Le pourvoi en cassation : définition, conditions

Le pourvoi en cassation

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui consiste à faire contrôler par la Cour de cassation la conformité aux règles de droit de la décision attaquée. A la différence de l’opposition et de l’appel qui permettent de juger à nouveau l’affaire, la Cour de cassation n’examine que la conformité aux règles de droit de la décision et non l’affaire elle-même.

I- La nature juridique du pourvoi

Le pourvoi en cassation est d’une nature juridique un peu particulière, il ne s’agit ni d’une voie de rétractation puisque l’affaire ne revient pas devant les mêmes juges ni une voie de réformation puisque la Cour de Cassation ne reprend pas l’affaire dans son entier, elle ne reprend que la solution du procès et ce faisant elle accepte es faits et ne juge que le droit. Son objectif est simple : apprécier la régularité du jugement au regard des règles de droit. Cette voie de recours n’a pas exclusivement pour but l’intérêt des justiciables mais également l’intérêt de la société. La question se pose de savoir quelle est la valeur de ce pourvoi, sur le plan européen, le droit à un pourvoi n’a pas été considéré comme partie intégrante du droit à un procès équitable de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme. Une loi peut donc très bien supprimer le pourvoi. Néanmoins, le droit européen considère aussi que les limites du droit d’accès à un juge de cassation lorsqu’il est reconnu ne doit pas porter atteinte à la substance même de ce droit. La cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion a maintes reprises d’intervenir pour apprécier la proportionnalité entre le droit d’accès à un juge de cassation et les limites admissibles. En droit interne, les limites sont claires, le conseil constitutionnel a considéré dans une décision du 14 mai 1980 que ce recours constitue pour le justiciable une garantie fondamentale dont il appartient au législateur de fixer els règles par application de l’article 34 de la constitution de 1958. Le Conseil d’Etat quant à lui dans une décision du 19 octobre 1962 voyait déjà dans le droit de saisir une cour suprême un principe général du droit. La Cour de Cassation considère à travers une jurisprudence constante que l’exercice du pourvoi ne peut cesser qu’en cas de disposition expresse ou formelle de la loi. Le principal problème de la Cour de Cassation est son encombrement croissant, le législateur a tenté plusieurs remèdes pour y remédier sans grand succès jusqu’à la loi du 25 juin 2001 permettant de déclarer non admis els pourvois qui ne seraient pas fondés sur un moyen sérieux de cassation et on a constaté une nette amélioration de la situation. La question s’est posée de savoir s’il ne s’agissait pas d’une entrave du droit d’accès à un juge, la cour européenne des droits de l’homme a considéré que c’était une préoccupation légitime du législateur d’améliorer l’accès au juge de cassation y compris par ce biais.

II – Les conditions du pourvoi :

  • a) Les décisions susceptibles de pourvoi :

L’article 605 prévoit que le pourvoi n’est ouvert qu’à l’encontre d’une décision contentieuse ou gracieuse rendue en dernier ressort, il peut s’agir de jugement définitif sur le fond mais aussi de décisions qui dans leur dispositif tranchent une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou provisoire. Il peut encore s’agir de jugements qui statuent sur des exceptions de procédure, des fins de non recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance. Le recours en cassation peut aussi être différé, c’est le cas en ce qui concerne le jugement avant dire droit qui peut être frappé d’un pourvoi avec le jugement sur le fond sous la réserve d’un excès de pouvoir ou d’une violation d’un principe fondamental de procédure qui ouvre une cassation immédiate grâce à un pourvoi nullité.

  • b) les titulaires du pourvoi en cassation :

En ce qui concerne le pourvoi à titre principal, l’article 609 dispose de façon générale que toute partie qui y a intérêt est recevable à se pourvoir en cassation, il faut donc avoir été partie à l’instance du jugement attaqué ou y avoir été représenté, il faut bien entendu être capable et ensuite justifier d’un intérêt, c’est-à-dire avoir succombé partiellement ou totalement et les mêmes conditions doivent être réunies en la personne du défendeur. Néanmoins, ce texte prévoit aussi qu’une partie peut se pourvoir même si la disposition du jugement qui lui est défavorable ne profite pas à son adversaire ce qui implique que, en matière contentieuse, il importe peu que la condamnation ait été prononcée à l’encontre ou au profit d’une personne qui n’était pas partie à l’instance. Quant à la matière gracieuse, il convient de signaler l’article 610 qui précise logiquement que le pourvoi en cassation est recevable même en l’absence d’adversaire. En ce qui concerne le pourvoi incident ou provoqué, l’article 614 prévoit en fait de se référer aux règles prévues pour l’appel incident ou provoqué avec quelques particularités mentionnées à l’article 1010. Quant à l’intervention de tiers, elle est soumise à des conditions restrictives puisque seule est admis l’intervention volontaire formée à titre accessoire dès lors qu’elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles.

Le ministère public peut se pourvoir en cassation contre la décision rendue s’il a été partie principale mais même s’il n’a pas été partie principale, le ministère public peut se pourvoir en cassation dans deux cas :

– Tout d’abord, il peut se pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi alors même que le jugement rendu n’est pas attaqué par les parties. Ce pourvoi prévu à l’article 17 de la loi du 3 juillet 1967 vise à faire cesser une violation de la loi et se trouve réservé au procureur général près de la Cour de Cassation. Il peut être formé contre toute décision même exécutée même rendue en premier ressort sans qu’aucun délai ne soit prévu. L’originalité de ce pourvoi tient à ce qu’il ne vise qu’à protéger l’intérêt général, par conséquent, il ne peut pas affecter la situation des parties entre lesquelles le jugement existe et qui ne peuvent pas s’en prévaloir pou éluder l’exécution de la décision qui serait cassée.

– Le ministère public peut aussi se pourvoir en cassation pour faire sanctionner un excès de pouvoir, ce pourvoi est prévu par l’article 18 de la loi du 3 juillet 1967, il est toujours formé par le procureur général près de la Cour de Cassation mais sur prescription du garde des sceaux. Ce pourvoi est ouvert chaque fois qu’un juge méconnaît le principe de séparation des pouvoirs, s’attribue une prérogative que la loi ne lui accorde pas ou bien encore, viole un principe fondamental de procédure. Aucun délai n’est prévu, par contre, les parties mises en cause disposent d’un délai pour déposer leur mémoire sachant qu’ici, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Les enjeux sont importants car si la Cour de Cassation casse l’acte du juge qui peut être juridictionnel ou non, cette annulation va avoir un effet erga omnes et les parties pourront s’en prévaloir.

  • C) Les cas d’ouverture à cassation :

L’article 604 tend à faire condamner la non-conformité du jugement qu’il attaque aux règles de droit. Cette formule a pour mérite de mettre en valeur la fonction essentielle de la Cour de Cassation qui est d’assurer l’interprétation des règles de droit, par contre, elle ne donne aucune précision sur ce qu’il faut considérer comme une violation de la loi or celle-ci peut prendre de multiples formes comme le sous entend l’article 978 qui prévoit que le mémoire du demandeur au pourvoi contienne les moyens de droit invoqués, chaque moyen devant préciser le cas d’ouverture à cassation ce qui implique qu’il en existe plusieurs.

Ce sont les auteurs qui ont dressé la liste de ces cas, on en distingue en principe 7 :

Le premier cas le plus classique est la violation de la loi comprise comme la mauvaise interprétation d’une règle de droit mais aussi comme un mauvaise application du droit aux faits sachant que le terme de loi est ici prise dans un sens extensif quels que soit la source et l’objet même de la loi.

Le deuxième cas réside dans l’excès de pouvoir qui au sens large se définit comme le fait pour un juge se s’arroger des pouvoirs qu’il n’a pas, de porter atteinte à des principes fondamentaux de procédure ou bien encore d’émettre des appréciation outrageantes pour une personne déterminée sans utilité pour le litige. Un excès de pouvoir négatif est également possible lorsque le juge refuse d’utiliser un pouvoir qui lui est attribué.

Le troisième cas est l’incompétence, les parties ne pouvant jamais l’invoquer pour la première fois devant le juge de cassation puisque l’exception d’incompétence s’exerce avant toute défense. L’incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève d’une juridiction administrative, répressive ou échappe à la compétence des tribunaux français. Quant à l’incompétence territoriale, elle peut toujours être relevée d’office en matière gracieuse et uniquement lorsque l’affaire concerne l’état des personnes en matière contentieuse ou quand la loi réserve expressément l’affaire à une juridiction.

L’inobservation des formes, il s’agit des formes prescrites à peine de nullité soit dans les actes de procédure soit dans les jugements. Ce cas d’ouverture est en réalité peu utilisé car le nombre de formalités sanctionnées par la nullité est de plus en plus réduit et il existe aussi une procédure de réparation des erreurs et omissions matérielles.

Motivation inexistante ou insuffisante, on distingue tout d’abord le défaut de motif qui est un vice de forme dès lors que l’article 455 considère que l’obligation de motiver est une formalité substantielle su jugement. Ce vice revêt lui aussi plusieurs aspects, il peut y avoir absence totale de motifs mais il peut y avoir aussi contradiction de motifs ou bien encore contradictions entre motifs et dispositifs.

Le manque de base légale est quant à lui un vice de fond qui implique que les motifs du jugement sont soit insuffisants soit imprécis pour que la Cour de Cassation puisse vérifier si la règle de droit a été correctement appliquée.

La contrariété de jugement, elle peut prendre deux formes évoquées aux articles 617 et 618. L’article 617 envisage d’annuler un jugement rendu en méconnaissance d’une décision ayant statué avec autorité de la chose jugée. Lorsque la contrariété est constatée, la décision la plus récente est cassée. L’article 618 envisage une autre éventualité, celle de deux décisions inconciliables et susceptibles ni l’une ni l’autre de recours ordinaires.

La perte de fondement juridique : il s’agit de l’hypothèse dans laquelle un jugement doit être cassé à la suite d’une loi nouvelle qui modifie rétroactivement le fondement juridique sur lequel le jugement s’était appuyé.

  • D)Le délai :

Il est de deux mois à compter de la signification de la décision en dernier ressort conformément à l’article 612. le point de départ est la notification du jugement contradictoire avec en outre si la représentation est obligatoire notification préalable au représentant ad litem alors que contre les jugements par défaut, le délai court à compter du jour où l’opposition n’est plus recevable.