Contrat administratif : définition, les parties au contrat

Les contrats administratifs passés entre personnes privées /  entre personnes publics

Lorsque l’administration agit, elle peut conclure des contrats, cette possibilité pour de conclure des contrats a été admise très tôt par le juge administratif dans l’arrêt du CE du 31 janvier 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges.
Selon Gérard Cornu, est qualifié de contrat administratif le fait en principe que l’une des parties au contrat soit une personne publique et dont la connaissance appartient à la juridiction administrative soit en vertu d’une attribution légale de compétence soit parce qu’il porte sur l’exécution d’une mission de service public ou comportant une clause exorbitante de droit commun. Un contrat administratif peut être conclu entre deux personnes publics mais aussi entre deux personnes privées.

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I.  Les contrats administratifs passés entre personnes privées

En principe, deux ou plusieurs personnes privées ne peuvent passer entre elles de contrats de droit public (importance ici du critère « organique »). Ce principe ne souffre que d´exceptions très limitées. Autant la catégorie des actes administratifs unilatéraux des personnes privées est assez large, autant celle des contrats publics des personnes privées est extrêmement restreinte.

L´exception au principe a été posée par le célèbre arrêt TC 8 juil. 1963, Sté Entreprise Peyrot, GAJA et s´est un peu étendue à travers une jurisprudence rare et précautionneuse.

      T.C. , 8 juillet 1963, Société Entreprise Peyrot 

      Considérant que la Société de l’Autoroute Estérel-Cote d’Azur concessionnaire, dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi du 18 avril 1955, de la construction et de l’exploitation d’une autoroute, a passé avec l’Entreprise Peyrot un marché pour l’exécution de travaux nécessaires à la construction de cette autoroute ; que l’Entreprise Peyrot impute à la Société de l’Autoroute Estérel-Côte d’Azur des manoeuvres dolosives destinées à l’inciter à renoncer à ce marché et estime avoir subi de ce fait un préjudice dont elle demande réparation à cette société ; (…)

      Cons. que la construction des routes nationales a le caractère de travaux publics et appartient par nature à l’Etat ; qu’elle est traditionnellement exécutée en régie directe ; que, par suite, les marchés passés par le maître de l’ouvrage pour cette exécution sont soumis aux règles du droit public ;

      Cons. qu’il doit en être de même pour les marchés passés par le maître de l’ouvrage pour la construction d’autoroutes dans les conditions prévues par la loi du 18 avril 1955 sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que la construction est assurée de manière normale directement par l’Etat, ou à titre, exceptionnel par un concessionnaire agissant en pareil cas pour le compte de l’Etat, que ce concessionnaire soit une personne morale de droit public, ou une société d’économie mixte, nonobstant la qualité de personne morale de droit privé d’une telle société ; qu’ainsi, quelles que soient les modalités adoptées pour la construction d’une autoroute, les marchés passés avec les entrepreneurs par l’administration ou par son concessionnaire ont le caractère de marchés de travaux publics ; que, par suite, les contestations relatives à l’exécution de ces marchés sont au nombre de celles visées par les dispositions de l’article 4 de la loi du 28 pluviôse de l’an VIII ; que, dès lors, l’action susanalysée engagée par l’Entreprise Peyrot contre la Société de l’Autoroute Estérel-Côte d’Azur relève de la compétence de la juridiction administrative.

Dans le même domaine que la jurisprudence Peyrot, pour la construction d’un tunnel autoroutier : TC 12 nov. 1984, SEM Tunnel Saintes-Marie-aux-Mines, Rec. 666. Mais cette jurisprudence fut étendue à l´hypothèse suivante :

      C.E., Sect., 30 mai 1975, Société d’équipement de la région montpelliéraine, Rec. 326. 

      Requête de la Société d’équipement de la région montpelliéraine, tendant à l’annulation du jugement du 16 février 1972 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif a jugé que la Société «Entreprise Roussel» était en droit d’être indemnisée de différents chefs de préjudice qu’elle aurait subis à l’occasion de l’exécution du marché qu’elle a conclu avec la société exposante le 30 juillet 1968 et ordonné une mesure d’instruction en vue de déterminer l’importance et le montant de ces préjudices ; (…)

      Sur la compétence de la juridiction administrative  :

      Cons. que le marché passé le 30 juin 1968 entre la Société d’équipement de la région montpelliéraine et l’Entreprise Roussel avait pour objet exclusif la construction de voies publiques – selon un cahier des prescriptions spéciales dressé, vérifié et présenté par le service des ponts et chaussées et sous la direction de l’ingénieur en chef de ce service ; que, pour l’exécution de ce marché, la Société d’équipement de la région montpelliéraine recevait notamment les subventions attribuées aux collectivités locales pour la construction des voies publiques ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment des stipulations de l’article 19 du cahier de la concession de la zone à urbaniser en priorité, applicable au marché, que la Société d’équipement de la région montpelliéraine devait remettre les voies et ouvrages construits, dès leur achèvement et au plus tard à la réception définitive de chaque ouvrage ; qu’au surplus, aux termes de ces stipulations, les collectivités publiques étaient « substituées de plein droit pour toute action en responsabilité découlant de l’application des articles 1792 et 2270 du Code civil », à la Société d’équipement de la région montpelliéraine ; qu’ainsi, pour la construction de ces voies, la Société d’équipement agissait non pas pour son compte propre ; ni en sa qualité de concessionnaire mais pour le compte des collectivités publiques auxquelles les voies devaient être remises ; que dans ces circonstances le marché litigieux a le caractère d’un marché de travaux publics ; que, dès lors, la Société d’équipement de la région montpelliéraine n’est pas fondée à soutenir que la juridiction administrative n’est pas compétente pour statuer sur les difficultés nées à l’occasion de l’exécution ou du règlement de ce marché ; (…)

Dans le même sens : TC 7 juil. 1975, Commune d´Agde, Rec. 798 (installation d´un réseau d´assainissement et de distribution d´eau potable) ; CE 18 juin 1976, Dame Culard, Rec. 320 (contrats de prêts consentis par le Crédit Foncier de France à des Français de l´étranger en vue de leur réinstallation en France) ; TC 10 mai 1993 Société Wanner Isofi, rec.400 (contrat passés par une société privée pour le compte d´EDF, alors établissement public, en vue de la construction d´une centrale nucléaire).

Sauf à faire perdre à la notion tout caractère spécifique, on ne peut parler dans ces hypothèses de véritable « mandat ». Les sociétés privées, chargées de missions de Service Public ou de Travaux Publics, ne sont pas les mandataires de la collectivité publique « pour le compte » de laquelle elles agissent. Le mandat est un contrat spécial par lequel le mandataire se trouve autorisé à agir juridiquement « au nom et pour le compte » de son mandant. Dans toutes ces décisions, le juge se borne à préciser que l´une des sociétés contractantes agit « pour le compte » d´une collectivité publique. Si, d´ailleurs, elle agissait aussi « en son nom », c´est cette collectivité publique qui serait formellement partie au contrat, il y aurait « représentation ». Dans les arrêts cités, au contraire, la société privée, même si elle agit « pour le compte » d´une personne publique, le fait en son nom propre et est donc partie au contrat. C´est pourquoi il y a exception au principe selon lequel une personne publique au moins doit être partie au contrat administratif. (Le mandat existe aussi en droit administratif et un mandataire peut conclure, au nom de son mandant public, un contrat : CE 2 juin 1961, Leduc, Rec. 365).

II. Les contrats administratifs passés entre personnes publiques

Traditionnellement, la nature publique ou privée des conventions passées entre personnes publiques s´analysait de la même manière que les conventions entre personnes publiques et personnes privées : elles étaient administratives lorsque la loi en disposait ainsi, lorsque leurs clauses ou leur régime était exorbitant du droit commun ou lorsqu´elles avaient un objet de Service Public dans les conditions définies plus haut. Par une sorte de souci d´équilibre, la jurisprudence a modifié cette approche : un contrat conclu entre deux personnes publiques doit être présumé de droit public, car il est normalement « la rencontre de deux gestions publiques ». Cette présomption est toutefois écartée dans une hypothèse.

      T.C., 21 mars 1983, Union des assurances de Paris (UAP), Rec. 537. 

      Vu, enregistrée au secrétariat du Tribunal des Conflits le 17 mai 1982, une expédition de la décision en date du 16 avril 1982 par laquelle le Conseil d’État (Section du contentieux), saisi d’une requête de l’Union des assurances de Paris et de vingt-quatre compagnies d’assurances tendant à la condamnation de l’État au remboursement des sommes payées à la société « les Câbles de Lyon » pour le compte du Centre national pour l’exploitation des océans (C.N.E.X.O.) à la suite de la détérioration par une drague du navire océanographique « Jean Charcot » d’un câble sous-marin en cours de pose, dont l’administration des postes et télécommunications n’avait pas signalé la présence au C.N.E.X.O. alors que la gestion administrative et logistique du navire lui avait été confiée par contrat du 22 mai 1968, a renvoyé au Tribunal des Conflits le soin de décider de la question de compétence soulevée par ce litige ; (…)

      Considérant qu’un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif, impliquant la compétence des juridictions administratives pour connaître des litiges portant sur les manquements aux obligations en découlant, sauf dans les cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé ;

      Considérant que la loi du 3 janvier 1967 a créé le Centre national d’exploitation des océans (C.N.E.X.O.) et lui a conféré le caractère d’un établissement public industriel et commercial; que le Centre national d’exploitation des océans (C.N.E.X.O.), pour l’exécution de sa mission, a confié par contrat du 22 mai 1968 la gestion administrative et logistique du navire océanographique « Jean Charcot » au secrétariat d’Etat aux Postes et Télécommunications ; que ce contrat, eu égard à son objet, a fait naître entre les parties des rapports qui ne relèvent pas du seul droit privé ; qu’il revêt dès lors un caractère administratif et que, par suite, la requête par laquelle les assureurs du Centre national d’exploitation des océans (C.N.E.X.O.), subrogés dans ses droits, réclament au ministre des P. et T. le remboursement des indemnités versées par eux à la société les Câbles de Lyon, à la suite de la détérioration par une drague du « Jean Charcot » d’un câble sous-marin en cours de pose, dont la présence n’aurait pas été signalée au Centre national d’exploitation des océans (C.N.E.X.O.) par son cocontractant, ressortit à la compétence des juridictions administratives.

Un contrat qui par son objet ne fait naître que des rapports de droit privé, c’est notamment le contrat par lequel une collectivité publique est l’usager du SPIC géré par une autre personne publique (ex. : recours par une personne publique aux prestations de transport de la SNCF qui est un EP). En revanche, les contrats portant sur des travaux publics, qui font participer une personne publique à une mission de Service Public , constituent l’exécution même d’une mission de Service Public (voir ci-dessus l’affaire Cie Nat. Rhône c. EDF ou enciore : TC 7 oct. 1991, CROUS Nancy-Metz, Rec. 472 : contrat par lequel un Office public HLM [EP] met à disposition d’un CROUS [EP] des locaux en vue du logement étudiant, mission de SP), comporte occupation du domaine public etc. sont administratifs. Autrement dit les contrats entre personnes publics sont administratifs soit par détermination de la loi (comme on l’a vu plus haut), soit par leur objet de Service Public selon les modalités examinées plus haut (participation à la mission, modalité d’exécution de la mission). La seule différence donc avec l’hypothèse des contrats passés entre une personne publique et une personne privée réside dans l’inutilité de la recherche des cedc pour la qualification du contrat : c’est l’objet du contrat pas ses clauses qui en détermine la nature. On a fait d’ailleurs remarquer que les cedc signalant un rapport inégalitaire entre les parties à un contrat, elles sembleraient n’avoir pas de place dans un contrat conclu entre deux personnes publiques essentiellement égales (concl. Labetoulle sur l’arrêt UAP). Telle est du moins l’interprétation raisonnable qu’on pouvait avoir de l’arrêt UAP.

Dans ces conditions lorsque le Tribunal des conflits cherche si un contrat conclu entre deux personnes publiques contient des cedc, il fait perdre en vérité toute originalité et tout intérêt, à mon sens, à la jurisprudence UAP. Voir : TC 15 nov. 1999, Commune de Boursip, Rec. 478 : par contrat une commune cède une dépendance de son domaine privé à une autre commune, cette convention qui du seul point de vue de son objet [gestion du domaine privé] devrait relever du droit privé, est un contrat administratif à raison des cedc qu’il contient. Voir aussi : CE 1er mars 2000, Commune de Morestel, Rec. 899).

On doit aussi noter que la loi MURCEF et la qualification législative des marchés publics de contrats administratifs font passer les marchés passés entre personnes publiques dans la catégorie des contrats administratifs. CE 3 nov. 2003, UGAP : le marché par lequel l’UGAP (EP) fournit à l’Etat des véhicules commerciaux est un contrat qui ne fait naître que des rapports de droit privé et il est un contrat de droit privé en l’espèce dans la mesure où il a été conclu avant l’entrée en vigueur de la loi MURCEF et que celle-ci laissait expressément inchangées les règles gouvernant la compétence juridictionnelle applicables antérieurement à son entrée en vigueur. Mais de tels marchés, à l’avenir, devront être qualifiés contrats administratifs.