Les crédits budgétaires

Présentation des crédits budgétaires

. Un gestionnaire de crédits est théoriquement quelqu’un susceptible de générer un mouvement financier. L’idée de la réforme de 2001 est de substituer à cette approche très financière, une approche managériale, en substituant au terme gestionnaire le terme ordonnateur. On ne sait pas qui est le gestionnaire de crédits. Il a les pouvoirs d’un ordonnateur, mais la liste des gestionnaires de crédits ne correspond pas à la liste des ordonnateurs juridiques (posée dans le décret du 29 décembre 1962) ! Comment se présentent les comptes des gestionnaires de crédits ?

Le budget est un compte ou un ensemble de comptes. Ces différents comptes manifestent bien juridiquement un phénomène qu’est la mise à disposition des crédits. Autrement dit, les parlementaires habilitent juridiquement les ordonnateurs à effectuer un type de dépense à destination d’une politique publique pour un montant déterminé. Il s’agit de la spécialisation par titre comptable au sein de chaque mission.

1) La spécialisation des crédits

C’est l’article 7 de la loi organique, qui à travers la notion de porter des autorisations budgétaires précise les différentes nomenclatures. La spécialisation des crédits budgétaires, dans la mesure où elle vise à l’information des parlementaires, a toujours tenté de se rapprocher des politiques publiques. Ainsi, les budgets des monarchies censitaires (sous la Restauration) étaient regroupés par Ministère. Dans le cadre d’un Etat libéral régalien, ces regroupements par ministères coïncidaient avec les politiques mises en oeuvre.

Sous la Restauration, le budget détaille les dépenses du ministère de la guerre, les dépenses de la dette, du min. de la justice, du min. des finances, et au sens large les dépenses des pouvoirs publics et évidemment, ce sont les politiques publiques mises en œuvre par le pouvoir.

Le Parlement intervient ici : il tente à travers la spécialisation de la nomenclature budgétaire d’obtenir une meilleure information sur l’autorisation qu’il prononce, et en exigeant une meilleure spécialisation des crédits, le Parlement cherche à accroître son pouvoir financier. Progressivement, les dépenses qui correspondaient à des ministères vont être spécialisées par titres, appelés des sections (investissement/fonctionnement). Puis, ces sections sont détaillées par titres comptables (personnel/transferts), puis par articles, puis par paragraphes…

Le degré de spécialisation des crédits devient tel que non seulement l’exécutif se trouve très encadré dans la mise en œuvre du budget, mais en plus le document budgétaire devient très figé. Chaque prise en charge d’une activité supplémentaire par un même service occasionne une augmentation de crédits très spécialisés au détriment de la cohérence de l’approche globale du budget.

Budget 1824

– Liste civile (emplois à la disposition du monarque) – Défense – Justice… (puis on demande plus de précisions)

* Fonctionnement – Dépenses de personnels (puis chapitres, puis articles) – Fonctionnement pur

* Investissement – Investissements par les personnes – Transferts à d’autres personnes Titres comptables Au sein de la répartition comptable, dans le titre personnels non titulaires on a des personnes aux fonctions différents (contractuels, espions, enquêteurs, fonctionnaires…).

La présentation par spécialisation des crédits (à l’origine par politiques publiques) a perdu le lien des politiques publiques à cause de l’accroissement des crédits. La nomenclature budgétaire, façon dont sont spécialisés les crédits budgétaires, est devenue une nomenclature d’action dès la Restauration. Il s’agissait de ventiler les sommes selon les politiques publiques assez sommaires (défense, dette, police, recouvrement de l’impôt…)

Double mouvement : – Revendication des spécialisations accrues des crédits par les Parlementaires, ils voulaient plus de précisions, un budget de plus en plus spécialisé. – À partir de la III République, développement de l’action administrative au sein de structures administratives au budget spécialisé qui a assombri le lien entre le crédit budgétaire et l’action publique. Ex. Crédits du min. de l’intérieur qui traduisent un nombre bien supérieur d’actions que leur régime. On a une unité de spécialisation qui ne traduit plus les politiques publiques. Loi organique du 1er août 2001 veut faire concorder à nouveau les politiques publiques et la nomenclature budgétaire. Il s’agit de revenir à la simplicité originelle de la nomenclature budgétaire. Dans la mesure où un ministère assume des tâches pas forcément complémentaires (intérieur : décentralisation & police), on décide de distinguer en fonction de la réalité de l’action administrative, et on tente de faire coïncider la présentation budgétaire avec cette action administrative. Action 1 Action 2 Action n Programme Programme Mission Lorsqu’on fait usage d’une nomenclature fonctionnelle, administrativement une action est prise en charge par l’administration d’un ministère (ex. routes sont prises en charge par un ministère). Mais, il existe des missions interministérielles (ex. la sécurité faisant intervenir 2 programmes distincts dont le programme police nationale [min. de l’intérieur] et le programme gendarmerie [min. de la défense]). Les administrations sont toujours distinctes, les agents appartiennent toujours à des corps distincts. Budgétairement, le compte est le même : il s’agit de la mission sécurité intérieure n° x qui regroupe un programme, qui eux-mêmes portent un n°. Cette nomenclature budgétaire nouvelle se trouve à l’article 7 de la loi organique.

Le budget opère une relecture de l’organisation de l’Etat sous un angle fonctionnel (par opposition à l’approche organique, administrative, antérieure).

On opère la ventilation budgétaire de ces sommes. L’article 5 de la loi organique explique comment est ventilé la charge. La charge s’entendant au niveau juridique un programme. Les charges sont ventilées en titres, numérotées de 1 à 7 (cf. art. 5 de la loi organique). La nomenclature budgétaire par titres est une présentation budgétaire (cf. performance budgétaire sur Internet).

2) Les différents types de crédit budgétaire Bleu (= programme)

Titre II : Personnel Titre III : Fonctionnement Titre IV : Dette Titre V : Investissement Titre VI : Intervention Le programme se décline budgétairement en un bleu (= un compte). Ce bleu ne coïncide pas avec une direction administrative, mais c’est un document budgétaire décliné en titres. Ces titres ont-ils la même portée juridique ? Il existe une forme de droit commun du crédit budgétaire. Le droit commun du crédit budgétaire, le crédit le plus représenté dans les budgets est un crédit de fonctionnement qui permet par exemple de payer l’électricité. Ce droit commun se résume ainsi : mise à disposition d’un plafond à ne pas dépasser. Ce droit commun signifie bien que les parlementaires accordent à un ordonnateur le pouvoir discrétionnaire d’engager et d’ordonnancer les sommes en deçà ou en dessous d’une certaine limite. Il ne peut concerner l’ensemble des dépenses de l’Etat, car certaines dépenses ont un montant difficilement déterminable. Il existe des dépenses dont on ne conçoit pas qu’elles ne puissent pas être mises en oeuvre. Pour toutes ces dépenses, on va concevoir des exceptions au Droit commun, à la mise à disposition plafonnée.

  • a) Crédit ou dotation

À l’article 7 de la loi organique, on voit que la nomenclature budgétaire fait intervenir des crédits ou des dotations. – Les crédits sont dits limitatifs (cf. art 9 loi organique), et ce caractère limitatif des crédits signifie très explicitement qu’ils ne peuvent pas être dépassés. Certains crédits doivent pouvoir être dépassés. Art. 10 de la loi organique précise donc que certains crédits sont dits évaluatifs : par ex. les crédits relatifs aux charges de la dette ont évidemment un caractère évaluatif. Il s’agit de ne pas limiter ce qui apparaît comme une dépense obligatoire du fait d’une autorisation ou d’une mauvaise évaluation. La dette est prise en charge par des mouvements de trésorerie (principal dans l’article de financement, et les intérêts qui constituent une charge budgétaire). La charge des intérêts peut être affectée d’une forme d’aléa puisqu’une partie des intérêts dépend de taux variables. À la préparation du budget, on n’est pas en mesure de déterminer précisément ce que sera la charge des intérêts de la dette de l’année prochaine.

On a alors 2 solutions :

– Surévaluer cette charge, en ménageant des marges de réserve, tout en bloquant les crédits budgétaires ne pouvant être dépensés ailleurs,

– Utiliser de la manière la plus sincère et la plus précise le montant de cette charge, tout en introduisant de la souplesse du fait du caractère évaluatif des crédits. Au sein des crédits, on a une partition entre les crédits limitatifs et les crédits évaluatifs. Dans la mesure où ces crédits évaluatifs constituent une forme d’atteinte à l’autorisation de dépenser parlementaire, il convient de circonscrire ces crédits limitatifs. On introduit un autre type de crédit budgétaire : la dotation. On les isole donc de la liste des crédits déterminés par la loi. Cet outil n’est pas suffisant. Au-delà de la distinction crédit évaluatif/limitatif, on introduit des dotations. – La dotation est une nouveauté de la loi organique de la loi organique du 1er août 2001, mais ce n’est qu’une nouveauté sémantique. La dotation reprend en la précisant la notion de crédit provisionnel. C’est l’article 12 de la loi organique qui vient préciser le régime de ces dotations.

Il y a 2 types de dotations :

* Le premier type s’adresse aux dépenses accidentelles ou imprévisibles, comme par ex. les catastrophes naturelles. On créé une dotation (nomenclature budgétaire particulière) car on sait statistiquement que le risque existe. Au niveau budgétaire, on est capable depuis 2 siècles, de lisser et de dire que chaque année les catastrophes naturelles coûtent entre 300 et 800 millions d’€. Budgétairement, on sait que le risque existe, on est capable d’en évaluer un montant, mais on ne sait pas ce que seront les dépenses entraînées par la survenance du risque (lignes électriques, routes… la matérialité de la dépense). On constitue donc sous forme de provision une donnée budgétaire que l’on appelle une dotation dont le régime juridique permet évidemment de faire varier le montant assez rapidement, mais surtout cette dotation offre une caractéristique de ne pas être destinée à être prise en charge par une administration, mais à « abonder » d’autres programmes du budget de l’Etat.

Pratiquement, une dotation n’aboutira pas à une série de dépenses. Elle est transférée en cours d’année vers des différents programmes qui vont « assumer » la dépense liée aux catastrophes naturelles.

* Le second type de dotation vient opérer une provision budgétaire destinée à couvrir le risque lié aux difficultés d’évaluation ou de prévision de certaines dépenses. Il s’agit de crédits dont on ne veut pas qu’ils soient évaluatifs. On admet une difficulté de prévision. On créé une dotation en parallèle permettant d’abonder certains crédits limitatifs strictement précisés afin de pallier les difficultés d’évaluation (ex. dotation pour mesure générale en matière de rémunération). L’aléa en matière de rémunération des agents de l’Etat a une signification forte : 150 milliards d’€ de dépenses de personnel, si le risque est à 1%, on a 1,5 milliard d’aléa sur les dépenses de personnels. On constitue donc cette dotation pour mesure générale en matière de rémunération. En cas de difficulté en cours d’année, cette dotation permettra d’abonder les différents crédits du titre II (personnel) des programmes qui seront en difficulté financière.

  • b) Autorisation d’engagement ou crédit de payement

La distinction en autorisation d’engagement (AE) et en crédit de paiement (CP) est prévue à l’article 8 de la loi organique. Cette distinction se substitue à une distinction de l’ordonnance de 1959 qui distinguait autorisation de programme (AP) et crédit de payement (CP). À l’origine, il s’agit de ne pas enfermer les crédits budgétaires dans le cadre strict de l’exercice budgétaire. Pourquoi ? On conçoit que certaines dépenses nécessitent plusieurs années pour être mises en œuvre (ex. typique le porte avions) ; à l’origine, on opérait des programmations dont certaines pouvaient être militaires. À ces programmations, on adjoignait une autorisation budgétaire de programmation de la dépense. On appelait cette autorisation une AP (autorisation de programme). Cette Autorisation de ¨Programme a bien pour but de définir un montant qui correspond à l’ensemble de la dépense (le coût total du programme, du bâtiment, qui ne s’effectuera pas sur un seul exercice). L’autorisation d’un programme constitue bien l’enveloppe, et chaque année, on va ouvrir des crédits de payement qui permettront de mettre en œuvre ce programme progressivement. La difficulté de cette architecture entre Autorisation de ¨Programme et CP vient de ce que d’une année sur l’autre, on peut reporter l’inscription des crédits de payement. Pour le porte avions, AP de 100 millions, la construction s’effectue sur 5 ans et les Gouvernements n’inscrivent pas successivement 20 millions et le navire n’est jamais construit. La loi organique a souhaité reprendre cette distinction en précisant la signification. On ne parle plus d’ Autorisation de ¨Programme et CP mais d’Autorisation d’Engagement et de CP. Le glissement lexical est minime, mais important. La notion d’engagement est bien l’acte juridique qui fait naître une créance sur le trésor public. L’autorisation d’engagement, le montant qui est inscrit en AE, constitue bien le plafond de ce qui est susceptible d’être initié comme dépense. Inversement, le payement (acte comptable qui consiste à libérer le trésor de sa dette) découle directement de l’ordonnancement qui est bien l’ordre de payer par l’ordonnateur. Par extension, les crédits de payement (CP) constituent bien non seulement le plafond de ce qui est susceptible d’être payé par les comptables publics, mais en plus le plafond de ce qui est susceptible d’être ordonnancé par les ordonnateurs. Ex. construction d’une caserne ; recours à un architecte ; entrepreneurs construisent matériellement le bâtiment ; construction en plusieurs phases (fondations, gros oeuvre, finitions) ; affectations de personnes à l’entretien du bâtiment. La construction qui doit être budgétée par le min. intérieur va impliquer des dépenses d’investissement (titre V), de fonctionnement (titre III), et de gardiennage (titre II). Action – construction de la caserne 2003 2004 2005 2006 Titre V AE 100 (90) (50) (10) CP 10 40 40 10 Titre II (crédit de personnel) AE = CP 5 10 10 Titre III (fonctionnement) AE = CP 2 5 10 Dépense 10 47 55 30 Publique C’est la distinction entre l’autorisation budgétaire et la réalité de la dépense publique. On a : – paiement – trésorerie.

Pourquoi passer de l’AP à AE ?

En définissant un plafond en terme d’autorisation d’engagement, on opère deux différences essentielles par rapport à l’AP. Tout d’abord, on opère une modification en terme de sincérité du budget, alors que les autorisation de programme du début de la V République ressemblaient à de vagues promesses de dépense. Seuls les crédits de paiement permettaient de déclencher la dépense avant 2001. En substituant à l’autorisation de programme l’autorisation d’engagement, on autorise bien l’ordonnateur à engager les dépenses à partir du moment où les crédits sont inscrits en autorisation d’engagement.

La notion de report de crédit apparaît. L’AE est reportable de droit pour sa partie non consommée.