La décision de constitutionnalité : forme, types…

LA DÉCISION DE CONSTITUTIONNALITÉ

La décision de constitutionnalité est, selon Louis Favoreu, la décision intervenue sur contrôle de constitutionnalité des actes fondamentaux de l’État opéré par un juge constitutionnel.

Paragraphe 1 : la forme

La décision de constitutionnalité se présente selon un schéma invariant :

  • Les saisissants
  • Les visas
  • Les motifs
  • Le dispositif

Cela peut varier en fonction de la procédure mobilisée. Concernant la présentation des décisions, toutes les décisions constitutionnelles sont présentées par un numéro composé de l’année de saisine (et non au cours de laquelle la décision est rendue) et du nombre de décisions déjà rendues cette année. Soit il rend des décisions de conformité (DC), soit des recours en rectification d’erreur matérielle (R) ou des décisions de fin de non recevoir (FNR) voire des délégalisation (L)

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Les décisions sont de plus en plus longues et argumentées. À l’origine les premières décisions du Conseil Constitutionnel étaient brèves, elles reposaient beaucoup sur des arguments d’autorité à la manière de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Aujourd’hui on constate une volonté pédagogique d’explication du Conseil Constitutionnel qui conduit ce dernier à allonger ses décisions et à rendre des décisions pouvant comporter plus de 100 considérants.

La décision la plus longue est celle du 13 août 1993 loi relative à la maîtrise de l’immigration avec 130 considérants. On est ici dans ce que Troper appelait les « contraintes argumentatives », le Conseil Constitutionnel considère que pour être plus légitime, que sa décision soit mieux respectées par l’ensemble des pouvoir publics, des autorités juridictionnelles, des citoyens, il est nécessaire que la décision soit d’avantage motivée.

Il y a incontestablement un parallèle qui peut été établi entre le contentieux constitutionnel et les contentieux judiciaire et administratif. L’influence du contentieux judiciaire se retrouve d’avantage lorsque l’on va parler de l’autorité de la décision du Conseil Constitutionnel et notamment de ses effets. Mais s’agissant de la technique de rédaction, il y a une influence directe du contentieux administratif, pas simplement par le recours à la formule de « considérant » mais par le recours à certaines techniques comme celui du contrôle de proportionnalité (CE 1933 Benjamin), comme le démontre Vedel qui étudie le système des cas d’ouverture en contentieux constitutionnel et dresse un parallèle entre ce dernier et le contentieux administratif.

Un certain nombre de membres du Conseil d’Etat peuvent siéger ou être présents au Conseil Constitutionnel. Le secrétaire général du Conseil Constitutionnel est important dans l’organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel, il est en général un membre du Conseil d’Etat (actuellement Marc Guillaume), ou encore Olivier Schrameck Jean-Éric Shuttle ou Bruno Jeannevoie. En matière de contentieux électoral devant le Conseil Constitutionnel, des rapporteurs adjoints viennent aider les groupes de trois membres chargés d’examiner un certain nombre de requêtes électorales, ils sont assistés par des adjoints, membres du Conseil d’Etat.

Il y a une identité dans les méthodes de raisonnement et de problème juridique qui se pose, le Conseil d’Etat a su parfaitement réfléchir à la question de l’articulation entre deux normes. le Conseil d’Etat est appelé à exercer un contrôle objectif entre deux normes comme le REP qui peut être formé contre une acte administratif unilatéral, ce recours conduit à réinsérer cet acte dans le bloc de constitutionnalité. Le Conseil d’Etat est habitué â cette réflexion de conciliation entre deux normes (acte administratif et bloc de constitutionnalité)

Or, le Conseil Constitutionnel est aussi confronté à cette conciliation à réaliser entre deux normes. Sauf que le concernant, ce n’est pas un acte administratif unilatéral qui lui est déféré mais la loi. Cette loi va devoir être confrontée à une autre norme qu’est la norme constitutionnelle. Ce qui explique le Conseil Constitutionnel se soit inspiré des canaux juridictionnels mis en place par le Conseil d’Etat.

On n’a pas devant le Conseil Constitutionnel la possibilité d’annuler une loi. On a deux possibilités :

  • Des le cas du contrôle de constitutionnalité a priori, on a une décision de conformité à la constitution
  • Dans le cas du contrôle de constitutionnalité a posteriori, on a une décision d’abrogation.

Jamais le Conseil Constitutionnel n’annule une loi, il la déclare non conforme à la constitution dans le cadre du contrôle a priori et peut l’abroger dans le cadre du contrôle a posteriori avec des modulations dans le temps (CE association AC !).

Paragraphe 2 : les types de décision

Il y a une palette de solutions qui s’ouvre au Conseil Constitutionnel. Il peut rendre des décisions de conformité ou de non conformité. Certains auteurs affinent la représentation en arguant qu’il faudra distinguer la conformité de la compatibilité.

Le Conseil Constitutionnel a précisé les choses, si on prend en premier lieu les décisions de conformité, cette dernière peut être complète, totale ou avec des réserves d’interprétation. Si l’on parle des décisions de non conformité, les décisions qui peuvent être déclarées contraires à la constitution peuvent être jugées séparables du reste de la loi ou inséparables.

A) les décisions de conformité

Il y a deux possibilité soit la conformité est totale et la loi est déclarée conforme à la constitution. La décision est notifiée à un certain nombre d’autorités. Et la loi peut être promulguée dans les 15 jours à compter de la date à laquelle la décision du Conseil Constitutionnel est rendue. Le processus est tel que définitivement on perçoit que l’intervention du Conseil Constitutionnel est un élément dans le cadre de la procédure législative car il s’intercale entre le vote de la loi et la promulgation par le Président de la République.

Mais le Conseil Constitutionnel peut aussi rendre une décision sous réserve, on parlera alors de décision conditionnelle, assortie d’une réserve d’interprétation. C’était le cas de la décision QPC sur la garde à vue qui était conforme sous réserve d’interprétation d’une disposition. Il y a :

  • les réserves d’interprétation directives, quand la réserve fixe le comportement à tenir pour le parlement, le gouvernement, les juridictions et les citoyens.
  • les réserves d’interprétations constructives, quand la réserve construit, ajoute un élément voire change un peu le texte de la loi. Ex : DC 1976-76 Du 15 juillet 1976 ou le Conseil Constitutionnel au nom du principe d’égalité de tous les candidats devant les concours de la fonction publique considère que la faculté offerte par la loi de consulter les dossiers individuels de tous les candidats doit être interprétée en réalité comme une obligation au nom du principe d’égalité de tous. C’est une forme de réécriture de la loi.
  • et les réserves d’interprétation neutralisantes, le Conseil Constitutionnel dit que c’est conforme si la loi ne veut pas dire telle ou telle chose.

Ici, le Conseil Constitutionnel prend le rôle du législateur en réécrivant la loi. Ce qui est assez choquant car il abuse de cette procédure. Si le législateur a dit À, c’est qu’il n’a pas voulu dire B, mais le Conseil Constitutionnel réécrit la loi pour la rendre conforme à la constitution. C’est une technique prétorienne forgée dans le cadre du contrôle de constitutionnalité mais il n’y a pas d’habilitation constitutionnelle explicite, rien ne l’autorise à réécrire la loi, à l’interpréter pour qu’elle soit conforme. Ex : loi sur le PACS de 1999 qui a été totalement réécrite.

C’est un instrument de souplesse dans les techniques de contrôle, c’est utile pour le Conseil Constitutionnel de rajuster son contrôle, mais il y a trop de réserve. Les réserves d’interprétation sont une réécriture de la loi pour la faire adhérer à la conformité de la constitution. Mais on peut aussi dire que ça simplifie le travail du législateur, puisque sans ces réserves d’interprétation, la loi serait déclarée non conforme. Mais c’est un réel pouvoir créatif du juge constitutionnel.

B) les décisions de non conformité

On distingue trois hypothèses, soit c’est toute la loi qui tombe, soit seules certaines dispositions sont déclarées non conforme à la constitution. Mais selon que les dispo déclarées non conforme sont séparables ou inséparable, la loi sera déclarée conforme ou non conforme à la constitution.

Si ces dispositions sont inséparables du reste de la loi, le Chef de l’Etat ne pourra pas faire promulguer la loi. Si ces dispositions sont séparables :

  • Soit Le président promulgue sur le fondement de l’article 10 de la C dans un délai de 15 jours, sans les dispo déclarées non conformés à la constitution.
  • Soit il demande une nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale et au Sénat pour remplacer les dispositions déclarées inconstitutionnelles par de nouvelles décisions, de nouvelles dispositions qui seraient non conforme à la constitution.

Mais dans ce cas de dispositions séparables, si le président choisit la seconde voie, il n’est pas obligée de demander au parlement une nouvelle procédure législative complète. Il peut se contenter d’un seul vote au Sénat et à l’Assemblée nationale. En revanche si les dispositions sont déclarées inséparables, il devra reprendre toute la procédure législative (DC 23 août 1985 évolution de la Nouvelle-Calédonie).

Dans le cas du contrôle à priori, le Conseil Constitutionnel participe au processus d’élaboration de la loi. DC 23 août 1985 évolution de la Nouvelle-Calédonie : il dit que cette intervention est une phase complémentaire de la procédure parlementaire.

Il est parfois reproché au Conseil Constitutionnel de retarder l’adoption de la loi. Il a eu à plusieurs reprises l’occasion de rappeler que son but n’est pas de retarder son adoption mais de d’assurer de la constitutionnalité des décisions législatives afin que le vice possible soit expulsé avant même l’entrée en vigueur de la loi.

Est qu’une loi qui a été déclarée conforme à la constitution bénéficie d’une sécurité juridique complète ? Non en raison de la QPC et du contrôle de conventionalité.

Une loi peut avoir été déclarée à la constitution mais inconventionnelle (CEDH Zielientski et CEDH Desouza contre France). Concernant la QPC, il est possible de revenir sur la constitutionnalité d’une loi à l’occasion de la QPC.

Paragraphe 3 : l’autorité des décisions constitutionnelles du Conseil Constitutionnel

Une fois que la décision est rendue, elle doit être notifiée et publiée. Selon que l’on est dans le cadre du contrôle a priori ou dans celui du contrôle a posteriori, la notification varie.

Dans le premier, elle doit être notifiée à la plus haute autorité de l’Etat (président, Premier Ministrat, président de l’Assemblée Nationale ou du Sénat) mais aussi aux saisissants. Elle est faite par le serait aire général qui une fois la décision notifiée, veille à sa mise en ligne sur le site du Conseil Constitutionnel, accompagnée d’un dossier documentaire et un premier commentaire de la décision par les membres du Conseil Constitutionnel.

Dans le cadre de la décision QPC, la notification doit se faire aux parties au procès, mais aussi au Conseil d’Etat et à la COUR DE CASSATION qui ont été les organes de filtrage.

Sur cette autorité du Conseil Constitutionnel, l’article 62 de la constitution est relatif à l’autorité des décisions du Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel à lui même décidée que ses décisions ont autorité de la chose jugée. À cet égard, la portée qu’il confère à l’autorité de la chose jugée s’inspire de celle que l’on peut trouver à l’article 1351 du code civil qui dispose que «l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, il faut que la chose demandé soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formées par elles, et contre elles, en la même qualité« .

Le Conseil Constitutionnel confère lui même une autorité de la chose jugée à ses décisions. Il eu été préférable que la constitution précise que les décisions du Conseil Constitutionnel fussent revêtues de cette autorité de la chose jugée. On aurait pu penser que cette autorité de chose jugée ne s’appliquerait que d’un pouvoir formel et non pas matériel, qu’elle ne s’applique qu’aux dispo même de la loi déclarée conforme à la constitution et uniquement des dispo formelles. Mais le Conseil Constitutionnel a retenu une notion d’avantage matérielle que formelle s’agissant de l’autorité de la chose jugée des décisions qui s’attachent à la constitution. La décision constitutionnelle s’impose aux autorités judiciaires, publiques et administratives. Tout le monde doit prendre acte de ce qu’une décision de conformité ou de non conformité à pu être rendue : le président ne peut pas promulguer une loi qui aurait été déclarée non conforme à la constitution. Le P doit aussi prendre acte de cette décision de conformité ou de non conformité.

L’absence de recours contre les décisions constitutionnelles et l’absence de lien hiérarchique entre le Conseil Constitutionnel et les cours suprêmes que sont le Conseil d’Etat et la COUR DE CASSATION.

A) l’absence de recours contre les décisions constitutionnelles

Cela est vrai dans le contrôle à priori, à posteriori mais aussi dans le contentieux électoral. Certes il est possible d’aller devant la CEDH mais d’un pouvoir juridique, cela ne s’analyse pas comme un recours contre la décision constitutionnelle. Il y a juste une procédure que le Conseil Constitutionnel a mis en œuvre en 1987 qu’est le recours en rectification d’erreur matérielle. Ce recours est possible dans le cadre du contentieux électoral ainsi que dans la procédure QPC.

Ce recours peut être formé à l’encontre d’une décision constitutionnelle, devant le Conseil Constitutionnel qui a lui même autorisé ce recours et qui permet à l’une des parties de demander la correction matérielle qui aurait pu être faite. Ex : le Conseil Constitutionnel s’était trompé dans la localisation d’une commune où se tenait le litige.

Le Conseil Constitutionnel a fait la même chose que le Conseil d’Etat qui lui elle s’était reconnu la possibilité de faire un recours en rectification matérielle. Cette rectification ne touche pas aux motifs et au dispositif juridique.

Sous cette réserve, il n’y a pas de recours contre les décisions constitutionnelles, elles sont insusceptibles de recours (article 62 al. 3).

B) le lien entre le Conseil Constitutionnel et les cours suprêmes

Dans le cadre du contrôle a priori, il n’existe pas de « super » cour suprême qui viendrait coiffer à la fois la COUR DE CASSATION et le Conseil d’Etat.

Il n’y a pas d’interactions entre le Conseil Constitutionnel et les juridictions, comme en droit allemand ou italien. Le Conseil Constitutionnel, nonobstant la procédure QPC, ne dispose pas d’un statut de cour suprême par rapport à la COUR DE CASSATION et au Conseil d’Etat.

Mais les choses ont un peu changé avec la QPC. Toutefois, ce mécanisme de coopération repose sur le dialogue des juges, sur la coopération entre le Conseil Constitutionnel et les cours suprêmes. Si le COUR DE CASSATION et le Conseil d’Etat font preuve de mauvaise volonté pour faire remonter les questions au Conseil Constitutionnel, qu’elles adoptent une position restrictive, le Conseil Constitutionnel aussi puissant soit-il sera décelé dans l’exercice de sa mission.

Le Conseil Constitutionnel n’a pas de pouvoir d’évocation, d’auto-saisine. Si la COUR DE CASSATION ou le Conseil d’Etat retiennent une interprétation divergente, il n’y a pas de possibilité d’interjeter appel, de former un pourvoi en cassation devant le Conseil Constitutionnel. Ex : CE Koné 1996 qui reconnaît un nouveau PFRLR qu’est celui d’interdire d’extrader dans un but politique. Ici il interprète le préambule de la constitution de 1946. Mais en faisant ainsi, il interprète la disposition constitutionnelle sans s’assurer que le Conseil Constitutionnel va le suivre.

Cela repose beaucoup sur l’idée d’un dialogue entre les juges, entre le Conseil Constitutionnel et les cours suprêmes. Ce dialogue s’est structuré avec la QPC. Certes le Conseil Constitutionnel bénéficie d’une autorité, ses décisions sont revêtues de l’autorité de la chose jugée, qui doit être définie selon un critère matérielle elle et non formel. Mais cette autorité du Conseil Constitutionnel qui s’impose à l’ensemble des pouvoir publics, des juridictions implique néanmoins une volonté importante de coopération s’agissant de la mise en œuvre de cette disposition. Ex : on a vu une demande du chef de l’Etat visant à remettre en cause une décision du Conseil Constitutionnel. Il avait demandé au premier président de la COUR DE CASSATION de lui remettre un rapport devant contenir des préconisations sur la manière de mettre en œuvre la réforme malgré la décision du Conseil Constitutionnel et donc de trouver des parades juridiques pour contourner la décision d’inconstitutionnalité.

S’agissant de l’autorité des décisions QPC, une fois qu’elles ont été rendues, elles vont s’imposer aux parties. Cependant, On peut avoir une juridiction qui va décider, dans un cas présent de ne pas faire remonter une question de constitutionnalité au Conseil d’Etat et à la COUR DE CASSATION, mais cette décision ne s’imposera pas forcément aux autres décisions qui s’imposeront par la suite.

(La règle du précédent veut que le juge applique, pour résoudre un litige, un précédent qui a pu être forgé par la jurisprudence antérieure ; il doit appliquer la ratio decidendi, la raison qui détermine la décision du juge, qui est au cœur du raisonnement du juge, qui a force du précédent. Tout ce qui est en plus n’est pas de la raison déterminante).

Les réserves d’interprétation bénéficient de la chose jugée, elles sont présentent dans le dispositif mais aussi dans les motifs, qui en sont le fondement nécessaire.