perte de chance. Cette jurisprudence conduisait à refuser d’indemniser des patients qui avaient été mal informés car l’opération était impérative et qu’il n’y avait pas d’autres alternatives= Cour de cassation a refusé de dire qu’il y avait un dommage réparable dans un arrêt du 30/11/2002.

– Elle a donc consacré un préjudice d’impréparation (impréparation psychologique à être dans un certain état si un risque ce réalise). Dès lors qu’un médecin n’a pas informé un patient d’un risque et que ce risque se réalise, le patient sera indemnisé au titre du préjudice d’impréparation.

  1. Un lien de causalité

Si une personne révèle une contamination sanguine (hépatite C, SIDA) quelques temps après avoir fait l’objet d’une transfusion, la question de l’imputation de l’affection à cet acte médical se pose inévitablement. La Cour de cassation, pour favoriser la victime, a recouru aux présomptions. Le législateur a aussi posé des présomptions s’agissant du lien de causalité.

L’article 102 de la loi du 4/03/2002 pose une présomption de contaminations du virus de l’hépatite C, ce qui signifie que le demandeur n’a pas à prouver le lien de causalité.

– En 1991 pareils pour le virus du sida : législateur est intervenu en 1991 pour poser, en matière de contamination par le virus du Sida, une présomption de causalité entre ces deux événements.

Consécration d’une Responsabilité sans faute.

  1. La responsabilité sans faute

La loi du 4 mars 2002, dit loi Kouchner, relative aux droits des patients a consacré le principe de la responsabilité pour faute du médecin. Ce principe avait déjà été dégagé par la Cour de cassation (Cass. Civ.,20 mai 1936) dans l’arrêt « Mercier ». L’Article L1142-1 du Code de la santé publiquedispose donc que les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins «ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute».

  1. Responsabilité du fait des produits de santé

La loi du 19/05/1998 s’applique. On retrouve la Responsabilité du fait des produits défectueux, dommages qui résultent d’un produit de santé défectueux sont réparé sur le fondement de la Responsabilité des produits défectueux.

  1. Responsabilité du fait d’une infection nosocomiale

L’Infection contractée dans un établissement de santé, suscite une difficulté probatoire pour le patient, il va devoir prouver que son infection a été contractée lors d’un acte médical. Cette difficulté a conduit la jurisprudence, avant la loi de 2002, à présumer la faute du médecin et ou de l’établissement de santé. Le Juge Administratif et Juge Judiciaire ne vont pas chercher à savoir si l’acte est commis au sein d’un établissement de santé ou par un professionnel libéral

En revanche la loi a distingué entre les praticiens et les établissement de santé => La Responsabilité de plein droit ne pèsera que sur les établissements de santé.

2.B.a. Le régime jurisprudentiel

Antérieurement à la loi du 4/03/2002 la jurisprudence judiciaire et administrative avait élaboré un régime de Responsabilité sans faute ou pour faute présumée :

  • Le Juge Administratif avait ainsi présumé la faute de l’établissement ou du professionnel de santé car il se contentait de la preuve de l’infection ou d’un acte médical antérieur. Mais il s’agissait pour le Juge Administratif d’une présomption simple de faute. L’établissement ou le médecin pouvait rapporter la preuve qu’il n’était pas à l’origine de l’infection, pas commis de faute.
  • Le Juge Judiciaire c’est d’abord rangé à la position du Juge Administratif et a retenu une présomption de faute, dans un 2nd temps va mettre à la charge du praticien une obligation de sécurité de résultat en matière d’infection nosocomiale. L’établissement ou le praticien ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère.

2.B.b. Le régime légal

Le législateur va distinguer entre la Responsabilité des praticiens et celle des établissements de santé :

  • Si le législateur a consacré une Responsabilité de plein droit des établissements de santé (indifférence à l’absence de faute ou faute de l’établissement)
  • Le législateur a retenu une Responsabilité pour faute des praticiens (le patient doit rapporter la preuve de la faute du médecin de nature à engendrer son infection nosocomiale).

Cette Différence de régime a été contestée par des patients et a fait l’objet d’une QPC. Un arrêt ch.civ 6/01/2016: le patient avait invoqué une atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 DDHC, la cour cassation a considéré la question comme devant faire l’objet d’une QPC, et le conseil constitutionnel a considéré que l’article L1142-1était constitutionnel, les patients qui se font soigné dans un établissement de santé ont plus de chance de se voir infecter . Cette différence de situation justifie donc la différence de régime.

  1. La responsabilité résultant de la recherche biomédicale

Ce sont celles pratiqués sur l’être humain, l’article L1121-10 prévoit une Responsabilité pour faute présumé du promoteur de la recherche. Présomption simple, cela signifie que l’on peut prouver que le dommage n’est pas imputable à sa faute. Mais le promoteur de la recherche ne peut ni invoquer le fait d’un tiers ni le retrait volontaire de la victime du projet de recherche pour s’exonérer. Le mouvement de collectivisation des risqueson le constate à travers le mouvement d’indemnisation de la victime, on le constate ensuite car le promoteur est tenu de souscrire une assurance. L’assurance va courir la réparation.