Exploration de la primauté du droit européen et de la CEDH sur les législations nationales, avec un focus sur l'arrêt Costa de 1964.

Les conflits de normes devant la CJUE et la CEDH

LES CONFLITS DE NORMES DEVANT LA CJUE ET LA CEDH

Peut-on parler de primauté du droit européen et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) sur les lois nationales ? La CJUE, via l’arrêt Costa, établit la suprématie du droit de l’UE, même face aux constitutions nationales. La CEDH confirme qu’aucune loi nationale ne peut déroger aux droits garantis par la Convention.

La question de la supériorité des normes européennes sur les législations nationales est un sujet important dans le droit européen et international. À travers l’arrêt emblématique Costa de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), nous observons un principe fondamental : la primauté du droit issu des institutions européennes et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur les lois nationales.

I) Les conflits de normes devant la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne):

En 1964, la CJUE a établi un principe révolutionnaire avec l’arrêt Costa, affirmant la supériorité du droit de l’Union Européenne sur les législations des États membres. Cette décision a marqué un tournant dans la construction européenne, affirmant que les règles émanant des institutions européennes s’insèrent dans les systèmes juridiques nationaux et doivent être respectées. En cas de contradiction entre une norme nationale et une règle européenne, les autorités nationales se doivent d’appliquer la norme européenne.

Il faut souligner que cette primauté ne signifie pas l’annulation des droits nationaux. Au contraire, elle implique une suspension de leur force obligatoire dans le contexte où elles entrent en conflit avec le droit de l’Union. Cette primauté s’applique à tous les actes nationaux, qu’ils soient antérieurs ou postérieurs aux traités de l’Union, et concerne également les constitutions nationales. Elle est absolue et s’étend à l’interprétation des règles européennes.

Fiche d’Arrêt Costa c. ENEL de 1964, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes

Voici une fiche de jurisprudence pour l’arrêt Costa c. ENEL qui est un pilier fondamental du droit de l’Union européenne.

Titre de l’arrêt : Costa contre ENEL (Ente Nazionale Energia Elettrica)

Référence : Affaire 6/64, Costa c. ENEL, 1964 E.C.R. 585

Juridiction : Cour de justice des Communautés européennes (maintenant connue sous le nom de Cour de justice de l’Union européenne)

Date de l’arrêt : 15 juillet 1964

Faits : Flaminio Costa, un avocat italien, s’opposait à la nationalisation de la production et de la distribution de l’électricité en Italie, qui avait été confiée à l’ENEL, un organisme d’État. Costa avait refusé de payer sa facture d’électricité en protestation contre cette nationalisation, arguant que celle-ci violait le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), auquel l’Italie était partie.

Problématique juridique : La question centrale était de savoir si le droit national pouvait primer sur le droit communautaire. Plus précisément, si les États membres pouvaient adopter une législation qui était en conflit avec les obligations découlant des traités européens.

Décision : La Cour a statué que le droit communautaire avait la primauté sur le droit national des États membres. Elle a jugé que les États membres avaient définitivement transféré une partie de leur souveraineté dans des domaines limités à la Communauté européenne, et que cette souveraineté ne pouvait être remise en question par des actes ultérieurs incompatibles avec le cadre des traités.

Principes juridiques établis :

  1. Primauté du droit communautaire : L’arrêt a établi le principe selon lequel, en cas de conflit entre le droit communautaire et le droit national, le droit communautaire prévaut.

  2. Effet direct : Bien que l’arrêt n’ait pas explicitement établi le principe de l’effet direct, il a pavé la voie à cette doctrine, affirmant que les traités européens peuvent créer des droits individuels que les juridictions nationales doivent protéger.

  3. Supranationalité : L’arrêt a renforcé le concept de supranationalité de la Communauté européenne, affirmant que les États membres avaient limité leur souveraineté dans certains domaines au profit d’une entité supranationale.

  4. résumons l’Arrêt Costa du 15 juillet 1964 :
    • Affirme la primauté du droit de l’UE sur les législations nationales.
    • Le droit de l’UE s’intègre dans les systèmes juridiques des États membres, qui doivent le respecter.
    • En cas de contradiction, les autorités nationales doivent privilégier le droit de l’UE.
    • La primauté s’applique même face aux constitutions nationales, indépendamment de la chronologie des actes nationaux par rapport aux traités de l’UE.
    • Cette primauté n’annule pas le droit national, mais suspend sa force obligatoire.

Importance : L’arrêt Costa c. ENEL est considéré comme un pilier fondamental du droit de l’Union européenne. Il a posé les bases de la primauté du droit de l’UE sur les législations nationales, un principe essentiel pour l’intégration européenne et le fonctionnement uniforme du droit de l’UE au sein des États membres.

Commentaires : Cet arrêt a eu un impact profond sur le développement ultérieur de l’Union européenne, influençant la manière dont le droit de l’UE est interprété et appliqué dans les États membres. Il a également joué un rôle crucial dans la création d’un cadre juridique cohérent et intégré au niveau européen.

Articles 267 du traité du TFUE

En vertu de l’article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, en cas d’incertitude sur l’interprétation d’une norme européenne, le juge national doit se référer à la CJUE. Cette obligation est impérative pour les juridictions suprêmes, comme la Cour de Cassation ou le Conseil d’État en France. L’interprétation donnée par la CJUE est contraignante pour les juridictions nationales, affirmant ainsi le rôle central du juge national dans l’assurance de la primauté du droit de l’UE.

L’article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) joue un rôle crucial dans le système juridique de l’Union européenne (UE). Cet article établit la procédure de renvoi préjudiciel, qui permet aux juridictions nationales de demander à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de trancher sur l’interprétation ou la validité du droit de l’UE. Voici une explication de cet article :

Texte de l’Article 267 TFUE : L’article 267, dans sa forme simplifiée, stipule que :

  1. La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a. Sur l’interprétation des traités ; b. Sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes, ou organismes de l’Union.

  2. Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction d’un État membre, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel.

  3. Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice.

Explication et Importance :

  • Interprétation des Traités et Actes de l’UE : L’article 267 TFUE permet aux juridictions nationales de demander à la CJUE d’interpréter le droit de l’UE, y compris les traités et les actes législatifs. Cela garantit une interprétation et une application uniformes du droit de l’UE dans tous les États membres.

  • Validité des Actes de l’UE : Les juridictions nationales peuvent également demander à la CJUE de se prononcer sur la validité des actes de l’UE. Cela permet de vérifier si les actes des institutions de l’UE sont conformes aux traités.

  • Renvoi Facultatif et Obligatoire : Le renvoi préjudiciel peut être facultatif ou obligatoire. Les juridictions dont les décisions sont susceptibles de recours (c’est-à-dire les juridictions non suprêmes) peuvent choisir de saisir la CJUE, tandis que les juridictions suprêmes (dont les décisions ne sont pas sujettes à un recours interne) sont tenues de le faire si une question de droit de l’UE est en jeu.

  • Dialogue entre les Juridictions Nationales et la CJUE : Cet article établit un dialogue entre les juridictions nationales et la CJUE, renforçant ainsi le système juridique de l’UE et assurant la cohérence dans l’application du droit européen.

  • Impact sur l’Intégration Européenne : L’article 267 TFUE est essentiel pour l’intégration européenne, car il permet de résoudre les problèmes d’interprétation du droit de l’UE et assure que les lois de l’UE priment sur les lois nationales en cas de conflit.

En résumé, l’article 267 TFUE permet de garantir l’uniformité du droit de l’UE à travers les États membres et permet aux juridictions nationales de participer activement à l’application et à l’interprétation du droit européen.

  • Article 267 : Obligation pour le juge national de demander une interprétation à la CJUE en cas de doute.
  • Les juridictions suprêmes françaises (Cour de cassation et Conseil d’État) sont tenues de suivre cette procédure.
  • L’interprétation de la CJUE s’impose aux juridictions nationales.

II ) Les conflits de normes devant la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme)

Les conflits de normes devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) se réfèrent aux situations où il existe une tension ou une incompatibilité entre les dispositions législatives nationales d’un État membre du Conseil de l’Europe et les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

La CEDH, basée à Strasbourg, est une cour internationale établie par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a pour mission de veiller à ce que les États membres respectent les engagements qu’ils ont pris en ratifiant la Convention. Voici quelques points clés concernant les conflits de normes devant la CEDH :

  1. Primauté de la Convention : Lorsqu’un conflit survient entre la législation nationale d’un État membre et la Convention, la jurisprudence de la CEDH tend à privilégier l’application de la Convention. Les États sont tenus de résoudre ces conflits, souvent en modifiant leur législation ou en réinterprétant leurs lois pour les rendre conformes aux exigences de la Convention.

  2. Marges d’appréciation : La CEDH reconnaît aux États membres une certaine marge d’appréciation dans la manière dont ils appliquent les droits et libertés de la Convention. Cela signifie que les États ont une certaine flexibilité pour tenir compte de leur contexte national spécifique, à condition que les droits fondamentaux ne soient pas violés.

  3. Contrôle de proportionnalité : Dans les cas de conflit, la CEDH utilise souvent un test de proportionnalité pour évaluer si l’ingérence d’un État dans les droits garantis par la Convention est justifiée. Cela implique d’examiner si l’ingérence poursuit un but légitime et si elle est nécessaire dans une société démocratique.

  4. Dialogue entre les juridictions : Il existe un dialogue entre la CEDH et les juridictions nationales. Les cours constitutionnelles et suprêmes des États membres jouent un rôle important dans l’interprétation des droits de la Convention et dans la résolution des conflits de normes. Les décisions de la CEDH sont souvent prises en compte par les juridictions nationales dans leur jurisprudence.

  5. Amendements législatifs et réformes : Lorsque la CEDH constate une violation de la Convention, l’État concerné est souvent tenu de prendre des mesures pour remédier à la situation. Cela peut inclure la modification de sa législation ou de ses pratiques administratives.

  6. Rôle des recours internes : Avant de saisir la CEDH, les requérants doivent généralement épuiser tous les recours internes disponibles dans leur pays. Cela signifie que les conflits de normes doivent d’abord être traités au niveau national.

La CEDH est importante dans la résolution des conflits de normes, en affirmant que les dispositions nationales, y compris constitutionnelles, ne peuvent pas déroger aux droits et libertés garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La Cour a, à plusieurs reprises, vérifié la conformité des lois constitutionnelles des États membres avec les exigences de la Convention, tranchant généralement en faveur de cette dernière.

Cette position de la CEDH est cohérente avec celle des juridictions internationales, qui considèrent que le droit international prime sur les droits nationaux. Cela est logique puisque les juridictions internationales ne peuvent pas permettre aux États de se soustraire à leurs obligations internationales en invoquant leurs lois internes.

En résumé, Les conflits de normes devant la CEDH sont donc résolus en tenant compte à la fois de la primauté de la Convention européenne des droits de l’homme et de la marge d’appréciation accordée aux États membres :

  • La CEDH juge qu’aucune disposition nationale, même constitutionnelle, ne peut déroger aux droits et libertés qu’elle consacre.
  • La Cour a le pouvoir de vérifier la conformité des règles constitutionnelles françaises aux exigences de la Convention.
  • En cas de conflit, la décision penche en faveur de la Convention.

Questions sur les conflits de normes et la CEDH et la CJUE :

  1. Qu’est-ce que l’arrêt Costa de la CJUE ?

    • L’arrêt Costa de la CJUE, datant de 1964, établit la primauté du droit de l’UE sur les législations des États membres.
  2. La primauté du droit européen s’applique-t-elle aux constitutions nationales ?

    • Oui, elle s’applique même face aux constitutions nationales, indépendamment de leur chronologie par rapport aux traités de l’UE.
  3. Quel est le rôle de la CEDH dans les conflits de normes ?

    • La CEDH veille à ce que les lois nationales respectent les droits et libertés garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
  4. Un État peut-il invoquer sa loi nationale pour ne pas appliquer une norme européenne ?

    • Non, un État ne peut pas se soustraire à ses obligations internationales en invoquant ses lois internes.
  5. En cas de doute sur l’interprétation d’une norme européenne, que doit faire le juge national ?

    • Il doit demander une interprétation à la CJUE selon l’article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne.

Tableau sur les conflits de normes et la CEDH et la CJUE :

CJUECEDH
PrimautéDroit de l’UE sur les législations nationalesDroits de la Convention sur les lois nationales
Cas EmblématiqueArrêt Costa, 1964Conformité des lois nationales à la Convention
ApplicationMême face aux constitutions nationalesMême pour les dispositions constitutionnelles
Obligation des jugesDemander interprétation à la CJUE en cas de douteRespecter les décisions de la CEDH
Résolution des conflitsPrivilégier le droit de l’UEPencher en faveur de la Convention

ici une source qui évoque les conflits de normes et la hiérarchie des normes

Sur cours-de-droit.net, un article sur les conflits de normes entre les normes internationales et les normes internes