Les dépendances du domaine public

Les cas particuliers de qualification des dépendances du domaine public ou privé : la conception globale du domaine public

Il y a certains cas où le juge va faire l’économie des critères du domaine public et raisonner globalement pour apprécier si un bien appartient ou pas au domaine public : c’est ce qu’on appelle les accessoires du domaine public.

A) Le cas des accessoires d’une dépendance principale du domaine public

Dans certains cas, le juge va considérer qu’un bien appartient au domaine public, non pas parce qu’il en remplit les critères, mais parce que ce bien est un accessoire d’une dépendance du domaine public.

Le juge a toujours distingué deux catégories d’accessoires :

  • certains biens sont des accessoires parce qu’ils sont indissociables physiquement du domaine public ; c’est l’accessoire physique ;
  • d’autres sont des accessoires parce qu’ils sont indispensables au bon fonctionnement du domaine public ; c’est l’accessoire utile.

Certains sont parfois indissociables et indispensables :

  • c’est le cas par exemple d’un mur de soutènement d’une voie publique, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 novembre 1960 Commune du Bugue ;
  • c’est le cas également des colonnes d’affichage publicitaire installées sur la voie publique, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 avril 1956 Ville de Nice ;
  • c’est le cas aussi du rez-de-chaussée non-affecté d’un immeuble appartenant lui-même au domaine public, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 janvier 1985 Ville de Grasse.

Cette théorie de l’accessoire a été consacrée par le Code général de la propriété des personnes publiques à l’article L.2111-2 qui vise comme faisant partie du domaine public les accessoires indissociables du domaine public.

La théorie de l’accessoire est d’origine prétorienne et signifie que certains biens font partie du domaine public parce qu’on les considère comme étant des accessoires du domaine public, même si, de façon autonome, ils ne répondent pas aux critères du domaine public.

Exemples d’application récente :

  • à propos des radars automatiques installés sur les routes qui sont, d’après le juge, des équipement intégrés aux infrastructures routières et donc des accessoires du domaine public, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 31 octobre 2007 Ministre de l’Intérieur ;
  • à propos d’un talus nécessaire au soutien d’un bien public, qui est donc un accessoire du domaine public, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 mai 2010 Palud.

La théorie de l’accessoire conduit à une conception globale du domaine public car elle tend à inclure dans le domaine public des biens qui, individuellement, ne répondent pas aux critères du domaine public. Par conséquent, c’est une théorie qui tend à étendre le domaine public, or, la tendance jurisprudentielle et législative actuelle est davantage à une restriction du domaine public.

Il faut souligner qu’un type de biens pose problème : il s’agit des immeubles, tels que les locaux des immeubles affectés à un service public et les réserves naturelles, qui méritent de s’y attarder.

  • Dans l’arrêt Ville de Grasse du 25 janvier 1985, le rez-de-chaussée d’un immeuble avait été considéré comme faisant partie du domaine public car il faisait partie d’un immeuble qui en faisait lui-même partie. Mais aujourd’hui, cette solution n’est plus retenue car la personne publique exploitant les immeubles se voit limitée : elle ne peut aliéner ces biens qui font partie du domaine public par le biais de la théorie de l’accessoire.
  • On soumet de façon excessive certains étages de ces immeubles à une protection démesuréeau regard de leur non-affectation. Il faudrait appliquer une division des volumes. La première fois que le Conseil d’Etat a accepté de ne pas appliquer la théorie de l’accessoire à des immeubles en volumes, ce fut dans l’arrêt du 24 janvier 1990 Boulier où il avait considéré qu’un étage d’un immeuble affecté au service public de l’éducation, faisant donc lui-même partie du domaine public, occupé par des appartements de fonction, ne faisait pas partie du domaine public. C’était un arrêt isolé que le Conseil d’Etat a confirmé récemment. Dans l’arrêt du 11 décembre 2008 Perraud, concernant des locaux du Crédit municipal de Paris, affectés à un service public, mais plus précisément à propos d’appartements loués à des particuliers au sein même de ces locaux, le juge a refusé d’appliquer la théorie de l’accessoire et a dit que ces appartements ne faisaient pas partie du domaine public car ils ne répondaient pas individuellement aux critères du domaine public et n’en constituaient pas non plus un accessoire.
  • Dans le même sens, l’arrêt de section du 28 décembre 2009 Brasserie du théâtre : le théâtre fait bien partie du domaine public en raison de son affectation au service public culturel, mais le juge n’a pas appliqué la théorie de l’accessoire aux locaux de la brasserie car elle bénéficiait d’une entrée dissociée de celle du théâtre, car le contrat la liant à la commune ne lui imposait aucune sujétion, et car elle ne participait pas au service public. Cet arrêt, rendu en section et postérieurement au Code général de la propriété des personnes publiques, et le raisonnement très détaillé du juge, marque une volonté du Conseil d’Etat de manifester le fait qu’il entend désormais s’inscrire dans la tendance tracée par le code de réduction du domaine public.
  • Dans les réserves naturelles, faut-il considérer que toutes les parcelles appartiennent au domaine public ou doit-on différencier certaines parcelles ? Les parcelles occupées par le manadier ne font pas partie du domaine public selon un arrêt du Conseil d’Etat du 8 juin 2005 Syndicat pour la protection de la Camargue.

La théorie de l’accessoire est toujours utilisée pour les meubles, mais le juge est plus réservé pour les immeubles.

Conseils bibliographiques

  • note sur l’arrêt du 11 décembre 2008, Olivier Févrot, Logements d’habitation, consistance du domaine public et application restrictive de la théorie de l’accessoire, AJDA 2009, p.828

B) La domanialité publique par anticipation ou virtuelle

La jurisprudence a accepté pendant un temps cette idée de domanialité publique virtuelle, qui consiste à considérer qu’un bien qui fera l’objet d’une affectation future puisse être incorporé par anticipation au domaine public. Ce fut le cas dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 6 mai 1985 Eurolat c./ Crédit foncier de France, ainsi que dans l’avis du Conseil d’Etat du 31 janvier 1995. Lorsque le juge était saisi de cette question, le critère déterminant qu’il retenait pour accepter l’application de cette théorie était celui du caractère certain des aménagements futurs : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 novembre 2004 ASF.

Aujourd’hui, cette théorie n’a plus lieu d’être car le Code général de la propriété des personnes publiques a entendu y mettre un terme : le code ne vise nullement les biens qui recevront dans le futur une affectation au service public, mais les seuls biens qui ont une affectation réelle et actuelle.

Les rédacteurs du code ont voulu mettre un terme à la domanialité publique virtuelle de façon certaine, afin de cantonner, de restreindre le domaine public.